Vie de la vénérable mère d’Youville/01/15

CHAPITRE XV


ON EXHUME LES RESTES DE Mme D’YOUVILLE. — SES PROPHÉTIES. — MIRACLES OBTENUS PAR SON INTERCESSION. — DÉCRET INTRODUISANT LA CAUSE DE SA CANONISATION.


Les sentiments de vénération pour la mémoire de la fondatrice et de confiance dans son crédit auprès de Dieu déterminèrent ses filles, avec l’autorisation de l’évêque de Montréal, à exhumer son corps du lieu où il avait été enterré.

Mme d’Youville était entrée à l’Hôpital Général en 1747 ; l’année 1847 était donc la centième depuis cette époque.

Les Sœurs Grises voulaient célébrer ce centenaire par une fête solennelle et désiraient surtout avoir pour cette circonstance les restes mortels de leur vénérée fondatrice. On fit faire des fouilles dans les caveaux de l’église de l’Hôpital ; mais on ne réussit pas cette fois à retrouver le cercueil de Mme d’Youville et ce ne fut que deux ans après, le 5 décembre 1849, que l’on put exhumer ses restes.

À l’ouverture du cercueil, on trouva les chairs entièrement consumées, mais les ossements étaient intacts. Un procès-verbal de l’exhumation fut dressé et signé par deux prêtres nommés par Mgr Bourget, évêque de Montréal, (M. Faillon et M. Bonnissant) et toutes les sœurs, dont plusieurs avaient vécu avec les compagnes de la fondatrice. Les précieux ossements furent transportés dans une des salles de la maison et là, après avoir reconstitué le squelette, on put le recouvrir de cire. On revêtit ensuite le corps ainsi refait du costume de l’Institut ; la même croix qu’elle avait portée pendant sa vie fut placée sur sa poitrine, et l’acte autographe des premiers engagements signés le 2 février 1745 fut placé dans ses mains. Quelle joie pour ses filles de pouvoir vénérer ses restes précieux et de les posséder au milieu d’elles !

Le 23 décembre, jour anniversaire de la mort de Mme d’Youville, fut celui que l’on fixa pour la célébration d’une messe solennelle de Requiem : son corps fut transporté dans l’église de l’Hôpital, et Mgr Bourget chanta le service, assisté du supérieur du Séminaire de Saint-Sulpice.

Après l’absoute, les restes de la fondatrice furent déposés dans une châsse et placés dans la salle de communauté, où les sœurs, les pauvres et toutes les personnes qui désiraient la prier « privément » furent admis.

Après la translation du corps de Mme d’Youville, Mgr Bourget fit la déclaration suivante, qui témoigne de sa grande confiance en elle : « Nous nous sommes transportés aujourd’hui, » dit-il, « à l’église du dit Hôpital Général pour procéder à cette pieuse cérémonie. Là, après avoir chanté un service solennel sur le dit corps, revêtu d’un masque de cire et des habits propres à l’Institut, nous l’avons transporté et déposé dans la châsse qui lui avait été préparée, en faisant les prières de l’Église, assisté de messieurs Billaudèle, Faillon, Bonnissant, etc., des révérends pères Havequez et Larcher, jésuites, des Frères de la Doctrine Chrétienne, etc. ; en présence de toute la communauté et des pauvres assemblés, nous avons fermé la châsse et l’avons scellée de notre sceau, pour qu’on ne puisse rien détacher du dit corps ni rien ajouter d’étranger.

« Nous laissons à Dieu, qui a promis d’exalter les humbles, le soin de glorifier sa servante, et au Saint-Siège apostolique le droit exclusif d’examiner et juger les faits qui pourront tourner à la gloire de cette pieuse fondatrice. Seulement nous supplions cette fidèle servante du Seigneur, si, comme nous pouvons l’espérer de la divine bonté, elle est au ciel, de nous faire sentir son crédit auprès de Dieu, en nous obtenant la grâce de conduire selon son esprit et ses règles les filles qu’elle a laissées à notre sollicitude. Elle nous a vu à ses pieds avec son troupeau chéri, lui exposant avec confiance nos besoins particuliers et ceux de tout le diocèse. Qu’elle daigne y apporter remède, avec cette tendre charité qui caractérisa toujours son grand cœur.

« Nous désirerions bien pouvoir faire quelque chose qui pût acquitter toute la reconnaissance que lui doivent les pasteurs et les fidèles de ce diocèse pour tous les généreux sacrifices qu’elle a faits pour la gloire de son Dieu et le soulagement des pauvres… » etc.

On lit dans les « Mélanges Religieux, » journal publié à Montréal en 1849, l’article suivant, en date du 28 décembre : « Mgr de Montréal ayant autorisé les Sœurs à exhumer le corps de leur digne fondatrice, M. Faillon et M. Bonnissant, prêtres du Séminaire de Saint-Sulpice, commissaires désignés par l’évêque, se transportèrent dans le caveau de l’église de l’Hôpital Général et trouvèrent facilement le corps dans l’endroit que la tradition écrite et orale de la communauté désignait comme étant le lieu précis de la sépulture de la révérende Mère d’Youville.

