Élégies/Élégie neuvième

Le Deuil des primevères : 1898-1900Mercure de France (p. 53-54).

ÉLÉGIE NEUVIÈME


Sur le sable des allées,
elles s’en sont allées, désolées.

Elles avaient de grands chapeaux tremblants
et des robes aux blancs rubans, sur les bancs.

Elles avaient des âmes de rossignol
qui chante des choses qui volent, folles…


Elles ont fait un geste dans la brise,
un geste que je n’ai pas compris, triste.

Qui étais-je donc ? Elles m’ont trouvé
à l’entrée de la forêt fraîche.

Elles m’ont dit : Vous êtes le poète
auquel rêvent nos cœurs en fleurs qui pleurent.

La Muse était auprès de moi
et tenait des colombes de tombe.

Et ses ailes démesurées
battaient dans les emparées azurés.

Des grappes de lilas, lentement, tombèrent
du ciel avec mystère sur la terre.


Novembre 1898.