Voyage dans les royaumes de Siam, de Cambodge, de Laos et autres parties centrales de l’Indo-Chine : relation extraite du journal et de la correspondance de l’auteur
Texte établi par Ferdinand de LanoyeL. Hachette (p. 74-85).
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IX

Départ pour le Cambodge. — Voyage en barque de pêcheurs. — Chantaboun. — Produits. — Commerce. — Physionomie du pays. — Archipels du golfe de Siam. — Manière dont les crocodiles attrapent les singes.

Mon intention était de visiter le Cambodge ; mais je ne pouvais m’y rendre avec ma légère barque de rivière ; or, comme l’on ne voit guère circuler entre Bangkok et Chantaboun que de petites jonques chinoises ou des barques de pêcheurs chargées de poisson pour la capitale, je dus m’embarquer sur une de ces dernières, le 23 décembre, avec un nouveau domestique appelé Niou et d’origine anamite. Élevé au collège des Pères, à Bangkok, il connaissait assez bien le français pour m’être très-utile, surtout comme interprète. Notre embarcation était trop petite pour son contenu ; car, outre moi et Niou, elle portait deux hommes et deux enfants de treize à quatorze ans. L’aspect de toutes les petites îles du golfe est d’un effet enchanteur et pittoresque. Notre traversée fut plus longue que nous n’avions pensé. Trois jours suffisent en temps ordinaire ; il nous en fallut huit, tellement le vent était violent et contraire. Nous eûmes aussi un accident qui fut fatal à l’un de nous et qui aurait pu l’être à tous. C’était dans la nuit du 31 décembre au 1er janvier. Notre barque filait rapidement sous une brise violente et fraîche. J’étais assis sous le petit toit de feuilles et de bambous entrelacés qui me protégeait contre la pluie et la fraîcheur des nuits, disant adieu à l’année qui venait de s’écouler et souhaitant la bienvenue à la nouvelle ; priant pour qu’elle me fut favorable, et surtout qu’elle répandit à pleines mains la coupe de bonheur sur tous ceux qui me sont chers. La nuit était obscure. Nous n’étions qu’à deux milles de la côte, dont les montagnes nous apparaissaient comme un sombre bandeau. La mer seule brillait de cette lueur phosphorescente si bien connue de ceux qui ont navigué longtemps. Depuis plusieurs heures, deux requins n’avaient cessé de nous suivre en traçant à l’arrière comme un sillon de feu tortueux. Tout était silencieux sur notre bateau ; on n’entendait que le vent sifflant dans nos voiles et le bruit des vagues. Je sentais en moi-même, à cette heure de la nuit, seul et loin de tous ceux que j’aimais, une tristesse que je cherchais inutilement à soulever et une inquiétude dont je ne pouvais me rendre compte. Tout à coup nous éprouvons un choc violent, suivi presque aussitôt d’un second, et notre barque reste dans l’immobilité la plus complète. Tout le monde à bord pousse un cri de détresse ; les matelots sautent à l’avant avec Niou ; en un instant la voile est pliée, les torches allumées ; mais, ô malheur ! un de nous manque à l’appel… Un des jeunes garçons qui était assoupi sur le bord du bateau avait été, par le choc, précipité à la mer. Inutilement nous cherchâmes le corps de ce malheureux ; il était indubitablement devenu la proie d’un des requins. Fort heureusement pour nous, la barque n’avait touché que de côté contre la pointe d’un rocher et s’était ensuite échouée sur le sable, de sorte qu’après l’avoir dégagée nous pûmes aller jeter l’ancre près de la côte.