« Le 23 au matin, ces restes vénérés de la servante de Dieu et des pauvres furent transportés dans l’église de la communauté, avec les prières et les cérémonies d’usage pour la levée des corps. Ils furent déposés au milieu de la nef, sur un lit de parade décoré de draperies blanches et parsemé de fleurs artificielles. Ce lit était entouré de banderolles sur lesquelles on lisait les sentences suivantes, extraites des lettres autographes de la défunte : "Dieu le Père a été l’objet de ma grande confiance." "La Providence est admirable." "La Providence a des ressources incompréhensibles pour le soulagement des membres de Jésus-Christ."

« Quand la révérende Mère d’Youville traçait ces lignes, elle espérait sans doute laisser après elle des Sœurs de Charité qui se chargeraient de montrer par leurs œuvres que leur digne mère ne mettait pas en vain sa confiance en cette admirable Providence. La génération actuelle est là pour attester que les filles ont été dignes de la mère. Les années 1832, 1834, 1847, 1849 ont vu des prodiges de dévouement qui parlent encore bien haut des ressources incompréhensibles pour le soulagement "des membres de Jésus-Christ." Les "sheds" »[1], de lugubre mémoire, portent encore la trace des pieds des héroïques messagères de cette admirable Providence.

« Monseigneur fit une touchante allocution et commenta ces paroles du psaume 102ème : "Votre jeunesse sera renouvelée comme celle de l’aigle." Ce texte, que Sa Grandeur appliqua à la communauté, lui fournit de touchants rapprochements, d’heureuses allusions qui trouvèrent de l’écho dans le cœur de tous les assistants. Et quels assistants ! Des sœurs de charité, des vieillards, des infirmes, des orphelins, des enfants trouvés, et, au milieu de cet auditoire, Mme d’Youville apparaissant comme pour contempler ces fruits précieux d’une longue vie toute consumée dans la pratique de la charité ! »

Les restes de Mme d’Youville, enfermés et scellés dans la châsse, demeurèrent dans une chambre attenant à la communauté de l’Hôpital Général, et, quand les sœurs prirent possession de leur nouvelle bâtisse, rue Guy, elles placèrent de nouveau les précieuses reliques de leur vénérée fondatrice au milieu d’elles, dans l’intérieur de leur communauté ; elles y restèrent jusqu’à l’introduction de la cause de béatification de la servante de Dieu. Pour se conformer aux règles établies par le Saint-Siège, les restes de la Vénérable ont été alors déposés dans la crypte de l’église, où ses filles les conservent comme le plus précieux des trésors. Citons ici la description émue que fait de ce caveau une des religieuses de la communauté[2] :

« Elles sont là, » dit-elle, « les deux cent cinq de nos sœurs qui nous ont précédées dans la mort, dormant du dernier sommeil auprès de celle qui leur a frayé la route, toujours aplanie par la charité, même au milieu des épines et des croix qui auraient pu entraver leur course à travers les épreuves de la vie. La mère repose au milieu de ses filles ici-bas, comme elle en est la reine dans notre communauté déjà nombreuse de la céleste patrie.

« Une petite balustrade entoure ce tombeau d’humble apparence, auprès duquel nous allons prier. Quoique rien n’annonce un culte public, quel est donc l’objet de notre confiance ? Le décret venu de Rome avec ses traductions française et anglaise, écrit à la main par une de nos sœurs sur trois toiles de six pieds de hauteur et tapissant tout le mur à droite de ce tombeau, nous dit éloquemment que la servante de Dieu rendit son dernier soupir le 23 décembre 1771, laissant une éclatante réputation de sainteté. »

Dans l’église, une simple tablette en marbre blanc indique au public l’endroit où sont déposés les restes de la fondatrice ; c’est là que ceux qui désirent solliciter d’elle quelque faveur et qui ne veulent pas descendre au caveau viennent s’agenouiller et prier. Sur le marbre ont été inscrites ces simples paroles : « Ici reposent les restes de Marie-Marguerite Dufrost de La Jemmerais, veuve d’Youville, fondatrice et première supérieure des Sœurs de la Charité de Ville-Marie. »

Sans avoir eu ni visions ni extases, nous avons vu que Mme d’Youville a reçu des faveurs extraordinaires de la Providence, des secours miraculeux qui l’ont plusieurs fois aidée dans des moments difficiles et inquiétants.

À ces témoignages miraculeux que le ciel donna à la mère des pauvres pour indiquer son approbation de ses actes et de sa conduite, Dieu voulut ajouter le don de prophétie. Nous en citerons deux exemples remarquables.

Cinq ans avant sa mort, le 22 août 1766, Mme d’Youville se trouvait dans la communauté, entourée de ses sœurs, au nombre de dix-sept. Elle promena les yeux autour d’elle, les regarda les unes après les autres et, s’arrêtant à la sœur Coutlée, elle dit : « Ce sera elle qui demeurera la dernière et vous survivra à toutes. » Mme d’Youville parlait peu et surtout ne se permettait jamais de badinage. Les sœurs, en l’entendant parler aussi sûrement, furent persuadées que leur mère entrevoyait l’avenir, et la suite prouva qu’elles avaient raison. Plusieurs des sœurs présentes alors vécurent quarante, cinquante et même cinquante-cinq ans ; sœur Coutlée resta la dernière. Devenue supérieure à la mort de Mère Despins, elle avait vu mourir toutes ses compagnes, à part la sœur Prudhomme. Celle-ci, voyant un jour la supérieure gravement malade, s’empressa de rassurer ses sœurs affligées, en leur disant : « Ne craignez rien, mes chères sœurs, tant que je vivrai notre mère ne mourra pas. » Et, en effet, elle précéda la Mère Coutlée dans la tombe, comme l’avait prédit la fondatrice.

