Édouard d'Hooghe, À Marceline Desbordes-Valmore dans Le Monument de Marceline Desbordes-Valmore

1896



À Marceline Desbordes-Valmore


Le corps abandonné, la tête renversée,
Tu te dresses pensive et tordant tes bras nus,
Dans la grave langueur de cette paix brisée
Qui suit les longs assauts vaillamment soutenus ;

Poursuit-il donc ton cœur qu’il caresse et qu’il lasse
Ce premier nom, jamais oublié, jamais dit,
Ce souvenir exquis, pénétrant et tenace
Comme le long parfum des fleurs de Saadi ?

Obsède-t-il toujours ton âme qu’il épie,
Le sévère mari que tu voulus chérir,
Qui but la coupe d’or en y cherchant la lie,
Et tortura ton cœur en l’espérant guérir ?

Crois-tu veiller encor ta « jalouse adorée »
Et t’acharner en vain dans ton sublime effort
Pour contraindre au bonheur la chère âme murée
Et l’emplir d’un amour plus puissant que la mort ?

Oublie ; autour de toi nous avons mis des roses,
Encensoirs de velours que balancent les vents ;
Oublie et rêve aux fleurs depuis cent ans écloses,
Aux fleurs de ton petit amoureux de neuf ans.

Sur quel roc âpre et vif, premières églantines,
Frais et charmant amour des rêves puérils,
Sur quels chemins fangeux, sur quels buissons d’épines
Les vents des mauvais jours vous balayèrent-ils ?

Ils ont pu lacérer vos fragiles pétales,
Mais les chemins d’exil en sont restés fleuris,
Et vous avez