Le 3 janvier 1859, ayant traversé le petit golfe de Chantaboun par une mer excessivement houleuse, nous vîmes apparaître la fameuse roche du Lion qui forme comme la pointe d’un cap à l’entrée du port. De loin, on dirait un lion couché, et l’on a peine à croire que la nature seule ait moulé ce colosse avec des formes aussi curieuses, et cependant c’est l’eau qui l’a arrondi et modelé de la sorte. On comprend que les Siamois aient pour ce rocher, comme pour toutes les choses qui leur paraissent extraordinaires ou merveilleuses, une espèce de vénération. On raconte qu’un jour un navire anglais étant venu jeter l’ancre dans le port de Chantaboun, le capitaine, en voyant le lion, proposa de l’acheter, et que le gouverneur ayant, refusé de lui vendre, l’Anglais, sans pitié, fit feu de toutes ses pièces sur le pauvre animal. Le fait a été raconté par un poète siamois dont l’œuvre est une plainte touchante contre la dureté de cœur des barbares de l’Occident.

La roche du Lion, devant le port de Chantaboun.
La roche du Lion, devant le port de Chantaboun.
La roche du Lion, devant le port de Chantaboun.

Le 4 janvier, à huit heures du matin, nous arrivions à la ville de Chantaboun proprement dite. Elle est bâtie le long du fleuve, à six ou sept milles des montagnes. Les Annamites chrétiens forment le tiers à peu près de la population de cette localité ; le reste est composé de marchands chinois, de quelques Annamites païens et de Siamois. Les seconds sont tous des pêcheurs, descendant d’Annamites de même profession, qui, venus de Cochinchine pour pêcher au nord du golfe de Siam, s’établirent peu à peu à Chantaboun. Tous les jours, tant que dure la saison froide et que la mer n’est pas trop forte, ils vont tendre leurs filets dans les petites baies du littoral ou dans les bassins que forment les îles entre elles.

Le commerce de cette province n’est pas considérable, comparativement à ce qu’il pourrait être ; mais les nombreuses taxes, les corvées continuelles imposées au peuple par les chefs, puis l’usure et les prévarications des mandarins, ajoutées à l’esclavage, accablent, ruinent les familles et stérilisent le travail. Cependant, quoique la population ne soit pas nombreuse, on exporte à Bangkok une assez grande quantité de poivre que les Chinois principalement cultivent au pied des montagnes, un peu de sucre et de café d’une qualité tout à fait supérieure, et enfin des nattes faites de joncs, très-jolies, et qui se vendent très-avantageusement en Chine ; du tabac, une quantité de poisson sec et salé, ainsi que des bichos-di-mar ou holothuries de mer séchées, et de l’écaille de tortue que pèchent les Annamites païens.

Tout sujet siamois, dès qu’il a atteint la taille de trois coudées, est soumis à un impôt ou tribut annuel équivalant à 6 ticaux (18 francs) ; les Annamites de Chantaboun le payent en bois d’aigle, les Siamois en gomme-gutte. Le tribut des Chinois se paye en gomme laque, et seulement tous les quatre ans ; il n’est que de 4 ticaux. C’est à la fin de la saison des pluies que les Annamites chrétiens se réunissent en troupes de quinze à vingt, et partent sous la conduite d’un homme expérimenté, qui devient le chef de l’expédition et indique d’ordinaire aux autres les arbres qui renferment du bois d’aigle, car tous ne sont pas également habiles à reconnaître ceux qui en contiennent, et il faut, pour bien réussir et s’éviter un travail inutile et pénible, une expérience que l’on n’acquiert qu’avec le temps. Les uns restent dans les montagnes environnantes, les autres vont aux grandes lies de Ko-Xang ou de Ko-Kut, situées au sud-est de Chantaboun.

Le bois d’aigle est dur, moucheté, et répand une forte odeur aromatique lorsqu’on le brûle. Il sert à brûler, après leur mort, le corps des princes et des hauts dignitaires que l’on conserve préalablement pendant une année dans un cercueil. Les Siamois l’emploient également en médecine. Le bois de l’arbre qui le produit est blanc et très-tendre, et il faut l’abattre et le fendre en entier pour trouver le bois d’aigle qui est répandu dans l’intérieur du tronc. Les Annamites font une espèce de secret des indices auxquels ils reconnaissent l’arbre qui en contient. Le peu de renseignements qu’ils ont voulu me donner m’a cependant mis sur la vole. Je fis abattre sur la montagne plusieurs arbres que je jugeais devoir en contenir, et le résultat de mes observations est que ce bois se forme dans les cavités de arbre, et que plus celui-ci est vieux, plus il en contient. On frappe le tronc de l’arbre, et s’il rend un son creux et laisse échapper par les nœuds une odeur plus ou moins forte de bois d’aigle, on est assuré qu’il en renferme.

