Une Nouvelle science auxiliaire de l’histoire - La sigillographie ou science des sceaux

Une Nouvelle science auxiliaire de l’histoire - La sigillographie ou science des sceaux
Revue des Deux Mondes, 3e périodetome 5 (p. 889-928).
UNE
NOUVELLE SCIENCE
AUXILIAIRE DE L’HISTOIRE

LA SIGILLOGRAPHIE OU SCIENCE DES SCEAUX.

La physique nous apprend qu’un papier enduit d’une certaine substance et exposé dans la chambre noire à l’action des rayons solaires en subit l’influence sans que notre œil puisse le percevoir. Il faut un travail de l’homme, une manipulation particulière pour que l’image qui s’était réfléchie sur le papier devienne visible ; alors seulement on constate que la feuille préparée par le photographe a gardé l’empreinte de l’objet devant lequel elle avait été présentée. Un phénomène analogue se produit en archéologie. Les sociétés passées ont laissé sur mille choses qu’elles nous ont transmises le reflet invisible de leur image, c’est-à-dire de leurs idées, de leurs croyances, de leurs institutions, de leurs mœurs ; c’est comme un dessin tracé à l’encre sympathique, qui n’apparaît qu’après l’intervention de certains procédés. Le travail à exécuter n’est point, il est vrai, une manipulation chimique ; il demande plus d’efforts et surtout plus de temps, car il consiste en une suite d’observations critiques et de recherches attentives, qui ne sauraient s’accomplir en quelques minutes dans un laboratoire. L’archéologie fait parler des témoins qui semblaient muets, et les personnes étrangères à cette science s’étonnent de voir tout ce que des débris qu’on pouvait supposer inutiles et sans valeur nous disent sur les anciens âges. C’est par le progrès de la science qu’on a reconnu l’importance de chétifs vestiges auparavant dédaignés. Qui se serait douté, il y a un siècle, de ce que nous révèlent sur l’état de l’humanité primitive ces silex grossièrement taillés, enfouis dans la terre à côté de fragmens de poterie et d’ossemens corrodés ou calcinés ? Quand on se mit à considérer les marques d’ouvriers que portent les pierres de plusieurs de nos vieux édifices, soupçonnait-on le parti qu’on en tirerait plus tard pour déterminer la date des diverses constructions et compléter ainsi l’histoire de notre architecture ? Écoutez un antiquaire consommé, M. de Longpérier par exemple, ou un de ces pénétrans épigraphistes tels que M. Léon Renier, et vous demeurerez confondu de tout ce qu’un vase, un morceau de marbre, un éclat de bronze ou quelques lettres d’une inscription fruste peuvent vous enseigner. À mesure que les investigations archéologiques s’étendent et se perfectionnent, on voit s’accroître le nombre des objets qui fournissent des renseignemens historiques à ceux qui les étudient. Ce qui était d’abord tout au plus l’occasion de quelques remarques devient le point de départ d’une branche nouvelle de l’archéologie. Cette branche grandit ; elle pousse des rameaux, et la voilà, au bout d’un certain nombre d’années, comme une tige qui se détache de la souche pour vivre de sa vie propre, c’est-à-dire qu’elle constitue bientôt une science distincte, presque indépendante de celle dont elle est sortie, quoique restant avec elle dans une féconde union. Un nouveau domaine est créé, qui suffira à l’activité d’une classe spéciale d’investigateurs. L’histoire se trouvera de la sorte dotée d’un nouvel auxiliaire, qui lui ouvrira des horizons qu’elle ne pouvait atteindre ou des profondeurs dans lesquelles elle ne pouvait pénétrer.

Entre ces connaissances du ressort de l’archéologie, sinon récemment venues au jour, du moins élevées depuis peu à la hauteur d’une science, il faut compter celle des sceaux, ou, comme on l’appelle, la sigillographie, la sphragistique, noms formés, le premier du bizarre accouplement d’un mot grec et d’un mot latin, le second du grec sphragis, signifiant anneau à cacheter ou chaton de bague ayant la même destination.

