Œuvres complètes de Buffon, éd. Lanessan/Histoire naturelle des minéraux/Pierres ollaires

PIERRES OLLAIRES

Cette dénomination est ancienne, et paraît bien appliquée à ces pierres dont on peut faire des marmites et d’autres vases de cuisine ; elles ne donnent aucun goût aux comestibles que l’on y fait cuire ; elles ne sont mêlées d’aucun autre métal que de fer, qui, comme l’on sait, n’est pas nuisible à la santé ; elles étaient bien connues et employées aux mêmes usages dès le temps de Pline : on peut les reconnaître par sa description pour les mêmes, ou du moins pour semblables à celles que l’on tire aujourd’hui du pays des Grisons, et qui portent le nom de pierres de Côme[1], parce qu’on les travaille et qu’on en fait commerce dans cette petite ville de l’Italie. La cassure de cette pierre de Côme n’est pas vitreuse, mais écailleuse ; sa substance est semée de particules brillantes de mica ; elle n’a que peu de dureté et se coupe aisément ; on la travaille au ciseau et au tour, elle est douce au toucher, et sa surface polie est d’un gris mêlé de noir. Cette pierre se trouve en petits bancs sous des rochers vitreux beaucoup plus durs, en sorte qu’on en exploite les carrières sous terre en suivant ce lit de pierre tendre[2], comme l’on suivrait une veine de charbon de terre. On tranche à la scie les blocs que l’on en tire, et l’on en fait ensuite de la vaisselle de toutes formes ; elle ne casse point au feu, et les bons économes la préfèrent à la faïence et à la poterie : comme toutes les autres poteries ou terres, elle s’échauffe et se refroidit plus vite que le cuivre ou le fer, et, lorsqu’on lui fait subir l’action d’un feu violent, elle blanchit et se durcit au point de faire feu contre l’acier. Toutes les autres pierres ollaires ont à peu près les mêmes propriétés, et ne diffèrent de la pierre de Côme que par la variété de leurs couleurs ; il y en a dans lesquelles on distingue à la fois du blanc, du noir, du gris, du vert et du jaune ; d’autres dans lesquelles les paillettes de mica et les petites lames talqueuses sont plus nombreuses et plus brillantes ; mais toutes sont opaques, tendres et douces au toucher, toutes se durcissent à l’air, et encore plus au feu, toutes participent de la nature du talc et de l’argile, elles en réunissent les propriétés, et peuvent être regardées comme l’une des nuances par lesquelles la nature passe du dernier degré de la composition des micas au premier degré de la composition des argiles et des schistes.

La densité de la pierre de Côme et des autres pierres ollaires est considérablement plus grande que celle de la plupart des serpentines, et encore plus grande que celle du talc[3] ; ce qui me fait présumer qu’il est entré des parties métalliques, et particulièrement du fer dans leur composition, ainsi que dans la serpentine fibreuse, et dans le mica noir qui sont beaucoup plus pesants que les autres : on en a même acquis la preuve, car, après avoir pulvérisé des pierres ollaires, M. Pott et d’autres observateurs en ont tiré du fer par le moyen de l’aimant ; ce fer était donc dans son état magnétique lorsqu’il s’est mêlé avec la matière de ces pierres, et ce fait nous démontre encore que toutes ces pierres serpentines et ollaires ne sont que de seconde et même de troisième formation, et qu’elles n’ont été produites que par les détriments et les exfoliations des talcs et des micas, mêlés de particules de fer.

Ces pierres talqueuses se trouvent non seulement dans le pays des Grisons, mais dans plusieurs autres endroits de la Suisse[4], et il est à présumer qu’on en trouverait dans le voisinage de la plupart des grandes montagnes vitreuses de l’un et de l’autre continent[5] : on en a trouvé non seulement en Italie et en Suisse, mais en France, dans les montagnes de l’Auvergne[6] ; il y en a aussi dans quelques provinces de l’Allemagne[7], et les relateurs nous assurent qu’on en a rencontré en Norvège et en Groenland[8]. Ces pierres sont aussi très communes dans quelques îles de l’Archipel, où il paraît qu’on les emploie depuis longtemps à faire des vases et de la vaisselle[9].