Mme d’Youville prédit encore à l’une de ses petites nièces, Clémence Gamelin-Maugras de Labroquerie, qu’elle mourrait chez les Sœurs Grises, et à l’un des cousins de celle-ci, âgé de cinq ans, qu’il serait prêtre. En effet, Jean-François Sabrevois de Bleury mourut curé de Lachenaie, en 1802, et la petite fille mourut chez les Sœurs Grises.

Voici ce que cette dernière écrit elle-même au sujet de cette prédiction ; on conserve cette déclaration dans les archives de l’Hôpital : « Nous sortions, mon cousin Sabrevois de Bleury et moi, Marie-Charlotte de Labroquerie, veuve Stubinger, avec nos mères, de chez les Dames Grises, après une visite à la Mère d’Youville. Notre grand’tante donna une tape à mon cousin sur l’épaule en lui disant : "Tu mourras prêtre, mon petit homme", (et il est mort prêtre). S’adressant à moi, elle me dit : "Toi, ma petite fille, tu viendras mourir chez les Sœurs Grises" Je suis entrée à l’Hôtel-Dieu de Saint-Hyacinthe, chassée par le feu de Boucherville, où j’ai trouvé mon bonheur spirituel et temporel. (8 février 1844.) »

Une autre prédiction, dont on n’a cessé d’admirer jusqu’ici l’accomplissement, c’est celle que Mme d’Youville fit à ses filles après l’incendie du 18 mai 1765. « Mes enfants, ayez bon courage, désormais la maison ne brûlera plus ! » s’était-elle écriée, après ce chant sublime d’actions de grâces récité à genoux au moment de cette si grande épreuve de sa vie. Depuis ces paroles prophétiques, la maison-mère a été, dans maintes circonstances, miraculeusement préservée du feu. Nous en citerons quelques-unes. Plusieurs sont récentes, d’autres ont été racontées par des sœurs anciennes qui en avaient été les témoins.

Ainsi, en 1820, le jour de l’Immaculée-Conception, le feu prit pendant la messe à une cheminée de la maison, en mauvais état. On croyait l’avoir éteint, tandis qu’il gagnait sourdement un des greniers. Les sœurs étant toutes réunies dans la salle de communauté, elles entendirent comme un grand coup frappé sur l’une des portes et, comme aucune d’elles n’était absente, elles furent très étonnées de ce bruit étrange. L’une d’elles, sœur Cherrier, poussée par un mouvement instinctif, monta précipitamment dans un grenier fermé à clef et le trouva rempli d’une épaisse fumée ; elle appela ses compagnes, qui levèrent quelques planches, et la flamme en sortit aussitôt. On se hâta d’éteindre le feu, qui eût certainement détruit la maison en peu d’instants sans cet avertissement, qu’elles ont toujours attribué à la vigilance de leur mère.

Une autre fois, c’est une domestique de la maison qui se sent pressée d’aller prier au jubé pendant le souper des sœurs. Pour se rendre à la chapelle, il lui faut traverser une salle que les sœurs étaient en train de peindre et dans laquelle se trouvaient des linges imbibés d’huile. Elle trouva les linges en feu et un madrier de chêne, sur lequel ils reposaient, était déjà à moitié consumé.

Tantôt c’est une armoire dont l’intérieur est brûlé par des linges ayant servi à essuyer des fers à repasser ; une autre fois, c’est une des tentures du reposoir du Jeudi-Saint qui prend feu quand il n’y a là pour l’éteindre qu’un pauvre malade, trouvant la force d’aller chercher une échelle et d’y monter, sans s’expliquer ensuite comment il a pu le faire.

Le 9 avril 1846, le Jeudi-Saint encore, les sœurs, ayant reçu, par erreur, de la térébenthine au lieu d’huile pour alimenter les lampes qui devaient orner leur reposoir, furent très inquiètes de voir ces lumières s’éteindre dès qu’elles les allumaient. Ayant renouvelé leur essai plusieurs fois sans plus de succès, elles durent faire venir celui qui leur avait vendu cette huile. Grande fut la surprise de celui-ci en découvrant son erreur, et il ne put s’empêcher de reconnaître et de proclamer hautement qu’il y avait là la preuve d’une protection miraculeuse, car la térébenthine est très inflammable et le reposoir était fait en partie avec des sapins et des fleurs artificielles.

En 1821, un incendie dans le voisinage de l’Hôpital communiqua le feu au toit de la maison, couvert en bardeaux de cèdre. À trois reprises différentes le clocher prit feu, et comme l’eau était loin et qu’il fallait la transporter au moyen d’une échelle, les sœurs invoquèrent leur mère, et le feu s’éteignit.

Cela se renouvela en 1826 et en 1830.