Dans le principe, on ne s’occupait guère des empreintes sur métal ou sur cire qu’à propos des diplômes, des chartes, auxquels elles sont ordinairement attachées. L’étude des sceaux n’était qu’un accessoire de la diplomatique et de la paléographie ; c’est à ce titre qu’il en est parlé dans le traité de diplomatique des bénédictins et dans le bel et classique ouvrage de M. Natalis de Wailly intitulé Élémens de paléographie. Quand les amateurs commencèrent à recueillir les produits de l’art du moyen âge, on réunit dans les collections quelques matrices qui vinrent prendre place à côté des pierres gravées, et l’étude de ces monumens fut regardée comme un appendice de la glyptique, cantonnée alors presque exclusivement dans la description des camées et des intailles que l’antiquité et la renaissance nous ont légués. Depuis un quart de siècle, on a rassemblé dans des collections spéciales les empreintes moulées ou surmoulées d’une multitude de sceaux, amassés dans les dépôts d’archives, conservés parmi des papiers de famille. On a pu ainsi classer les monumens sigillographiques, les comparer, en fixer l’âge et les caractères respectifs, expliquer les sujets qui y sont représentés en même temps qu’on déchiffrait leurs légendes ; on a rapproché ces figures et ces inscriptions des données fournies ailleurs sur les personnages, les établissemens et les circonstances auxquels ces sceaux se rapportent. On a éclairé de la sorte bien des points obscurs de la chronologie, de l’histoire nobiliaire, ecclésiastique, de l’histoire des villes et des institutions au moyen âge. Ces riches collections ont mis l’érudit en présence d’une iconographie plus abondante et plus variée que celle que nous devons à la statuaire et à la numismatique, d’une glyptique spéciale dont les œuvres, diversifiées à l’infini, peuvent servir à combler maintes lacunes de l’histoire des arts et accroissent les matériaux de la symbolique du moyen âge. Dès ce moment, si la sigillographie n’a pas été encore une science faite, elle a été du moins une science en voie de formation et d’une importance reconnue et acceptée. Plusieurs publications ayant les sceaux pour objet ont été entreprises ; on n’a rien négligé de ce qui pouvait contribuer à nous assurer la complète intelligence des monumens sphragistiques dont on a dressé de consciencieux répertoires. Entre ces répertoires, je dois citer en première ligne la Collection de sceaux donnée par M. Douët d’Arcq, aujourd’hui chef de section aux Archives nationales, travail entrepris grâce à l’initiative et sous la direction du marquis L. de Laborde, alors directeur-général de cet établissement. Je rappellerai ensuite l’Inventaire des sceaux de la Flandre, dressé par M. G. Demay et qui est la première partie d’un répertoire plus étendu dont la seconde partie, consacrée aux sceaux de la Picardie et de l’Artois, est sous presse. Ces deux ouvrages nous donnent la mesure de ce qu’on peut attendre des études sigillographiques. Je veux essayer, en les prenant pour guides, de présenter un aperçu de l’œuvre déjà accomplie, et de justifier ainsi aux yeux de tous l’intérêt qu’attachent aux sceaux ceux qui se vouent à la tâche de nous les expliquer. Ces sceaux, naguère dissimulés sous la poussière des parchemins et la couleur ternie par les siècles de leur matière, sont à peine connus même des historiens de profession. Je rappellerai d’abord l’emploi qu’on en faisait, le rôle qu’ils ont joué, les caractères physiques qu’ils offrent, car là est la base de la science sigillographique : elle a son berceau dans la diplomatique ; or l’on ne saurait parler de ses premiers développemens sans dire un mot de sa naissance. J’analyserai ensuite les principaux renseignemens que les sceaux fournissent à l’histoire des arts ; je signalerai les indications les plus curieuses qu’on a pu tirer de ces monumens pour compléter ce que les chroniques et les chartes nous apprennent de la vie, des mœurs et des habitudes pendant ce moyen âge qui est déjà si loin de nous et dont pourtant nous foulons à chaque pas les débris.


