Voyage dans les provinces russes de la Baltique, Livonie, Esthonie, Courlande/02

Deuxième livraison
Le Tour du mondeVolume 12 (p. 129-144).
Deuxième livraison


Un marchand de framboises. — Dessin de d’Henriet.


VOYAGE DANS LES PROVINCES RUSSES DE LA BALTIQUE,

LIVONIE, ESTHONIE, COURLANDE,


PAR M. D’HENRIET.[1]


1851-1854. — TEXTE ET DESSINS INÉDITS.


I (Suite.)

Galériens. — Religion. — Justice. — La guerre.

Le soldat de faction dans quelque endroit écarté, a une manière assez ingénieuse de demander l’aumône ; quand il voit arriver quelqu’un, il montre une baïonnette cassée, et sollicite un secours, afin de pouvoir en acheter une autre. Cette scène, si loin de nos mœurs, s’est reproduite plusieurs fois à mes yeux avec des variantes, qui attestaient autant d’imagination que de dénuement. Je dois cependant dire que le soldat, dont la condition est si pénible, a quelques chances favorables, qu’il trouverait à peine dans l’organisation militaire de certains peuples qui se croient libéraux. S’il est décoré de l’ordre de Saint-Georges, pour faits militaires, il ne pourra plus être battu ; s’il est lieutenant, il a la noblesse à vie ; s’il est capitaine, je crois, la noblesse pour lui et les siens ; ils ne pourront plus être battus, à moins toutefois, — car rien n’est stable, — d’être dépouillés auparavant de leur état. Mais malgré l’exemple de Paskiewitch, de Schilders et d’autres, les soldats russes nourrissent peu de ces hautes espérances, et ceux de garnison en particulier, portent souvent envie à une condition qui ne devrait point être un objet de désir et que quelques-uns obtiennent à l’aide d’un acte calculé d’insubordination. On les envoie au bagne, ils sont alors galériens. Les galériens en effet, ont un sort plus doux ; ils ne sont point surchargés de besogne ; j’en ai vu, qui se mettaient à quarante, pour traîner une voiture chargée de farine. J’en ai vu d’autres occupés aux fortifications ; l’un d’eux ajoutait une pierre de taille à un mur, et sans se presser, crachait tranquillement sur un peu de sable pour faire du mortier ; il semblait profondément pénétré, — pauvre philosophe galérien, — de l’inutilité de toute fatigue en ce bas monde. D’autres, au lieu de tailler des pavés, fabriquaient des œufs en pierre, des chariots d’enfants, des moulins, qu’ils vendaient aux passants. Comme il n’y a pas d’infamie à être galérien, les soldats vivent en bons camarades avec eux, et partagent leurs petits bénéfices, ceux par exemple qui résultent des aumônes qu’ils demandent dans les maisons, quelques-uns, — des Polonais sans doute, — en fort bon français.

Parmi ces galériens, plusieurs appartiennent à des familles assez haut placées, qu’ils ne déshonorent point. On en a vu qui n’habitaient point le bagne ; par une faveur assez singulière, ils avaient obtenu d’avoir leur propre maison, demeure somptueuse, où les servaient de nombreux domestiques, où ils recevaient une fort bonne compagnie ; seulement ils étaient galériens, et, comme tels, balayeurs des rues, en ces jours assez rares où les rues sont balayées. Le garde chiourme venait les prévenir à l’heure précise ; ils prenaient la casaque et le bonnet, et redevenaient forçats. Le fait m’a été raconté par un de leurs parents, qui ne se gênait point pour dire que la presque totalité de sa famille avait passé au bagne ou en Sibérie. Il était le dernier venu, et devait à son âge d’avoir été préservé.

Quelques-uns des galériens sont réputés dangereux. On les rive à une brouette, qui ne les quittera plus, même à la mort ; leur front est marqué au fer rouge et rasé d’une façon bizarre. À cause de cela, quand ils s’évadent, ils sont facilement ressaisis, car on ferme les portes par lesquelles ils sont présumés pouvoir s’enfuir, et les passants sont obligés de se découvrir devant le factionnaire, pour montrer qu’ils n’ont pas la tête rasée. Je traversais un soir le pont de la forteresse, quand la sentinelle m’empêcha d’aller plus loin, avant d’avoir accompli cette formalité. Je m’arrêtai devant le soldat, étonné autant que lui-même l’était de voir que je ne me rendisse pas à ses paroles, dont je n’avais pu saisir le sens. Il voulait s’assurer si mes cheveux étaient bien à moi ; il essaya de se faire comprendre par signes, mais j’étais trop borné pour rien entendre à sa pantomime ; ne sachant enfin comment vaincre mon inertie, il me donna l’exemple, le brave homme ; il retira son casque et découvrit sa tête, puis il passa sa main sur ses cheveux qu’il me fit voir.

Je remarquai qu’ils étaient blonds, rien de plus. Que faire ? Comment savoir si je n’étais pas celui-là même qu’il devait arrêter, le galérien passant incognito sous le déguisement d’un étranger ; je ne voulais pas faire voir ma tête.

Il fallait qu’il y eût là quelque chose : notre factionnaire était embarrassé.

Un officier s’avança heureusement à l’autre extrémité du pont ; peu de temps lui suffit pour se mettre au courant du débat. Il se prit à rire de bon cœur, et me dit que je parviendrais facilement à convaincre le factionnaire que je n’étais pas un galérien ; je levai mon chapeau ; je n’avais la tête rasée ni d’un côté ni de l’autre ; je fus autorisé à continuer ma route.

Je n’ai point parlé jusqu’ici des religions. Elles ont une grande importance en Livonie ; les églises sont nombreuses : églises, chapelles ou temples de luthériens, de presbytériens, de réformés de toutes les confessions, de catholiques, qu’ils soient romains ou grecs. Les derniers sont les plus intolérants, parce qu’ils sont maîtres. Il est un point sur lequel l’attention publique n’est à coup sûr pas assez éveillée en Europe. Tandis que la Russie étend démesurément ses bras sur l’Asie, de façon à devenir bientôt menaçante pour les Indes et pour la Chine (voir la Sibérie de M. F. de Lanoye), elle gagne pied à pied du terrain en Europe. C’est l’affaire d’un prosélytisme incessant. Je ne parle point des prétentions de la Russie au protectorat des grecs orthodoxes, mais de règlements mal connus, qui absorbent insensiblement toutes les religions existantes encore en certaines provinces, au profit d’une seule, la religion grecque, celle du Tzar. Résultat d’autant plus funeste qu’il est presque impossible de sortir du giron de cette orthodoxie. Il suffit que l’un des époux appartienne au culte orthodoxe, pour que les enfants à naître soient catholiques grecs. Par une suite naturelle de la vie, la minorité, — les dissidents, déjà peu favorisés par l’État, — va se perdant de plus en plus sans pouvoir se refaire, enveloppée qu’elle est, et comme noyée dans une masse toujours grossissante. Ceux du pays, qui s’en aperçoivent, ne voient pas de remède à ce mal. Les protestants seuls, si fort disposés à passer de l’une à l’autre des confessions de l’Église réformée, se tiennent sur leurs gardes. Ils ne s’unissent guère qu’entre eux ; les autres ne résistent pas.

