Voyage de l’Atlantique au Pacifique/10


CHAPITRE X.


Retour de La Ronde. -..Lettres d’Angleterre. – Une fate, – Voyage lia Rivière Rouge et retour. – Privations. – Le convoi ( !e16. – Trois jours comptés en plus. – Les Sioux au fort Garry. – Leurs troph6es de victoire. – Dernières visites. – Rats musqu6s et leur établissement. – Chasse au rat, – Notre thermomètre, – Chasse à l’élan pendant le printemps. – Circonspection extreme de J’_Ian. – Son stratagème pour éviter les surprises. – Marche pendant le dé( !el, – Préparatifs pour quitter nos quartiers d’hiver. – Nous retrouvons nos che,’&ux en excelleute condition. – Bonnes qualités des p&turages. Dêpart de la Belle-Prairie. – Retour à carlton. – Adieux à Treemiss et à’ La Ronde.-Baptiste Supernat. -Départ pour]e fort Pitt. – Passages de volaille sauvage. – Histoires de Baptiste. – Nous traversons des rivières en1léej.Accroissement de notre troupe. – Chasse pour vivre. – Bal des oiseaux de la prairie. – Le fort Pitt. – Paix entre les Cries et les Pieds-Nôirs. – Habillement complet des Cries. – Les Pieds-Noirs. – Parure de leurs femmes. Comment les Indiens résolvent les dift’érends. – Rumeurs de guerre. – Retraite h1lin des Pieds-Noirs. – Louis Battenotte L’Assiniboine. – Ses manières séduisantes. – D6part pour Edmonton. – Garde nocturne, – Terre fertile. Travaux du Castor. – Leur eft’et sur le pays. – Le déclin de leur puissance.Pasuge de la Saskatchaouane. – Montée _es ha.uteurs. – Œufs et poussiOj.Arrivée 1 Edmonton.


Le Il mars, nous étions assis dans la hutte, causant avec deux jeunes Indiens qui venaient d’arriver des plaines, envoyés par Gaytchi Jlohkémarn pour nous dire que, si nous ne faisions pas immédiatement chercher la viande laissée par nous dans la cache, la famine l’obligerait t la manger ; tout. coup la porte s’ouvrit et nous vfmes entrer La Ronde. Il était très-amaigri et avait l’air épuisé de fatigue. Bruneau le suivait de près, amenant un trafneau où se trouvaient"du pemmican, un sac de farine, 11 162


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une petite caisse de.thé et, mieux que tout le reste, des lettres

d’Angleterre. Avec quel empressement nous nous en saislmesl Avons-nous besoin de dire le nombre de fois qu’elles Curent lues et relues ? Nous préparâmes un régal pour fêter l’arrivée de DOS gens. On fit des crêpes à profusion et du thé à plusieurs reprises. Nous n’avions pas go6té de thé depuis des jours, de c_pe8 depuis des semaines. Longtemps après minuit, nous étions encore assis à écouter les nouvelles de la Rivière Rouge et le récit du voyage de Lal.onde et de Bruneau. Ces pauvres diables avaient mis vingt-trois jours pour faire les six cents milles qui nous séparaient du fortGarry ; ils s’étaient reposés une semaine, et avaient colllIl18Dcé leur retour le dernier jour de janvier. Le 31 janvier et le 1" février étaient les deux jours où Cheadle el Isbister 6taient re\’enus de Carlton, c’est-à-dire la p6riode du plus grand froid, celle où le thermomètre était deSC80cm à 3()O au-dessous de z6ro.

Les deux tralneaux portaient quatre sacs de farine, le thé et du pemmican pour eUJ : et pour leurs chiens ; mais la neige 6tait si profonde qu’ils avaient souvent 6té forcés à fouler a_ !eus

raquettes le sentier deux fois avant qu’il edt assez de fermet ! pour porter les chiens ; et m_me alors ceux-ci ne poIl ?aient pas tralner leur lourde charge sans l’assistance des hommes qui la poussaient avec des perches. Da av_ent fait ainsi lentement et laborieusement deux cents milles, quand le pemmican venant à leur manquer, ils avaient dd soutenir les chiens aux dépens de la précieuse farine.

Cependant, à deux journées du fort Pe1ley, les chi… …t à

bout de fort :8, il aTait fallu abaodcmner uade& \niuau RIe ID.db..el pauvres animaux, qui le coucha près de la l’Oute pour expirer. Un peu plus loin, ils passM-eDt PNe d’UR VafD8111 do8t l’attelage de chieu 6tait complete_nt gelé, cIIIoita et l’IOideslOUJ leurs harnais, semblables à. ces.gens que le. Mille et mal lai.. nOU8 montrent métamorphos6s ed pierre. Quelque puaaat troU AD PACIPIQUE..


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vant ce tralneau abandonné avec son attelage mort, a.vait remi& les cbieDa sur leurs jambes cœ1Dle s’ils tratnai.ent. eocoJ :e leur fardeau. En arrivant au fort Pelley, ils avaient vu les habitants en proieàladisette et n’a.yant plus qu’un demi-sac de pemmican. Ils leur a.vaient laiss_ un sac de farine. Après quoi, La Bonde avait été pris d’une bronchite ; il avait eu la plua (p’ancie difficulté à finir son voY&&8 et nous était. arrivé dans l’état d’épuisement. que nous av<Hl8 dépeint.

Nous fûmes a5IIeZ surpris de découvrir que, sana le savoir, nous avions fini par compter trais jours de plus qu’il. ne s’en était écoulé depuis notre dernière visite à Carlton, six semaines a.uparavant. Nous nous étions imaginés que nos gens l !taient revenus le samedi 1" mars, tandis qu’en. vérité leur retour avait. eu lieu le mercredi Il.

C’est alors que nous appr1mes les détails du soulèvement dB ! !

