Vers présentés au Roi à son retour de la guerre d’Hollande, le 2 août 1672

Vers présentés au Roi à son retour de la guerre d’Hollande, le 2 août 1672
Poésies diverses, Texte établi par Charles Marty-LaveauxHachettetome X (p. 249-251).

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Vers présentés au Roi à son retour de la guerre d’Hollande[1], le 2 août 1672.

Le titre qu’on vient de lire est celui qu’on trouve à la page 46 des Œuvres choisies, en tête de la pièce latine suivante de Corneille et de la traduction française qui en a été faite par le poëte même. Suivant Granet, ces vers ont été imprimés « la même année, in-12, en feuille volante. » Nous n’avons pas vu cette édition, mais nous en connaissons une autre, également de 1672. Elle fait partie d’un petit recueil qui figurait sous le no 327 d’un catalogue de vente que nous avons déjà souvent cité (voyez tome IX, p. 605, note 2, et ci-dessus, p. 182, 186 et 235) ; ce recueil, qui appartient aujourd’hui à la Bibliothèque impériale, est intitulé : À la gloire de Louis le Grand, conquérant de la Hollande, par Mrs  Corneille, Montauban, Quinault, et autres, à Paris, chez Olivier de Varennes, et Pierre Bienfaict… M.DC.LXXII, in-4o, 12 pages. À la page 4 se trouve la pièce latine, et à la page 5 la pièce française. La page 3 est occupée par un distique latin, suivi de son explication française, qui, bien qu’anonymes, comme le sont du reste aussi les pièces des pages 4 et 5, peuvent être attribués avec vraisemblance à Corneille, puisqu’ils sont en tête du recueil, dans le titre duquel le nom de notre poëte figure le premier. On les trouvera à l’Appendice. La page 6 est occupée par une pièce signée : Montauban.


Regi,
pro restituta apud batavos catholica fide.

Quid mirum rapido tibi si Victoria cursu
Tot populos subdit facilis, tot mœnia pandit ?
Vix sua cuique dies urbi, nec pluribus horis

Castra locas, quam justa vides tibi crescere regna.
Nempe Deus, Deus ille, sui de culmine cœli 5
Quem trahis in partes, cui sub te militat omnis
In Batavos effusa phalanx, Deus ille tremendum
Ponere cui properas communi ex hoste tropæum,
Ipse tibi frangitque obices, arcet que pericla
Fidus, et æterna tecum mercede paciscens, 10
Prævia pro reduce appendit miracula cultu.
Jamque fidem excedunt, jam lassis viribus impar
Sub te fama gemit, rerumque interrita custos
Te pavet historia, it tantorum conscius ordo
Fatorum, ac merito eventu spem votaque vincit. 15
Perge modo, et pulsum victor redde omnibus aris,
Victis redde Deum, fac regnet et ipse, tibique
Quantum exempla præire dedit, tantum et sua cunctas
Et belli et pacis præeat tibi gloria curas.
Interea totus dum te unum suspicit orbis, 20
Dum Musæ fortemque animum, mentemque profundam,
Tot regnandi artes certatim ad sidera tollent,
Fas mihi sit tacuisse semel, Rex magne, Deique
Nil nisi in invicto mirari principe donum.


Au roi,
sur le rétablissement de la foi catholique en ses conquêtes de Hollande.

Tes victoires, grand Roi, si pleines et si promptes,
N’ont rien qui me surprenne en leur rapide cours,
Ni tout ce vaste effroi des peuples que tu domptes,
Qui t’ouvre plus de murs que tu n’y perds de jours.

C’est l’effet, c’est le prix des soins dont tu travailles 5
A ranimer la foi qui s’y laisse étouffer :

Tu fais de tes soldats ceux du Dieu des batailles[2],
Et dès qu’ils ont vaincu, tu le[3] fais triompher.

Tu prends ses intérêts, il brise tous obstacles ;
Tu rétablis son culte, il se fait ton appui ; 10
Sur ton zèle intrépide il répand ses miracles,
Et prête leur[4] secours à qui combat pour lui.

Ils font de jour en jour nouvelle peine à croire,
Ils vont de marche en marche au delà des projets,
Lassent la renommée, épouvantent l’histoire, 15
Préviennent l’espérance, et passent les souhaits[5].

Poursuis, digne Monarque, et rends-lui tous ses temples :
Fais-lui d’heureux sujets de ceux qu’il t’a soumis ;
Et comme il met ta gloire au-dessus des exemples,
Mets la sienne au-dessus de tous ses ennemis. 20

Mille autres à l’envi peindront ce grand courage,
Ce grand art de régner qui te suit en tout lieu :
Je leur en laisse entre eux disputer l’avantage,
Et ne veux qu’admirer en toi le don de Dieu.


  1. C’est la campagne illustrée par le fameux passage du Rhin, et dans laquelle Louis XIV avait commandé en personne un de ses trois corps d’armée, ayant sous lui Turenne. Voyez la pièce suivante.
  2. Granet donne ici, probablement d’après l’édition in-12, que nous n’avons pu voir :
    Tu mets de leur parti le maître des batailles.
  3. Granet donne les, évidemment par erreur.
  4. Son, dans l’édition de Granet.
  5. Corneille a dit plus haut (p. 176, vers 12), en parlant de « l’épanchement » des bienfaits du Roi :
    Il prévient l’espérance, il surprend les souhaits.