Charles Cros, Solution générale du problème de la photographie des couleurs 1869


I


J’ai trouvé une méthode générale pour arriver à enregistrer, fixer et reproduire tous les phénomènes visibles, intégralement, c’est-à-dire dans leurs deux ordres de caractères primordiaux, les figures et les couleurs. Je vais exposer cette méthode et les règles pratiques qui en dérivent.

Qu’on ne s’étonne pas, si, auparavant, je n’apporte pas de résultats réalisés, et si je ne cherche pas par moi-même, à exploiter mon idée. Je n’ai eu, ni antérieurement, ni actuellement, aucun moyen de réalisation. Chercher ces moyens me serait une grande dépense de temps et de mouvement, dépense qui serait suivie du travail de mise en pratique. Ceci n’est pas dit pour que quelqu’un vienne à mon aide. Je n’en ai pas un vif désir ; attendu qu’ayant été longtemps obligé de me passer de ces moyens, je me suis habitué à poursuivre plutôt les problèmes généraux de la science que les réalisations particulières.

Les solutions que j’ai trouvées au problème spécial de la photographie des couleurs sont publiées à la suite, et je ne m’en suis pas réservé la propriété commerciale. C’est la conséquence de l’insouci que j’ai de réaliser par moi-même : l’idée entre dans le domaine public, et les savants spéciaux, les expérimentateurs habiles ne seront gênés en rien dans leurs recherches. Ils pourront, en outre, — et il est nécessaire qu’il en soit ainsi, — se rendre possesseurs exclusifs des procédés particuliers indispensables à l’obtention du résultat final.

Quant au profit que j’en retirerai, il est aussi très-réel, quoique moins simple à définir. En supposant que, dans un temps donné, des résultats — que je ne crois pas pouvoir être obtenus en dehors de mes principes — soient publiés, il me sera facile de faire reconnaître que j’y suis pour quelque chose. Alors au plaisir de voir mon idée prendre forme et vie sans que j’aie eu à faire de travail pénible, s’ajoutera toute possibilité de récompenses diverses, d’appréciation extérieure favorable de ma valeur relative, et autres avantages semblables. Je passe maintenant à mon sujet.


II


§ 1er. Les moyens que je propose sont fondés sur les procédés déjà connus en photographie et sur des propriétés physiques également connues des rayons lumineux. Et c’est précisément parce que chacun des éléments de l’idée est expérimentalement donné et que l’arrangement seul en est nouveau, qu’il ne m’a pas été nécessaire de m’assurer de la possibilité du résultat par l’expérience.

Pour aborder le problème, je pars d’un principe dont je donnerai ailleurs la démonstration, et qui est le suivant : Les couleurs sont des essences qui, de même que les figures, ont trois dimensions, — et par conséquent exigent trois variables indépendantes dans leurs formules représentatives.