Une nouvelle révolution au Pérou

LA NOUVELLE RÉVOLUTION DU PÉROU.

Bien des révolutions, des coups d’état, des pronunciamentos, se sont produits au Pérou depuis son émancipation ; mais ce pays, si souvent déchiré par les discordes civiles, a rarement vu des scènes aussi tragiques, des drames aussi sanglans que ceux dont la ville de Lima a été le théâtre au mois de juillet dernier. Heureusement la crise, malgré sa violence, n’a été que passagère ; au moment où l’armée était dispersée, la police licenciée, l’administration désorganisée, où le pays tout entier se croyait réservé à des troubles dont ceux de la capitale ne semblaient être que le début, les choses se sont remises instantanément dans un état normal, les institutions parlementaires ont repris leur cours, et le Pérou a trouvé une solution des difficultés avec lesquelles il était aux prises, non pas dans des mouvemens insurrectionnels, mais dans la stricte application de la légalité. C’est le congrès qui, conformément à la constitution, a présidé à la transmission du pouvoir avec des conditions d’ordre et de calme sur lesquelles les optimistes eux-mêmes n’eussent point osé compter. Le jour se fait maintenant sur les causes et sur les effets d’événemens enveloppés tout d’abord d’un nuage sinistre qui empêchait d’en apprécier le caractère. Les esprits sont entrés dans une période d’apaisement relatif, et la dernière crise a fait naître plus d’une réflexion salutaire. Les auteurs des violences commises ont reçu un châtiment si rapide, leur succès d’un jour a été si cruellement expié, le danger des coups d’état s’est fait sentir d’une manière si terrible et si saisissante, qu’il y a lieu d’espérer après la tourmente l’accalmie, après le déchaînement des haines la conciliation.

Le nouveau président de la république péruvienne, don Manuel Pardo, a pris une attitude satisfaisante, et, bien qu’il ait marqué comme chef du parti libéral, il s’est attaché à ne pas froisser les conservateurs. Son influence modératrice a déjà produit de bons résultats. Le discours-message qu’il a prononcé le 2 août 1872 devant le congrès a été favorablement accueilli. Le président constate la victoire remportée par l’opinion publique, et se félicite de ce que la légalité, menacée par les attentats de l’arbitraire et de la violence, ait fini par prévaloir. Il croit, grâce à d’accord entre le gouvernement et la représentation nationale, l’heure bien choisie pour procéder aux réformes économiques et financières, pour relever le crédit, pour réorganiser l’armée, l’administration, l’enseignement. Telle est la tâche pour l’accomplissement de laquelle M. Manuel Pardo réclame le concours de tous les hommes de bonne volonté. Il faut faire des vœux pour que le pays, éclairé par l’expérience, suive le conseil du président, et que le bon sens public empêche le retour des désordres qui viennent de cesser. Un rapide coup d’œil jeté sur la dernière crise en fera comprendre la gravité, et permettra d’apprécier l’œuvre réparatrice qui s’impose aux efforts de l’administration actuelle.