En 1849, l’hôtel du Parlement, situé à quelques pas de l’Hôpital, fut incendié à la suite d’une émeute et, le vent chassant avec violence les flammes sur l’Hôpital, les fenêtres commençaient à prendre feu. Les pompiers, qui déployaient tout leur zèle pour préserver cette maison chère à toute la population, s’aperçurent avec désespoir que les tuyaux des pompes avaient été coupés par les émeutiers ; cet acte de vandalisme fut même renouvelé quatre fois. Le feu se propagea ainsi avec tant de rapidité qu’il n’y eut bientôt plus d’espérance humaine de sauver l’Hôpital. On fit sortir les enfants, les infirmes et les vieillards ; un de ces derniers ne voulut jamais se laisser transporter hors de la maison : « Je ne cours aucun risque, » disait-il, « le bon Dieu ne permettra jamais que cette maison brûle, j’en ai la ferme confiance. » Au milieu de la désolation générale, plusieurs sœurs paraissaient également rassurées : « Nous ne brûlerons pas, » disaient-elles, « notre Mère d’Youville nous l’a promis. » La plus ancienne sœur de la maison, sœur Hardy, hors d’état, à cause de son âge, de rendre aucun service, passa tout le temps que dura l’incendie dans une petite chambre, sans songer à se faire transporter ailleurs, et elle disait ensuite : « Je n’ai eu aucune inquiétude : je priais tranquillement et je me reposais sur la promesse de notre vénérée Mère d’Youville. » Cette confiance ne fut pas vaine. Tout à coup, après une promesse de la supérieure à saint Amable, le vent prit une direction différente et la foule s’écria : « L’Hôpital est sauvé ! »

Tout récemment encore les Sœurs Grises ont eu des preuves de la protection de leur fondatrice contre le terrible fléau. Le feu avait pris de nouveau dans des armoires par des linges imbibés d’huile de térébenthine. M. Benoit, chef de la brigade de pompiers accourue pour l’éteindre, ne put s’empêcher de crier au miracle en constatant le grand danger couru par les sœurs.

Une autre fois, ce sont les conduits d’eau de la fournaise qui se vident et cessent de l’alimenter ; celle-ci, privée d’eau, devient rouge et on ne peut s’expliquer comment elle n’a pas embrasé les planches de bois sec placées tout auprès. L’ouvrier venu pour réparer les dégâts, M. Blouin, disait tout surpris : « Vraiment, vous avez un bon Dieu qui veille sur vous. » Une image de la Vénérable, placée dans cette pièce par une de ses filles, fut retrouvée couverte de cendres et de fumée, mais intacte, sur la fournaise même. N’était-ce pas l’ange protecteur qui encore une fois avait écarté le danger de la maison ? N’est-ce pas elle qui a toujours protégé et qui protège encore ses filles contre le fléau dévastateur qui l’a tant éprouvée pendant sa vie ? « Désormais la maison ne brûlera plus, » Mme d’Youville l’a promis à ses compagnes en 1747, et tout fait croire que cette promesse se continuera, puisque tant de fois déjà elle est venue au secours de ses filles en détresse ; espérons que sa prédiction se vérifiera toujours.

Non seulement Mme d’Youville a visiblement protégé sa communauté contre le feu, mais elle a manifesté son crédit auprès de Dieu en obtenant à beaucoup de personnes qui l’ont invoquée des guérisons et d’autres faveurs signalées. Nous nous contenterons d’en citer quelques-unes que nous cueillons en passant dans les archives de la communauté.

Mme Mary McLoughlin, veuve de M. E. Flynn, en son vivant officier de police de Montréal, atteste qu’en 1849, étant enceinte et très malade, son médecin déclara son état désespéré, à cause de la mort certaine de l’enfant qu’elle portait. Ayant entendu parler de Mère d’Youville, elle pria les sœurs de faire une neuvaine à son intention. La neuvaine finie, la mère fut délivrée et, chose étrange, quoiqu’il fût mort depuis un mois, le petit cadavre était encore sain.

Une jeune femme qui depuis son enfance était affligée d’une plaie au côté se maria sans prévenir son mari de sa maladie ; celui-ci menaça de la quitter. Elle en fut désolée et fit plusieurs neuvaines à la Sainte-Vierge ; mais cette bonne mère, qui voulait laisser à la servante de Dieu l’honneur de la guérir, sembla sourde à ses supplications. La malade prit le parti de s’adresser à Mme d’Youville. Mais au lieu d’éprouver du soulagement, elle s’aperçut bientôt que la plaie devenait toute noire ; elle n’en persista pas moins dans sa prière fervente et, à la fin de la neuvaine, quelles ne furent pas sa joie et sa surprise de s’éveiller parfaitement guérie et sa plaie disparue !

En 1857, une jeune enfant de trois ans fut guérie d’une maladie de nerfs qui la tenait dans un état de convulsions continuelles, roulant les yeux et se tordant en tout sens. Les médecins qui l’avaient soignée avaient déclaré son mal incurable ; la mère vint alors avec son enfant demander de prier auprès du corps d’une sainte qui, disait-elle, était dans la maison. On fit une neuvaine avec elle, et quelques jours après cette femme revenait à l’Hôpital Général avec son enfant parfaitement guérie et marchant seule, au grand étonnement de tous ceux qui l’avaient vue.

Ces guérisons sont attestées, l’une par une religieuse de l’Institut, aujourd’hui supérieure aux États-Unis, la seconde par une domestique de la maison, employée comme portière.