Qu’on songe de plus que les mariages sont si féconds, qu’il n’est pas rare de voir des familles de quatorze, quinze, et seize enfants, dont plus de la moitié, il est vrai, meurt en bas âge[2], faute de soins, et l’on aura une idée du déluge d’hommes, presque de barbares, que cet empire immense, encore mal peuplé, par rapport à son étendue, mais bercé de rêves et de traditions ambitieuses, peut, s’il arrive à l’unité despotique, jeter un jour sur nous.

Le gouvernement, pour qui les affaires religieuses sont presque exclusivement politiques, préfère cette marche lente à une persécution manifeste, et se sent d’autant plus sûr d’arriver à son but, qu’il tient en ses mains les caisses des églises. Il ne laisse disposer des fonds que suivant qu’il y a opportunité à son point de vue.

Il est une des sectes de l’Église grecque, dont les membres, nommés scopti, sont poursuivis sans miséricorde, et qui ne s’éteint point cependant. Les changeurs de monnaie, les marchands d’or, les petits banquiers subalternes, en font souvent partie. Chargés d’un embonpoint maladif, presque imberbes, ces hommes, après s’être mariés et avoir eu des enfants, ont subi, jeunes encore, pour obéir à une parole mal interprétée de leurs livres religieux, la mutilation imposée aux prosélytes. Les vieux croyants, secte plus nombreuse, qui se divise en plusieurs rameaux, sont également gênés dans l’exercice de leur culte. Mais jusqu’ici, malgré quelques tentatives partielles et aussitôt châtiées, ils sont rentrés dans l’ordre ancien à l’arrivée du canon, qu’appuie d’ordinaire le discours brutal de l’officier commandant les troupes.

La répression de ces insurrections partielles, religieuses ou politiques, a lieu d’une façon simple, presque élémentaire. Quand on apprend que quelques groupes de paysans se sont réunis, soit dans leurs villages, soit dans les bois, si l’on suppose qu’ils peuvent devenir menaçants, on leur envoie des soldats de garnison, placés sous la conduite de quelque aide de camp du gouverneur de la province. Le délégué du gouverneur est, dans ce cas, investi de pleins pouvoirs. Il part avec sa poignée d’hommes bien armés et de l’artillerie. Il sait l’effet que produit la vue des armes sur ces gens mal défendus, n’ayant que les haches de charpentiers et les faux qui servent à la moisson, ignorants et trop divisés encore pour courir sus au canon et s’en emparer. À quoi leur servirait d’ailleurs cet engin dont ils ne sauraient point se servir, et que les soldats de garnison ne savent guère eux-mêmes manier, n’ayant jamais ou presque jamais fait l’exercice à feu ? L’aide de camp se présente donc devant les mutins. Ces gens ne se plaignent souvent que des mauvais traitements que leur font subir les intendants, d’autres fois du seigneur lui-même. Il est arrivé que le seigneur avec sa famille avait été mis en morceaux ou rôti. Qui peut dire où s’arrêtent des passions longtemps couvées par tous ces hommes à apparence tranquille ! Ceux qui se retirent dans les bois sont d’ordinaire des dissidents qui ne demandent qu’à garder leurs croyances, qui « voudraient parler au Père, sûrs que le Père les laisserait vivre honnêtement et ne voudrait pas qu’on leur fît du mal, puisqu’ils n’ont fait de mal à personne. » Le père, c’est l’empereur. Douce croyance, à laquelle les faits se chargent de porter en plus d’un endroit une rude atteinte ! « Canaille, dit l’aide de camp, après avoir fait ranger sa troupe, canaille, à genoux ! » Et l’aide de camp reste debout et couvert, tandis que ceux à qui il adresse la parole s’agenouillent et retirent respectueusement leur bonnet. « Voici des soldats, et il y en aura d’autres après eux. Rentrez au village, et obéissez à vos chefs. Je suis envoyé par le Père, qui pardonne à ceux qui se sont laissé égarer. Quant à ceux qui vous ont poussé à l’injustice, ils seront punis comme ils l’ont mérité. Allez. »


Télègue au repos (Esthonie).

Tout au plus il leur est arrivé, à ceux qu’on apostrophe si rudement en français, car le mot canaille est prononcé en français et compris, il leur est arrivé d’oser jeter des pierres aux soldats, mais cela n’a pas tenu longtemps et tout est rentré dans l’ordre.

Je tiens ces détails, que je crois certains, d’un de ces délégués du gouverneur. « On ne raisonne pas encore avec nous, me disait-il. Quand on raisonnera, il faudra parler autrement. »

Je ne m’étendrai pas sur l’administration et la justice. Il y aurait trop à dire. Le mal est en bas comme en haut de l’échelle des grades, plus grand encore en haut qu’en bas. « Les vertus vont à pied et le vice à cheval, » écrivait-on autrefois. Dans les provinces russes, le vice ne va pas à cheval, il va en voiture, et il jouit de beaucoup de considération. Telle personne occupe d’importants emplois, qui, pour ses malversations connues, appuyées de faux en écriture publique, semblerait, en des pays régis par d’autres mœurs, assez digne des travaux forcés. Il est vrai, par compensation, que tel autre est galérien ou arrestant, qui n’a commis d’autre délit que de s’être mal défendu de sympathies un peu vives pour quelque idée généreuse.

« Saluons, me disait un consul de France, en voyant passer la chaîne des condamnés, il y en a là qui sont hommes plus honnêtes que vous et moi. »

J’ai eu à soutenir, étant en Russie, un procès qui a duré près d’un an, et que je raconterai peut-être quelque jour, si j’en ai le loisir. Ici l’espace me manque. Il y aurait là une étude assez intéressante ; car la cause portée devant un tribunal de simple police, alla, de juridiction en juridiction, jusqu’à une cour criminelle, et fut jugée en dernier ressort par la chambre du conseil assemblée. J’ai donc vu, et vu d’assez près, cuisine qui dégoûterait un petit-maître, comment se prépare ce qu’on nous sert ensuite sous le nom de justice, et comment on en use légèrement avec la chose la plus sainte, l’équité. J’ai comparu devant le miroir de justice, symbole de la loi, cadre à trois faces, renfermant des textes, et devant lequel les assistants doivent se tenir avec le même respect que devant la personne sacrée de l’Empereur. Il m’est arrivé de parler en allemand et en français, et d’exaspérer un président, qui s’était permis de rire. Cela faillit mal tourner pour moi. Le bruit courait que je voulais savoir, — et je l’avais dit en effet, — si j’aurais raison sans payer les juges. Prétention dérisoire ! Ne faut-il pas que tout le monde vive ? De plus, les affaires s’étant brouillées entre la France et la Russie, il se manifestait, surtout chez les Allemands, par un zèle affecté de patriotisme, un mauvais vouloir qui pouvait être fâcheux, et ne laissait pas de me causer quelque souci. Je fus sur le point de retarder un voyage que je devais faire, les tchinowniks de La Rathhaus m’ayant refusé un permis de sortie, non sans joindre à leur refus beaucoup de grossièreté. Je les prévins qu’une heure après je leur apporterais un ordre écrit, ce que je fis en effet, et je les trouvai plus bassement humbles, plus obséquieux, de gestes et de paroles, que certes je ne l’aurais désiré.

Ce procès, je ne l’avais point cherché. Il finit cependant assez à mon avantage, en mon absence, non sur ma plaidoirie ; il est besoin d’un avocat et d’un mémoire écrit dans les juridictions supérieures. Si j’en constate ici l’issue, c’est pour rendre hommage à des hommes que je n’avais guère soudoyés.