Sioux i comment ils avaient attaqué la diligence qui allait à Georgetown, scalpé le conducteur et les voyageurs, et jeté la voitUN daDa la Rivière Rouge. L’événement avait 8U lieu bien peu de joUl’l après celui où. elle nous avait transporté&. Deu mille Sioux s’étaient présentés au fort Garry ; ils Y avaient demandé de.. munitions et avaient mis wut l’établissement dans Ia.caniialion et dans la. terreur.

C. Indiena étalaient les trophées de leur victoire ; ils portaient des colliers de pièces à.’or d_ vingt dollars ; ils avaient des MCS pleiDa d’argent, des épanlettes d’officiers, des bijoux de femBlBS, des épées, des carabines, des revolven et de 10118& couœ&ux ils ILftiam dei chevaux et m_me des objets plaiDa de punalaes panai. WB dSpoW.lleB qu’ils anient pillées.

La BDade nous apprit aussi la triste nouvella que tous les cbImIax ù prix que nous avioDa renvoyés au fort Gauy.. sous la conduite da Vowlde et. deZear, avaient péri en route par la faut,e de– œs vaurlena.

À peine nous Y8DÏona de IlOUS.endormir traDqUillament que


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le grognement des chiens nous tira du sommeil et que nous entendlmes quelqu’un se glisser doucement dans la hutu. n y faisait une obscurite complète. Milton, sautant à bas du lit, battit le briquet et nous vlmes le Chasseur, avec son beau-père et toute sa famille. Ils avaient appris, par les deux jeunes Indiens qui nous avaient fait visite ce jour-là, le retour de La Ronde, et, sans retard, ils étaient venus lui soubaiur la bienvenue et prendre leur part des bonnes choses qu’il avait apportées. Nous montrâmes notre _écontentemert d’_tre ainsidérangés et, tout pleins de honte de leur conduite, ces braves gens se couchèrent paisiblement à terre pour dormir.

La Ronde fut sérieusement malade durant plusieurs jours. Après sa convalescence, nous reprlmes la vie de trappeur en la variant de temps en temps par la chasse aux rats musquès, dont la saison était arrivée. Quoiqu’ils aient une odeur assez forte, ils sont loin d’_tre à dédaigner. Ces animaux sont tr_s. nombreux sur tous les lacs, pointillent de leurs demeures en roseaux, semblables à autant de veilloLtes, la surface de la glace en hiver. Ils les bâtissent dès que la glace est formée ; les garnissent de mousse tendre et de doux gazon, et y serrent les provisions de plantes aquatiques dont ils font leur nourriture. Un trou dans la glace assure leurs communications avec l’eau et, de distance en distance, ils pratiquent des soupiraux, recouverts de plus petits tas de roseaux coupés, ayant à pE :u près l’apparence d’une taupinière. Tant qu’il gèle fort, la demeure du rat musqué est inattaquable ; mais, dès que les rayons du soleil augmentent de pouvoir, les ennemis font brèche à travers

les murailles qui s’amollissent par le dégel. Le renard, le wolverène et le foutereau font donc, à la fin de l’hiver, leur proie du rat musqué ; q\\ant à l’Indien, armé d’une lance longue, mince, barbelée à la pointe, il s’approche a"ec précaution du logis de la famille et, plongeant son arme au beau milieu, il en retire souvent deux ou trois vie limes d’un seul coup.


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Lorsque notre odorat, peniblement decte par la senteur d’une peau de moufette qui nous servait de thermomètre, nous eut avertis que le degel approchaitl, nous pensâmes à nous occuper à chasser l’elan. Dans un rayon de plusieurs milles autour de notre logis, nous en avions vu beaucoup de traces, qui nous avaient donné l’espérance de faire une bonne chasse avec l’assistance de Rover. La surface de la neige, que fond le soleil durant le jour, est transformee en croOte solide chaque nuit par les gelees nocturnes, au commencement du printemps. Cette cro’O.te a assez de force pour porter l’homme chausse de raquettes ou un chien de petite taille ; mais elle se brise sous Ja pression des petits pieds et de l’enorme poids de l’élan. Lorsqu’un chien le poursuit, l’animal essaye de s’échapper ; mais comme, chaque fois qu’il s’élance, il s’enfonce jusqu’aux jarrets et que les coupants de la glace le blessent aux jambes, il est bientôt réduit aux abois, et le chasseur en arrivant le tue à son aise. Il n’y a guère d’autre moyen que celui-là, si ce n’est celui de se mettre à l’atrùt en été, près des endroits o.ù il se baigne dans les rivières et dans les lacs. C’est un animal d_s plus prudents et que le plus habile chasseur n’approche que très-difficilement. Peu de métis, et un plus grand nombre d’Indiens mais pas tous, ont, dans les circonstances ordinaires, assez d’adresse pour suivre à la piste et pour tuer un élan, et l’on dit dans le pays qu’un homme peut, toute sa vie, poursuivre un elan sans reussir à l’apercevoir. Cet animal se tient au cœur de la forêt où on ne le voit que quand on le touche pour ainsi dire ; son ouïe est si fine que la rupture d’une brindille ou le craquement d’une feuille morte suffit pour lui donner l’eveil. Un jour de vent, où les


1. La peau d’une moufette que nous avions rejetée hors et près de notre huu. De &entait rien par un froid intense ; mais, dès qu’il diminuait, elle puait usez fort. Suivant 188 variations de l’odeur qu’elle lipandait, nous jugions de J’état de l’atmosphl1Jre. Cette odeur n’est pas aussi désagréable qu’on le dit, et ne derient intolérable que quand elle est trl1Js-forte. La glande qui la secrète est emplo,6e par les Indiens comme un remède pour la migraine et pour d’autres maladies. (Ed.) – Il s’agit ici de la moufette cbinche ou d’Amérique. (Trad.) 168