On pourrait se persuader, en lisant les citations que je viens de rapporter en notes, qu’il est nécessaire d’employer de l’huile pour donner aux pierres ollaires de la dureté et plus de solidité, d’autant que Théophraste et Pline ont assuré ce fait comme une vérité ; mais M. Pott a démontré le premier que cet endurcissement des pierres ollaires se faisait également sans huile et par la seule action du feu. Cet habile chimiste a fait une longue et savante dissertation sur ces pierres ollaires et sur les stéatites en général[10] ; il dit avec raison qu’elles offrent un grand nombre de variétés[11] ; il indique les principaux endroits où on les trouve, et il observe que c’est pour l’ordinaire vers la surface de la terre qu’on rencontre cette matière, et qu’elle ne se trouve guère à une grande profondeur : en effet, elle n’est pas de première, mais de seconde, et peut-être de troisième formation ; car la composition des serpentines et des pierres ollaires exige d’abord l’atténuation du mica en lames ou en filets talqueux, et ensuite leur formation suppose le mélange et la réunion de ces parties talqueuses avec un ciment ferrugineux, qui a donné la consistance et les couleurs à ces pierres.

M. Pott, après avoir examiné les propriétés de ces pierres, en conclut qu’on doit les rapporter aux argiles, parce qu’elles se durcissent au feu, ce qui, selon lui, n’arrive qu’aux seules argiles ; il avoue que ces pierres ne se délaient pas dans l’eau comme l’argile, mais que néanmoins, en les pulvérisant et les lavant, « elles se laissent en quelque sorte travailler à la roue à potier et que, réduites en pâte avec de l’eau, cette pâte se durcit au feu. » Nous observerons néanmoins que ce n’est pas de l’argile[12], mais du mica, que ces pierres tirent leur origine et leurs principales propriétés, et que si elles contiennent de l’argile, ce n’est qu’en petite quantité, et toujours beaucoup moins qu’elles ne contiennent de mica ou de talc : seulement on peut passer par degrés des stéatites à l’ardoise, qui contient au contraire beaucoup plus d’argile que de mica, et qui a plusieurs propriétés communes avec elle. Il est vrai que les ardoises, et même les argiles molles qui sont mêlées de talc ou de mica sont, comme les stéatites, douces et savonneuses au toucher, qu’elles se durcissent au feu, et que leurs poudres ne reprennent jamais autant de consistance que ces matières en avaient auparavant ; mais cela prouve seulement le passage de la matière talqueuse à l’argile, comme nous l’avons démontré pour le quartz et le grès ; et il en est de même des autres verres primitifs et des matières qui en sont composées, car toutes les substances vitreuses peuvent se réduire avec le temps en terre argileuse.