En mai de l’année 1879, Marie-Louise Lepailleur, enfant de Narcisse Lepailleur et de Marie-Louise Dalton, demeurant à Châteauguay, âgée de neuf mois, tomba malade. Ses forces diminuèrent tellement qu’on fut obligé de la porter sur un oreiller, pour ne pas endolorir davantage ses petits membres décharnés. Après cinq ou six mois, on dut veiller l’enfant, et deux médecins déclarèrent la maladie incurable. Le curé de Châteauguay, M. l’abbé Jasmin, qui avait une dévotion ardente envers Mère d’Youville, conseilla à la mère de l’enfant de lui appliquer des reliques de la servante de Dieu, et la famille commença une neuvaine. Un mieux sensible se fit aussitôt sentir et on renvoya les reliques au curé. Le mieux cessa aussitôt. On appliqua de nouveau les reliques, et l’enfant se rétablit tout à fait ; elle est aujourd’hui religieuse à la Providence.

Jules Delille, reçu à l’Hôpital Général de Montréal le 7 septembre 1880 comme infirme, atteste qu’à l’âge de trois ans il tomba et se fractura la jambe, au genou et à la hanche. Les médecins, en France et au Canada, jugèrent son cas incurable ; il ne pouvait marcher qu’avec une béquille. Il commença une neuvaine à Mme d’Youville le 16 décembre. Faisant sa première communion à la messe de minuit, il quitta sa béquille, se rendit sans appui à la Sainte-Table et en revint de même. Il se contenta ensuite d’une simple canne, dont il finit par se passer tout à fait, sauf pour les courses longues et fatigantes.

Une sœur de la communauté des Sœurs Grises de Montréal rend compte en ces termes de la conversion de son père, arrivée en 1884. Depuis plus de quarante ans, il n’avait pas fréquenté les sacrements. Marié à une protestante, il avait cependant fait baptiser ses enfants dans la religion catholique, sans la pratiquer lui-même. Sa fille n’avait rien épargné pour obtenir la conversion de son père : neuvaines à la Sainte-Vierge, à saint Joseph, à saint Jean, son patron, tout avait été mis en œuvre, lorsqu’en janvier 1884, ayant demandé à plusieurs de ses compagnes de s’unir à elle, elle commença une neuvaine à la Mère d’Youville. À la fin de la neuvaine, cet homme, jusqu’ici insensible aux sollicitations de sa fille, se laissa conduire au séminaire et se confessa. Il communiait le lendemain et venait dans l’après-midi assurer sa fille de son bonheur et lui enlever toute inquiétude pour l’avenir. Quelques jours après il partait pour Ontario, après avoir lui-même demandé un chapelet à son enfant. Celle-ci s’empressa de satisfaire à sa demande, lui remettant en même temps un exemplaire de la vie de la fondatrice, qu’il promit de faire lire à ses amis, parce que, disait-il, il lui devait sa conversion si subite et si sincère.

Une petite fille de trois ans, enfant de M. Joseph Villeneuve, rue Richmond, a été guérie d’une infirmité au pied. Depuis une grave maladie qu’elle avait eue à l’âge de dix-huit mois, elle éprouvait une si grande faiblesse dans les jambes qu’un de ses pieds était complètement déformé et qu’elle marchait sur la cheville du pied. L’enfant avait été examinée et soignée par plusieurs médecins. Un de nos plus habiles chirurgiens, consulté en dernier lieu, avait décidé de lui faire porter un bandage pour redresser ce membre infirme. Mais la mère, voyant son enfant si faible, craignait pour elle les souffrances que devait nécessairement lui occasionner cet appareil. Elle prit le parti de s’adresser au ciel et commença une neuvaine à la Mère d’Youville. Le second jour de la deuxième neuvaine, l’enfant fut tout à fait guérie et se mit à marcher et même à courir sur la plante du pied, à la grande joie de ses parents et de tous ceux qui l’avaient vue avant sa guérison.

Un autre enfant, parent du précédent, âgé de quatre ans, demeurant à Saint-Henri, fut aussi miraculeusement guéri par l’intercession de la Vénérable Mère d’Youville. Venu au monde avec cette cruelle maladie, l’impétigo (rifle), ses parents avaient employé bien des remèdes pour le soulager et le guérir. Plusieurs médecins l’avaient traité ; tous les spécifiques suggérés par différentes personnes avaient été également inutiles ; au contraire, son mal allait s’aggravant de plus en plus. Les pustules avaient gagné les yeux et l’enfant ne voyait plus ; trois fois la lancette du médecin avait ouvert d’énormes furoncles qui se formaient près des yeux et dont l’enfant porte encore les cicatrices. La grand’mère du petit malade, femme d’une grande foi, se rendit chez les Sœurs Grises et, en voyant le tombeau de la Mère d’Youville, elle se sentit comme pressée de lui demander la guérison de son petit-fils. Elle pria les sœurs de s’unir à elle, emporta une relique de la Vénérable et commença dès le soir même une neuvaine. Cette première neuvaine amena un peu d’amélioration dans l’état de l’enfant et inspira beaucoup de courage et de confiance aux parents. Ils commencèrent une seconde neuvaine, et pendant celle-ci l’enfant fut complètement et l’on peut dire subitement guéri, car, ayant le matin mis son bandeau comme à l’ordinaire, vers midi il dit à sa mère : « Maman, je vois ! » Il ôtait en même temps son bandeau, ajoutant : « Je ne le mettrai plus jamais ! » Et sa mère put constater, avec la plus grande joie, que ses yeux étaient aussi sains que s’ils n’eussent jamais été malades. Pendant les quelques jours qui suivirent, les plaies dont l’enfant était couvert guérirent complètement, et les parents avec leurs amis bénirent Mère d’Youville, à qui ils doivent une si grande faveur.