La plupart des Chinois marchands se livrent à l’opium et au jeu ; les Annamites chrétiens ont en général une conduite plus réglée ; mais leur caractère est tout l’opposé de celui des Siamois, qui sont mous, paresseux, insouciants et légers, mais généreux, hospitaliers, simples et sans orgueil. L’Annamite est petit, maigre, vif, actif, mais prompt et colérique. Il est sombre, haineux, vindicatif et surtout orgueilleux ; entre parents même, ce sont des dissensions et une jalousie continuelles. Sans pitié pour le pauvre ou pour le malheureux, il est serviteur-né du puissant. L’attachement de ceux qui sont catholiques pour leurs prêtres et les missionnaires fait seul exception ; ils s’exposent pour eux aux plus grands dangers. De leur côté, les païens tiennent fortement à leur idolâtrie par respect pour leurs ancêtres. Dans les rapports que j’ai eus avec les uns et les autres, tant à Chantaboun que dans les îles, où j’en rencontrais fréquemment, venus de ce premier endroit ou de Kampot, port du Cambodge, je n’ai eu qu’à me louer de la générosité et de la bonté des païens.

Les missionnaires de Bangkok m’ayant donné une lettre d’introduction pour leur confrère de Chantaboun, je descendis chez lui et j’eus le plaisir de rencontrer un digne homme qui me reçut avec la plus grande cordialité et mit à ma disposition une chambre de sa modeste habitation. Depuis plus de vingt ans ce bon père se trouve à Chantaboun avec les Annamites qu’il a baptisés, content et heureux au milieu de l’indigence et de la solitude. À mon arrivée, il était au comble du bonheur ; il voyait s’élever rapidement de jour en jour une nouvelle chapelle qu’il fait construire, et pour laquelle il a trouvé le moyen d’économiser sur son modeste viatique. Construite en briques, elle remplacera bientôt la chapelle de planches dans laquelle il officie. Je passai seize jours heureux sous son toit, tantôt chassant sur le fleuve et les canaux, tantôt sur le mont Sabab. Le pays me rappelait beaucoup la province de Pakpriau. La plaine est peut-être encore plus déserte et plus inculte ; mais au pied de la montagne s’ouvrent de charmantes vallées, où quelques centaines de Chinois se livrent à la culture du poivre.

J’achetai au prix de 25 ticaux une bonne petite barque pour visiter les îles du golfe, très-intéressantes sous tous les rapports, quoique sur plusieurs d’entre elles les tigres soient nombreux. La première que je visitai porte le nom de Ko-nam-sao (buste de jeune fille). Elle a la forme d’un pic et près de deux cent cinquante mètres de hauteur. D’origine volcanique comme toutes les autres îles de cette partie du golfe, elle n’a seulement que deux milles de circonférence. Les roches qui l’entourent presque partout en rendent l’accès difficile ; mais l’effet qu’y produisent une végétation puissante et une verdure pleine d’éclat et de fraîcheur est ravissant. La saison de la sécheresse, si agréable dans les voyages en Europe, à cause de la fraîcheur des nuits et des matinées, est au Siam un temps de mort et de désolation pour toute la nature. Malgré une végétation encore assez fraîche, la vie semble s’arrêter ; les oiseaux ont fui vers les lieux où ils trouvent à se désaltérer et recherchent de préférence le voisinage des habitations et les bords des rivières où les insectes, en nombre immense, leurs fournissent une abondante nourriture. Rarement un chant vient charmer l’oreille ; l’aigle pêcheur seul fait entendre son cri rauque et perçant chaque fois que le vent change. Les fourmis en essaims innombrables surgissent, au contraire, de partout ; le sol, les arbres, tout en est couvert, et elles paraissent être, avec les moustiques, et quelques grillons, les seuls insectes qui aient échappé à la destruction. En poursuivant les troupes de singes qui s’enfuyaient à mon approche, ou bien en suivant les traces des daims ou des léopards, dont plusieurs tombèrent frappés de mes balles, nulle part je ne trouvai dans ces iles la moindre trace de sentier, ni source, ni ruisseau ; je n’avançais que très-difficilement à travers les masses de lianes et de branches entrelacées, la hache à la main, et ce n’est qu’épuisé par la chaleur et la fatigue que je revenais au rivage.