Sur la fin de notre séjour en Livonie, la situation des étrangers devenait difficile.

Le bombardement de Riga était attendu. La forteresse de la Dunamünde ne semblait pas devoir tenir. Les pêcheurs et les bateliers étaient moitié de gré, moitié de force, enrôlés pour la croisade, et portaient sur leur casquette une grande croix de cuivre, signe de la guerre sainte. On préparait les fours à chauffer les boulets ; les maisons étaient pourvues de pompes. De nos fenêtres je voyais des recrues nouvelles faire l’exercice du canon de bois, pièce artificielle, montée sur une ombre d’affût. Ces hommes n’usaient pas de poudre, — les colonels aiment mieux faire des économies, — mais ils avaient déjà la précision automatique et la roideur saccadée qu’on demande au soldat. Plusieurs fois l’ennemi, pour parler le langage que nous entendions, parut devant l’embouchure de la Düna. On faisait alors une grande différence entre les Anglais et les Français. Les Anglais, disait-on, avaient couru sus aux barques de pêcheurs. Je me rappelle avoir écouté avec plaisir un prince, un général bien connu, chantant la Marseillaise et nous demandant de l’accompagner. Le maître de police était là ; il fit des observations ; on lui dit de s’en aller.


Un paysan et sa femme en costume d’hiver (Livonie).

Un soir, un exprès fut dépêché au colonel chez lequel nous prenions le thé, tranquillement assis autour d’une table. Sept navires de guerre venaient de mouiller devant les batteries. « Cette fois, nous dit-il, c’est pour de bon ; excusez-moi. » Le lendemain matin les vaisseaux avaient disparu.


II

Voyage d’été. — Préparatifs. — La télègue. — L’iemschik. — Première station. — Le prince S… — Volmar. — Les étudiants. — Dorpat. — Le lac Peyus. — Les verges. — Narva. — Les morts qui ressuscitent. — Orologie. — Kalkowa. — Serfs et seigneurs. — Saint-Pétersbourg.

En juillet, époque des grands jours et des fortes chaleurs, nous partîmes, Louis et moi, pour Saint-Pétersbourg.

Les moyens de transport, dont nous pouvions disposer sont peu nombreux. La malle-poste prenait quatre voyageurs à chaque départ, et partait deux fois par semaine. Il fallait retenir les places deux mois à l’avance.

Hors de là restait pour nous, qui n’avions pas de voiture, la poste extraordinaire, Pereklednoï, avec la télègue. L’invention de la télègue se perd dans la nuit des temps. « La télègue est une invention du diable, » disent les Russes. Cependant on l’appelle encore dans le pays : un équipage. C’est un chariot de bois : roues en bois, essieux en bois, chevilles de bois en guise de clous. La construction est rudimentaire : les membres de la télègue sont reliés par des cordes. Les chevaux sont attelés de cordes ; pas de banc d’ordinaire : le voyageur s’assied sur ses bagages. Il est là pour voyager, non pour prendre ses aises. S’il n’est pas content, qu’on lui prépare un sac d’écorces de tilleul rempli de foin ; cependant qu’il se munisse d’une courroie ou d’une forte ceinture pour prévenir le mauvais effet des secousses, dont va se composer son voyage. Les chevaux sont éveillés, maigres, petits, couverts de longs poils ; le postillon, iemschick, est derrière eux, enveloppé de son manteau, bon Russe à barbe et à bonnet carré. Il tient le bout de ses cordes ; il se préoccupe de ses chevaux ; il est bon cocher ; il est chargé de faire aller la voiture, et la voiture ira quand même. Nous faisons nos adieux, et le podorojne[3] en main, nous montons sur la télègue.

Là commencent nos embarras. Comment trouver place ? Les bagages avaient tout envahi. Le cocher avait pris le reste. Nous essayâmes toutefois, et plaçant nos pieds un peu trop haut, plus haut que le centre de gravité, nous parvînmes, non sans peine, à garder un honnête équilibre. La perspective que nous avions de faire cent cinquante lieues dans cette posture, et de tomber à chaque cahot qui dépasserait nos prévisions, ne nous suggérait guère que des réflexions qui n’étaient point sans amertume. Enfin nous imaginâmes de nous adosser l’un à l’autre, de manière à nous prêter un mutuel appui ; nos jambes pendaient en dehors de la voiture ; nous devions tomber sans doute, mais sans rien nous rompre ; cette position ne pouvait pas ressembler à un établissement solide. La route étant pavée jusqu’à la sortie des faubourgs, chaque pavé nous faisait sauter, et quand nous pensions retrouver notre équilibre, un autre cahot venait, qui nous le faisait perdre, jusqu’à ce qu’un troisième le ramenât ou le détruisît sans retour. Ce petit supplice, que Dante, faute de l’avoir éprouvé sans doute, n’a pas mentionné, était interrompu à chaque relais. Il nous fallait alors changer d’équipage, ou de voiture, compter et surveiller nos bagages, afin de n’en être pas débarrassés avant le terme, payer les directeurs de poste et les postillons, en exhibant un passe-port qui nous signalait comme Français ou mécréants, alliés des ennemis de la croix.

Comme nous suivions rapidement la voie douloureuse, derrière nous, nous aperçûmes une voiture qui s’avançait plus rapidement encore. Six chevaux l’emportaient à fond de train, soulevant autour d’eux des nuages de poussière. Elle ne tarda pas à nous rejoindre et à nous dépasser. À peine eûmes-nous le temps de voir au dehors sortir la tête de quelqu’un, qui nous fit un signe. C’était le prince Souwarof, gouverneur général de ces provinces. Nous avions pris congé de lui la veille, et il nous avait fait pour la route des souhaits, qui ne s’accomplissaient point.


Un moulin près de Dorpat.

Nous arrivâmes à la station ; il faisait chaud ; le sable, qui s’agitait autour de nous, couvrait nos habits et nous brûlait les lèvres. Je demandai en allemand aux gens de la poste, s’il y avait longtemps que le prince fût passé. « Un quart d’heure, » répondirent-ils.

Et nous les vîmes s’empresser autour de nous, pleins d’une politesse obséquieuse, qui ne leur est point habituelle. Sur des plateaux de bois, ils vinrent nous offrir des grappes de groseilles fraîchement cueillies, dont le goût aigrelet me rappelait exactement la saveur un peu sauvage du fruit de nos cornouillers, et qui ne m’en parurent que plus exquises. « Vous savez, nous dirent ces bonnes gens, que le prince a recommandé de ne laisser manquer de rien les voyageurs qui allaient venir, et surtout d’arranger la télègue plus commodément pour eux[4]. »

C’était une attention de sa part, dont maintenant encore je lui sais gré. Entraîné à grande vitesse dans sa berline, il avait eu le temps de remarquer l’organisation de notre voiture. Il s’était étonné de nous trouver en route, sans plus de précautions contre le froid de la nuit, que contre les incommodités de notre véhicule. Nos bagages furent changés de place. Une planche monta de chaque côté de la télègue pour nous servir de garde-fous. En comparant cela avec l’aménagement qui avait précédé, c’était presque, au premier moment surtout, le luxe et le confort.