Les événemens du mois de juillet ont présenté le caractère le plus déplorable. Depuis quelques semaines, la situation du pays était très confuse. Plus on approchait du dénoûment des questions que faisait naître l’élection présidentielle, plus les attentats contre les personnes devenaient fréquens. Des villages entiers avaient été mis au pillage dans les provinces de Chincha et de Canete par des troupes de malfaiteurs. La polémique entre les partis était très vive. Les partisans de la candidature de M. Pardo, le chef libéral, et les soutiens de celle de M. Arenas se faisaient une guerre acharnée dans les colonnes des journaux et au sein de la commission permanente. Don Manuel Pardo lançait en avril un manifeste qui se terminait ainsi : « il importe que la nation sache une fois pour toutes si elle a ou n’a point le droit d’élire librement son premier magistrat. » Le colonel Balta, président de la république et dont les pouvoirs étaient sur le point d’expirer, faisait l’opposition la plus vive à la candidature de M. Manuel Pardo. Les élections présidentielles avaient eu lieu le 5 mai sans amener de désordres. Presque partout, deux collèges électoraux s’étaient formés ; on en comptait trois à Lima. Chacune de ces associations avait donné l’unanimité des voix au candidat qu’elle patronnait. MM. Arenas, Pardo et Ureta étaient nommés à la présidence par leurs partisans, mais c’est au congrès qu’il devait appartenir de décider entre eux. Le gouvernement soutenait M. Arenas ; toutefois certaines personnes prétendaient que le président Balta avait le dessein de se maintenir au pouvoir, même après l’expiration du terme assigné à ses hautes fonctions. Ces personnes allaient jusqu’à dire que les élections qui avaient eu lieu pour la présidence seraient déclarées nulles, que le congrès en prescrirait de nouvelles, et qu’en attendant, le chef de l’état assumerait la dictature. Suivant d’autres au contraire, le colonel Balta n’aspirait qu’à déposer un fardeau qui devenait chaque jour plus lourd pour lui. Cependant les journaux favorables à la candidature de M. Manuel Pardo, — el Comercio, el National, el Sentinela, — étaient supprimés ou suspendus, et le parti libéral témoignait une vive irritation.

Sur ces entrefaites, les chambres péruviennes se réunissaient le 13 juillet. L’ouverture officielle du congrès était fixée au 23 juillet, les deux semaines antérieures à cette date étant consacrées à la vérification des pouvoirs des députés et des sénateurs nouvellement élus. Les choses en étaient là quand on parla tout à coup d’un pronunciamento dont le ministre de la guerre, don Thomas Guttierez, prendrait l’initiative d’accord avec M. Ureta. Le coup d’état eut lieu en effet le 22 juillet, et don Thomas Guttierez fit arrêter le colonel Balta, président de la république. Il prit en même temps le titre de chef suprême de l’état, et confia la direction de l’administration au docteur Fernando Casos ; mais les troupes, que les partisans de don Manuel Pardo avaient en partie gagnées, ne tardèrent pas à se prononcer contre l’usurpateur.

Dès la première nuit, celle du 22 au 23 juillet, des corps de garde avaient été abandonnés. Le tour des bataillons vint ensuite. Il y eut dans plusieurs casernes des combats sanglans entre des corps fidèles au nouvel ordre des choses et d’autres corps acquis à la cause opposée. Le peuple ne prenait aucune part à ces luttes. Don Manuel Pardo avait trouvé un refuge à bord d’un navire de guerre péruvien, le Huasear ; ses amis s’étaient cachés. Il régnait donc à Lima une sorte de tranquillité, mais elle n’était qu’apparente ; une contre-révolution était inévitable. C’est du Callao qu’elle partit, et c’est par l’armée qu’elle s’opéra. Dès le 25 juillet, les communications étaient coupées entre Lima et le Callao. Plusieurs bataillons envoyés successivement dans ce port se débandèrent ou passèrent dans le camp constitutionnel. Le 26 juillet au matin, on regardait déjà comme imminente la chute de don Thomas Guttierez. Un de ses frères, don Sylvestre, fut assassiné. On prétendit d’abord que l’auteur de ce meurtre était le fils du colonel Balta, et cette nouvelle, qui d’ailleurs était fausse, exaspéra tellement don Thomas Guttierez et son autre frère, don Marceliano, qu’ils firent immédiatement mettre à mort le président de la république. Toute la population de Lima se souleva. Abandonnés par leurs soldats, les frères Guttierez furent égorgés l’un et l’autre, don Thomas dans la principale rue de Lima, don Marceliano à peu de distance du Callao. Cependant le colonel Herencia Levallos, premier vice-président de la république, prit la direction provisoire des affaires, et constitua un ministère. Le régime constitutionnel, violemment interrompu par l’usurpation des Guttierez, reprenait ainsi son cours. Quant à M. Fernando Casos, il avait donné sa démission de secrétaire-général dès qu’il avait été instruit de l’assassinat du président Balta.

