Théâtre, Texte établi par Maurice DreyfousG. Charpentier (p. 351-358).

YANKO LE BANDIT

BALLET-PANTOMIME EN DEUX ACTES
MUSIQUE DE DELDEVEZ


Représenté pour la première fois au théâtre de la Porte-Saint-Martin le 22 avril 1858[1].




PERSONNAGES :

YANKO. MM. Honoré.
CHEF DE PANDOURS. Brichard.
LE SERACHANER. Marchand.
L’HOTELIER. Fredinand.
UN MUSICIEN. Quinche.
Idem. Besombe.
UN VIEILLARD. Lécole.
VASSILIA. Mmes Guichard.
YAMINI. Battaglini.
L’HOTELIÈRE. Louise.
LA SERVANTE. Coustou.

DANSEUSES

Mmes Guichard, Battaglini, Térèsa, Dabbas, Astorg et Degaud.

ACTE PREMIER

LE CABARET SUR LA BRUYÈRE.
Le théâtre représente une salle blanchie à la chaux ; grand poêle ; porte au fond ; dans les angles, tonneaux recouverts de vieux bouts de tapisserie. Deux ou trois tables grossières avec des bancs contre le mur.

SCÈNE PREMIÈRE

Yanko et sa bande se sont réfugiés au cabaret, sur la bruyère. L’hôtelier, mécontent de la présence de ces pratiques dangereuses, voudrait les livrer aux pandours, mais sa femme les favorise. Natcka, la servante, propose de les cacher dans la cave, dont elle soulève la trappe ; les bandits et leur chef y descendent.

SCÈNE II

Les pandours qui cherchent Yanko frappent à la porte du cabaret ; on leur ouvre après quelque hésitation. Le chef des pandours fait coller sur la muraille une pancarte contenant le signalement d’Yanko, et promettant 2,000 florins de récompense à qui le livrera. L’hôtelier aurait bonne envie de gagner la somme : sa femme et Natcka l’en empêchent.

SCÈNE III

L’escouade se retire. Les bandits sortent de la cave, et, malgré les représentations de l’hôtesse, qui leur reproche leur imprudence, ils se font servir à boire. Un bruit de tambours de basque se fait entendre au dehors.

SCÈNE IV

Une troupe de jeunes tsiganes (bohémiennes) pénètre en dansant dans le cabaret, suivie des musiciens, leur orchestre ordinaire ; des paysans et des paysannes serbes, valaques, moldaves entrent avec elles, attirés par la musique, et se rangent le long des murs.

DIVERTISSEMENT.

Les bandits dansent avec les bohémiennes. La pujala (pas national) est exécutée par Yanko et Natcka.

SCÈNE V

Yamini, la reine des tsiganes, et Vassilia arrivent ensemble quelques instants après leurs compagnes. Toutes deux ont des prétentions sur le cœur d’Yanko, dont la hardiesse, la galanterie et la générosité servent de thème aux ballades populaires, et elles font assaut de séduction pour le décider en faveur de l’une d’elles. Entre ces deux belles filles Yanko hésite ; tantôt il regarde Yamini, tantôt Vassilia ; son choix tombe enfin sur la dernière, au grand courroux de la reine des tsiganes. Yamini, outragée dans sa beauté et dans son amour, résout de se venger. Heureusement Vassilia a compris les projets de sa rivale, et, ne pouvant parler devant elle, feint de vouloir tirer les cartes à Yanko ; elle l’avertit ainsi, d’après les figures du jeu étalé en cercle, qu’une femme brune le trahit et qu’une femme blonde veut le sauver. Yamini se sert de son autorité pour écarter Vassilia. Yanko, mis en défiance, a repris ses armes et donné ordre à ses bandits de se tenir sur leur garde ; il leur commande même d’arrêter la reine des tsiganes. Ils vont la saisir, mais la terreur superstitieuse que leur inspirent les gestes cabalistiques d’Yamini leur fait lâcher prise, et la reine marche vers la porte d’un pas majestueux.

SCÈNE VI

Sur le seuil, Yamini rencontre un homme enveloppé d’un long manteau, à qui elle dit à l’oreille une phrase mystérieuse. L’homme entre silencieusement, et il est bientôt suivi de quelques autres également drapés de manteaux.

SCÈNE VII

Les bandits, dans leur joyeuse insouciance, se mettent à valser avec les tsiganes ; les nouveaux venus laissent tomber leurs manteaux et montrent leurs uniformes de pandours ; Yanko dégaîne ainsi que ses bandits, et une lutte s’engage. Les paysans, les paysannes, les bohémiennes cherchent à paralyser les mouvements des pandours ; elles les retiennent et les enlacent de leurs écharpes. Yanko, protégé par Vassilia, parvient à s’échapper à travers le cliquetis des sabres et la fumée des coups de pistolet.

