S, Le Bouillant Achille dans Magasin d’Éducation et de Récréation, Tome XIV

1901


I

Rien n’inquiète M. Achille, rien ne l’effraye. Il se vante de n’avoir jamais tremblé et se précipite sans réflexion, aussi l’a-t-on surnommé le bouillant Achille. Il ferait mieux de considérer les conséquences de ses actions, témoin ce jour où il jette par la fenêtre toute l’eau de sa cuvette sur un passant, et dans sa précipitation pose le pied au beau milieu de son pot à eau.

II

Si le bouillant Achille était un peu plus réfléchi, il ne sortirait pas comme un petit fou en renversant tout sur son passage.

Quelle bousculade ! quelles culbutes et quels cris ! Une écorchure au menton et un « bleu » au coude ne troublent point notre brave. Il en a vu bien d’autres et n’a jamais pleuré pour si peu.

Sur pied en un clin d’œil, le bouillant Achille ne songe qu’à relever et consoler ses victimes. Il s’empresse ; il se multiplie. — Ce n’est pas exprès. Tenez, voici des bonbons, des gros sous, ne pleurez pas. Les petits, qui ont trois bosses à eux deux, trouvent une mince consolation dans la pensée que le bouillant Achille ne l’a pas fait exprès.

III

Avant de monter sur un cerisier « si haut qu’on peut monter », comme dans la chanson de Malbrough, et d’entraîner ses acolytes à sa suite, peut-être conviendrait-il de s’assurer de la solidité du susdit cerisier. Crac ! la branche casse. Sur la tête de Pierre, qui perd l’équilibre, sur le dos de Paul ahuri, le bouillant Achille dégringole et les voilà tous qui descendent « si bas qu’on peut descendre ».

— Oh ! là ! là ! crie Paul.

— Oh ! là ! là ! crie Pierre.

— Mon pied ! — Mon dos !… Le bouillant Achille ne souffle mot, mais trois mouchoirs réunis suffisent à peine à étancher le sang qui coule de son nez meurtri. Les échelles, ça sert pourtant à quelque chose. Et ce n’est pas pour rien que les papas défendent de s’aventurer sur des branches trop frêles.

IV

Sautant, dansant, bouleversant tout sur son passage, le bouillant Achille commet de nombreux ravages au jardin. Un jardin n’est pas une grande route. Acharné à la poursuite d’un papillon malin, M. Achille ne respecte rien, ni fleurs, ni bordures. Il glisse et voici encore un accident. Qu’un peu plus de retenue siérait mieux !

Toujours poursuivant son papillon, le bouillant Achille s’engouffre dans la serre. Le papillon se sauve par un châssis ouvert, mais notre étourneau est pris comme dans un filet. Quel gâchis ! quels dégâts ! Le jardinier se venge en tirant d’abord les oreilles du coupable. Et c’est encore la bourse de M. Achille qui paye les pots cassés.