Il y eut un instant de trouble extrême. Les crimes commis avaient causé une émotion facile à comprendre. La populace exaspérée livrait aux flammes les cadavres de Thomas et de Sylvestre Guttierez. Il n’y avait plus de police dans la ville. Ce qui restait de l’armée était caserné dans le palais et au fort Santa-Catalina, d’où on n’osait pas faire sortir les troupes.

Don Manuel Pardo apparut alors comme un sauveur. Entouré d’une grande popularité et représentant les principes constitutionnels, il déclara que la seule manière de terminer la crise était un recours loyal à la légalité. C’est au congrès qu’il appartenait de vérifier les élections et de désigner le nouveau président de la république, et il fallait sans retard procéder à cette désignation, devenue de plus en plus urgente ; c’est la solution qui a en effet prévalu.

Le congrès péruvien s’est réuni le 28 juillet à Lima, sous la présidence de M. Benavides. Trois jours après, la commission chargée de l’enquête sur les résultats de la lutte engagée entre MM. Pardo, Arenas et Ureta pour la succession de don José Balta à la présidence de la république formulait son rapport. Comme il ressort de ce document que don Manuel Pardo a obtenu 2,692 voix sur 4,657, dont se compose le collège électoral, le congrès l’a proclamé à l’unanimité président du Pérou à partir du 2 août 1872, et pour la période constitutionnelle de quatre ans. Les obsèques du colonel Balta ont été pompeusement célébrées le 31 juillet. Son successeur a prêté serment devant les chambres le surlendemain, et leur a donné ensuite lecture d’un message. La publication en avait été précédée par celle d’un autre message, celui que don José Balta se proposait d’adresser au congrès.

La ville de Lima a repris son aspect accoutumé. Plusieurs fêtes ont marqué l’entrée au pouvoir de don Manuel Pardo, qui accueille avec une simplicité de bon goût les hommages qu’on lui rend. Le chef de la république n’a point établi sa résidence au palais, mais continue à demeurer dans sa propre maison ; il ne fait pas usage non plus des voitures du gouvernement.

Le gouvernement vient de présenter à l’assemblée législative deux projets de lois qui inaugurent la série des grandes réformes amoncelées et impatiemment attendues par le pays. Le premier a pour objet l’administration municipale ; il est, croit-on, l’œuvre personnelle du président de la république, et il repose sur un large système de décentralisation. Le second est relatif à la réorganisation de l’armée ; mais, en attendant que le congrès ait voté cette dernière loi, le gouvernement a dû prendre d’urgence des mesures provisoires pour reconstituer la force publique. A la suite de la révolution, presque tous les soldats ont profité de l’occasion pour se débander, et il n’est resté que 1,500 hommes à peine sous les drapeaux. Le président de la république a visité lui-même les casernes et a annoncé que dorénavant personne ne serait ni enrôlé ni retenu de force au service, que tous ceux qui voudraient signer un engagement de deux ans seraient conservés, que les autres étaient libres de se retirer. Après cette visite, des instructions ont été envoyées par le ministre de la guerre à l’inspection générale de l’armée, lui prescrivant d’avoir recours désormais pour remplir les cadres à des enrôlemens volontaires jusqu’à ce que le pouvoir législatif ait statué sur le projet de loi qui lui est soumis. En vertu de ce projet, le système de l’enrôlement forcé devenu odieux, et dont les résultats, quant à la qualité et à la composition de l’armée, ont toujours été déplorables, sera remplacé par celui de la conscription, qui est proposé par le gouvernement comme le mode de recrutement le plus sûr et le plus avantageux pour le pays. En outre il a été décidé que tous les châtimens corporels en usage jusqu’à ce jour seraient abolis.

Ce n’est pas seulement l’armée qu’il s’agit de réorganiser. La situation économique et administrative du Pérou exige incontestablement de nombreuses réformes, et ce pays n’a encore développé qu’une partie de ses ressources. Le président de la république est venu lire en personne devant le congrès, le 21 septembre, un exposé de la situation financière. Les graves révélations faites par le chef de l’état sur les embarras du trésor avec autant de clarté que de franchise ont vivement ému les chambres et l’opinion publique. Le président déclare que, le gouvernement se trouvant forcé de recourir au crédit extérieur et au crédit, du pays lui-même pour sortir des difficultés intérieures, la condition nécessaire et préalable est de rétablir immédiatement l’équilibre dans le budget entre les recettes et les dépenses.

