François Cointeraux, École d’Architecture rurale, premier cahier, dans lequel on apprendra soi-même à bâtir solidement les Maisons de plusieurs étages avec la terre seule 1793

ÉCOLE
D’ARCHITECTURE RURALE,
PREMIER CAHIER,

Dans lequel on apprendra soi-même à bâtir solidement les Maisons de plusieurs étages avec la terre seule ;

Ouvrage dédié aux Français en 1790, revu et corrigé par l’Auteur, l’an 2me de la République Française, une et indivisible, dans le mois de Floréal.

SECONDE ÉDITION.


À PARIS,
Chez le Citoyen Cointeraux, Professeur d’Architecture rurale, rue du faubourg Honoré, no. 108, en face de la grande rue Verte.
OU
Chez le Citoyen Fuchs, Libraire, quai des Augustins, no. 28.


INTRODUCTION.


La possibilité d’élever les Maisons de deux, même de trois étages, avec la terre seule, d’entreposer sur leurs planchers les plus lourds fardeaux et d’y établir les plus grosses fabriques, étonne tout le monde, ou plutôt tous ceux qui n’ont pas été à la portée de voir ces constructions originales ; c’est pour les en convaincre que je vais commencer par l’art du pisé, le cours d’étude qu’il est urgent de faire pour accélérer la multiplication des petites propriétés dans la campagne, si désirée par la Convention Nationale, et répétée par mille et mille auteurs.

Si je suis assez heureux de satisfaire mes compatriotes, je dois espérer de leur zèle un concours suffisant, sans lequel je ne saurois compléter cette entreprise essentielle ; ils ne verront, sans doute, dans l’achat de ce petit Traité, qu’une contribution patriotique, pour m’aider à répandre dans toutes les parties de la République, un nouvel art qui seul peut garantir les campagnes du fléau des incendies, puisqu’il pourra s’exécuter par les propriétaires les plus indigens.

Avant de traiter des maisons faites avec la terre qu’on nomme pisé, je crois nécessaire de donner un apperçu sur l’origine de cet art.


ORIGINE DU PISÉ.

Le pisé est une opération manuelle, fort simple ; c’est en comprimant la terre dans un moule ou dans un encaissement, qu’on parvient à faire de petites, de grandes et de hautes maisons : le pisé seroit plus significatif par celui de massiver ou massivation, car cet ouvrage est véritablement un massif, puisqu’il n’y reste aucun joint, tandis que le mortier en fournit d’innombrables pour la liaison des pierres ; mais il faut bien se soumettre aux termes d’ouvriers, à toutes ces dénominations vulgaires que l’on a été forcé d’adopter dans la langue française : cependant je préviens que je me servirai indifféremment, dans le cours de cet ouvrage, des mots piser, massiver, presser, comprimer ou battre la terre.

L’origine du pisé, quoique peu connu dans la France, oublié dans les autres états, remonte aux premiers siècles : à entendre Pline, il paroît que Noé en fut le premier inventeur, ayant appris cela, dit-il, en voyant faire le nid aux hirondelles[1] : quoi qu’il en soit, il est certain que les anciens ont connu et pratiqué cet art. Le même auteur ajoute : Que dirons-nous des murailles de pisé qu’on voit en Barbarie et en Espagne, où elles sont appellées murailles de forme, puisqu’on

  1. Histoire du Monde de C. Pline II, imprimée à Genève en 1625, tome I, livre 7, chapitre 56.