I

L’usage d’apposer en signe d’attestation l’empreinte de son anneau sur des objets qu’on veut personnellement consacrer, sur des actes et des lettres émanés de soi, remonte à la plus haute antiquité. Dans la Bible, il est dit que Jézabel marqua des lettres avec l’anneau du roi d’Israël Achab pour faire croire aux habitans de Naboth qu’elles étaient envoyées par lui. Plusieurs des petits cônes en pierre précieuse, présentant des sujets gravés en creux et provenant de l’Assyrie, doivent avoir servi à sceller. On peut voir au musée du Louvre des sceaux en argile trouvés à Khorsabad ; ils portent une inscription en caractères cunéiformes, imprimés en creux près de l’image d’un monarque assyrien, et au revers de l’un de ces sceaux s’aperçoit la trace de l’objet sur lequel il avait été originairement appliqué. Les anciens peuples de l’Asie apposaient les sceaux comme nous apposons encore les scellés ; ils s’en servaient à la fois comme de signature sur les tablettes qu’ils employaient pour écrire et en vue d’assurer la fermeture des portes. Dans un passage du livre de Daniel (XIV, 13), il est parlé de portes scellées avec le sceau du roi. Pareille habitude existait en Égypte, et Hérodote raconte que le pharaon Rhampsinite ne savait qui accuser du vol commis dans son trésor parce que les sceaux n’avaient point été rompus. Les Égyptiens devaient se servir pour sceller de ces pierres gravées que l’on découvre par milliers sur les bords du Nil et qui abondent dans nos musées. Il existe dans la collection égyptienne du Louvre diverses empreintes de cachets sur terre non cuite. Des papyrus découverts dans le même pays avaient gardé les restes du sceau qui fixait le cordon avec lequel ils étaient noués. Les Grecs se servaient aussi de leur anneau (dactylios) pour sceller. Les pierres gravées en creux qui y étaient enchâssées et qu’on a quelquefois trouvées encore adhérentes au chaton n’avaient pas d’autre destination. Plusieurs gemmes intaillées portent le nom grec de leur propriétaire, écrit à rebours, et se reconnaissent ainsi pour des cachets. On possède de semblables pierres où sont inscrits des noms latins. Les Romains avaient effectivement imité l’usage des Grecs ; le fait est établi par de nombreux passages des auteurs anciens. Ils scellaient leurs lettres, les reconnaissances de dettes ou de dépôts qu’ils délivraient, et en général toute espèce d’actes ; ils imprimaient leurs cachets sur les cistes, les vases, les endroits où étaient renfermés les objets qu’ils voulaient soustraire à la curiosité ou à l’improbité d’autrui. Le sceau (sigillum) était empreint sur de l’argile ou de la cire ; de là l’épithète de cerographi donnée parfois aux anneaux à sceller (annuli signatorii).

Les empereurs romains eurent leurs sceaux particuliers qui donnaient à l’acte émané de leur volonté et de leur toute-puissance son authenticité et sa validité. De là l’existence d’un sceau impérial qui pouvait être distinct du cachet privé du prince. Un fonctionnaire spécial et d’un ordre élevé avait la garde du sceau, et était généralement chargé de l’apposer. Il en fut de même à Constantinople, à la cour des empereurs d’Orient. Ainsi qu’une foule d’anciennes observances, d’antiques coutumes, l’usage des sceaux passa des Romains aux barbares, en même temps qu’il était adopté par l’église. Les papes et les rois goths et francs scellèrent leurs ordres et leurs lettres, comme le faisaient les empereurs d’Occident et d’Orient. Les dépositaires de l’autorité souveraine politique ou religieuse ne se contentaient pas de signer ; pour donner à leur signature plus d’authenticité, pour aider à la reconnaître, ils joignirent l’empreinte de leur sceau à la souscription de leur nom, formalité d’autant plus utile que souvent leur signature n’était pas autographe. Un secrétaire ou notaire signait pour eux[1], ou, ce qui arriva de bonne heure en France, le monogramme du roi remplaça le tracé complet de son nom. Ce monogramme est l’assemblage de plusieurs lettres conjointes et entrelacées de façon à ne former qu’un seul caractère dont les élémens sont fournis par tout ou partie des lettres composant le nom. Il ne faut même pas dans les chartes s’en fier à la formule manu propria firmare qu’on voit fréquemment employée à partir du commencement du XIe siècle, car sur une foule de pièces il est manifeste que le nom du prétendu signataire a été écrit de la même main que le corps de l’acte : aussi les diplomatistes ont-ils entendu cette formule d’une simple confirmation par attouchement. Afin d’ajouter à la garantie que donnait l’apposition du sceau, on énonçait généralement cette apposition dans l’acte ; c’est une formalité à laquelle les diplômes de l’époque carlovingienne ne manquent jamais, mais qui a été souvent omise sous les Mérovingiens.