Pour atteindre ce but, le message annonce que le gouvernement, ne pouvant recourir aux impôts directs à cause des difficultés du recouvrement, ne voit que trois moyens qui devront être employés simultanément : 1° la décentralisation municipale, dont la loi vient d’être soumise au congrès, et qui rendra les contributions actuelles plus productives par les nouvelles taxes établies dans chaque localité ; 2° un impôt sur le salpêtre ; 3° une élévation des droits de douane existant, jointe à une taxe nouvelle sur des articles qui en étaient affranchis jusqu’à ce jour…

La journée du 20 septembre n’a point amené, comme on le craignait, le retour des scènes fâcheuses dont la ville de Lima fut le théâtre l’année dernière. La colonie italienne, il y a un an à pareille époque, voulut fêter l’anniversaire de l’entrée des troupes italiennes à Rome, et projeta une grande manifestation. Le parti libéral péruvien, qui faisait alors une vive opposition au gouvernement du colonel Balta, profita de l’occasion, et organisa un meeting, qui eut lieu sur la place où s’élève la statue de Bolivar. Le président fit cerner cette place. La foule fut chargée, dispersée violemment, et de nombreuses arrestations eurent lieu. Cette année, le parti libéral, dont le chef est au pouvoir, a évité tout ce qui aurait pu être une. cause ou un prétexte de désordres. Convaincu d’une part qu’il serait dangereux de froisser les sentimens catholiques de la population, et de l’autre que défendre officiellement la manifestation serait le moyen le plus sûr de la faire naître, le gouvernement a préféré en employer un autre moins apparent, mais plus efficace. Don Manuel Pardo jouit toujours d’une grande popularité dans le parti libéral, et il s’en est servi habilement dans cette circonstance. Il a fait agir sur les chefs et sur les membres les plus influens du parti, et il a réussi à les faire renoncer à leurs projets. De son côté, la colonie italienne a accédé aux désirs du gouvernement, et la journée s’est passée sans le moindre désordre.

On sait qu’un différend est récemment survenu entre le gouvernement chilien et le ministre de Bolivie à Santiago, à propos de l’expédition projetée contre cette république par un de ses généraux émigrés, le général Quintin-Quevedo, et que ce différend a conduit à la rupture des relations diplomatiques entre le cabinet de Santiago et le Chili. Certaines personnes attribuent au gouvernement chilien le désir d’une rectification de frontière et le projet de s’emparer d’une portion du territoire bolivien, voisin de sa frontière du nord, et qui vient d’acquérir une grande importance par suite de la découverte à Caracoles de mines d’argent extrêmement riches et exploitées par des sujets chiliens. Le conflit diplomatique survenu à Santiago a causé une certaine émotion au Pérou, mais l’opinion la plus accréditée à Lima, au moment où cette nouvelle y est arrivée, a été que le différend s’arrangerait d’une manière pacifique.

On ne peut nier que depuis quelques années la république péruvienne n’ait beaucoup étendu ses relations, et n’ait vu grandir singulièrement son importance. Des quatre états du Pacifique, c’est elle qui tient assurément le premier rang, et dans toute l’Amérique du Sud il n’y a que l’empire du Brésil qui l’emporte encore sur elle. Solidement appuyé sur l’Equateur et la Bolivie, où son influence domine, le Pérou n’a rien à craindre. Il possède une armée comparativement nombreuse, une flotte qui n’a point de rivale sur l’Océan-Pacifique et des ressources financières considérables.

