Voyage de l’Atlantique au Pacifique/Préface des auteurs

PRÉFACE DES AUTEURS.


Ce volume contient le récit d’une expédition entreprise à travers le continent de l’Amérique septentrionale, sur les territoires de la Compagnie de la Baie de Hudson, en passant par un des cols septentrionaux des Montagnes Rocheuses, pour pénétrer dans la Colombie Britannique. Les auteurs s’y sont proposé de découvrir la route qui peut le plus directement conduire, sans quitter les possessions anglaises, aux régions de l’or dans le Caribou, et d’explorer le pays inconnu qui se trouve au versant occidental des Montagnes Rocheuses, dans le voisinage des sources de la Thompson du Nord.

Ils ont eu à cœur de donner le récit fidèle de leurs voyages et de leurs aventures au milieu des prairies, des forêts et des montagnes de cet Occident éloigné, de ce Far West, comme l’appellent les Américains ; ils ont mis tous leurs soins à présenter avec l’exactitude la plus complète la description de ces contrées jusqu’ici peu connues ; et cependant le principal objet de leurs désirs a été d’attirer l’attention sur l’importance considérable qu’aurait la construction d’une grande route allant de l’Atlantique au Pacifique, au sein des possessions anglaises ; non-seulement sous le point de vue d’établir une communication entre les différentes colonies britanniques du nord de l’Amérique, mais encore sous celui d’ouvrir des relations plus rapides et plus directes avec la Chine et avec le Japon. Un autre avantage qu’on obtiendrait ainsi et qui aurait peut-être autant de valeur que les précédents, ce serait d’abattre les barrières qui ferment à la colonisation les magnifiques régions de la Rivière Rouge et de la Saskatchaouane : là, soixante-cinq mille milles carrés[1] d’une terre, dont la fertilité est sans égale et qui abonde en richesses minérales, restent séparés du monde, méprisés, à peine connus, bien qu’ils soient destinés à devenir, dans quelques années peut-être, une des possessions les plus importantes de la Couronne britannique,

L’idée d’une route qui traverse la portion septentrionale du nouveau Continent est très-ancienne. Elle s’est immédiatement présentée aux premiers colons français, lors de leur établissement au Canada, et c’est elle qui les a menés à la découverte des Montagnes Rocheuses. De nos jours, elle s’est ravivée et a été soutenue par le professeur Hind et par d’autres, non sans talent, mais jusqu’ici sans succès.

Durant les trois derniers siècles, nos géographes n’ont rien souhaité plus vivement que la découverte d’un passage maritime vers le Nord-Ouest, parce qu’il devait, suivant eux, ouvrir la route la plus courte vers les riches contrées de l’Orient. Aujourd’hui cette découverte est un fait accompli ; mais le commerce n’en peut tirer aucune espèce de parti. À notre sens, et nous avons essayé de le prouver, la première idée des Canadiens français était la bonne : c’est par terre qu’existe la véritable route du Nord-Ouest ; elle longe les rives fertiles de la Saskatchaouane, elle traverse l’opulente Colombie Britannique et aboutit à ce magnifique havre d’Esquimalt, qu’avoisinent les riches mines de charbon de terre de l’île Quadra et Vancouver, et qui offre tous les moyens de s’abriter et de s’approvisionner à la flotte de commerce qui de là s’élancerait vers le Japon, vers la Chine et les Indes.

Les gravures de cet ouvrage ont été dessinées presque toutes d’après des photographies ou des croquis faits devant les localités qu’elles reproduisent. On leur accordera, nous l’espérons, quelque valeur et quelque intérêt, car elles représentent des paysages qu’aucun crayon n’avait encore esquissés, dont la plupart n’avaient pas même été vus par un homme blanc et quelques-uns pas même par un Indien. M. R. P. Leitch et MM. Cooper et Linton ont droit à nos plus chaleureux remercîments pour l’admirable façon dont ils les ont exécutées. M. Arrowsmith a dépensé beaucoup de soin et de travail à rétablir la géographie d’un district si imparfaitement connu jusqu’ici. On nous permettra sans doute aussi de reconnaître publiquement les grandes obligations que nous avons à sir James Douglas, récemment gouverneur de la Colombie Britannique et de l’île Vancouver ; à M. Donald Fraser, de Victoria, et à M. Mackay, de Kamloops. Ils nous ont donné, sur les deux colonies, les renseignements les plus utiles et, comme beaucoup d’autres, nous ont témoigné la plus grande bienveillance durant notre séjour dans ces pays.


4, Grosvenor Square, 1er juin 1865.



  1. Voyez page 48. (Trad.)