Les rois barbares imitèrent si complètement les Grecs et les Romains dans l’emploi du sceau, qu’ils adoptèrent les mêmes pierres gravées dont ceux-ci se servaient, sans doute parce que leurs ouvriers manquaient de l’adresse nécessaire pour exécuter des matrices. L’usage de sceller avec des gemmes fut général au début de la monarchie française ; il s’est continué exceptionnellement par fantaisie particulière jusqu’à l’époque de la renaissance, où il reprit une faveur universelle. Ces sceaux fournis par les pierres gravées forment comme la transition de la glyptique à la sigillographie. Ce sont des pierres gravées, enchâssées dans des bagues du temps ; on y a inscrit une légende appropriée à leur nouvel emploi. Parfois la pierre est encastrée dans une matrice de sceau dont elle occupe soit le centre, soit quelque autre place. Les sujets qu’offrent les intailles ainsi employées sont assez variés pour que la dactyliographie doive ne pas les négliger. On connaît un bon nombre de pareils sceaux, et les Archives nationales n’en possèdent pas moins de deux cents. Plusieurs d’entre eux ne remontent pas au reste à l’antiquité, et sont de simples imitations de camées grecs ou latins, en sorte que, suivant la judicieuse remarque de M. le marquis L. de Laborde, la gravure des sceaux doit être regardée comme la continuation de la glyptique des anciens, de même que les monnaies des barbares ont été la grossière imitation des médailles grecques et romaines. Un des sceaux de Pépin le Bref présente une tête de Bacchus ou de Silène. L’image de Jupiter Sérapis servait de sceau à Charlemagne, et une tête d’empereur romain se voit sur le sceau de Pépin Ier, roi d’Aquitaine. On a même continué de sceller avec ces belles têtes de Jupiter et de Bacchus, avec ces gracieuses fables de Léda et de Ganymède, dit l’auteur que je viens de citer, alors qu’on gravait déjà à leur imitation des sceaux qui dès la fin du XIIe siècle devinrent eux-mêmes des chefs-d’œuvre.

Le sceau ne fut plus nécessairement l’empreinte de l’anneau ; on fit usage d’une matrice fabriquée tout exprès, et l’expression sigillum prit alors la place du mot annulus, qui avait longtemps servi en France à désigner le sceau. Cette substitution date de l’époque des derniers Carlovingiens. On voit toutefois le mot annulus reparaître encore sous Louis VII. Le latin sigillum donna naissance au français seel, saiel, saiau, scel, sceau, à l’anglais seal, à l’allemand siegel. On employa pour sceller des matrices d’or, d’argent, de cuivre, de fer, d’étain, d’acier, quelquefois même d’ivoire ou de pierre fine. Cette dernière matière fut plutôt adoptée par nos rois pour leur sceau privé ou signet. Charles V scellait les lettres qu’il écrivait avec un rubis d’Orient, portant la tête d’un roi imberbe. Les matrices des sceaux des rois étaient souvent d’or, comme l’avait été l’anneau sigillaire des empereurs. De ce métal était l’anneau de Childéric Ier découvert dans son tombeau à Tournay en 1653, avec des médailles et des abeilles également d’or[2]. Il existe plusieurs bagues-cachets à inscription de l’époque mérovingienne fabriquées avec le même métal. Les matrices et les anneaux d’argent furent d’abord assez rares. On connaît cependant diverses bagues d’argent à inscription en creux qui sont des temps barbares. Les musulmans, qui ont hérité des Grecs l’usage des bagues à sceller, emploient l’argent de préférence à l’or, mais ils cachettent plus habituellement avec des pierres fines. Seuls les sultans de Constantinople avaient des sceaux en or.

À partir du moyen âge, les matrices ne furent plus guère appliquées sur l’argile, ordinairement mêlée à quelque autre matière destinée à en augmenter la consistance, sur ces terres qu’à raison de leur emploi on appelait bolaires ou sigillées et auxquelles la superstition prêtait, comme aux anneaux, des vertus surnaturelles. On substitua à ces terres la cire ou le métal. La cire, étant de l’usage le plus commode et le plus économique, fut habituellement adoptée : les sceaux en présentent une extrême variété, tant pour la qualité que pour la couleur. Il y a des cires qui se rapprochent de la dureté de la pierre, tandis que certains sceaux sont faits d’une cire presque aussi molle que la cire nouvellement fondue. En général les sceaux des XIIIe et XIVe siècles sont façonnés avec une cire bien moins ductile que celle qu’on employa postérieurement ; aussi se sont-ils beaucoup mieux conservés. Les cires du moyen âge sont au reste d’une tout autre composition que ce qu’on appelle cire d’Espagne, cire ardente. L’usage de cette dernière ne remonte qu’au règne de Louis XIII. L’on se servit d’abord de cire vierge, et c’est avec cette cire, qui a été durcie par la cuisson ou par le temps, que sont fabriqués les sceaux des rois de nos deux premières races. Plus tard, on colora la matière en blanc, comme on le voit déjà par le sceau du roi Robert, La cire rouge était encore d’un emploi rare sous les Carlovingiens, quoique les empereurs byzantins s’en soient servis ; l’usage s’en généralisa en France à partir du règne de Louis VI, le Gros, qui commença de sceller avec la cire de cette couleur.