La plupart des roches de ces montagnes, comme celles des îles, sont métamorphiques, c’est-à-dire d’anciennes roches sédimentaires qui ont conservé beaucoup de traces de leur ancien dépôt sous les eaux, mais qui ont subi un changement dans leur structure et dans leur composition par l’action des volcans. Toutes renferment un grand nombre de filons et d’amas auxquels en géologie l’on donne le nom de « gîtes de contact, » c’est-à-dire de gîtes métallifères qui, encastrés dans des roches stratifiées ou des roches massives, ont été pénétrés de leur substance.

Le 26, nous fîmes voile pour la première des îles Ko-Man, car il y en a trois qui portent ce nom et qui sont rapprochées les unes des autres. La plus grande n’est éloignée de la côte que d’une dizaine de milles. Quelques aigles pêcheurs, une espèce de pigeons blancs et des coucous noirs sont à peu près les seuls habitants ailés que j’y rencontrai ; mais les iguanes y sont très-nombreuses, et lorsque le soir elles sortent de leurs retraites, le bruit qu’elles font en marchant pesamment sur les feuilles sèches et les branches mortes, pourrait facilement être attribué à des animaux plus grands et plus redoutables.

Vers le soir, la marée ayant baissé, nous laissâmes échouer notre barque dans la vase ; j’avais déjà remarqué pendant le jour que la boue, semblable à celle des tourbières, était imprégnée de matières volcaniques ; mais pendant toute la nuit il s’en échappa une si forte odeur sulfureuse, que je me crus sur un volcan sous-marin. Le 28, nous passâmes à la seconde île des Patates, qui est plus élevée et plus pittoresque que la précédente ; les rochers qui la bordent sont d’un effet grandiose. Le coup d’œil dont on jouit en traversant les deux îles par un beau soleil et à marée basse est surtout magnifique. Les îles des Patates doivent leur nom aux nombreux tubercules sauvages qui s’y trouvent.

Vue des îles du golfe, prises du cap Liaut.
Vue des îles du golfe, prises du cap Liaut.
Vue des îles du golfe, prises du cap Liaut.

Je passai plusieurs jours au cap Liaut, tantôt sur la côte, tantôt dans les nombreuses îles qui en sont très-rapprochées ; c’est la plus belle partie du golfe elle est comparable pour sa beauté au détroit de la Sonde près des côtes de Java. Il y a deux ans, le roi étant venu visiter Chantaboun, on lui bâtit sur la plage, à l’extrémité du cap, une maison et un kiosque. En mémoire de sa visite, l’on a aussi érigé au sommet de la montagne une petite tour d’où l’on jouit d’une vue très-étendue.

Je visitai aussi Ko-Kram qui est la plus belle et la plus grande de toutes les îles qui se trouvent au nord du golfe entre Bangkok et Chantaboun. Toute l’île n’est qu’une suite de montagnes boisées, mais cependant d’un accès assez facile et renfermant beaucoup de fer oligiste. Les singes et les daims qui l’habitent viennent tous les soirs boire au rivage, car elle manque d’eau douce.