Une sœur novice de la communauté d’Ottawa, sœur Marguerite de la Croix, fut guérie d’un mal au genou qui l’avait tenue au lit pendant plusieurs années avant sa profession religieuse. Elle put entrer au noviciat quelques mois après, et le médecin de la maison attesta que sa guérison était miraculeuse. C’était en 1883, et elle a toujours continué depuis à enseigner au pensionnat.

Plusieurs autres religieuses d’Ottawa ont été singulièrement favorisées par leur vénérée fondatrice. L’une d’elles, qui avait eu la clavicule brisée, était restée infirme du bras droit ; elle fut guérie par des prières faites à la fondatrice.

Une autre guérison extraordinaire fut obtenue quelque temps après l’introduction de la cause de béatification de la Vénérable. C’était en 1886 ; Mme X…, qui venait d’être témoin dans le procès de la fondatrice des Sœurs Grises, rencontra un jour une personne de sa connaissance, une mère très affligée, qui lui demanda de prier avec elle pour la guérison d’un fils bien-aimé, atteint d’épilepsie. Ce fils, sur qui la famille fondait les plus grandes espérances. avait été obligé d’interrompre ses études, et le médecin, qui avait exigé le repos le plus absolu, ne laissait que peu d’espoir à ses parents. La mère, femme éminemment chrétienne, ne cessait de prier et de demander la guérison de son enfant par l’intercession de plusieurs saints. Des pèlerinages à Sainte-Anne, des neuvaines au Sacré-Cœur, tout avait été employé pour faire violence au ciel. La personne à qui cette mère éplorée avait confié sa peine avait eu connaissance de plusieurs faveurs obtenues par l’intercession de la Vénérable ; elle lui conseilla de l’invoquer et il fut convenu que l’on demanderait une neuvaine de prières chez les Sœurs Grises. On fit cette neuvaine et, au grand désespoir de la mère, les crises épileptiques du jeune homme furent plus fortes et plus fréquentes, pendant et après la neuvaine. La mère découragée se proposait d’abandonner ses supplications à la Vénérable ; mais Mme X…, qui avait la plus grande confiance dans la puissance de la Mère d’Youville, ne pouvait se décider à croire que les larmes et les prières de cette mère affligée n’auraient point d’effet sur le cœur maternel de celle qui n’était jamais restée sourde aux afflictions des autres. Une seconde neuvaine fut demandée chez les Sœurs Grises, et chaque matin Mme X… se rendait au tombeau de la Vénérable pour la supplier d’avoir pitié de cette famille éprouvée. Les prières furent enfin exaucées, le malade fut complètement guéri ; il n’a jamais eu de rechute, et il peut même depuis plusieurs années suivre assidûment son bureau, aider sa famille et faire le bonheur de sa mère et des siens.

Une religieuse de l’Hôpital de Saint-Boniface rend ainsi compte de deux guérisons miraculeuses dont elle a été témoin : « Au mois d’octobre dernier arrivait à l’hôpital une malade qu’une énorme tumeur faisait beaucoup souffrir ; elle était d’une extrême faiblesse et avait des vomissements presque continuels. L’opération était urgente ; mais, soupçonnant l’état de grossesse de la malade, les médecins demeurèrent indécis. Après plusieurs jours d’examens, de traitements, de consultations sans résultats satisfaisants, l’état de la patiente s’étant aggravé jusqu’à l’empoisonnement du sang, ses souffrances étaient devenues si grandes que, ne sachant plus comment les calmer, on mit alors sur elle une image de notre Vénérable Mère d’Youville. Quelques heures après, les médecins constatèrent que leurs soupçons étaient bien fondés, mais que l’enfant était mort depuis un temps assez considérable. Ils fixèrent alors l’heure où ils lui donneraient le chloroforme pour cette première opération. Après leur départ, la pauvre malade, effrayée du résultat de cet examen et sentant toujours les mêmes souffrances, s’adressa à notre Vénérable Mère en ces termes : "The saint I have on me, whoever you are, please save me ; la sainte que j’ai sur moi, qui que vous soyez, je vous prie, sauvez-moi." Dès ce moment un mieux sensible se déclara chez elle ; l’enfant vint au monde naturellement, au grand étonnement des médecins, et, après une semaine, les forces lui étaient revenues suffisamment pour permettre l’ablation de la tumeur, qui se fit avec un plein succès. En quittant l’hôpital, cette dame emporta l’image de la Vénérable Mère pour en faire elle-même une copie, qu’elle désirait placer comme ex-voto dans la chambre de notre hôpital où elle avait été si miraculeusement guérie.

