Une Révolution d’autrefois


Une révolution d’autrefois[1]. — Il faut savoir gré à MM. Pyat et Theo d’avoir essayé de prendre l’antiquité latine du même côté que Pétrone et Suétone, d’avoir cherché la satire et la naïveté, là même où le dix-septième siècle tout entier n’avait vu que de pompeuses tragédies : c’était une hardie et heureuse innovation, et à laquelle le succès ne pouvait manquer. La première représentation de cette ingénieuse comédie avait été couverte d’applaudissemens. Des intrigues de police, d’inextricables calculs d’administration ont cherché, dans une peinture simple et nue de la vie romaine, des allusions modernes, bien éloignées sans doute de la pensée des auteurs. En attendant que la presse et la tribune épuisent et décident la question de la censure et de la liberté des théâtres, il ne reste aux hommes de cœur et de franchise, qui n’ont pu obtenir, pour une œuvre de conscience, le secours et l’éclat de la scène, que l’attention et les éloges des lecteurs. On pourrait désirer peut-être plus de profondeur et de portée dans le tableau que nous avons sous les yeux. On devine facilement, sous la gaîté spirituelle et mordante du dialogue, d’amères et sérieuses pensées, à qui le temps et le travail ont manqué, pour se révéler et se produire complètement. Sans nul doute, dans d’autres circonstances, après un succès paisible et incontesté, MM. Pyat et Theo auraient repris dans une autre comédie plus pleine et plus largement dessinée, la peinture satirique du monde romain, tel que nous le retrouvons dans quelques pages d’Horace. La tâche est belle et ne promet pas de s’épuiser sitôt. Si nos vœux et nos encouragemens peuvent ranimer la verve, qu’un premier échec a pu refroidir un instant, nous invitons publiquement MM. Pyat et Theo à continuer ce qu’ils ont commencé. — Et qu’ils se rassurent sur la pruderie guindée de la critique, sur le pédantisme gourmé des jugeurs jurés : dût l’aristarque officiel, qui les a tancés une première fois, feuilleter de nouveau le catalogue de trois ou quatre bibliothèques, pour leur prouver qu’ils ont oublié une anecdote dans la vie d’un tribun, ou qu’ils ont eu tort de choisir, parmi les turpitudes d’une majesté impériale, les traits les moins effrontés, le public saura toujours bien les remercier de leur réserve, et absoudre les condamnés.

  1. Chez Paulin, place de la Bourse.