George Sand, Aldo le rimeur dans Revue des Deux Mondes, tome 3 1833


ALDO

LE RIMEUR




« Il n’y a personne qui ne fasse son petit Faust, son petit Don Juan, son petit Manfred, ou son petit Hamlet, le soir auprès de son feu, les pieds dans de très bonnes pantoufles. »
(Esprit des journaux.)



ACTE PREMIER



Scène première


Dans le galetas du rimeur ; un escalier au fond conduit à une soupente ; au milieu, une mauvaise table, un escabeau, quelques livres. Il fait nuit.
Aldo, Tickle.

(Aldo est assis le tête dans ses mains, les coudes sur la table. On frappe à la porte.)

Aldo

Qui frappe ?

Tickle, en dehors.

Votre très humble serviteur.

Aldo

Lequel ?

Tickle

Votre ami.

Aldo

Que le diable vous emporte ! vous êtes un escroc.

Tickle

Non, je suis votre ami et votre serviteur.

Aldo

Il est évident que vous venez me dépouiller ; mais je ne crains rien de ce côté-là. Entrez.

Tickle

Souffrez que je vous embrasse.

Aldo

Permettez-moi de vous mettre sur la table.

Tickle, sur la table.

Et comment vous portez-vous, mon excellent seigneur, depuis que nous ne nous sommes vus ?

Aldo

Mais… tantôt bien, tantôt mal. Il s’est passé beaucoup de choses depuis que je n’ai eu l’honneur de vous voir.

Tickle

En vérité, mon cher monsieur ?

Aldo

Sur mon honneur ! ce serait trop long à vous raconter. Il y a vingt ans environ, car notre connaissance date de l’autre monde.

Tickle

Vraiment ?

Aldo

Sans doute, puisque je n’ai encore jamais eu l’honneur de vous rencontrer dans celui-ci.

Tickle

Comment ! vous ne me connaissez pas ? Vous ne m’avez jamais vu ?

Aldo

Non, sur mon honneur, mon cher ami.

Tickle

Eh ! mais, d’où sortez-vous ? où vivez-vous ?

Aldo

Je vis dans une taupinière ; mais vous, il est certain que, si j’en juge par votre taille, vous sortez d’un trou de souris.