« Quelques mois plus tard, une autre malade, qui s’était présentée comme catholique, à son entrée à l’hôpital où elle venait pour subir elle aussi une opération, avoua, quand on lui proposa de remplir ses devoirs religieux, qu’elle avait en effet été baptisée dans l’Église catholique, mais que ses parents ayant apostasié alors qu’elle était encore enfant, elle avait été élevée dans la religion protestante, qui est celle de son mari, et qu’elle ne prétendait pas mettre le trouble dans son ménage pour une question de religion. Elle ajouta même, quand on lui dit qu’on la laissait à ses réflexions, que toutes ses réflexions étaient faites à ce sujet : ce qui n’empêcha pas cependant qu’elle ne s’écrie dans le délire du chloroforme : "For God’s sake, don’t let me die a Protestant." Elle parut surprise ensuite quand cette parole lui fut rappelée, mais elle persista dans ses dispositions précédentes jusqu’au moment où, voulant se lever, sur la permission du médecin, elle éprouva plus vive que jamais une forte douleur causée par une excroissance à l’abdomen qu’elle n’avait pas voulu révéler au médecin dans la crainte d’une seconde opération. Ayant alors en mains la "Vie de notre Vénérable Mère" et se rappelant le fait précédent qu’on lui avait relaté, elle fit la même prière avec la promesse de se faire catholique avec ses enfants si elle était guérie. Les douleurs et l’excroissance disparurent alors instantanément ; elle appela aussitôt la garde-malade, personne sage et consciencieuse, qui avait déjà constaté l’excroissance et qui avait été témoin de ses souffrances, afin de s’assurer qu’elle ne se faisait pas illusion ; cette dernière constata en effet qu’il n’y avait réellement plus rien. Elle fit alors appeler la sœur Parent pour lui dire sa joie et la remercier de lui avoir prêté ce livre, qui lui avait ouvert les yeux de l’âme et lui avait valu la santé du corps. Elle demanda à voir le chapelain, voulant sans retard accomplir sa promesse, dont elle paraissait aussi heureuse que de sa guérison. La sœur Parent n’avait pas vu l’excroissance, mais elle put se rendre compte alors qu’il n’y en avait trace. M. l’abbé Gravel vint le lendemain, l’instruisit durant plusieurs jours des vérités de la religion, reçut son abjuration et la fit participer aux sacrements. Il est remarquable que jusqu’au jour où elle fut ainsi inspirée de prier notre Vénérable Mère, elle avait rejeté tout livre qui semblait avoir un caractère religieux ; elle n’avait même accepté cette Vie que pour en considérer les gravures. Plusieurs semaines se sont écoulées depuis et le mal n’est pas revenu ; cette bonne dame persévère dans ses saintes dispositions et ne cesse depuis d’exprimer sa reconnaissance. Elle ne veut plus se séparer du livre qui lui a procuré tant de bonheur.

« À ces faveurs obtenues par l’intercession de notre Vénérable Mère, le bon Dieu a bien voulu en ajouter d’autres qu’il a accordées sans l’intermédiaire aussi direct de ses serviteurs. La semaine dernière, une pauvre femme métisse catholique, qui n’avait pas fait sa première communion, avait le bonheur de la faire ; et dimanche, un vieillard de quatre-vingt-quatre ans, qui ne s’était pas approché des sacrements depuis vingt-deux ans, participait au banquet eucharistique, après s’y être sérieusement préparé.

« Plusieurs autres retardataires ont aussi rempli leurs devoirs religieux, et dans le cours de l’année, cinq ou six adultes, je crois, ont reçu le baptême à l’article de la mort. Ces grâces précieuses nous font espérer que le bon Dieu regarde notre mission d’un bon œil et qu’il voudra bien en tirer quelque gloire. »

Les faveurs obtenues par l’entremise de Mme d’Youville, l’empressement de la population à vénérer son tombeau, les nombreux témoignages affirmant sa renommée de sainteté engagèrent les Sœurs Grises à faire des démarches pour introduire en cour de Rome la cause de sa béatification.

L’archevêque de Montréal, Mgr Fabre, en fut tout joyeux ; il bénit ce pieux et si légitime désir des filles de Mme d’Youville, et en 1884 elles eurent le bonheur de recevoir les premiers documents relatifs à cette cause.

Les témoins furent assignés, les formalités d’usage furent observées et, après un premier procès sur l’examen des vertus de la servante de Dieu, Sa Sainteté Léon XIII signa le décret suivant, le 28 avril 1890 :


« DÉCRET


« De la Béatification et de la Canonisation
« de la
« Vénérable Servante de Dieu, Marie-Marguerite
« Dufrost de La Jemmerais,
« (Veuve d’Youville),
« Fondatrice et Première Supérieure
« Des Sœurs de la Charité de Ville-Marie.

« SUR LE DOUTE.


« La Commission de l’Introduction de la Cause, dans
« le cas présent, et pour l’effet dont il
« s’agit, doit-elle être signée ?

« Elle fut certainement une femme forte et surtout brûlant du zèle de la charité envers les pauvres, la Servante de Dieu, MARIE-MARGUERITE DUFROST de LA JEMMERAIS, veuve d’YOUVILLE, née en l’année 1701, au village nommé Varennes, dans le Bas-Canada.

« Dans les états de vie divers par lesquels la fit passer la Divine Providence elle donna l’exemple admirable de toutes les vertus. Elle fonda un institut de Vierges qui se donna pour fin de secourir assidûment les pauvres et les délaissés et de leur procurer les bienfaits d’une miséricordieuse charité. Cet institut, Dieu aidant, n’a pas cessé de produire des fruits abondants.