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bruits du !Jais étou1JeDt le son des pas f1Irtifs,du chasseur, olre le plus de chance pour l’atteindre. D’ailleurl 1’élaD a adopt6 un IItratagème plem de 1inesse ’pœr se JDBttre à l’abri de toute surprise. ’Lorsqu’il ’Veut se reposer, il m8l"Cbe en cen :Je et lie

couœe à l’intllrie :ar 1 mais tout pris, du ccmoneJlC8Dlem di ! la courbe. lien résulte que le chasseurqtÜ lUit sa pA pa.eprès de rendrait où l’élan est cO1lché-et que, tandis que l’tmJD8e contiJme à suiwe le cercle, l’animal sans être’VU s’échappe pu un cMé opPDlé. Cette année cependant, le dégel œmmença le JO DJBl’S :et fut auni subit que complet, en 9Orie qu’il n’y eut aucune crO1He formée sur la neige et que "DUS esp&-anCtS de chane furent 1out il fait trompées.

Cbeadle s’était alors enfoncé dans le boislrVec iBnlneBU. n reprit immédiatemeut le chemin du logis j mais son retour ne put IIVDÏr lieu que delluit, lorsqu’il gelait, car les raquettes ne peuvent :fBrvir à rien dans le dégel. Le secOlid SOfto, la contin1dtë de l’humidité fit Briser les chaussures et les dem chal8eun furent abligés de revenir de leur mieu_. 11111’ a riett de plus fatipnt que de marcher dans de la neige ’Profonde au comm-eBoement du dégel. ER quelques endroits, une mince coochè,de glace nppariera le 1JOids d’un homme ; on s’y lrVance a"UR pu Ml_répem :daDt pluBjeun mètres ; tout à coup la croÜft ! -éclate, et J’on est ébru1é par tout le corps en tmltbant dans un trou jusqu" la ceinture. LuttHnt. se débattant au mitieo de-cette mltlHle friaWe, on parvient à force.d’efforts à ’une portion pIvs BOlide, pour retomber quelques pas -plus loin. ln mll’Chant ainsi ’toute la nuit, ils lItteiguirent la rive do lac, à deux milles de la hnt.. Mais ils étaient trop tSpniséB pour ftUre l1n pli le IIlus j allumant 4oDe un bon feu, ils se couchèrent auprès et dormirent plusieurs lreures ; apJIès quoi, Hsret.roll.vèlleDt atI88Z de ineI pour 1’tÂO81’ner.chez eux en.tr.averSIRntJe lac.

Nous commençâmes alors nos preparatJils po.ur quitter nos quartien d’hiver, aussitOt que la. neige serait assez dispftroe AU PACU’lQUE.


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pour permettre. ! ’nos charNUes d’avancer sur la teITe, Le premiel" 8OÎII. à prendre _tdt de retrouver nos chevaux que nous aVÏODllâcbés au ddhut de l’hiver. Comme nouc d’Vions de temps eo temps aperçu leurs traces, nous connaissions ]a dh’ection qu’ils avaient priee. La Ronde suivit hmf piste aisément et les découvrit à huit ou,dix mines du logis. Ce qui nous étonna le plus lorsqu’ilIes rameua Ua Belle-Prairie, ce fut l’excellent état où ils se trouaient. ’Bien qu’ils eussent été fort maigres quand la neige avait COJDmenOO 1 tomber et que dent& : d’entN ! eux eus. lent -été atteJés.au traloeau daDS la première partie de l’htver, ils étaient dev.enus de vraies boules de graisse. Ils avaient autant de feu.ca d’esprit que s’ils et1tI8eIIt été nourris avec du bM, ce qui’8It loin d’éve la condition habituelle des chevaux indiens. La pAtare 66t si nourrissante que, mmBe en hiver, où ils ont à chercher leur noWTiture sous la Deige, les animaux s’engraissent rapidement, pounu qu’ils trouvent des boit ; où s’abriter contre les risueurs des vents. 11 n’y a pas de chevaux plus hardis ni plus endurants que ceul : de ce pays ; et cependant ils ne peuvent paJtre que l’herbe des prairies et 181 vesces des 1aillitJ. Les vaches laitières et les 1 »_& de trait, pràs de la Rivière Bouge et dans le Minnesota, qui De vivent que de gazon, sont ordmaire !Dent dInI UDe cODdition presque aussi belle que celle du bétail nourri d&ll8les étables et aDlené À l’ellpositioD de lIaw Street. Le 3 avril nous avions chargé nos charrettes. Nous tournâmes le daa à la.Belle-Prairie avec quelques sentiments de tristeS !le. Nos aùs iDÜens _ fous abBellts et DOUS partions en 1’egret. taDt de n’atOirpu faire BOl adieul : ni au Chasseur ni à _i8Coué)NUnaJou. Le 6 avü, ’IlOU8 atteignions la SaskatchaouaDe. EUe était.eocore bien prise et nous la }lU8Ames tlur la glace. À Carl.. ton. DOUIotPOuv6mes t’Jeemillqoi parlait pour rl’al’OJ’e. L&l\oDde le saiYit le IeDdemaia, ù_t à la Rivière.Iouge. Neus envoyAmes Royer pec eu, car llO1IS aYioDJ peur de le perdlte après être arriv65 d8Ds..la OWombie Britamrique. Ce fut une faute que ’DOUS