Le pays où nous nous trouvions, plus accidenté que le reste de la route, offrait à la vue quelques collines assez semblables aux combes verdoyantes de la Bourgogne. Un pont de bois enjambait un ravin, au fond duquel coulait paresseusement un ruisseau couvert de joncs, croissant sur de petites mottes de terre. Des montagnes, de petites collines, veux-je dire, et les lignes bleuâtres des forêts bornaient l’horizon ; tout était perdu dans cette brume et ces vapeurs vacillantes, qui s’élèvent comme une fumée des campagnes chauffées par le soleil. Le spectacle de cet horizon d’azur est rare en Russie. Le sol est en général d’une platitude désespérante ; aussi les Russes regardent-ils cette partie des provinces baltiques comme une espèce de paradis, et dans leur admiration naïve, ils l’ont nommée la Suisse livonienne.

« Ce que vous admirez aujourd’hui, nous dit le maître de poste, n’est pas dans son moment. C’est en hiver qu’il faut le voir, dans la saison, quand la neige a étendu sa couverture blanche sur la campagne et sur les chemins. Alors tout est beau et bon pour nous. Tout devient une route unie et douce ; même les endroits que vous traverserez ce soir. »

Il avait raison, à son point de vue, qui n’était pas le nôtre, et sa manière d’apprécier les beautés de la nature est assez commune à tout le peuple. « L’hiver est ami du Russe. »

Cependant la perspective séduisante qu’on mettait devant nos yeux, ne nous persuada pas d’attendre là que l’hiver vînt étendre sa couverture blanche. L’iemschik fouetta ses chevaux ; nous continuâmes à rouler de stations en stations. À Roop, le maître de poste, Allemand frotté de Russe, rusé comme un Grec, et doublé de bonhomie, essaya sur nous l’effet de ses lamentations ordinaires, dans le but de nous rançonner à sa guise.

« Ah ! messieurs, il faut vous arrêter et prendre le thé. Des chevaux, me demander des chevaux ! Dieu sait que je ne peux pas en donner ! Je ne fais pas les chevaux ! Les pauvres bêtes, on les fatigue ; nous n’en avons plus. Il vient de passer la comtesse, une Polonaise, qui nous en a emmené vingt-deux ; nous n’avons plus que ceux du courrier. Vous comprenez, je ne peux pas. Messieurs, il faut vous arrêter ici, et prendre le thé. »

Le malheureux en fut pour ses frais d’éloquence et de respects : nous étions prévenus. Nous avions en poche quelques mots écrits par une main influente, qui pouvait s’étendre jusqu’à Narva, c’est-à-dire la moitié de notre route, pour nous préserver de ces sortes d’accidents.

« Vous êtes sur que vous n’avez plus de chevaux ? demanda Louis.

— Monsieur, il est passé la comtesse X…

— Faites-moi grâce du reste. »


Une jeune fille portant de l’eau, à Nennal.

Un ingénieur militaire entrait au même moment. C’était un capitaine voyageant dans sa propre voiture. Il voulait des chevaux de suite.

« Monsieur le capitaine, il faut vous arrêter ici, et prendre le thé ! Des chevaux ! me demander des chevaux, comme si je faisais les chevaux. Dieu sait que je ne peux pas en donner.

— Vous n’en avez pas ? dit Louis.

— Ah ! monsieur, Dieu…

— Alors, lisez ces quelques lignes. »

Le maître de poste prit le billet, regarda mon frère, puis moi, avec une curiosité inquiète, et parcourut le papier des yeux.

La politesse cauteleuse fit place à l’empressement.

« Tout de suite, messieurs, tout de suite, on attelle.

— Et moi ? fit l’ingénieur.

— Il est passé la comtesse X…, monsieur le capitaine, et elle en a emmené vingt-deux de ces pauvres bêtes. Il faut vous arrêter ici.

— Assez ; cela fait mon affaire. Je suis très-fatigué ; je m’en vais dormir ici sous votre responsabilité. Vous aurez soin de me faire réveiller ; songez-y. Je voyage en mission pour le comte Kleinmichel. Faites apporter le livre, que j’inscrive l’heure de mon arrivée. »

L’ingénieur s’étendit sur un des divans, que les maîtres de poste sont tenus par les règlements de mettre à la disposition du public.

« Ah ! monsieur le capitaine, s’écria piteusement le bonhomme, je ne peux pas vous laisser dormir ainsi.

— Alors, donne-moi des chevaux.

— Tout de suite, monsieur le capitaine. »

Monsieur le capitaine se releva et frisa sa moustache en souriant. Il avait joué son rôle et triomphé de l’Allemand. Il était content de lui. Nous échangeâmes quelques paroles.

Deux ou trois minutes après, des clochettes firent sonner leur carillon. Un attelage sortait de l’écurie.

« Ce sont mes chevaux, » dit-il, et il disait vrai, heureusement, non pour lui, mais pour nous ; car ce furent trois haridelles, petites, maigres, au poil hérissé, qui firent leur entrée dans la cour. Comme pour se conformer à la parole du maître, les pauvres bêtes n’étaient pas bien réveillées, malgré leurs grelots ; elles semblaient éreintées, et baissaient la tête.

Un autre bruit de sonnettes, plus vif, plus allègre, une sorte de ritournelle d’orchestre, comme celles qui annoncent sur les théâtres l’arrivée des principaux acteurs, précéda l’apparition d’une télègue toute prête ; elle était emportée par deux bons chevaux, deux seulement, mais on pouvait dire que la valeur suppléait au nombre. Ils avaient besoin d’être retenus, et se montraient aussi ardents que leurs collègues étaient endormis. Nous comptâmes nos bagages, il le fallait bien, et saluant l’envoyé du comte Kleinmichel, nous prîmes et gardâmes les devants.

Nous arrivons au soir à Volmar, Volodimer de Livonie, sur la Lita, ville fondée autrefois, par Voldemar de Danemark, en souvenir d’une victoire remportée sur les idolâtres, qu’il força à se laisser baptiser.

Il y avait dans la maison de poste deux jeunes gens en uniforme qui charmaient l’ennui de l’attente, — car on allait leur servir du thé, — en se racontant, dans un jargon moitié français moitié allemand, des histoires que nous écoutions assez attentivement, et que nous comprîmes mieux sans doute qu’ils ne s’en fussent doutés. Ces anecdotes étaient relatives aux moyens qu’on peut employer pour entrer sans frais de travail en ces établissements de cadets, où la Couronne se charge de l’éducation des officiers. Pour plusieurs de ces écoles, une sorte de concours est nécessaire, soit à l’entrée, soit à la sortie des élèves, et quelquefois ces luttes ne seraient pas à l’avantage des vainqueurs, s’ils n’avaient frauduleusement introduit certains poids dans la balance de leurs juges. Ce que j’entendis se rapportait-il à des faits récents ou anciens, je ne puis le dire ; j’aimerais assez à croire que les choses ne se passent plus ainsi et que ces histoires appartiennent à une époque déjà reculée.

« Si le fils du conseiller d’État I…, disait l’un, est sorti dans le meilleur rang, cela se comprend. Ce n’est pas qu’il soit fort, mais son père est habile, et il sait dépenser. Il est venu l’amener à l’institut des cadets, dans un bel équipage qu’il a laissé au directeur avec les deux chevaux qui le conduisaient.