Notes de Buffon
  1. Celle qu’on trouve chez les Grisons, dit M. Pott, est extrêmement connue : c’est celle que Pline, et après lui Scaliger et Gessner ont nommée pierre de Côme. Ce n’est pourtant pas de Côme, mais de Plurium (Pleurs), ville située auprès du lac de Côme, qu’elle vient, mais les vases qu’on en fait se portent ensuite à Côme, comme à la foire la plus célèbre qui soit dans le voisinage… « On fait avec la pierre de Côme, suivant Scaliger, des chaudières si minces qu’elles semblent presque du métal battu ; c’est en creusant la pierre au dehors qu’on lui donne la forme de chaudière, et ils le font avec tant de dextérité qu’ils détachent une enveloppe, puis une autre, puis une troisième, et ainsi de suite jusqu’à ce qu’il ne reste que les pots les plus petits qu’il soit possible, en suite de quoi ils portent tous ces vases aux foires l’un dans l’autre, et tellement contigus qu’ils ne semblent faire encore qu’une seule masse. » Burnet confirme la même chose dans son Voyage de Suisse, ajoutant : « qu’ils détachent ces vases les uns des autres par le moyen d’une meule à eau, à laquelle des couteaux sont attachés. » Il dit aussi « qu’on cuit les aliments beaucoup plus vite dans ces pots que dans des pots de métal, que le fond et le bas y demeurent beaucoup plus chauds, que les viandes y ont un goût plus savoureux, que le feu n’y fait point de fentes, et que s’ils viennent à se casser, on peut les recoudre avec un fil de fer. » Il y a auprès de Plurium (Pleurs), ville des Grisons, une montagne toute remplie de cette pierre, qu’on en tirait en si grande quantité que cela faisait, au rapport de Scheuchzer, un profit de soixante mille ducats par an : mais il y a toute apparence que c’est en continuant imprudemment à creuser cette montagne pendant tant de siècles, qu’on a attiré à la ville la catastrophe par laquelle elle fut ensevelie sous la montagne en 1618 ; car, suivant Gulerus, cette montagne, qui s’appelle Conto, avait été travaillée et creusée sans interruption depuis la naissance de Notre-Seigneur. Néanmoins Scheuchzer dit qu’on trouve encore aujourd’hui de semblables pierres, surtout aux environs de Chiavenne, et dans la vallée de Verzache, et qu’on en fait au tour divers vases, des pots, des écritoires, etc., qui sont d’une couleur cendrée ou verte, ayant d’abord beaucoup moins de consistance que quand ils ont durci pendant quelque temps à l’air. Mémoires de l’Académie de Berlin, année 1747, p. 59 et suiv.
  2. C’est à cette pierre qu’on doit rapporter le passage suivant : « Il ne faut pas oublier de vous parler ici de je ne sais quels pots de pierre, dont non seulement ils se servent en ce pays-là, mais qui sont communs dans toute la Lombardie, et qu’on appelle lavège. La pierre dont ils les font est une pierre huileuse, mais surtout si écailleuse, que si vous la touchez il s’attache de l’écaille à vos doigts, et c’est au fond une espèce d’ardoise dont ils ont trois mines ; l’une auprès de Chiavenne, l’autre est en la Valteline, et la troisième est chez les Grisons… Pour mettre cette pierre en œuvre et pour en faire des pots, ils commencent par la tirer de la mine en la levant en petits blocs d’environ un pied et demi de diamètre, et d’épaisseur un pied et quelque chose ; après quoi ils les portent à un moulin d’eau, où par le moyen d’une roue qui fait jouer quelques ciseaux, et cela avec une si grande facilité que celui qui mène l’ouvrage peut détourner sa roue de l’eau quand il lui plaît, d’abord la grosse croûte en est ôtée, puis elles sont polies, tant qu’enfin en appliquant sur diverses lignes de chacune d’elles le ciseau, on en enlève un certain nombre de pots, dont les uns sont grands et les autres petits, selon que la circonférence, en approchant du centre, va toujours en diminuant : c’est ainsi que se fait le corps du pot, qui en suite de cela est garni d’anses et des autres accompagnements qui lui sont nécessaires pour être en état de servir, après quoi il est porté dans la cuisine. Au reste, on remarque que ces pots de pierre bouillent plutôt que les pots de métal, comme aussi que les pots de métal transmettent leur chaleur à la liqueur qu’ils contiennent, qu’ils en conservent très peu pour eux-mêmes, jusque-là qu’on y peut arrêter la main sans se brûler, tandis que ces pots de pierre, qui sont deux fois aussi épais que les autres demeurent toujours extraordinairement chauds : on remarque aussi, de ces pots, qu’ils ne donnent aucun mauvais goût à la liqueur qui y bout, et, ce qui plaît fort aux ménagers, qu’ils ne se cassent jamais au feu ; il n’y a que la chute qui les brise, et encore y a-t-il du remède quand cela arrive ; car, si vous voulez prendre la peine de les raccommoder, leurs parties se rassemblent facilement, et par le moyen du fer d’archal se lient si bien les unes aux autres, qu’il n’y reste de trous que ceux que le fer d’archal a faits, mais qu’il a remplis en même temps. Il serait à souhaiter que ces pots se fissent aussi facilement qu’ils se refont, mais ce n’est pas cela… On a beaucoup de peine à tirer la pierre de la mine dont l’ouverture n’a pour l’ordinaire que trois pieds de hauteur : ceux qui y travaillent sont obligés de se couler sur le ventre près d’un demi-mille, et, après avoir coupé la pierre, de la rapporter en cette posture sur leurs hanches, une chandelle attachée au front ; il est vrai qu’ils ont des coussins sur les hanches, qui empêchent qu’ils ne soient offensés de la dureté de la pierre ; mais, quand il n’y aurait que la pesanteur de la pierre, ils doivent être extrêmement incommodés de leur travail ; car ces sortes de pierres pèsent ordinairement deux cents. » Voyages en France, etc., par Burnet ; Rotterdam, 1687, p. 183 et suiv.