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déplorâmes toujours. Pour nous guider vers l’ouest, nous engageâmes Baptiste Supernat. C’était un métis français, grand et fort, qui prétendait connaUre, jusqu’à la Cache de la T_te Jaune, sur le versant occidental de la principale chai ne des Montagnes Rocheuses, la route que nous avions l’intention de suivre. Après ètre restés trois jours à Carlton, nous passâmes de nouveau la rivière sur la glace, malgré l’annonce de la débâcle, et nous remontâmes lentement le long de la rive gauche de la Salutchaouane du nord dans la direction du fort Pitt. Nous emmenions deux eharrettes et deux chevaux, et, comme nous n’avions à notre service que Baptiste, l’un de nous conduisait tandis que l’autre allait en avant pour chasser. Le temps était beau, éclatant, et la neige avait presque partout disparu. Des volées d’oies et de canards passaient sans interruption et le bruit de leurs ailes, comme ils se dirigeaient au-dessus de nous vers le nord, ne ce&sait pas de la nuit et nous empèchait presque de dormir. La contrée que nous traversions avait le mème aspect de richesse qu’à l’ordinaire : bois mélangés, prairies étendues, lacs et coors d’eau. Cependant, un jour entier, nous e6mes à franchir un territoire désert et stérile. C’était une plaine plate, environnée par un amphithéâtre de collines dépouillées et raboteuses. Mais par delà, à partir d’un endroit qu’on appelle La SOUf’CtJJ à cause d’une riviàre qui y commence son cours, le pays reprenait son premier caractère.

Baptiste, comme tous ceux de sa race, était très-communicatif.

Il nous contait beaucoup d’histoires curieuses, auxquelles il n’aurait peut-ètre pas été prudent de donner grande foi. Voici un de ses contes : Il y a plusieurs années, mais de mémoire d’un homme vivant, un Indien trouvait aux environs d’Edmonton un morceau de fer natif, le transportait hors des plaines et le plaçait au sommet d’une colline. Depuis lors, ce fer avait r6gulièrement cr6 en dimension et se trouvait à présent si gros qu’aucun homme ne pouvait le soulever t La seule circonstance qui per AU PACIFIQUE.


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mette de mentionner ce conte est qu’il est g_néralement accepté par les métis. Un grand nombre d’entre eux assurent avoir vu cette masse de fer ; un homme même nous affirma qu’il l’avait deux fois visitée. La première, il l’avait levée avec facilité ; la seconde, quelques années plus tard, il ne put pas m_me la faire mouvoir 1 Ce dernier nous a garanti, de la façon la plus solennelle, la sincérité de son récit.

Baptiste nous dit encore que, quelqu.es. années auparavant, M : Rowand, d’Edmonton, avait acheté une pépite d’or à un Indien trui prétendait l’avoir trouvée au pied des Hontagnes Rocheuses. L’or fut transmis en Angleterre à la Compagnie, et l’Indien reçut l’ordre formel de ne parler à personne de sa trouvaille, s’il ne voulait pas qu’il lui en arrivât malheur.

Au lac des Brochets (Jack-fis1/, Lake), nous nous rencontrâmes a,’ec Gaytchi Mohkémarn et quelques Cries des Bois de sa connaissance. Gaytchi nous fit des excuses au sujet de l’extr_me nécessité qui l’avait obligé, cet hiver, à consommer notre viande. Ces Indiens nous quittèrent après nous avoir accompagnés une journée, et en ayant réellement l’air chagriné à l’idée de ne plus nOU8 revoir. La difficulté principale que nous eo.mes dans cette partie de notre voyage vint des passages de rivières, car la fonte des neiges y faisait couler les eaux à pleins bords. En

général, nous faisions d’abord un petit radeau sur lequel l’un de nous gagnait l’autre côté de la rivière ; ensuite, avec une amarre attachée à chacune des rives, nous tirions le radeau tantdt en avant, tantôt en arrière, jusqu’à ce que nous eussions achevé de transporter tout le bagage. Quant aux chevaux, on les faisait passer à la nage. Les charrettes vidées étaitmt tralnées à travers. C’était un ouvrage fatigant ; car nous devions, soit dans l’atmosphère refroidie du soir ou dans l’air encore froid du matin, nous tenir debout ayant de l’eau glacée jusqu’aux genoux.

Une de ces rivières fut passée sur un étroit pont de glace, qui 1"10


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ne s’lftait pas encore brisé. n y avait au milieu une J8se fi9IuI’e, à travers laquelle nous pouvions IVoirl’eau bouillonner a1Ml_ sous. OB enleft les roues d’une des cbaITettes ; puis eUe fut poussée de façon i être placée en forme de pont sur la partie la plus daft8’8l"6uee. Quand tout fut transporté, nous 6tAmes la charrette, et immédiatement 1& glace éb1’8lllée se brila en gros morceaux qui furent précipités dans le torrent ; queJques minutes après, la rivière se trouvait entièrement dégagée.

Nous étions encore à quelques joornées du fort Pitt, quand nous Mmes rejoints par une bande deI employés de la Compagnie ; partis de Carlum, ils nœs tinrent compagnie jusqu" Pitt. Ils marchaient à pied, ayant leurs bagages portés sur des,",

vailles que binaient des chreDI. Ume traoaille est une machine iBdienne t qui se compose de deux perches attacMes eDBeDJble, de façon à former un angle aigu, et maintenues pardes travel’8eS. Le sommet de l’angle porte lur le dos du chien ou du cheYal ; l’extrémitt§ des perches divergentes tralne sur le sol, et le bagage est attaché aux tftver&es. Les Indiel1’8 s’ensenent en place de charrettes. 1’101 nouveaux compagnons se tro1m1ient à bout. de provisions et de munitions, en sorte qu’ils vécureDt dé….. mais à nos dépens, et, comme nous-mêmes DOUI étioDIpeu en foads, il DOUS faUut travailler dur pour tIB’ *’ canwd8 et des poulets de pratrjes en Dombre :luffiBant ; car di& hommes affamés dévorent une fameusequantlté d’oieeaux.

