[Auteurs multiples], Les Aveugles et l’Éléphant du roi dans Les Avadânas, contes et apologues indiens

Date indéfinissable

Traduction Stanislas Julien 1859


VIII

LES AVEUGLES ET L’ÉLÉPHANT DU ROI.

(De ceux qui ont des vues étroites.)


Dans le pays de Djamboùli, il y avait un roi nommé Adarçamoukha. Un jour, il dit à un de ses serviteurs : « Parcourez les diverses parties de mes États, ramassez tous les aveugles et amenez-les dans mon palais. »

Après avoir reçu cet ordre royal, le serviteur se mit en route, et ayant amené tous les aveugles qu’il avait rencontrés, il les conduisit dans le palais et alla en informer le roi.

Le roi ordonna à son premier ministre d’emmener ces hommes et de leur montrer ses éléphants. Le ministre les conduisit dans l’écurie, leur montra, un à un, tous les éléphants, et leur ordonna de les toucher. L’un toucha une jambe, un autre l’extrémité de la queue, d’autres le ventre, les flancs, le dos, l’oreille, la tête, les défenses, le nez (la trompe). Après leur avoir tout montré, il les ramena auprès du roi. Le roi leur demanda : « Avez-vous vu ou non les éléphants ?

— Nous les avons vus complètement, répondirent-ils.

— A quoi ressemblaient-ils ? » demanda le roi.

Celui qui avait touché les jambes, dit : « L’éléphant de notre illustre roi est comme une colonne ; — Comme un balai, dit celui qui avait touché le bout de la queue ; — Comme une branche d’arbre, dit celui qui avait touché le haut de la queue ; — Comme une masse de terre, dit celui qui avait touché le ventre ; — Comme un mur, dit celui qui avait touché les flancs ; — Comme le bord d’une montagne, dit celui qui avait touché le dos ; — Comme un large van, dit celui qui avait touché l’oreille ; — Comme un mortier, dit celui qui avait touché la tête ; — Comme une corne, dit celui qui avait touché une défense ; — Comme une grosse corde, » dit celui qui avait touché la trompe.