En Allemagne, Frédéric Barberousse, en Angleterre Guillaume le Roux, l’ont aussi adoptée. Dès la seconde moitié du XIIIe siècle, les cardinaux employaient des sceaux de cire rouge, et l’habitude de sceller avec une telle cire se répandit ensuite chez les prélats et les abbés. Au XVe siècle, à partir, dit-on, du pontificat de Nicolas V, le saint-père imprima sur cire rouge l’anneau désigné sous le nom d’anneau du pêcheur (annulus piscatoris), parce qu’il représentait saint Pierre dans sa barque, et dont l’emploi était réservé pour les lettres appelées brefs. C’est à la fin du XIIe siècle qu’apparaît chez nous la cire verte qu’adoptèrent pour leur sceau certains seigneurs. Philippe-Auguste est regardé comme le premier roi de France qui s’en soit servi. Au XIIIe siècle des cires d’autres teintes furent également usitées ; aussi rencontre-t-on à la fois dès cette époque des sceaux de couleur jaune, blanche, rouge, verte, etc. La chancellerie de France s’efforça au XIVe siècle d’introduire des règles pour l’emploi de ces différentes cires, et sous le roi Jean on adopta des couleurs spéciales pour les sceaux suivant la nature des documens auxquels ils devaient être attachés. Les ordonnances, les édits, et en général les actes à effet perpétuel furent scellés de cire verte sur lacs de soie rouge et verte ; les actes à effet transitoire furent scellés en cire blanche sur queues de parchemin. Un statut du roi de France Henri III affectait les sceaux de cire blanche à l’ordre militaire du Saint-Esprit ; mais les seigneurs, les particuliers, continuèrent à suivre leur caprice et leurs préférences. Au XIVe siècle et au siècle suivant, se montrent dans la cire des nuances nouvelles, le vermeil et le rose. Les chanceliers de France réservaient la première pour les affaires qui concernaient le Dauphiné et l’Italie. Certains établissemens religieux semblent avoir fait choix d’une cire de couleur spéciale et peu usitée ; par exemple les ordres militaires et religieux scellaient en cire noire. Quant à la cire bleue, elle fut d’un usage toujours exceptionnel.

Les sceaux de métal sont plutôt connus sous le nom de bulles, formé du grec boulla, mot dont les Byzantins se servaient pour désigner l’empreinte d’un sceau faite sur métal. On employa l’or, l’argent, et surtout le plomb. Les prélats et les chapitres ayant de préférence fait usage de sceaux métalliques, on finit par étendre le nom de bulles à tous les sceaux des évêques et des communautés capitulaires. Pareillement le nom de bulles a passé aux lettres du pape, aux constitutions des empereurs d’Allemagne, parce qu’elles étaient pourvues de sceaux de métal. Les bulles d’or, que, suivant la tradition, on suspendait à certains diplômes solennels des empereurs d’Orient et d’Occident, n’ont jamais été d’un usage habituel. Aussi n’en rencontre-t-on guère dans les collections ; les Archives nationales en possèdent seulement dix. Ces sceaux d’or ne sont pas au reste tous entièrement formés de la précieuse matière : la plupart sont simplement recouverts de deux feuilles d’or. Charlemagne introduisit, dit-on, le premier chez les Francs l’emploi de ces bulles dorées dont les papes se servaient lorsqu’ils devaient confirmer l’élection du roi des Romains, ou élever quelque prélat au cardinalat. Le diplôme où Clément VII donna au roi d’Angleterre Henri VIII le titre de défenseur de la foi était scellé d’une bulle d’or. C’est aussi un sceau en or qui fut attaché à la ratification du traité conclu par le même roi avec François Ier, à la suite de l’entrevue du camp du Drap d’or (1527). Les Archives nationales conservent ce sceau, qui est d’une richesse inusitée et digne de la magnificence qui avait été déployée dans l’entrevue ; il est en or massif, et, à la différence de ceux qu’on rencontre généralement, il n’a pas été frappé ; il a été fondu et ciselé. Les textes du moyen âge mentionnent plusieurs fois des bulles d’argent ; toutefois on n’en connaît guère aujourd’hui ; M. Douët d’Arcq n’en cite qu’un seul existant à cette heure aux Archives nationales, c’est le sceau d’un seigneur navarrais du XIIIe siècle. Les bulles de plomb sont de beaucoup les plus communes ; elles ont été ordinairement préférées aux sceaux de cire dans les contrées méridionales, où cette dernière substance peut aisément se fondre, vu l’élévation de la température. Les souverains pontifes ont fait usage de bulles de plomb depuis le pape Deusdedit (année 614). De pareilles bulles se trouvent appendues aux chartes des empereurs d’Orient, des rois d’Espagne, de Portugal, de Sicile, des doges, des comtes de Toulouse et des hospitaliers.