— Oh ! ce n’est pas encore aussi bien que Georges à sa sortie de l’école de génie[5]. Il voulait être dans les premiers et il avait bien raison, puisque cela sert pour toute la vie. Voilà ce qu’il a fait, non pas lui mais son père. Au moment des derniers examens, il a envoyé, dans un écrin de velours, à G…, le général commandant l’école, une coupe en or, très-bien travaillée, et portant une belle initiale, un G ciselé sur l’écusson du milieu. Le concours eut lieu ; Georges battait tous ses rivaux. Il était classé, première classe ; son chemin était fait. Comme son père est général aide de camp, il n’a plus qu’à se laisser aller.

— Jusqu’ici, je ne vois rien…

— Oui, mais il y eut un dîner, un grand dîner, que le directeur G… donnait aux lauréats. Georges était à la place d’honneur, heureux et triomphant. Vint le dessert ; on portait des toasts ; on en porta un au vainqueur, qui rougit modestement et but.

— À mon tour, dit-il : Dmitri, allez me chercher ma coupe.

— Quelle coupe ?

— Celle que mon père m’a fait remettre.

— Mais, dit le directeur à voix basse, c’est à moi qu’il l’a donnée…

— Point, c’est à moi.

— Il y a mon initiale, un G.

— Point, c’est la mienne, Georges.

Hélas ! il fallut rendre la coupe. On présenta l’écrin au fils du général aide de camp.

— Du vin, dit-il. Messieurs, à la santé de l’honorable général G…

— Bien joué, » dit l’interlocuteur du jeune homme qui racontait ces faits.

Nous continuons notre route. Nous traversons un pays tout plein de flaques d’eau, de terre argileuse et de verdure ; le soleil disparaissait à l’horizon, enveloppé de longues traînées horizontales de vapeurs rougeâtres. Le soir se faisait ; il était dix heures. La pesante chaleur du jour avait disparu. Elle était brusquement remplacée par une brume non moins lourde, avec un froid humide et aigre, qui nous pénétrant jusqu’aux os, ne laissait pas de nous donner quelque inquiétude pour le reste de la route. Nous ne nous étions pas en effet, vu la saison, prémunis contre le froid, Des manteaux, des cache-nez, des gants, nous avaient semblé devoir suffire ; nous ne tardâmes pas à reconnaître notre erreur ; nous commencions à frissonner comme des fiévreux ; un bracelet d’ampoules marquait la place où les gants laissaient un passage à l’air humide ; nous étions pris par les mains, par les pieds, par tous les endroits accessibles. Les marais nous environnaient, sur lesquels la route était consolidée par de longues traverses de bois. Vers dix heures et demie, la lune se leva dans une atmosphère d’un effet étrange et pourtant splendide. Une grande nappe d’eau s’étendait devant nous, comme un lac ou un bras de mer ; cependant nous ne devions trouver sur notre chemin qu’un lac, que nous savions être beaucoup plus loin. À cette eau, l’iemschik nous menait tout droit, debout, les bras tendus, dans l’attitude des conducteurs antiques. Effrayé, j’allais lui dire d’arrêter sur la pente où il nous entraînait, quand Louis me prévint de n’en rien faire. « Il ne peut avoir envie de se noyer avec nous ; nous verrons d’ailleurs quand le moment viendra. » — Le moment vint, le terrain descendait, nous entrâmes tête baissée dans cette mer dangereuse. C’étaient d’épais brouillards, qui s’élevaient des marécages, et reflétaient le ciel avec une telle précision, que la surface de l’eau n’eût pas su mieux faire ; sorte de mirage que j’ai remarqué depuis dans les environs de Saint-Pétersbourg. La brume baignait la surface de la terre et le pied des arbres, qui semblaient surgir ainsi du milieu du lac, dans lequel ils étaient réfléchis.

Plus loin, dans un bois, des arbres peu élevés, plantés au bord de fossés pleins d’eau, auraient fourni matière à une belle décoration théâtrale et fantaisiste. Aux clairs rayons de la lune, on les voyait surchargés, festonnés de je ne sais quelle végétation parasite, de lichens et de mousses, qui pendaient au tronc et aux branches. Il semblait que nous passions rapidement devant de maigres vieillards à longues barbes d’un gris blanchâtre. Plus loin encore, je ne sais si le cocher avait laissé de côté la route, il se détourna pour ne pas heurter la télègue à des souches non déracinées qui se trouvaient devant nous.

À l’une des stations de poste, dans le milieu de la nuit, les chevaux manquant, nous n’eûmes garde de présenter les quelques lignes qui levaient les scrupules. Dois-je dire que nous étions heureux de n’avoir pas de chevaux ? Transis, nous entrâmes dans une salle où dormaient, buvaient, chantaient, assis ou couchés sur des chaises, sur des bancs, sur du foin, une vingtaine d’étudiants allemands, de l’université de Dorpat, qui retournaient à leurs études, après avoir, dans leurs familles, passé le temps des canicules, époque fixée pour les grandes vacances en Russie. Un homme intelligent, affirment les Russes, n’est pas capable en cette saison, d’un travail utile ; et ils le prouvent en se reposant. Quoi qu’il en soit de l’assertion et de la preuve, nous commençâmes par nous dégeler de notre mieux, et ensuite nous suivîmes l’exemple des dormeurs en appuyant nos têtes, sur ce qui restait d’oreillers en bois. Le vieux Morphée est favorable aux jeunes ; il n’aime point, le brave dieu, l’or ni l’argent, mais les cœurs à peu près honnêtes, et les corps fatigués ! Nous dormîmes tranquilles, jusqu’à l’heure où les refrains des chansons à boire, et les hennissements des chevaux, s’éveillant en même temps, nous apprirent que le jour se levait et que les attelages étaient préparés. Les étudiants s’appelèrent, vidant leurs verres et brisant leurs bouteilles ; ils s’entassèrent dans une grande télègue, et, comme légers de bagage, et bien munis de paille et de foin, ils ne s’y trouvaient pas trop mal, ils se mirent à entonner en chœur de l’Horace, mis en musique, un chant latin à l’usage des universités.

« Nunc est bibendum. »

Les cochers étaient en présence, ils se connaissaient, ils connaissaient leurs chevaux ; ils se piquèrent d’honneur. Le repos de la nuit, la fraîcheur de la matinée, et le coup du départ qu’ils avaient bu ensemble, avaient avivé leurs forces. Le nôtre, bien que nous ne l’eussions pas frappé, se comporta vaillamment ; il nous mena si vite, que partis après les étudiants, nous les rejoignîmes bientôt, et les côtoyant un instant, au milieu des lazzis des iemschiks, nous les dépassâmes en entendant derrière nous les hurrahs et les hurlements de ceux qui nous voyaient triompher.


Un rémouleur (Esthonie).