Une des habitndes des tétras des pl’RiriP1 DOusmit à 1Mme.. nous -en procurer beaueoup. Au printemps, ces oÎ8eaua se1*semblent lors du lever -et du co8Cber de lOleil, au nombre de vingt fi trente, dus ’One place choisie, qui oNtaairement elt tRII"

UB 1>as Ct1teI11 ou _elque pldeau. Là, ils se meftetd.’ d8I !I8r,


1. Heu. DI soma...4r Di de I :orthosraphe, ni dia 8Slr8, ni de la splc.iCIII. exacte de ce substantif à cause d’Ilne phrase du Tour du Iondf, 1860, l, p.275. où il est dit :. M. Palliser partit seul avec son fidèle Ismah, un graud cbieD ;oup de race indienne, attelé 1 un Iratail ou tralneau l_pr qui portait toute la fortune du "YOJ88eur… (n-c4ll) AU PACIFIQUE.


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mais comme des fotls. Le _tras des prairies est un oiseau qui court, au lieu de p"oeéder par des sautillements. Eh bien 1 dans ces réjouissances, lin ’les voit ouvrir leurs ailes, poser letml c !eux pieds eMemble, et noter comme des hommes Bans la anse du At,ou des ofBeauxdans une pantomime. Ds s’avancell’tl’un vers l’autre, font un tour de vakt ! et pat’Sent àun IlUtre. Cett_ contred1mse des poulets de prairie _t des plus amusantes ; et, quand les oiseaux fo’ ! 1ivrent, fis s’y absorilent aS8eZ pour qu’on puisse les bien approcher. L’état du terrain fait aisément reoonnattre la place de leur rendez-vous. tllmtle foulée 0tI même détruite par Je continuel ’batt ;ement de leurs pieds ’forme un cercle re, marquable.

’Nous espéTons que la mkessÏté absolue peut nous servir d’tx

cuse -si nO’O’S aVOM tiré parti de lem paMion pour ce divertissement de bonnesoci_té, et si nous avons dispersé et ensanglantéle bal des hôtes de la prairie. Jamais nous ne nous y sommes résolus que qUlmd la faim impitoyable nons obligeait à nous procul’er des "ivres le phIs rapid_t possible.

A. cette époque, la prairie était magnifique, et tant émlliHée des grandes fleurs bleues d’une espèce d’anémoœs, qui forment la notmiture des Ultras. En effet, les jabots de ces oiseaux en étaient 1oujounI pleins.

’Le 90 4vril, nous ftmes une mln’che forcée, allant toute.Ja journée sans repos et ’fort ’Vite, parce que ’nous vmIlions aniver

avant la noit. Aussi _ons-11ous très-fatigués lorsque nons 8perÇ’ftmes la bienheureuse palissade qui nO1Hl antionçait ’rhospitafière ré9jaence de M. Chautelaine, flUque1l !tait alors coniié le emnmandement du fort Pitt.

-Ce fort, lemblmMe par la construction et par l’étendue k celui de Cara.on, est aussi comme lui placé sur l’atterrissement plat, qui eat lniéri.eur.à l’aDcieoDe rive él_,de la.Slllkatchacuane. C’est le fort Pitt qui fournit aux _.ostea les plus éloignés des plaines la plupart du pemmican et de la viande sèche nécessaires 172


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à leur approvisionnement. Il est rare que le bison se tienne à distance du fort Pitt et souvent il arrive, quand la disette règne _ Carlton et à Edmonton, que les gens du Peti t Forls, comme on l’appelle, se ré_alent de viande fratche tous les jours.

On y cultive la terre d’une façon primitiv_, il est vrai, mais qui donne d’abondants produits. On y récolte des pommes de terre en grande quantité et d’une _rosseur immense, les carottes et les navets y prospèrent également, et l’on ft !rait ici certainement autant de blé qu’à la Rivière Rouge ou à Edmonton, si l’on ne manquait pas de marché pour le vendre.

Nous passâmes plusieurs jours à nous m_ler auJ : Indiens campés à l’entour, ou à leur acheter quelques chevauJ :. Cheadle ne manquait pas d’occupations, car l’arrivée d’un médecin blanc dans ces pays est un événement si rare que chacun saisit l’occasion de réclamer son assistance et ses conseils. On attendait de lui non-seulement la guérison des maladies présentes, et la prophélie de celles qui pouvaient avoir lieu, mais aussi l’analyse rétrospective des moyens qui auraient pu étre pris dans des cas depuis longtemps oubliés. Cette petite colonie était tout en émoi à l’intérieur comme à l’extérieur du fort. Les Cries et les PiedsNoirs avaient fait la paix depuis quelque temps, et de grands campements des deux nations étaient établis à une ou deux. journées du Fort. Il en venait des essaims continuels de visiteurs, tous désireux de profiter de la rare occasion que leur présentait une paix dont la durée était comme toujours très-problématique.

Pour ces visites officielles que les membres d’une tribu faisaient à ceux de l’autre, les hommes se mettaient dans leur plus belle toilette et s’ornaient de leurs plus riches peintures. La parure d’un dandy parmi les Cries consistait en jambières et en couver


1. Le nom de P"i’ For’ nous IImble bien AIre dll.. une iDterpréta&lon en’On6e de celui de fore Pi"Quelle que lOit la r6putation d. deul Pitt, il est permis

de croire qu’ene n’.t pu clairement comprill par les PeaUl-Roups ni par les m_tis. (TrGd.) AU PACIFIQUE.


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tores écarlates. complétées d’une foule de rubans au bonnet. s’i] en portait ; dans le cas contraire, sa chevelure était divisée en une longue queue pendante par derrière et en deul plus courtes qui accompagnaient par devant les côt_s de la face, chacune d’eUes étant entourée du laiton le plus brillant ; le vermillon formait un rond autour des yeul et de la bouche, une bande sur le nez et une plaque sur chaque joue.

