Horace, Odes (Livre 1)
1er siècle av. J.-C.

Traduction Jacques Mondot 1579



LE PREMIER LIVRE
des Odes de Q.Horace
FI. traduit du Latin, en
vers François.

À SON MECENE.

Que chacun suit sa fantasie, &
qu’il prend plaisir aux vers
Lyriques.

ode I.

Mon Mécène, du sacré Tige
Issu des Rois, qui pour vestige,
De leur nom, t’ont fait glorieux,
Rejeton de la vive plante
Des Étrusques, cil que je chante,
Et d’où s’écoule tout mon mieux.

C’est à plusieurs la vraie source
De leur bonheur avoir la course,
Parmi l’Olympe sablonneux :
Et après d’une aile légère
(Ayant animé la poussière)
S’aller loger au rang des Dieux.

Si la fameuse troupe ordonne
Des Quirins la triple couronne,
(Ombrageant le front de laurier)
De celui, qui fendant la terre,
Une riche moisson enserre
Au plus profond de son grenier.

Et si le fer de sa charrue,
Contre Cérès souvent se rue,
Désireux du gain de son fruit :
Il n’est besoin changer de voie,
Pour la conquête d’autre proie,
Ains suivre celle qui le suit.

Il n’est besoin que la richesse
De ce Roi de Pergame, oppresse
Son cœur, ni son affection :
Ni qu’il s’enferme au creux de l’onde,
De Mirthoé la mer profonde,
Pâle de crainte, et passion.

Le Marchand, redoutant l’orage,
Qui haleine sur le rivage,
Et qui fait rouler à grands bonds
Les flots, et les ondes d’Égée :
Soupire sa terre étrangée,
Et l’éloignement de son fonds.

Et bien que l’horreur de l’orage,
Lui apprête ja son naufrage :
Voyant tout autour bouillonner,
Courageux, et hardi, fait tête
Aux vents, à la fière tempête,
Et ne cesse de sillonner.

Les uns dés leur jeunesse prisent
Le vin, et les jeux qu’ils élisent,
Pour donner trêve à leurs désirs :
Maintenant sous un vert ombrage,
Tantôt sur le bord d’un rivage
Ils s’en vont cueillir leurs plaisirs.

Plusieurs se plaisent des armées
Suivre les troupes animées,
À leurs mères pleines d’horreur
Au son du Clairon qui enflamme
De désir, et d’envie l’Âme,
Et de hardiesse leur cœur.

Le chasseur sous le Ciel qui glace,
Oubliant la beauté, la grâce,
De sa douce moitié : toujours
Attend que la bête sauvage
Se vienne rendre en son cordage,
Entrelacé de mille tours.

Le beau lierre que je porte
Sur le front, luit en telle sorte,
Qu’il me rend tout semblable aux dieux :
Les Nymphes des eaux, le bocage,
La troupe des Faunes sauvage
Me retire des communs lieux.

Si la flûte, que l’on admire
D’Euterpe, ou la plaisante Lyre
De Polymnie, épand son miel,
Mécène, si par toi j’ai place
Entre les Lyriques : leur trace
Je poursuivrai jusques au Ciel.