Il nous coûtait cher ce triomphe ! Inutilement nous faisions signe au cocher de ralentir ; il n’entendait pas raison. Il s’était mis dans la tête, comme il le dit ensuite, de courir si bien qu’un oiseau ne pût le rattraper. Il félicitait ses chevaux ; leur réputation était engagée, la sienne aussi. La route, bonne pour la Russie était cassante au dernier point. Dans les endroits où le terrain n’offrait pas assez de solidité, étaient étendus transversalement les grands troncs d’arbres, sur le corps desquels, voitures, postillons et voyageurs, sautaient et ressautaient, sans avoir le temps de reprendre leur équilibre à chacune des secousses. Exercice à disjoindre un squelette ! — et le mien n’y résistait guère. Je sentais dans ma tête des douleurs auxquelles chaque sursaut ajoutait un surcroît intolérable. Il me semblait que les os ne tenaient plus ensemble, et qu’ils se déchiraient à toutes les sutures du crâne. Le postillon avait conscience de la gloire qu’il gagnait ; il ne s’arrêtait pas, et je ne pense pas qu’aucun obstacle l’eût arrêté avant qu’il eût touché le but. J’étais réduit à tenir ma tête dans mes mains pour l’empêcher de me quitter. Une station parut à l’horizon. Qu’elle était loin, le terrain est si plat ! nous avions encore plus d’une verste à faire. Enfin nous arrivâmes. Pour le cocher, nous étions vainqueurs ; ce n’était pas sans peine. Nos rivaux nous suivaient de près ; joyeux d’être défaits par les ennemis, ils firent compliment à Louis de la manière dont nous faisions marcher le postillon ; Louis rejeta l’éloge sur ce dernier, qui allait perdre son pourboire, pour nous avoir si bien menés. Mais quand il apprit qu’il n’aurait rien, lui qui avait fait avec ses petits frères, les chevaux, une verste en trois minutes, il parut si désolé d’un côté, de l’autre si naïvement content de ses exploits, que pour ne pas bouleverser ses idées sur le beau, en matière de voyage, je lui donnai quinze kopecks ; il jeta son bonnet en l’air et nous remercia en nous baisant les mains.

Les étudiants nous proposèrent, si nous ne les trouvions pas trop mauvais compagnons, de réunir ensemble nos bagages, et de voyager avec eux dans la même voiture. Cette combinaison nous plut, et nous acceptâmes sans façons.

Joyeuse et vivante, heureuse d’être au monde, et de porter les longues bottes et les casquettes aux couleurs défendues, ne cessant de rire et de causer que pour chanter en chœur ou à plusieurs parties les chansons, je dirais presque les hymnes du Commers-Buch[6], la troupe ne tarda pas à nous communiquer sa bonne humeur ; la connaissance s’établit de suite. Nous fîmes donc route assez gaiement, avec non moins de rapidité et à coup sûr avec moins de fatigue, grâce à la grandeur de la télègue et à l’addition de deux chevaux. On fit honte à l’iemschik de nous conduire moins vite que celui qui nous avait menés, quand nous étions tout seuls ; « il avait soif, dit-il, c’est pour cela que ses chevaux ne voulaient pas aller. » On passa devant une cabane, surmontée d’une grande perche ; c’était une auberge isolée. Il nous demanda deux kopecks pour aller boire un schnaps (verre d’eau-de-vie), il descendit en courant, but et remonta de même. Alors il s’éleva sur son siége, il prit les rênes à deux mains, et les agitant, avec de petits cris aigus et des paroles d’amitié pour ses quatre chevaux, attelés de front, il conduisit son quadrige avec un merveilleux entrain. Devant nous, montées et descentes, suivant l’habitude qu’ont prise les cochers russes, disparaissaient encore plus vite que pays plat.


La sanctification du dimanche. — Dessin de d’Henriet.

Vint l’heure du dîner ; les étudiants trouvaient que l’appétit se faisait sentir.

« Voulez-vous, nous dit l’un d’eux, faire avec nous un festin dans une auberge de la route, non pas à la station, où l’on n’est pas chez soi. Il y en a une ici, une espèce de kabak (cabaret), qui nous est connue, et que nous vous recommandons. Vous en ferez part à vos amis. C’est une curiosité, et voici ce qu’elle a d’étonnant : quels que soient le dîner et le nombre des convives, il n’y a qu’un prix. Tenez, vous allez voir ; notre dîner va nous coûter un rouble vingt kopecks. Arrête, postillon ! »

Le postillon se souciait peu de ce temps d’arrêt que les règlements défendent. Il s’excusait.

Les coups sont quelque chose de plus fort que l’eau-de-vie ; cependant je vis avec plaisir qu’on ne le battit pas. Trois kopecks suffirent pour le corrompre, trois kopecks pour un autre schnaps.

On procéda au menu. Je le donnerai ici pour l’édification de ceux qui ont occasion de passer par là. Je regrette, toutefois, de n’y pouvoir joindre l’adresse de l’aubergiste, qui méritait mieux de notre mémoire, car tout nous parut exquis, par la puissance de la faim ou du grand air :

La liqueur de kymmel (cumin), destinée à préparer les voies ; le jambon crû ; le jambon rôti, le veau rôti ; les petits pois (pas trop petits) ; le fromage du pays ; la bière blanche et le pain noir (pardon de l’antithèse), le tout à discrétion. L’hôtesse demanda suivant sa formule ; je la soupçonne, la malheureuse, de ne savoir pas compter. Les étudiants emportèrent du pain et du fromage, une précaution pour l’avenir, ce qu’on appellerait en France une poire pour la soif.

Nous payâmes pour notre part quarante kopecks, plus un kopeck de corruption. L’aubergiste, à de telles conditions, ne fera pas de brillantes affaires.

La terre que nous traversions est riche et fertile, bien que parsemée de blocs de granit, non reliés ensemble, mais arrondis et détachés, et donnant l’idée, par leurs formes, d’immenses galets ; à des époques déjà lointaines, ils ont dû être apportés là par quelque grand mouvement des eaux. Une certaine activité régnait dans la campagne, sur laquelle le soleil versait sa chaude et éblouissante lumière. À peine quelques nuages cotonneux erraient dans le ciel. En bas, d’un côté, on coupait les gerbes mûres ; de l’autre on labourait. La charrue, traînée par des bœufs, était conduite par des paysans ; ils écartaient pour nous mieux voir la toison emmêlée qui couvrait leurs têtes. Tous, hommes et femmes, jeunes et vieux, ils n’avaient de vêtement qu’une chemise. Je pensai, qui n’y eût pensé à ma place ? à ces pauvres animaux dont parle la Bruyère, le témoin ému des douleurs de son temps. Cependant, car je ne veux pas assombrir le tableau, à côté de ces gens, vigoureux et forts, se tenaient des petits enfants plus gais, tête et pieds nus, qui marchaient sans songer, de leurs petites gaules aiguillonnant l’attelage. Gens de corvée, qui doivent le dimanche au Seigneur d’en haut, et trois jours de la semaine au seigneur d’en bas, auquel le blé ne coûtera, suivant l’énergique expression de Sismondi, que les coups de bâton qu’il fait distribuer en son nom. Aussi, plus d’une fois, dans les pays sans commerce ni chemin, le maître verra-t-il périr entre ses mains les récoltes des années d’abondance ; richesses devenues sans valeur aucune, par suite de ce prix dérisoire de la main-d’œuvre. Partout où la justice est si durement violée, ceux qui croient pouvoir se sauver seuls et profiter de leur privilége, portent la peine de leur situation. On essaye de réformer aujourd’hui ces plaies du corps social, aggravées durant plus de deux siècles, et dont les médecins politiques, nous désirons qu’ils ne se trompent pas, espèrent triompher en douze années.


Le repas des charpentiers, à Dorpat. — Dessin de d’Henriet.