La paix extérieure et intérieure est le premier des biens pour un pays où il y a tant de choses à créer. Elle a cet avantage, qu’en permettant aux intérêts de se former et de s’étendre, à l’industrie de grandir, aux habitudes régulières de s’enraciner, elle acquiert par cela même des chances de durée. Pour ces contrées de l’Amérique du Sud, si souvent bouleversées par des mouvemens contraires et par des révolutions successives, se maintenir quelque temps dans le calme, c’est remporter une véritable victoire. Dès que la légalité règne sans contestation dans ces pays, on est étonné de l’importance et de la rapidité des progrès qu’ils réalisent. Malheureusement il y a sur le sol de ces jeunes républiques une incandescence permanente, un mouvement fiévreux d’ambitions personnelles, un choc entre des passions stériles et une civilisation toujours contrariée, ajournée, détournée de son but pratique ; mais, si grave qu’il soit, le mal n’est pas incurable. Au Pérou, comme dans d’autres contrées de l’Amérique méridionale, les bons esprits comprennent que la paix est la condition nécessaire, indispensable, du développement d’un commerce qui peut devenir immense. Stimuler l’industrie, lui ouvrir des voies nouvelles, multiplier les communications, fortifier les races nationales par l’émigration européenne, ranimer la population des campagnes trop accoutumée à l’indolence et à la pauvreté, c’est la tâche qu’il s’agit d’accomplir ; mais pour cela il faut empêcher le retour de ces crises périodiques qui font perdre en un jour le terrain gagné par suite de plusieurs années d’efforts, il faut contenir les ambitions, apprendre à l’armée le respect de la légalité, habituer les populations à l’exercice de leurs droits et surtout de leurs devoirs.

Le Pérou, si bien doué par la nature, et où tant de richesses demeurent encore inexplorées, grandirait bien vite par le calme, et il ne dépend que de lui-même d’arriver rapidement à une prospérité matérielle de beaucoup supérieure à celle dont il a joui jusqu’à présent. Borné au nord par l’Equateur, au sud et à l’est par la Bolivie, à l’est par le Brésil, à l’ouest par le Grand-Océan, il peut, s’il est tranquille, être utile non-seulement à lui-même, mais aux républiques voisines, en leur donnant l’exemple d’une politique à la fois correcte et conciliante. La France a trop de sympathies pour ces jeunes et intelligentes nations, notre commerce entretient avec elles des relations trop fréquentes pour que nous ne nous intéressions pas au développement de leurs ressources et de leur activité. C’est avec un réel chagrin que nous les voyons si souvent user dans des agitations ou stériles ou sanglantes une énergie qui serait heureusement appliquée à des œuvres plus efficaces. Pourquoi ces républiques hispano-américaines, rapprochées les unes des autres par la communauté d’origine, de religion, de langage, et par les souvenirs des guerres d’indépendance, ne tiendraient-elles pas à honneur d’inaugurer dans leurs rapports une politique fondée sur le respect de leurs droits mutuels et sur un système véritablement pacifique ? Pourquoi épuiseraient-elles leurs forces dans des luttes diplomatiques et militaires, dans des rivalités d’influence, dans des contestations de frontières, qu’avec des idées conciliantes il serait si facile d’éviter ? Que les habitans de la vieille Europe, gênés par des limites trop étroites et forcés par le paupérisme à s’expatrier, se disputent quelques parcelles de terre, c’est ce que l’on comprend à la rigueur tout en le regrettant ; mais que des peuples jeunes qui ont à leur disposition une étendue de terrain au moins dix fois plus grande que celle qu’ils peuvent cultiver, des peuples qui ont à changer en plaines fertiles des solitudes immenses, à vivifier un sol d’une richesse admirable, prennent plaisir à s’entre-tuer pour des questions de limites, c’est un spectacle plein de tristesse dont on ne saurait trop s’étonner. N’y a-t-il donc pas assez de place pour tout le monde au soleil ? Les fleuves ne sont-ils pas assez larges ? L’océan n’est-il pas assez vaste ? Le jour où elles auront définitivement compris leurs véritables intérêts, les républiques de l’Amérique du Sud préféreront à de vains conflits les grands progrès économiques, et feront prévaloir la paix dans des parages où elle est si nécessaire, et où elle peut être si féconde.