Voyage scientifique au mont Ararat

VOYAGE SCIENTIFIQUE AU MONT ARARAT.

Cette montagne, dont la tradition a rendu le nom à jamais célèbre, et qui fut jusqu’à présent inaccessible, vient d’être dernièrement explorée par le docteur Parrot, parti de Dorpat avec quatre étudians de l’université de cette ville. Un courrier impérial fut attaché à l’expédition par ordre du gouvernement, et le général Paskewitch, à Erivan, reçut ordre de lui procurer tous les secours et toutes les facilités qui dépendraient de lui.

Les voyageurs, partis de Dorpat vers le milieu de mars 1829, quittèrent Tiflis le 1er septembre pour se rendre au monastère d’Echmiatzin, où ils furent accueillis avec bienveillance par le vénérable patriarche arménien, âgé de quatre-vingt-quatorze ans, et par les évêques et archimandrites. Un jeune diacre voulut se joindre à l’expédition qui, dans la nuit du 11, logea au couvent de Saint-Grégoire, situé au pied de la montagne.

On essaya d’abord de gravir du côté de l’est ; mais après s’être élevé à une hauteur de 2166 toises, on se trouva dans l’impossibilité de continuer, par suite de l’escarpement perpendiculaire de la glace. M. Parrot se détermina peu de jours après, à tenter le côté du nord-ouest, accompagné par deux de ses étudians, par le jeune diacre, un paysan et cinq soldats. Le premier jour, ils arrivèrent à la limite des neiges continuelles, et y passèrent la nuit au bivouac. Le lendemain matin, ils partirent au point du jour, se flattant d’atteindre le sommet vers midi ; mais un orage terrible et des ravins impraticables, les forcèrent bientôt à rétrograder, après avoir posé au point le plus élevé où ils étaient parvenus, une grande croix de bois avec une inscription latine. « Le mont Ararat, dit M. Parrot, dans une lettre écrite immédiatement après cette seconde tentative, n’est qu’une énorme masse de laves. Dans nos deux voyages, dans nos différentes incursions, à droite et à gauche, nous n’avons pas vu autre chose. Cependant je n’ai remarqué aucune trace de cratère, à moins qu’on ne considère comme tel un grand marais qui est au nord ouest. Il n’y a pas un seul arbre sur toute la montagne. Quelques buissons à fruits, faibles et rabougris entourent seulement le couvent. Nous ne vîmes non plus aucune trace des innombrables serpens et des bêtes féroces dont on nous avait menacés. »

Enfin le 25 septembre, M. Parrot fit une troisième tentative que le succès couronna, puisque le 27, à trois heures de l’après-midi, l’expédition atteignit le sommet de la montagne. « Ce ne fut pas, dit-il, sans des difficultés nombreuses et presque insurmontables que nous obtînmes ce résultat. À partir du point où nous trouvâmes la neige glacée, nous fûmes obligés de tailler à coups de hache, et à chaque pas, des degrés pour poser les pieds. Nous passâmes la nuit sur la montagne, au milieu d’une atmosphère d’une telle sérénité et si calme que je ressentis à peine le froid, dont l’intensité était cependant extrême. »

Le sommet de la montagne est à 2,700 toises au-dessus du niveau de la mer, et la limite des neiges continuelles à 2,000 toises, hauteur extraordinaire, dont M. Parrot attribue la cause à l’isolement du mont Ararat, dont la température n’est point abaissée par le voisinage d’autres élévations.