Quant. aux Pieds-Noirs, nous en vtmes une bande qui durant Dotre séjour vint Caire des échanges. C’étaient de beaul hommes, mieux habillés et plus propres en général que les autres Indiens. Peut-être moins grands que les Cries, ils étaient pourtant d’une haute stature et bien faits. Leurs figures étaient très-intelligentes. Ils avaient les traits caractérisés ; le nez était large, bien formé, droit ou légèrement courbé à la romaine ; leurs pommettes ressortaient moins et leurs lèvres étaient plus minces que celles des Cries. La bouche était large et leurs dents admirablement blanches, comme chez tous les Indiens. Leur habillement se distinguait Cort peu de celui de leurs anciens ennemis, les Cries, si ce n’est qu’il était en meilleur état et plus propre. Les figures des hommes et des femmes étaient aussi fortement coloriées en vermillon 1. Ces dernières étaient vêtues d’une façon très-singulière et très-remarquable. Elles portaient de longues robes de peau de bison, rendues tr_s-douces et très-souples, et teintes avec de l’ocre jaune. La robe était serrée à la poitrine par une large ceinture de m_me confection, mais ornée à profusion de petites plaques rondes de métal. ayant la dimension d’une monnaie anglaise appelée couronne. et parfaitement polies. Ces Indiens conservaient dans leur maintien une véritable dignité et supporLaient avec beaucoup de patience la curiositéd’une Coule de métis et de Cries, qui examinaient avec le plus vif


1. Voir pour ces vAtementa des Peaui-Rouge_ la gravure de la p. 285, Tour. IonM, 1860, 1. (Trad.) 174


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iBtérêt cette race qu’Us ne v.oient.guère qu.’enla rencontrant sur le. champ de bataille.

Malgré la proclamatioll de la paix,.il était assez. probable que quelque jeune héros Crie ne. résis.terait pas à la tentation de dérober. des chevau aux Pieds-_oirs. M. Cbante1a.ine avait donc eu la précaution de les faire rentrer pour la nuit ainsi que les nOtres dans l’enceinte du fort. Dans la matinée. un Crie accourut du camp de la plaine,. pour nous dire que les hostilités étaient imminentes ; parce qu’une femme Crie avait été tuée dans le camp des Pieds-Noirs. Elle y était allée pour épouser un chef ; mais, à son arrivée. un autre Pied-Noir s’était épris d’elle. Une querelle s’était élevée et, pour 1 mettre fin, un des rivaux avait frappé la femme au cœur. M. Chantelaine donna immédiatement 8.yis de cette nouvelle au chef des Pieds-Noirs et lui conseilla de partir sans retard. Le. chef y consentit. Quelques DÙ11utes après, lui et les siens avaient passé la rivière. Comme ils touchaient la rive opposée, un coureur des Pieds-Noirs, dépouillé de tous ses v.6tements, arriva hors d’haleine, hors de sena, et.1eur redit le danger imminent où ils se trouyaient. Heureusement l’alarme était sans fondement, et la paix demeura observée des deux partis durant les quelques semaines que nous demeurâmes près de. la. Saskatchaouan e.

Au fort Pitt, nous flmes l’engagement d’un autre hoJlllDe, <pli, de _me que Baptiste, se prétendait disposé t nous suivre partout où nous irions. Notre nou,-eau serviteur l’appelait Louis Battenotte ou, suivant un sobriquet qui faisait. presque au.hlier le nom, L’Assiniboine, parce. qu’il avait, duraDt son enfaDce, éti élevé p_ cette tribu. C’était un homme d’une force atlùétitple, quoique de taille moyenne. On l’aurait volontiers pris pour un Indien. Se. chevelure longue et noire était c.ontenue dana Uil filet de soie ; il avait le nez aquilin d’une façon très-prononcée, la bouche petite et les lèvres fort minces et fort délicates. Ses façons étaient pleines de charme et d’agrément, dont l’effet était


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AD PAClFIOUs.


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encore aD81Dent4. par la doUC6M1r singuliàre et. par la timbre musical de sa 1IOix.

Pendant DOtre séjour éI\\ fort Pitt, son plus jeune enfant tomba malade et DlQurut. Cette perte le rendit ainsi que sa femme assez malheureux, &8IeZ méeoDtenta du sort, pour désirer quitter le lieu de leur infortuDe et s’offrir à nous accompagner. Nous étions tres-disposés à nous assurer les services de l’homme qui avait la réputation d’_tre le voyageur et le chasseur le plus habile de tout le. canton ; nous le souhaitions même vivement, mais nous ne nous 8Oucüons pas du tout de prendre en mAme temps sa femme et son fils, ce dernier n’ayant que treize ans. Cepegdant noua 4ûons tellement charmés par lui que, malgré tous nos scrupules sur la prudence d’admettre des personnes que nous trouYieos inutiles à un voyage au88i p’rilleux que le nôtre à trayers les montagnes, à traYera un pays où la nourriture devait _tre difficile à trouver, nousfintmos par lui donner un plein consentement. Or cet arrangement, qui paraissait alors si peu justifiable aux yeux de notre sagesse, devint, il faut l’avouer, la principale cause de notre salut.

