S..., Droit maritime. De la neutralité dans Revue des Deux Mondes, Période initiale, tome 1, 1829


DROIT MARITIME.




DE LA


NEUTRALITÉ.




L’Europe, dans son ensemble, forme comme une sorte de république fédérative dont les divers états, s’administrant d’une manière différente, tendent cependant vers un résultat commun, le maintien de l’ordre et de l’indépendance. Pour obtenir ce résultat, on a établi ce qu’on appelle la balance politique, autrement dit, une disposition de choses par laquelle toute puissance est, autant que possible, hors d’état de dominer et d’imposer la loi aux autres.

Cette balance est tellement utile, qu’à une époque désastreuse pour nous, la voix d’un souverain célèbre proclama que la France devait être forte. Ce vœu fut attribué à la générosité, il était l’expression d’un intérêt bien compris.

Cependant l’équilibre ne saurait empêcher que deux masses ayant des intérêts en opposition ne viennent à se choquer. Dans ce cas, les autres puissances peuvent choisir entre deux partis : épouser la querelle de l’un des belligérans ou rester neutres. Si la paix est un état positif qui place les nations parmi lesquelles elle règne, dans un système de bienveillance réciproque, la neutralité est, au contraire, un état négatif qui exige une complète indifférence, une sévère impassibilité. Mais la guerre ne nuit pas seulement aux nations qui combattent, et les neutres ne sont point à l’abri de certaines entraves. Comme le but principal d’un peuple en état de guerre est d’affaiblir le plus possible l’ennemi contre lequel il lutte, son intérêt doit nécessairement le porter à priver cet ennemi des moyens qu’il pourrait tirer du dehors ; et de là résulte la faculté de bloquer les ports, faculté qui, au premier aperçu, paraîtrait contraire aux droits de la neutralité ; car n’ayant rompu avec personne, elle semblerait devoir être libre de trafiquer également avec tous. Beaucoup d’auteurs ont écrit sur cette partie du droit des gens, et l’ont envisagée sous toutes ses faces ; quelques-uns ont divisé la neutralité en générale et en particulière, puis la neutralité particulière a été subdivisée en neutralité pleine et entière, et en neutralité limitée ; mais ces définitions ne nous paraissent pas de nature à être traitées longuement ici : nous ferons seulement remarquer qu’une nation en guerre, quelque grande que soit sa puissance, ne saurait forcer une autre nation à convenir d’une neutralité particulière, ni la contraindre à une neutralité limitée. Des transactions de cette espèce rentreraient dans la catégorie des traités d’alliance et de subside. D’autres esprits, se déclarant les défenseurs des neutres, ont divisé la neutralité en active et en passive, et voici sur quoi ils s’appuient : ou une nation fournit aux autres des marchandises qui leur manquent et reçoit en échange celles qui lui sont nécessaires, ou bien elle permet qu’on introduise chez elle ce dont elle fait usage pour y prendre des denrées qu’elle produit, et qui sont recherchées ailleurs. Dans le premier cas, selon eux, elle ferait un commerce actif ; dans le second, ce commerce ne serait que