  3. La pesanteur spécifique de la pierre de Côme est de 28 729 ; celle de la pierre ollaire feuilletée de Suède est de 28 531 ; celle du talc de Moscovie n’est que de 27 917 ; celle de la plupart des serpentines est entre 22 et 26 000.
  4. « Dans le pays des Grisons, les pierres talqueuses, dit M. Guettard, se rencontrent fréquemment vers les sources du bas Rhin ; il y en a dont le fond est blanc, et les paillettes dorées ou argentées ; à Jannico, le talc est blanc, à Philimer, il est de la même couleur, et la pierre a des veines d’un brun foncé ; à Soglio et sur le mont Bergelta, il est blanc, et d’un blanc tirant sur le vert ; enfin on en voit dans quelques autres endroits où il est vert et à demi transparent ; cette pierre, suivant M. Scheuchzer, est celle que Pline nomme pierre de Côme, ville où l’on apportait les vaisseaux fabriqués de cette pierre pour les envoyer dans toute l’Italie ; elle venait d’Uscion près de Chiavenne, et on y en tire encore aujourd’hui… Il y en a encore proche Pleurs, dans les endroits appelés Dafile et Casetto, dans le comté de cette ville, au pied de la montagne de Loro, au-dessus des bains de Masseno et dans la vallée de Malanga, tous endroits de la Valteline… Il y en a encore dans la vallée de Verzasca, dans la préfecture de Locarno dans le Valais, entre Visp et Stalden. Cette pierre n’est pas la même dans tous ces endroits ; celle qui se tire près de Chiavenne est grise ; dans le comté de Pleurs et à Visp, elle est d’un vert noirâtre avec des taches blanches, et on en fait usage pour les fourneaux, même pour ceux où l’on entretient un feu continuel ; elle est plus blanche et plus tendre dans la vallée de Verzasca. Les différences de couleur et de dureté dans cette pierre la rapprochent beaucoup de celle du Canada que j’ai dit être une pierre ollaire, et, si elle en diffère, ce n’est certainement qu’en très peu de chose… La montagne Royale et plusieurs autres endroits de la Suisse ont une pierre talqueuse cendrée qui se lève par tables ; celle que j’ai examinée, et qui était de la montagne Royale, était composée de paillettes de moyenne grandeur, d’un beau blanc argenté, et liées par une matière spatheuse ou quartzeuse ; l’autre pourrait bien être un schiste, puisqu’elle se lève par tables… Le canton de Zurich ne manque pas de pierres talqueuses dont le fond est rougeâtre, mêlé de parties de talc dorées ou argentées ; une de cette nature que j’ai vue, et qui se trouve, suivant M. Cappeller, dans plusieurs endroits de la Suisse, était par lits d’une ou deux lignes entrecoupés par des lits de talc plus minces et d’un rouge cuivreux. Les environs de Zurich en ont une qui est employée dans les bâtiments, et qui a du talc cendré ; proche Sukenen en Tennaker, ce talc est blanc On trouve des blocs de talc d’un jaune d’or à Bulach. » Mémoires de l’Académie des sciences, année 1752, p. 325 et suiv.
  5. M. Guettard croit qu’on trouverait dans le Canada un grand nombre de pierres qui pourraient être travaillées comme les pierres ollaires : il cite celle qui se trouve au cap Tourmente, à dix lieues de Québec, au nord du fleuve Saint-Laurent ; une autre au cap aux Oies proche la baie Saint-Paul, au nord du même fleuve ; d’autres dans les montagnes de la baie des Châteaux, côtes de Labrador, au nord de l’île de Terre-Neuve, et au sud-ouest des terres du Groenland, sur les bords de la mer. Idem, p. 202 et suiv. — « J’ai vu, dit M. Pott, une pierre ollaire assez dure qui vient de Pensylvanie… l’Allemagne en possède aussi. La contrée de Bareuth en Franconie en fournit assez abondamment pour qu’elle se répande de là presque par toute l’Allemagne : on l’appelle sur les lieux schmeerstein ou mealbatz ; mais coupée en petits bâtons oblongs, les marchands la nomment craie d’Espagne. Gaspard Bruschius est le premier qui en ait fait mention, il y a déjà près de deux cents ans. Thierscheim, dit cet auteur, est un bourg situé sur la rivière de Tittersbach, à un demi-mille d’Artzbourg, moitié chemin entre Égra et Wundsidel. Il se fait tous les ans dans cet endroit une quantité prodigieuse de petites boules à jouer pour les enfants, et même de boulets pour les canons de fonte. La matière en est une terre tenace et fraîche que les habitants nomment schmeerstein, et qu’ils creusent partout à l’entour de leur bourg… Ils la font durcir au feu, et en envoient de pleins chariots à Nuremberg, d’où le débit s’en fait par toute l’Allemagne… »