« Ornée de tous les dons célestes, la Servante de Dieu rendit son dernier soupir le 23 décembre 1771, laissant une éclatante réputation de sainteté.

« Or cette renommée de sainteté appuyée sur des prodiges que l’on dit divinement opérés par l’intercession de cette Servante de Dieu, pendant un siècle entier, loin de s’éclipser, n’a fait que croître de jour en jour. De là il est advenu que le Révérendissime Archevêque de Montréal s’est décidé à commencer le procès ordinaire d’information sur la réputation de sainteté, sur les vertus et sur les miracles de la Servante de Dieu.

« L’enquête terminée selon les règles a été déférée à la Sacrée Congrégation des Rites, et NOTRE TRÈS SAINT SEIGNEUR LÉON XIII a bénévolement accordé que le doute sur la signature de l’Introduction de la Cause de la susdite Servante de Dieu fût discuté dans l’assemblée ordinaire de la Sacrée Congrégation, sans l’intervention et le vote des consulteurs, et avant que les dix années voulues se soient écoulées, depuis le jour où le procès d’Information a été déposé au secrétariat de la Sacrée Congrégation.

« C’est pourquoi le Cardinal soussigné, Préfet de la Sacrée Congrégation des Rites et "Ponent" de la Cause sur les instances du Révérend Père Arthur-Jules Captier, Procureur-Général du Séminaire de Saint-Sulpice, Postulateur de cette Cause ; ayant égard aux lettres postulatoires de plusieurs des Révérendissimes et saints évêques et d’autres hommes illustres revêtus de dignités tant ecclésiastiques que civiles ; proposa de discuter dans l’assemblée ordinaire de la Sacrée Congrégation des Rites, tenue au Vatican, le jour fixé, le doute suivant :

« "La Commission de l’Introduction de la Cause doit-elle être signée, dans le cas présent et pour l’effet dont il s’agit ?"

« Et la Sacrée Congrégation ayant mûrement examiné toutes choses, ayant agréé de vive voix et par écrit le sentiment du Révérendissime Père et Seigneur Augustin Caprara, Promoteur de la Sainte Foi, a jugé devoir répondre "Affirmativement", c’est-à-dire qu’on doit signer la Commission si cela est agréable à Sa Sainteté, le 27 Mars 1890.

« Le rapport fidèle de tout ce qui précède, ayant été fait par le Secrétaire soussigné, à NOTRE TRÈS SAINT SEIGNEUR LÉON, PAPE treizième du nom, Sa Sainteté a ratifié et confirmé le Décret de la Sacrée Congrégation, et de sa propre main a signé la Commission de l’Introduction de la Cause de la Vénérable Servante de Dieu MARGUERITE-MARIE DUFROST de LA JEMMERAIS, veuve d’YOUVILLE, le 28 Avril de la même année.


« C. Card. ALOISI MASELLA,


« Préfet de la S. C. des Rites.


« VINCENT NUSSI,


« Secrétaire de la S. C. des Rites.


(Place du Sceau.)


« Imprimerie du Vatican. »


« Pour vraie traduction,


« L. A. MARÉCHAL, V. G. Adm. »

Le moment est venu de clore ces pages que nous avons consacrées à la vie de la Vénérable Mère d’Youville. Nous y avons raconté ses jeunes années, ses espérances au début de la vie et les événements providentiels qui, en brisant ses rêves d’avenir, la préparèrent à sa future mission et assurèrent son détachement de tout ce qui aurait pu ralentir son essor vers Dieu. Nous l’avons suivie dans ses premiers pas vers la vie parfaite ; nous l’avons vue dans son veuvage et dans les nombreuses épreuves qui ont accompagné la fondation de sa communauté ; nous avons dit les luttes qu’elle eut à soutenir pour réaliser le bien que lui inspiraient la générosité de son cœur et l’ardeur de sa charité ; nous avons rappelé l’indomptable énergie de son caractère et les merveilleuses ressources de son esprit. Enfin nous avons raconté les maladies qui brisaient son corps sans affaiblir sa volonté, les inquiétudes, les calomnies, les insultes qui lui apportaient des souffrances morales encore plus grandes que ses douleurs physiques. Et dans toutes ces misères et ces épreuves, nous l’avons vue toujours calme et sereine, parce qu’elle était soutenue par une confiance inébranlable en la bonté de Dieu.

La vie de Mme d’Youville n’est pas une vie ordinaire ; les vertus qu’elle a pratiquées ne sont pas des vertus ordinaires ; les circonstances exceptionnelles qui ont amené la fondation de son Institut et le développement prodigieux qu’il a reçu depuis, les secours surnaturels qu’elle a plusieurs fois obtenus pour le maintien de sa communauté, les prophéties qu’elle a faites, le signe lumineux apparu sur sa maison le soir de sa mort, sa grande renommée de sainteté, la dévotion et la confiance qu’elle a inspirées depuis et le nombre de guérisons obtenues par son intercession, tout porte à croire que, répondant aux vœux du Canada tout entier, le Souverain-Pontife décernera bientôt à celle qu’il a déjà proclamée Vénérable l’auréole des Bienheureux. Puisse notre chère patrie mériter l’insigne honneur de donner une sainte à l’Église !



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