Œuvres poétiques de Chénier (Moland, 1889)/Vénus

Œuvres poétiques, Texte établi par Louis MolandGarnierVolume 1 (p. 135-137).


LXVI[1]

VÉNUS[2]


TRADUCTION DE LA PREMIÈRE ÉPIGRAMME DE NOSSIS


Rien n’est doux que l’amour, aucun bien n’est si cher
Près de lui le miel même à la bouche est amer.

Celle qui n’aime point Vénus sur toutes choses,
Elle ne connaît pas quelles fleurs sont les roses.




Vénus, quelle déesse a le cœur plus docile !
Aux vœux de son guerrier ne fut point difficile.
Leur bonheur, cependant, que soupçonnaient les dieux,
..........et fuyait tous les yeux.
Le Soleil, qui voit tout, a vu ce doux mystère ;
Il vole ; et de l’époux enflammant la colère,
Bientôt un dur réseau sait, par l’art de Vulcain,
Ceindre ce lit trompeur d’un invisible airain,
Et, dans les bras de Mars enchaînant la parjure,
Tout le ciel appelé vient et voit son injure.
Chacun rit ; on voudrait comme eux être surpris.
L’insensé ! qu’ont produit et ses fers et ses cris ?
Jusqu’alors son épouse à feindre disposée,
Sans honte désormais le livre à la risée.
Et tandis qu’à Lemnos ses noirs cyclopes nus,
Faisant taire la nuit leurs travaux assidus[3],
Partagent des bons vins sa table abandonnée,
Elle, à des dieux polis dans l’Olympe amenée,
Les voit, en un banquet et moins triste et meilleur
Qu’anime du nectar le breuvage railleur,
Faisant honte à l’Hymen d’un lien ridicule,
Sur l’époux forgeron s’égayer sans scrupule.
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Leur imite son port et sa marche inégale,
Et, comme lui, d’un pas oblique et chancelant
Court et s’agite et traîne un pied boiteux et lent.

  1. Édition G. de Chénier.
  2. C’est un titre que nous ajoutons pour relier ces fragments.
  3. Variante .... Leurs marteaux suspendus.