    Bruckmann, parlant de la même matière, dit qu’on en fait des boîtes à poudre, des cruches, des beurrières, des tasses pour le thé et le café, en la préparant au feu ; qu’il se trouve dans cette pierre des dendrites où la figure de l’arbre se conserve au feu. Mémoires de l’Académie de Berlin, année 1744, p. 57 et suiv.

  6. De toutes les pierres glaiseuses, la plus singulière est celle de Salvert, qui est une vraie stéatite ou pierre ollaire, qui peut s’employer comme celle de Côme, pour faire des vaisseaux propres à aller au feu : suivant M. Dutour, cette pierre est douce et comme grasse au toucher, assez pesante, de couleur de cendre et susceptible d’être sciée ; exposée au feu, elle blanchit et exhale une odeur semblable à celle qu’exhale de la pâte mise sur des charbons ; elle y durcit, s’imbibe dans l’eau ; détrempée avec l’eau, on la pétrit aisément ; elle est composée d’un peu de sable vitrifiable mêlé avec beaucoup de terre pétrissable ou d’argile. M. Dutour en a fait quelques vases au tour, et il s’aperçut que l’eau suintait à travers un de ces vases, parce qu’il y avait de petites fentes qui disparurent peu de temps après que l’eau fut versée, et que celle qui était engagée dans les fentes eut achevé de s’évaporer : mais ce vase plongé dans l’huile d’olive, et porté ensuite dans un four de boulanger pendant la cuisson du pain, les fentes disparurent pour toujours. Pline attribue à l’huile d’olive la propriété d’endurcir les vases de la pierre de Siphne. Les chaudières de pierre, que l’on fait à Côme en Italie, sont enduites, avant que d’en faire usage, d’une pâte faite avec de la farine, du vin et des œufs.

    La stéatite de Salvert est bonne pour détacher : cette pierre convient avec celle de Bareuth dont parle M. Pott. On ne connaissait point cette pierre en France, à ce que je crois, avant que M. Dutour l’eût découverte ; il dit que la pierre des calumets du Canada est du même genre ; il en a vu une qui est d’un beau rouge. La chaîne des pierres glaiseuses de l’Auvergne est intermédiaire au pays des pierres calcaires et à ceux des pierres vitrifiables. M. Guettard, Mémoires de l’Académie des sciences, année 1759.