Le 29 au matin, à mesure que le soleil s’élevait à l’horizon, la brise diminuait, et nous n’étions plus qu’à trois milles du détroit qui sépare l’île de l’Arec de celle des Cerfs, lorsqu’elle tomba tout à fait. Depuis une demi-heure, nous n’avancions qu’à force de rames, et exposés à toute l’ardeur d’un soleil brûlant, quoiqu’à une heure matinale, sans le moindre souffle dans l’air, devenu lourd et suffoquant. Tout à coup et à mon grand étonnement, la mer s’agita, se souleva, et ballotta en tous sens notre légère embarcation. Je ne savais que penser d’un phénomène tout nouveau et inconnu pour moi, et d’où pouvait peut-être résulter, d’un instant à l’autre, quelque danger ou accident sérieux, lorsque notre pilote s’écria tout à coup : « Voyez comme l’eau de la mer bout. » En effet, je me retournai du côté indiqué ; la mer semblait être en ébullition, et peu d’instants après un immense jet d’eau et de vapeur fut lancé dans les airs et dura pendant plusieurs minutes. Je n’avais jamais été témoin d’un pareil phénomène et je ne suis plus étonné maintenant de la forte odeur de soufre qui me suffoquait dans l’île Ko-Man. C’était donc un volcan sous-marin qui faisait éruption à près d’un mille de distance de l’endroit où trois jours auparavant nous avions jeté l’ancre.

Rocher percé, de Thoulou, golfe de Siam.
Rocher percé, de Thoulou, golfe de Siam.
Rocher percé, de Thoulou, golfe de Siam.

Le 1er mars, nous arrivâmes à Ven-Ven, sur le Paknam-Ven ; sorte d’estuaire où se déverse un fleuve large de plus de trois milles à son embouchure et formé par plusieurs cours d’eau qui découlent des montagnes et se joignent à un bras de la rivière de Chantaboun, qui, faisant l’office d’un canal, relie ces deux localités.

Les crocodiles sont plus nombreux dans le fleuve de Paknam-Ven que dans celui de Chantaboun. Continuellement je les voyais ou les entendais s’élançant de la rive dans l’eau, et il arrive assez fréquemment que des pêcheurs imprudents ou des gens endormis près de la rivière, ont été dévorés par eux ou sont morts des blessures qu’ils en ont reçues. Ce dernier cas s’est renouvelé deux fois depuis mon séjour dans la province de Chantaboun ; mais une chose amusante pour l’homme qui se plaît à étudier les mœurs intéressantes de toutes les créatures dont Dieu a parsemé la surface du globe et que nous eûmes le plaisir d’observer à Ven-Ven, c’est la manière dont ces amphibies attrapent les singes qu’une malicieuse fantaisie pousse à les taquiner. Au bord du rivage, le crocodile, le corps enfoncé dans l’eau, ne laisse dépasser que sa gueule grande ouverte, afin de saisir tout ce qui passera à sa portée. Une troupe de singes vient-elle à l’apercevoir, ils semblent se concerter, s’approchent peu à peu et commencent leur jeu, tour à tour acteurs et spectateurs. Un des plus agiles ou des plus imprudents arrive de branche en branche jusqu’à une distance respectueuse du crocodile, se suspend par une patte, et avec la dextérité de sa race, s’avance, se retire, tantôt allongeant un coup de patte à son adversaire, tantôt feignant seulement de le frapper. D’autres, amusés du jeu, veulent se mettre de la partie ; mais les autres branches étant trop élevées, ils forment la chaîne en se tenant suspendus les uns aux autres par les pattes ou par la queue ; ils se balancent ainsi, tandis que celui qui se trouve le plus rapproché de l’animal amphibie le tourmente de son mieux. Parfois la terrible mâchoire se referme, mais sans saisir l’audacieux singe : ce sont alors des cris de joie et des gambades ; mais parfois aussi une patte est saisie dans l’étau et le voltigeur entraîné sous les eaux avec la promptitude de l’éclair. Toute la bande imprudente se disperse alors en poussant des cris et des gémissements ; ce qui ne l’empêche pas de recommencer le même jeu quelques jours, peut-être même quelques heures après.