Les mêmes spectacles affectent diversement ceux qui les regardent, suivant leurs habitudes, leur âge et la tournure de leur esprit. Je ne m’aperçus pas que nos compagnons eussent donné une longue attention aux moissonneurs. Seulement, pour se rafraîchir par l’imagination, comme ils avaient soif, ils entonnèrent une chanson à boire, dont le refrain disait en latin rimé, qu’après bien des siècles, ils ne boiraient plus :

« Post multa sæcula, pocula nulla. »

Puis ensuite, comme ils se sentaient encore altérés, ils reprirent tous ensemble le chant célèbre des universités :

« Gaudeamus igitur.[7] »

Les étudiants ne propagent pas cette musique ; ils font pas courir le bruit que ceux qui ne sont pas étudiants n’ont pas besoin de la connaître, et que ceux qui sont étudiants et ne la connaissent pas, sont indignes de l’apprendre.

Le gaudeamus igitur me parut d’une gaieté triste. Nous approchions de Dorpat, la ville de l’université ; nous n’en étions plus qu’à sept verstes, quand tout d’un coup nous voyons les portes et les fenêtres d’une maison au bord de la route s’ouvrir à grand bruit. Il en sortit une foule d’étudiants qui se précipitèrent sur notre télègue, criant tous ensemble, et portant en main de grands pots et des verres remplis. C’étaient des étudiants d’une même corporation, qui venaient souhaiter la bienvenue aux nouveaux arrivés, en les embrassant d’abord, et en buvant ensuite avec eux, dans le même verre, un peu de bière forte et mousseuse.

Nous passons devant un marchand de kwass et des paysans qui chantaient : nous sommes à Dorpat.


Un marchand de kwass, en Livonie. — Dessin de d’Henriet.

Dorpat, Derpt ou Dœrpt, une des plus jolies villes des provinces baltiques, fut bâtie, en 1030, sur l’Einsbach. Gustave-Adolphe y fonda une université en 1630, université qui fut rétablie sur de nouvelles bases, en 1812, et devint le centre des études pour les provinces de Livonie, Esthonie et Courlande. Nombre de maisons affectent le style grec. Malgré les corporations remuantes des étudiants, divisés en nations, qui ne sont pas toujours d’accord, Dorpat a un grand air de tranquillité et de calme. C’était autrefois une ville de la Hanse, riche et populeuse. Elle fut détruite par les Russes ; les habitants subjugués furent internés quelque temps, comme suspects d’attachement à la Suède, dans l’intérieur de l’Empire, dont ils ne revinrent que six ans après.


Une cabanne de paysans près d’Iggafer.

Nous voici à Iggafer ; plus loin nous assistons, dans un petit village par lequel nous passons, à un lamentable spectacle. Il s’agissait du supplice des verges. Des troupes étaient rassemblées, des baguettes préparées, pour battre un homme, condamné à recevoir mille coups. Ce nombre de mille, qui nous étonne péniblement, n’a rien qui provoque l’épouvante dans le pays. Sans beaucoup d’appareil, le patient, nu jusqu’à la ceinture, fut placé à l’entrée de cette avenue qu’il avait à parcourir, non pas une fois, mais plusieurs, jusqu’à ce qu’à bout de force, il tombât, sans pouvoir plus se tenir ni se relever. De chaque côté, à droite et à gauche, debout, chaque soldat doit le frapper quand il passe, d’un coup vigoureux, sans pitié. Des officiers, derrière les exécuteurs, marqueront d’une croix blanche pour être battu lui-même, celui qui faiblira dans l’accomplissement de sa tâche. Les mains du condamné, ramenées par devant, sont attachées à la baïonnette d’un fusil que tient un soldat. Ce soldat dirigera la marche, la modérant de telle façon qu’elle ne soit jamais trop précipitée, et que la poitrine de l’homme rencontre la pointe du fer, s’il veut échapper par un mouvement, même involontaire, à la verge qui s’abaisse. Tout est bien prévu : le médecin est là, luxe de miséricorde ironique ; il déclarera si le supplicié ne peut être traîné plus loin sans mourir.


Le supplice des verges. — Dessin de d’Henriet.

Le misérable, sur lequel allait s’appesantir cette hideuse torture, était convaincu de je ne sais quel crime, un meurtre, je crois. Dans un moment de colère, il avait tué quelqu’un hiérarchiquement supérieur à lui. Je ne veux point justifier le sang versé, mais le crime disparaissait devant l’horreur du châtiment. L’homme était non pas jeune, mais d’âge mûr, dans la pleine vigueur de la vie. Sa physionomie n’était point dure et n’avait rien de repoussant ; il ne semblait pas abattu ; il envisagea, d’un œil assez ferme, la route qu’il devait suivre. À ce moment il eût pu dire comme Damiens : « La journée sera rude. »

Sur un signe des chefs, le soldat s’était mis à marcher. Il marcha. Pas une seule plainte durant cette première passe ; un sifflement aigu s’entendait, celui de la baguette, puis un son mat, que rendait à chaque coup cette chair frappée. Au deuxième tour, un cri éclata, un cri de bête fauve, arraché à l’homme ; la volonté n’était plus maîtresse. À partir de ce moment, il était vaincu ; ce furent des hurlements qui déchiraient l’air ; le sang coulait en longues larmes des plaies de ce corps tigré de bleu et de noir violet. Ses muscles se crispaient, il rentrait sa tête dans ses épaules, il se traînait sur le ventre, il se roulait, puis il était forcé de se relever. Des sanglots d’abord, puis des paroles à haute voix sortirent d’un groupe à côté de nous ; il y avait là les parents, et, parmi eux, la sœur de ce pauvre homme. Elle s’en alla… et il reçut ainsi plus de huit cents coups… Enfin, il ne put se relever.

Le médecin se pencha, il lui tâta le pouls, et il affirma que c’était assez… pour le moment.

J’ai su plus tard quelle fut la fin de cette scène.

L’homme mourut, sans avoir payé entièrement sa peine, suivant l’expression latine, réputé insolvable à l’égard de cette société, qui ne trouvera d’excuse, pour elle-même, quand on la jugera, que la barbarie du temps présent. Huit jours après le supplice, le frère du mort mettait le feu au village, et plusieurs personnes périrent ; l’incendiaire ne reparut plus.

Quand il s’agit de déserteurs, on leur inflige un plus grand nombre de coups, jusqu’à six mille, si je n’ai pas été trompé ; heureusement il n’en est guère qui, avant le terme, n’échappent à la loi en rendant leur dernier souffle. Leur cadavre, porté sur une charrette, reçoit, supplice posthume, ce qu’il reste à compter. Ne faut-il pas que la justice soit satisfaite !

Avant de détourner les yeux de ces assassinats légaux, crimes trop certains de nations qui se disent intelligentes, contre des individus que les passions ou la nécessité ont privés de leur raison, constatons que la mort n’est nulle part écrite dans les lois pénales de la Russie. La société ne se reconnaît pas le droit, m’a-t-on dit, de retirer à un de ses membres une vie qu’elle ne lui a pas donnée. Explique qui pourra cette discordance !


Croix à l’entrée d’un village lithuanien.

