La Chanson française du XVe au XXe siècle, Texte établi par Jean GillequinLa Renaissance du livre (p. 263-264).


VENTREBLEU ! MARION


Ventrebleu ! Marion,
Qu’est donc cette claireté,
Qui est dans ta cheminée,
      Morbleu !
Qui est dans ta cheminée ?

Hélas ! mon bel ami,
Ce n’est pas de la claireté,
C’est l’ombre de ma fumée,
      Mon Dieu !
C’est l’ombre de ma fumée.

— Qui est donc ce chevalier
Qui est dans ton lit couché ?

— Ce n’est pas un chevalier,
C’est ma compagn’ qui est couchée.

— Ta compagne était-elle belle ?
Avait-elle la barbe noire ?

— Elle a mangé des mûres noires,
Vous semblait qu’elle était noire.

— Entre les Chandelles et Pâques
Y croit-il des mûres noires ?

— Il y croît des mûres noires
Entre Pâqu’s et les Chandelles.

— Qu’as-tu fait cette journée,
Qu’au logis n’tai pas trouvée ?

— J’ai z’été à la fontaine
Chercher d’l’eau pour la s’maine.

— Te fallait-il une journée
Pour aller à la fontaine ?


— Les ch’vaux d’la reine y avaient passé ;
L’eau y était troublée.

— Viens-moi montrer les passées
Qu’les chevaux d’la reine y ont laissées.

— Il a neigé cette nuitée,
Les passées sont rebouchées.

— Tu es bonn’ pour une bergère,
Tu sais bien t’y retourner.

— Quand j’y étais chez mon père
J’ai toujours été bergère.

— J’irai, j’irai chez ton père,
Te ferai battr’ par ta mère.

— J’irai, j’irai chez mon père,
J’aurai à dîner chez ma mère.

— Je t’y mènerai z’en lasse[1],
Je t’y ferai chien de chasse.

— Non, je n’irai point en lasse,
J’n'y serai pas chien de chasse.

— Je t’y mènerai z’en Flandre
Et puis t’y ferai pendre !

— Laissez, laissez ces potences
Pour ces grands voleurs de France.

(Version du pays messin.)
  1. En laisse.