Jules Laforgue, Complainte du pauvre Chevalier-Errant dans Les Complaintes (1922)



COMPLAINTE
DU PAUVRE CHEVALIER-ERRANT


Jupes des quinze ans, aurores de femmes,
Qui veut, enfin, des palais de mon âme ?
Perrons d’œillets blancs, escaliers de flamme,
Labyrinthes alanguis,
Édens qui
Sonneront sous vos pas reconnus, des airs reconquis.

Instincts-levants souriant par les fentes,
Méditations un doigt à la tempe,
Souvenirs clignotant comme des lampes,
Et, battant les corridors,
Vains essors,
Les Dilettantismes chargés de colliers de remords.

Oui, sans bruit, vous écarterez mes branches,
Et verrez comme, à votre mine franche,
Viendront à vous mes biches les plus blanches,
Mes ibis sacrés, mes chats,
Et, rachats !
Ma Vipère de Lettre aux bien effaçables crachats.

Puis, frêle mise au monde ! ô Toute Fine,
Ô ma Tout-universelle orpheline,
Au fond de chapelles de mousseline
Pâle, ou jonquille à poids noirs,
Dans les soirs,
Feu d’artificeront envers vous mes sens encensoirs !