Utilisateur:Reptilien.19831209BE1/test3

CHAPITRE III.

ADJECTIF QUALIFICATIF.


1. Syntaxe.

L’adjectif qualificatif wallon se place toujours devant le substantif.

Ex. : On deûr visège. Un visage dur. (On ne pourrait dire : On visège deur.) On r’lûhant viér. Un ver luisant, etc.

Cette règle est générale. On la constate également dans les langues germaniques ; il y a là un rapprochement, car notre wallon a, plus que les autres dialectes romans, subi l’influence germanique.

Elle n’est guère transgressée que dans trois cas.

1o Lorsque l’adjectif joue le rôle d’un véritable attribut pouvant être facilement précédé du verbe èsse, être, ou lorsque cet adjectif est ou peut être assimilé à un participe passé devant lequel on rétablirait facilement le verbe auxiliaire sans changer le sens de l’expression.

Ex. : Ine homme sûti, (qu’est sûti). Un homme avisé. On pére mâvas (qu’est mâvas). Un père fâché, qu’il ne faut pas confondre avec on mâvas pére, un mauvais père. Ine jambe cassêye. Une jambe cassée.

Mais on dira cependant : dè l’ cûte aiwe, de l’eau cuite, des cassêyès botèyes, des bouteilles cassées, parce que ces participes passés fonctionnent ici comme adjectifs qualificatifs.

2o Lorsque l’adjectif indique la nationalité.

Ex. : Ine air ligeois. Un air liégeois. On piote hollandais. Un fantassin hollandais. On baron russe. Un baron russe.

Mais, pour indiquer la provenance, le wallon préfère employer le nom du pays précédé de la préposition :

Ex. : On sôdârd di Prûsse. Un soldat prussien. Dè vinaigue di France. Du vinaigre français.

3o Enfin, lorsque le wallon accepte telles quelles et introduit dans l’usage certaines locutions françaises :

Ex. : Consèye communal. Conseil communal. Consèiller provinciâl. Conseiller provincial.

2 Féminin des adjectifs qualificatifs.

La formation du féminin des adjectifs qualificatifs wallons est compliquée. Nous rangerons ces adjectifs en plusieurs catégories formant leur féminin d’une façon caractéristique et dont la dernière contiendra, les cas les plus difficiles.

I. — Adjectifs à terminaisons de participe passé.

Cette catégorie comprend tous les participes passés employés adjectivement et les adjectifs qualificatifs dont la terminaison est la même que celle des participes passés.

Le féminin de ces adjectifs est analogue au féminin des participes correspondants[1].

a) Appartiennent à la première conjugaison les participes passés terminés par é et par î, féminin êye.

Les adjectifs suivants en é et en î forment leur féminin de pareille façon :

Abaumé. Enterré, creux en parlant de la voix. Âbaumêye.
Binamé. Gentil. Binamêye.
Bodé. Courtaud. Bodêye.
Bouzé. Bouffi. Bouzêye.
Crajolé[2]. Bigarré. Crajolêye.
Crawé. Rabougri. Crawêye.
Ècèpé. Embarrassé. Ècèpêye.
Ècoid’lé. Gêné dans ses mouvements. Ècoid’lêye.
Èmaîné. Guindé. Èmaînêye.
Fayé. Fripé, en mauvais état. Fayêye.
Forsôlé[3]. Repu, joyeux à l’excès. Forsôlêye.
Frèzé. Grêlé. Frèzêye.
Halé. Boiteux. Halêye.
Houlé. Courbe, bancal. Houlêye.
Mâheulé. Mal élevé. Mâheulêye.
Nozé. Mignon. Nozêye.
Souwé. Rusé. Souwêye.
Mèsbrugî, etc. Êclopé. Mèsbrugêye.

b) Appartiennent à la 2e et à la 3e conjugaison, les participes passés terminés par ou, féminin owe.

Les adjectifs suivants en ou forment leur féminin de pareille façon :

Arvolou. Brutal. Arvolowe.
Bèchou. Interdit. Bèchowe.

Chaipiou. Chétif. Chaipiowe.
Crèspou. Crépu. Crèspowe.
Nou. Nu. Nowe.
Pans’lou. Ventru. Pans’lowe.
Tâdrou. Tardif. Tâdrowe.
Timprou, etc. Précoce, matinal. Timprowe.


c) Appartiennent à la 3e conjugaison, les participes passés terminés par i, féminin èye.

Les adjectifs suivants en i forment leur féminin de pareille façon :

Ginti. Laborieux. Gintèye.
Sûti, etc. Sagace, avisé. Sûtèye.

Haîti, sain, fait, par attraction, haîtèye.

Nâhî, fatigué, se prononce parfois incorrectement nâhi, avec i bref, forme qui a entraîné le féminin nâhèye avec è bref.

Jolèye, tâchetée, en parlant des vaches, n’a pas de masculin.

II. — Adjectifs à terminaisons de participe présent.

Ces adjectifs se terminent par ant (ã) et forment leur féminin en ajoutant e muet à cette terminaison, le t étymologique reparaissant dans la prononciation.

Afahant. Affamé. Afahante.
Coq’sant. Guilleret. Coq’sante.
Forfant. Magnifique. Forfante.
Mâlignant. Tracassier. Mâlignante.
Mèchant. Méchant. Mèchante.
Plaihant, etc. Agréable. Plaihante.