  7. Mylius fait mention d’une semblable pierre ollaire que l’on trouve en Saxe, dans la forêt de Schmied-Feld auprès de Suld, qui d’abord est molle, mais qui, étant mise au feu, prend la dureté du verre.
  8. Il ne manque pas non plus, dit M. Pott, de stéatites en Norvège, comme on en peut juger par ce vase de pierre de talc de Norvège, épais, pesant, d’une couleur cendrée, avec une anse de fer, dont parle le Musæum Wormianum, ajoutant que c’est dans de semblables pots que les Norvégiens cuisent leurs viandes, parce qu’ils soutiennent fort bien la violence du feu, et que la pierre dont ils sont faits, étant originairement molle, se laisse creuser et reçoit toutes sortes de figures, jusque-là qu’ils bâtissent des fourneaux avec des lames compactes de cette pierre. J’avais aussi appris, par la mission de Groenland de M. Egède, qu’il s’y trouve une pierre de cette espèce d’une couleur mélangée : je l’appelle pierre molle, weichstein. Elle est abondante en Groenland, et les habitants en font des chaudrons et des lampes, quoique l’auteur même veuille faire passer ces vases pour être de marbre. Mémoires de l’Académie de Berlin, cités ci-dessus. — Dans le Groenland, on trouve en plusieurs endroits, et surtout à Balsriver, une pierre tendre dont on fait de la vaisselle ; elle est rayée de plusieurs veines, et on l’appelle communément weichstein ; elle se trouve en veines étroites et profondes entre les rochers, et la meilleure est celle qui est d’un beau vert de mer, rayée de rouge, de jaune et d’autres couleurs ; mais ces raies ont rarement quelque transparence ; cette pierre, quoique fort tendre, est compacte et très pesante. Comme on ne la trouve point en couches, et qu’elle ne peut s’enlever ni par écailles ni par feuilles, il est difficile de la tailler en quartiers sans qu’elle se réduise en grumeaux ; elle est douce et grasse au toucher, comme le suif ou le savon ; étant frottée d’huile, elle a le luisant et le poli du marbre, elle ne devient point poreuse à l’air, et prend de la consistance au feu : les Groenlandais en ont même des ustensiles et des lampes ; on en envoie de la vaisselle en Danemark, et la cuisine que l’on y fait est saine et de bon goût. M. Crantz lui donne la préférence sur celle du lac de Côme. Histoire générale des voyages, t. XIX, p. 28.
  9. On trouve dans l’île de Sifanto, appelée anciennement Siphnos, une espèce de pierre qu’on peut tourner et creuser facilement, de sorte qu’on en fait des pots et de la vaisselle pour cuire les aliments et les servir sur table. Ce qu’elle a de plus singulier, c’est qu’elle devient dure et noire en la frottant avec l’huile chaude, bien qu’elle soit naturellement fort tendre et fort molle. Description de l’Archipel, par Dapper ; Amsterdam, 1703, p. 357.
  10. Voyez les Mémoires de l’Académie de Berlin, année 1747, depuis la page 57 jusqu’à la page 78.
  11. « Les espèces diffèrent en couleurs, dit M. Pott : il y en a de jaunes, de cendrées, de blanchâtres, avec quelques veines mélangées par-ci par-là ; l’espèce blanchâtre est la seule qu’on appelle craie d’Espagne… » Le célèbre Cramer, en recommandant un fourneau d’une espèce singulière, dit : « Sa matière est une pierre légère et mole qu’on nomme pierre ollaire, mais qui est pourtant plus légère et d’une autre nature que la pierre ollaire de Pline ou celles d’Appenzel et de Chiavenne de Suisse, que Scheuchzer a fait connaître dans sa description. On en creuse en abondance en Hesse, ou plutôt dans le comté de Nassau, aussi bien qu’en Thuringe, pas loin d’Ilmenan, où l’on s’en sert principalement pour bâtir les maisons, parce qu’elle peut être fendue et sciée. »

    Il s’en trouve aussi, quoique plus rarement, dans les mines de Saxe : on l’y appelle speckstein ; elle est un peu plus dure que la craie d’Espagne ordinaire, néanmoins du même genre, de couleur blanche, rouge ou verdâtre, et quelquefois parsemée de taches pourprées et blanches. J’en ai reçu, du duché de Magdebourg, une espèce de couleur brune, mais elle s’est fondue à la seule ardeur du feu, à cause de la grande quantité de fer qui s’y trouve mêlée.

    Il y en a une espèce jaune et rayée comme le marbre, qu’on creuse auprès de la ville de Neiss en Silésie, quoique assez rarement… J’ai compris par les lettres d’un ami qu’on en rencontrait encore en Silésie, comme autour de Hisscheberg, de Liegnitz, de Goldberg et de Strige, aussi bien que dans les montagnes de Styrie et du Tyrol. Mémoires de l’Académie de Berlin, année 1747.

  12. Mémoires de l’Académie de Berlin, année 1747