ACTE SECOND

LA PUSTA.
Le théâtre représente la Pusta. On nomme ainsi des plaines coupées de marais et de flaques d’eau qui s’étendent à perte de vue dans les contrées que traversent la Theiss et le bas Danube. Quelques cimes de vieux saules, quelques perches de puits, semblables à des antennes de navire, rompent seules l’uniformité horizontale du paysage. C’est là qu’errent les troupeaux et que campent les tsiganes.


SCÈNE PREMIÈRE

Les tsiganes, près de leurs chariots dételés, se livrent à diverses occupations. Les hommes forgent des clous et des fers de chevaux, les femmes font la cuisine, les enfants apprennent à faire des tours de souplesse, les jeunes filles travaillent leurs pas de danse ou vaquent à leur toilette. Vassilia arrive avec Yanko, dont la présence excite la curiosité des tsiganes, qui, sur la recommandation de leur compagne, lui donnent asile dans le camp, et, comme son costume le décèlerait, ou l’affuble des habits d’un musicien.

SCÈNE II

Le chef des pandours et ses hommes cherchent Yanko et fouillent le camp ; leurs recherches sont vaines, car celui qu’ils cherchent est devant eux, déguisé. L’officier pandour, fatigué de sa course inutile, s’assoit près d’une table et ordonne à Vassilia de lui servir à boire ; la jeune fille lui obéit. Charmé de sa bonne grâce, il la prie de danser, et, comme elle s’excuse sur ce qu’elle n’a pas de musique, il lui désigne Yanko, qui tient à la main le violon du musicien dont il a pris les vêtements. Le bandit est obligé de jouer et Vassilia, en exécutant son pas, verse à boire au pandour, dont elle veut endormir la vigilance.

SCÈNE III

Yamini, prévoyant que sa rivale a caché Yanko chez les tsiganes, arrive et promène partout ses regards soupçonneux. Plus clairvoyante que le chef des pandours, elle reconnaît le bandit sous le vieux chapeau et la cape du musicien bohême. Malgré les supplications de Vassilia, elle réveille le pandour endormi la tête sur la table, et lui désigne Yanko, qui se sauve, mais est bientôt repris ainsi que les hommes de sa troupe, auxquels il avait donné rendez-vous dans le camp bohémien. Vassilia, désespérée, objecte en vain les devoirs de l’hospitalité et le droit d’asile, Yamini répond qu’elle est reine et qu’on doit lui obéir. Les bandits et leur chef sont amenés, les poings liés de cordes. L’officier de pandours triomphe.

SCÈNE IV

Un coup de tam-tam se fait entendre. C’est le dernier jour du pouvoir d’Yamini. — Son année de royauté expire au coucher du soleil. — L’ancien de la tribu, précédant la bannière de l’élection, reprend à la reine des tsiganes la bandelette d’or, insigne du commandement. Le concours est ouvert. Celle qui dansera le mieux sera nommée reine d’Égypte et de Bohême pour un an, selon la coutume ancienne. Yamini se promet de reconquérir la puissance. Vassilia espère l’emporter sur elle et se servir de son autorité pour protéger Yanko.

DIVERTISSEMENT.

Yamini danse, les yeux bandés, la célèbre danse des œufs. Mais les applaudissements qu’elle recueille ne découragent pas sa rivale, qui exécute la danse des épées. Pour s’armer elle-même et ses compagnes, elle demande leurs poignards et leurs sabres aux pandours, qui les prêtent sans défiance, car les bandits sont là dans un coin, attachés par des cordes solides. Le pas achevé, Vassilia et les jeunes filles qui ont dansé avec elle coupent les liens des bandits et leur remettent les armes. Les bandits fondent sur les pandours surpris et les terrassent.

SCÈNE V

Une fanfare annonce l’arrivée du serrachaner (officier supérieur), qui fait sa ronde. Le serrachaner reste stupéfait à la vue des pandours faits prisonniers par les bandits, et, tirant son sabre, il se précipite sur Yanko. D’un geste de main Yanko l’arrête et lui offre de se rendre, à la condition qu’il aura son commandement : il renonce à la vie de bandit et fera désormais de son courage un meilleur emploi. Il n’a été jusqu’ici qu’un brigand, il veut devenir un héros. Le serrachaner accepte et lui rend son épée. Vassilia, proclamée reine des Bohémiens, se démet de son pouvoir en faveur d’Yamini, à laquelle Yanko pardonne une trahison qui a si bien tourné. Vassilia suivra la nouvelle fortune de son amant, de son époux, et rentrera, comme lui, dans la vie régulière.

DIVERTISSEMENT ET BALLET FINAL.


FIN DE YANKO LE BANDIT.
  1. Ce ballet fut représenté pour la soirée de réouverture du théâtre de la Porte Saint-Martin, et la pièce imprimée fut distribuée dans la salle le soir de la première représentation.