Vers composés en quittant l’abbaye de Newstead

Traduction par Benjamin Laroche.
Œuvres complètesVictor LecouPremière série : Poésies diverses — Childe-Harold (p. 6-7).
VERS COMPOSÉS EN QUITTANT L’ABBAYE DE NEWSTEAD.
Pourquoi construis-tu ce manoir, fils des jours à l’aile rapide ? Aujourd’hui tu regardes du faîte de la tour : encore quelques années, et le souffle du désert viendra mugir dans la tour solitaire. »      Ossian.

Newstead, à travers tes créneaux, les vents mugissent sourdement. Manoir de mes pères, te voila qui dépéris ; dans tes jardins, que la joie animait naguère, la ciguë et le chardon croissent où fleurissait la rose.

De ces barons couverts de cottes de mailles, qui, fiers de leur vaillance, conduisaient leurs vassaux d’Europe aux plaines de Palestine, il ne reste d’autres vestiges que les écussons et les boucliers que fait résonner le souffle des vents.

La harpe du vieux Robert n’excite plus les cœurs généreux à cueillir la palme des batailles. Jean d’Horistan repose près des tours d’Ascalon ; la mort a fait taire la voix de son ménestrel.

Paul et Hubert dorment aussi dans la vallée de Crécy. Ils tombèrent victimes de leur dévouement à Édouard et à l’Angleterre. Ô mes pères ! vous revivez dans les pleurs de votre patrie ! Ses annales racontent vos combats et votre mort.

À Marston, luttant avec Rupert contre les rebelles, quatre frères arrosèrent de leur sang le champ de bataille. Défenseurs des droits du monarque, ils scellèrent de leur vie leur dévouement à ta royauté.

Adieu, ombres héroïques ! En s’éloignant de la demeure de ses ancêtres, votre descendant vous salue. Sur la rive étrangère ou sur la terre natale, il pensera à votre gloire, et ce souvenir ranimera son courage.

Bien qu’il verse des larmes à cette séparation douloureuse, c’est la nature, et non la crainte, qui les lui fait répandre. Une noble émulation l’accompagnera aux terres lointaines : il ne saurait oublier la gloire de ses pères.

Il chérira le souvenir de cette gloire ; il jure de ne jamais ternir votre renom : comme vous il vivra, ou mourra comme vous. Quand il ne sera plus, puisse-t-il mêler sa cendre a la vôtre !

1803.