L’aspect du pays change aussi bien que le langage des populations. Voici les maisons de bois, formées de troncs grossièrement équarris et superposés, peintes de couleurs vives, parmi lesquelles Le vert et le rouge dominent pour réjouir les yeux de ceux qui les habitent. Il semblerait, je sens bien que ce contraste paraîtra exagéré, qu’on a affaire à une autre race, à un peuple oriental, moins fatigué, ou moins opprimé, ou plus enfant. Voici les jeunes filles aux bras nus, aux longues manches blanches et relevées ; elles puisent de l’eau en abaissant les perches qui portent une pierre à l’une des extrémités pour former un contrepoids au seau qu’elles tiennent. Voici de nouveau les petits enfants en chemise ; leurs cheveux de filasse argentée sont presque blancs, tant le blond en est clair. Assis sur le revers de la route, apathiques, à moitié endormis, ils se chauffent au soleil, et nous regardent passer de leurs yeux étonnés.

Un sol de sable jaune et fin, sol ingrat où cherchait à vivre une végétation maigre et chétive, dominée par quelques sapins, se montrait d’un côté de la route ; de l’autre le lac Peïpus[8], d’un bleu verdâtre, poli comme un miroir s’étendait à perte de vue. Quelques voiles apparaissaient à l’horizon, des barques de pêcheurs. Des filets séchaient sur le rivage, suspendus à deux piquets plantés dans le sable entre des morceaux de granit arrondis par les eaux.


Russe en voyage (Livonie).

Nous côtoyons longtemps le lac qui s’étend du nord au sud sur un espace de cent vingt kilomètres, puis nous entrons en Esthonie. À Narva, nous trouvons un large fleuve, dont la ville a pris son nom, et qui conduit les eaux du Peïpus au golfe de Finlande, coulant dans les fossés d’une forteresse d’un grand aspect, aux tours élevées et irrégulières, qui rappellent celles du moyen âge. Narva fut prise en 1704 par Pierre le Grand ; la ville n’est pas laide, mais ses pavés durs et pointus sont bien désagréables pour ceux qui voyagent en télègue. Le soleil se couchait quand nous arrivâmes ; il fallait parler russe ; nous essayâmes vainement de nous faire entendre d’une vieille servante, une sorte de sorcière qui se leva d’un des divans de cuir pour nous céder la place. Cette seule habitante visible de la station disparut elle-même dans l’ombre d’une porte, comme un personnage de féerie, nous laissant en compagnie d’une lampe fumeuse qui brûlait au nez d’un saint, un vieillard, fixé à demeure dans un coin, d’où il semblait surveiller les hôtes du lieu. Nous nous mîmes à réfléchir en sa présence ; il ne nous sembla pas que nous eussions rien de mieux à faire que d’attendre la venue de quelqu’un : pour attendre plus patiemment, nous nous étendîmes chacun sur un des divans de cuir. Louis choisit celui que la bonne femme venait de quitter. Mais soit que le vieillard vénérable ne l’eût pas regardé d’un bon œil, soit toute autre raison terrestre, mal lui en prit ; son sommeil fut agité, non pas en rêve : une vermine vivante et bien disciplinée venait lui déclarer la guerre. Assailli de tous côtés, et succombant à une lutte inégale, il se résigna à servir de pâture à ses ennemis, jusqu’au moment où il pourrait leur échapper par un bain salutaire. Ce qui ne tarda pas.

Nous vîmes se lever l’aurore, mais nous ne vîmes point de chevaux. Nous demandâmes à déjeuner ; la même servante, qui avait disparu la veille nous apporta, sous le nom de beafsteak, quelque chose, un je ne sais quoi, qui ne devrait point avoir de nom dans aucune langue. Il fallait se révolter, ce qui n’aurait pas calmé notre faim, ou manger aveuglément.

Nous reconnûmes que nous avions eu tort de ne pas croire à un avis qui nous avait été donné. « Munissez-vous, nous avait-on dit, de toutes les provisions dont vous aurez besoin, afin de n’avoir rien à demander en route, sinon du thé, qui est en général à peu près pur. »


Vieux paysan esthonien.

Comme nous allions visiter ce qui pouvait nous intéresser à Narva, nous fîmes la rencontre d’un officier, homme d’intelligence, un des Russes les plus éclairés que j’aie connus. Après quelques questions relatives au voyage, on tomba sur le chapitre de la guerre, qu’on pouvait traiter avec lui sans trop de passion. Je citerai de cette conversation deux anecdotes qu’il nous raconta, et qui nous parurent caractéristiques ; elles remontaient, l’une à quelques jours, l’autre à quelques mois auparavant.

« Depuis que nous sommes en lutte avec votre occident, je n’ai d’autre mission que de diriger les recrutements, ce qui n’était pas, comme vous savez, mon affaire. Tous les vétérans libérés depuis plusieurs années sont rappelés pour la croisade. Ils ont à se faire inscrire eux-mêmes, ce qui est un peu dur ; mais nous avons prononcé des peines contre les négligents : grâce à ces moyens que je ne fais que vous indiquer, tout le monde s’empresse. Dmitri, qui est un homme encore assez vert, se présente chez moi ; il veut reprendre du service.

« Il me dit son nom ; je vérifie au registre ; je vois qu’il est mort.

« Je le regardai avec attention pour me rendre compte de la manière dont sont faits les revenants.

« Mon garçon, vous vous trompez, lui dis-je ; je ne sais pas ce que vous venez faire ici. Voilà plus de deux ans que vous êtes mort ; on vous a enterré ; quelle idée de revenir !

-Dieu m’est témoin ; le diable sait…

— Le diable ne sait rien du tout ; vous êtes mort. Si vous ne l’étiez pas, on saurait votre existence et votre séjour dans la ville. Vous n’êtes revenu que pour jouer un tour à la police et faire croire qu’elle n’est pas informée de tout ; et je vous dis, moi, que si vous vivez, vous n’êtes qu’un coureur et un vagabond.

— Seigneur, il n’y a que Dieu qui sache tout, et je ne veux pas vous fâcher ni fâcher Dieu ; mais depuis que j’ai été baptisé, je n’ai pas entendu des choses pareilles !

— Allez voir le colonel. »

Il alla voir le colonel, qui lui répondit qu’il ne prenait pas les morts à son service.

D’Henriet.

(La fin à la prochaine Livraison.)



  1. Suite. — Voy. page 113.
  2. Sous Catherine, les trois quarts et au delà. (Circulaire de l’impératrice, 31 juillet 1767, § 266.)
  3. Le podorojne est un passe-port que délivre l’autorité militaire et qu’on doit présenter aux maîtres de poste.
  4. Ce prince, petit-fils d’un homme dont le nom est fort connu, est lui-même un homme aimable, bon, éclairé. Je saisis cette occasion de le remercier. Il en est plusieurs autres pour qui j’ai gardé soit une respectueuse estime, soit une vive sympathie, et sur lesquels une certaine retenue me fait seule garder le silence.
  5. L’école du génie correspond à peu près à notre école polytechnique. D’après les lois qui la régissent, les élèves qui ont une bonne place à la fin de leurs études, ont un avancement réglé d’avance, beaucoup plus prompt que celui des autres.
  6. Recueil de chansons des étudiants allemands.
  7. « Réjouissons-nous donc, tandis que nous sommes jeunes. Après la douce jeunesse et la pénible vieillesse, nous rentrerons en terre, nous rentrerons en terre. » — Ceux qui seraient curieux du texte latin, le trouveront dans tous les recueils des chants d’université, et par conséquent dans les librairies allemandes. Quant à la mélodie, elle n’est point notée d’ordinaire.
  8. Le Peïpus ou Peïpous a environ trente lieues de long, sur quinze de large.