L’Asainibome D’avait qu’une main : la gauche lui avait été détruüe pu– un fusil qui. avait éclaLé eD ne lui laissant que deUI. doigt& ; mais il avail autant d’adresse et d’habiJeté _8 s’il n’eût pu été manchot.. Cependant la douceur de ses maniàrès inaiauantes qui nou& avait sMnits n’était pas d’accord avec son caradère j car il était violent et pessionnB. Bien que la bont6 rayoDB4t su tout. II&. personne et qu’il roucoulât au8ii 1endre.. ment qu’une tourlerelle lorsqu’il était calme ; si la colàre l’emportait, sa figure prenait une expression diabolique et sa voix tonaait comme le rucïatement d’un lion. n’ailleUl’S, dans les DDJ8breuaes éprauTe& que nous eàmes " subir, il se montra UIl serviteur auui uWe que fidèle et ne nous donna jamais lieu. d’avoir à regretter de noua être laiSl66aller à la 8âlW :ÜOllde ses maniàrea. Par la suite, nous avons apprilque, dans une 176


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querelle, il.avait tué jadis un autre métis, et qu’en conséquence il avait été remercié du service de la Compagnie et excommunié par son préÛ’e. D’ailleurs, le mort éta,it, de notoriét6 publique, un vaurien, qui faisait la terreur de tous les métis. Enfin, chacun s’accordait pour déclarer que L’Assiniboine avait été pro. voqué d’une façon intolérable et que l’acte avait éLé accompli

dans un instant de colère.

Nous parttmes du fort Pitt, le 28 avril. Afin d’éviter 1& ren

0 contre des nombreux partis d’Indiens des plaines qui erraient sur la rive méridionale de la Saskatchaouane, nous primes par le nord. La nuit qui suivit notre départ, nous exerçâmes une garde vigilante autour de nos chevaux’, parce que nous crai. gnions que les Indiens, à qui nous les avions achetés, n’eussent la fantaisie d’essayer de,nous les reprendre. Il n’est pas rare, en effet, qu’ils aient les plus vifs remords de s’_tre séparés de leurs chevaux et que, pour mettre leur conscience en repos, ils se les restituent. Mais la nuit fut paisible ; et le jour étant venu, nous primes quelques heures de repos avant de nous mettre en route.

Nous entrions alors dans un des plus beaux pays du monde, non-seulement fort pittoresque, mais aussi très – fertile ; un pays de collines onduleuses, de riches vallées, arrosé de lacs et d’eaux courantes, ombragé par des bosquets de trembles et de bouleaux, éclairé par de petites prairies ; c’est une terre excellente. Elle appelle par des promesses d’enrichissement les c0lons qui viendront, dès qu’une politique intelligente leur aura ouvert l’accès 11. une fortune ignorée ou négligée jusqu’à ce jour.

Avant que nous eussions atteint Edmonton, le nombre d_ nos animaux fut accru par la naissance d’un poulain, èvénement qui retarda à peine notre marche. Le poulain fut pour le premier jour attaché sur une travaille et tralné ainsi par sa propre mère. Dès le lendemain, il marcha bravement toute la


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journee et traversa parfaitement à la nage la rivière qui se trou-" nit sur notre passage.

Chemin faisant, nous rencontrâmes souvent les marques des travaux du castor à des époques déjÀ. eloignées de nous, lorsque sa race était nombreuse et puissante. Entre autres, dans un endroit, il y avait une longue chalne de marais qu’avait causés nn endiguement construit à travers un ruisseau qui dès lors avait cessé d’exister. Les demeures des castors paraissaient abandonnées depuis des siècles ; car leur maison n’était plus qu’une levée herbeuse sur la terre sèche, et la digue qui la precedait avait la forme d’un remblais solide et recouvert de gazon.

La rivière du Chien (Oog River) t, peUt affiuent de la Saskatcbaouane, conserve encore un établissement de ces animaux. Le long des rives nous en vlmes des traces fralches, même quelques petits arbres venaient d’être coupés. Ces indications que nous suivrmes, en remontant le cours, nOU3 conduisirent à la digue. C’était un barrage formé de troncs et de branches, pardessus lequel l’eau passait doucement, pour aller reprendre à,

l’aval une course pms rapide. Dans la paisible mare qu’il formait en amont et tout proche de la rive Clpposée, s’élevait la demeure des castors, construction conique de six ou sept pieds de hauteur et formée. de perches et de branches recouvertes d’un pl4trage de boue. Nous nous mimes à l’afl’tU et nous y demeurâmes longtemps silencieux, cachés dans les broussailles qui bordaient le ruisseau et pleins de l’espérance d’entrevoir quelqu’un des habitants ; mais ce fut en" vain. Cet établissement doit remonter à de bien lointaines années, car nous,rmes des troncs d’arbres que les castors avaient abattus et qui se trouvaieDt à présent pourris et couverts de mousse. JI y en avait de graDde taille et l’un d’eux avait plus de deux pieds de diamè


1. U lautprendre ici la seconde carte pour suine la route des voyageurs. (TI’od.) 12 178DE }"A.’IL\NTIOUE

tri. Gela ’nQUi,pe_mit de co_at_teqpJe I.ecasW a.b_n _ de la gloire de ses ancétres : non-seule_eDt :_, _UD_ sp_.moins.Dolllhreuaes et moins _eDdB8S 1 mais’ eDqQre lIeS __tNi>ru ;es ont perdu leur _DCe. ’.

,Ainsi les arbres couJés rice_t _nt petüa aD, oompaJ’aÏsoD des anciens ;,ils sembl_ mdiqu.er que pMJ&ienn _ t_ avaient atiafIué à 1& : fois le m&Be arBre ei..qaeJa fai"ee de leur colonie De leur.permetJ&it plus Ge If en preùr’e 1\ un de r,s 4é_b q_ leur ! ! a___.n__a.ieDt pas hésit,é à _\\le. n’n__ _ ;iJnpossibJe ’èe.déoouvrlr un seul eouraut COMid6l’able qui e_ été intercepté par les tzav&m : des :cut.ers de jours. Une pareille digue exige des arbres de trop haute f8&aie et un, Dom_ d’OUTriers trop eo.idérahle. Cefe8daDt DOO8 t :efil !C.ontri9_ fréquemme,nt des relPbJais gaIOn.eux.,. euW1115 d"UB _se-d’._ _1Ù_, je" 811. traYers.e CQJJJIS d’eau qui &WieDt e.u.tre__.. qparante,_de la’tge..