III. — Adjectifs terminés oralement par une voyelle.

Les adjectifs appartenant aux deux classes précédentes ne rentrent naturellement pas dans cette catégorie.

Dans ces adjectifs, la consonne étymologique, qui ne se prononce pas, réapparaît au féminin où elle se prononce toujours dure.

Chaud. Chaud. Chaude[4].
Parfond. Profond. Parfonde.
Rond. Rond. Ronde.
Plat. Plat. Plate.
Ricût. Taciturne, sournois. Ricûte.
S’fait. Pareil. S’faite.
Stout. Grossier, altier. Stoute.
Streut. Étroit. Streûte.
Glot. Friand. Glote.
Sot. Sot. Sotte.
Nèt. Propre. Nètte.
Bas. Bas. Basse.
Crâs. Gras. Crâsse.
Fâs. Faux. Fâsse.
Gros. Gros. Grosse.
Spès. Épais. Spèsse.
Crabouyeus[5]. Raboteux. Crabouyeûse.
Croufieus. Bossu. Croufieûse.
Grandiveus. Vaniteux. Grandiveûse.
Hisdeus. Hideux. Hisdeûse.
Hoûpieus. Qui se tient ramassé par suite du froid. Hoûpieûse.
Houreus. Froid et humide en parlant du temps, froidureux. Houreûse.

Hureus. Heureux. Hureûse.
Grigneus. Morose, triste. Grigneûse.
Mâhonteus. Impudent. Mâhonteûse.
Mâlhureus. Malheureux. Mâlhureûse.
Ouheus. Oisif. Ouheûse.
Pèneus. Piteux, penaud. Pèneûse.
Vig’reus, etc. Alerte, vif. Vig’reûse.

IV. — Adjectifs terminés oralement par une consonne autre que les liquides l et r.

Ces adjectifs se terminent graphiquement par e muet ; la forme féminine est par conséquent identique à la masculine.

Voici quelques uns de ces adjectifs :

Acontrâve, Étrange.
Adrète, Adroit.
Agète, Agile.
Amistâve, Aimable.
Binâhe, Content.
Brave, Honnête.
Cagnièsse, Hargneux.
Cônièsse, Coriace.
Doûcrèsse, Douceâtre.
Doûmièsse, Soumis.
Flâwe, Faible.
Fôcaque, Blet.
Frèhe, Humide.
Gâye, Bien habillé.
Hâbièsse, Susceptible.
Hâdièsse, Brusque.
Hayète, Mure.
Hayâve, Insupportable.
Haique, Hinque, Fluet.
Halcrosse, Malingre.
Hape, Sauf.
Hate, Étriqué.
Honnièsse, Poli.
Jène, Jaune.
Jône, Jeune.
Loigne, Imbécile.
Macasse, Étourdi par la boisson, stupéfait.
Maigue, Maigre.
Malâde, Malade.
Mate, Rusé.
Midonne, Généreux.
Minâve, Misérable.
Moflèsse, Mollasse.
Nawe, Paresseux.
Noyètte, Gris (ivre).
Nonpouhe, Indolent.
Pètoye, Ivre.
Parèye, Pareil.
Qwahe, Sensible à la douleur.
Randahe, Crâne.
Rècoquèsse, Gaillard.

Roge, Rouge.
Sèche, Sec.
Strègne, Récalcitrant.
Tène, Mince.
Virlihe, Allègre.
Vraîye, Vrai.
Wâgue, Vague, inculte.
Wape, etc. Fade, aigre.

V. — Adjectifs terminés oralement par les liquides l et r.

Ces adjectifs forment leur féminin par l’addition d’un e muet à la forme masculine. Voici quelques uns de ces adjectifs

Clér. Clair. Clére.
Èwal. Égal. Èwale.
Fèl. Vaillant. Fêle.
Fîr. Fier. Fîre.
Hal, hol. Meuble. Hale, hole.
Lègîr. Léger. Lègîre.
Maweûr. Mûr. Maweûre.
Neûr. Noir. Neûre.
Ringuèl. Raide. Ringuèle.
Seûr. Sûr. Seûre.
Stal. Stable. Stale.
Sûr. Sûr. Sûre.
Wal, etc. Meuble. Wale.

Les trois adjectifs aveûle, aveugle, pâhûle, paisible et veûle, veule ont une forme identique au masculin et au féminin.

Observation.

On sait que les consonnes finales, moins généralement les liquides l et r, ont une tendance à disparaître en wallon. Les liquides ont disparu au masculin des adjectifs prumî, premier, seû, seul, , soûl et , mou ; (cf. amou = amour, soû =

  1. Voir la première partie de notre essai de grammaire wallonne : le Verbe wallon, p. 73.
  2. Le féminin de cet adjectif se termine parfois par èye bref, probablement à cause du simple jolèye, tachetée, en parlant de la vache, employé par les auteurs modernes comme féminin et avec le sens de joli qui n’existe pas en wallon.
  3. Il faut se garder d’écrire foirt-sôlé en deux mots. Le préfixe for est une particule inséparable, signifiant hors, au delà.
  4. Les consonnes finales sonnantes (celles qui précèdent e muet) se prononcent toujours dures en wallon, sauf quand elles se trouvent devant un mot commençant par une consonne douce.

    Exemple :

    Ine âbe se prononce : ĭn ṑp.

    L’âbe dè jardin se prononce : l’ṑp dĕ̀ ʤṑrdè̃.

  5. L’x terminal est remplacé par s, d’après la première règle de la Société de réforme orthographique.