, ’A, UR _droit UOO :lIné _ C9lUnes des Serpe.ta {s.Me B.}, nous J’eWRA__’la_a_atch.ouane ; et COI8IDe, à purir de là, l_ route de gauche n’était p1wI,qu\un’.eMer. polir les h !88s de _OIDme à travers la fDdt, nous nous disp8lAmes à fraachir la rivière JIOUr retn’enère 1& rou_ cvros88.h118 qui suit 11. rift -

ridienale.. Cette en_repru,8 noqs e_.’ ai)8Iii ;,..la

ri_#&,e.6tai_ 1_1_ :et. p_fonde. et,.’ !U8.ne YDJiOœ pas’" Ii

v__n. d’_hres propres. _il lUl "ta.cMa. Mail.. _

_e _ A_inLbo_ I)e fur_t lI8fI _0Qg__ eD_" n œ. J 1 un fr’le cbAuia.avec du saule vert,.aUacllé.par,dei Ith MI. cuir j il couvrit le tO&t 4’ue pee.ll de œon cb1llUe. …. points et, bien graiss_e à t00818$ ’mus.,Ge léger CIDCK JtlJlh. que _iI pieds de loQg. deu. de w,e et au_ de opr8ClI…..–. __#_ it 01.’ office de passeur et tr.aJUlpOrta _. _. j. "Ir bagage de ra_ œW. Ensuite Vint le tour de CheBdlè. 93.""" énorme, joint À celui de Baptiste, fit enfoncer le r_le _ jusqu_au bord. 11 fallut attacher. _ UD c64é une lJùdJs-pOUf eIII AU PAClFJQUE.


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I*her le eaoet Ge chavirer. P1Lis OB tenta l’ave.ut.ura. Le moindre haJ_meDt faisait entrer dan8 l’embaration l’e&u, qui y p6Mtrait déjà rapidement à &ruer. la peau p81’méable dont elle se compOl8it. Cbe8Üe.ui_&i_ avec angoiues les progri !s de l’enfo&œJDeBt d’Wl des vaiSAeA"’T :Les plus rrasües auxquels un mortel ait, jamais coulé sa vie. L’iBfil1raÜOD de l’eau àugmentait ; à l’eliérieur l’eau momait ; dé.it elle awit l’air d’être plus’

haute que les bords. Or il faisait presque nuit. La perspective de couler _ foBd devenait si immiœut.e que le pauager s’en alarmait de plus en plus. Enfin 1& rift Ûlt atteiate, mais jusUJ à temps, car l’eIIl le pNcipUait par-dellus les bords.

HilIoB passa ensuite. Le reste demeura en lITière pour effectuer, le len.d.emain matin, le transport des chevaux et des char. rettes. Ces deraWes pa_em d’une faÇOll aulai simple qu’aisée. UB dei branca.rds de chacune d’elles ayant 6th attaché au moyen d’une corde à la queue à’un cheval, les animaux furent mis à l’eau ; on poussa derrière.eUl. les charrettes, et, comme elles étaient tout à fait en bois, elles floUaient dans leur position ordinaire et les chevaux les tiraieat lans difficulté en nageant. Après avoir rechargé lei charreUes. nous reconn1imes à l’essai que la berge avait trop de roideur pour que les chevaux pussent la gravir en les tratnant. Cependant nous n’avions aucun barnais de rechange pour atteler un second cheval à une voiture ; en conséq1Hnce, nous dflmes y remMiel", comme on le fait dans ce pays, en attachant une courroie de la queue d’un cheval à un brancard de la voiture. Puis il fallait avoir soin de partir en douceur, afin de.ne pas disloquer les vertèbres de la queue de notre animal. Ainsi, aveè l’aide de Milton et’ du jeune Assiniboine. montés en postillons sur les chevaux de volée, et grâce aux efforts réunis des autres qui poussèrent à la roue, nous surmontâmes avec succès les difficultés.

À peine avions. nous atteint le niveau de la plaine que d’é. pais nuages de fumée, s’élevant de tous les côtés, nous firen_ _180


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comprendre que la prairie était en _eu. Heureusement nous ; parvtnmes au terrain que le passage de la flamme avait noirci ; mais nous dûmes nous contenter d’un marais pour fairepaltre nos chevaux et pour y _lir œtte nuit notre bivouac. Comme à l’ordinaire, avant d’_tre arrivés à Edmonton, no a vions épuisé nos provisions. Il est vrai qu’il J avait des v James sauvages et des œufs en si grande abondance que nous manquions jamais de nourriture. D’ailleurs, ni Baptiste ni J famille Assiniboine n’étaient difficiles sur la qualité des œuf même, pour dire la vérité, ils préféraient ceux où les poul avaient déjà pris un certain développement. C"ette friandise qu’ recherchaient, ils la tiraient de la coquille, et, la tenant l’aile ou par ]a pattt’, ils la laissaient tomber dans leur che, à peu près comme nous mangeons les asperges.

Le 14 mai, nous étions en vue d’Edmonton t. C’est un agréablement situé sur la falaise élevée qui domine au no cours de la Saskatchaouane septentrionale. La barque Compagnie ne tarda pas à. venir nous prendre et nous reç_ -des logements dans le bâtiment, où le négociant en M. Hardisty déploya en notre faveur toute sa politesse e hospitalité.


1. On trouve dans le Tour du IOfidt (1860, l, p. 288) une ’Vue du fort ton qui est prise de beaucoup plus près que celle-ci et qui est très-bolllll faire comprendre les descriptions qu’on a rencontrées pr6cédemment de structions 61evées par la Compagnie de la Baie de Hudson. (Troll.)