On comprend que, suivant la matière dont ils étaient faits, les sceaux pussent être différemment attachés aux pièces qu’ils devaient authentiquer. Tantôt on les y suspendait, tantôt on les y plaquait, mais les sceaux métalliques ne pouvaient être que pendans. Les bulles de plomb étaient attachées à des cordelettes de chanvre, à des lanières de cuir, à des fils de soie. Les sceaux en cire furent plaqués ou pendans. On adopta d’abord le premier mode d’attache. On fixait le sceau au bas de l’acte à droite, en pratiquant une incision cruciale au parchemin dont on rabattait les angles, afin que la cire chaude pressée par la matrice pût passer au dos de la pièce, où on la rivait en l’aplatissant. Les Romains avaient déjà fait usage sur leurs papyrus de sceaux plaqués. Les rois mérovingiens et carlovingiens continuèrent à s’en servir, et jusqu’au XIe siècle les Capétiens les préférèrent aux sceaux pendans. Louis VI, le Gros, scella en placard la plupart de ses diplômes. L’emploi des sceaux plaqués se continua jusqu’au XIIe siècle, quand on suspendait déjà les sceaux à bien des chartes. Celles des évêques et des abbés offrent des sceaux plaqués jusqu’à la fin du XIIIe siècle ; toutefois, dans les dernières années du siècle précédent, l’usage de ces sceaux était généralement abandonné. Si on les voit reparaître au XIVe siècle, c’est seulement pour une destination toute spéciale ; ils servent par exemple à clore des lettres missives, à sceller certaines lettres patentes ou des mandats royaux sur les aides. Les sceaux pendans se sont répandus à partir du XIe siècle ; on les attachait habituellement au bord inférieur de l’acte. Louis le Gros est le premier roi de France qui les ait adoptés, mais point habituellement. Sous le règne de son fils Louis VII, ce système d’attache se généralise ; en Angleterre et en Écosse, on le trouve usité antérieurement. Les sceaux appendus tenaient à la charte par un lien passé dans une légère incision horizontale ou une petite ouverture pratiquée au bord du parchemin et sur son repli. Pour les attaches, on adopta d’abord de doubles lanières de cuir blanc, plates ou tressées. Vers le milieu du XIIe siècle, on employa les fils de soie, de chanvre, de laine, et à la fin de ce même siècle apparut la queue (cauda) de parchemin que j’ai mentionnée tout à l’heure, sorte de patte détachée de la pièce. La queue était double dans le principe, ce n’est guère qu’un demi-siècle environ plus tard qu’on se contenta des queues simples. La queue, adoptée aussi souvent pour les bulles à dater du XIIIe siècle, faisait partie intégrante du morceau de parchemin où le document était écrit, et n’était pas un lien qu’on y avait adapté. Au commencement du XIIIe siècle, les lanières de cuir sont remplacées par des attaches plus légères et plus élégantes, des fils, des lacs de soie de diverses couleurs. Bientôt se montrent des rubans échiquetés de bleu, de jaune, de blanc et de brun, des cordelettes blanchies, chinées, mouchetées ou componées, des ganses de teinte variée.

L’emploi des sceaux plaqués ou pendans n’excluait pas, ainsi qu’on l’a vu, celui de la signature ; mais à mesure que les progrès de l’ignorance eurent rendu plus rare la connaissance de l’art d’écrire, quand les témoins dont l’intervention était nécessaire pour valider les actes se trouvèrent presque constamment illettrés, le sceau tendit de plus en plus à suppléer à la signature. Dans une multitude de chartes données du VIIIe au milieu du XIIe siècle, on ne trouve ni sceau ni rien annonçant qu’il y en ait eu. Les intéressés se contentaient de mettre une croix devant leur nom au bas de l’acte ou d’y faire marquer le nombre des témoins, et il est écrit presque toujours de la même écriture que la charte. C’est là l’indice qu’excepté les clercs et les notaires de profession, presque personne ne savait plus signer. La croix finit par remplacer si habituellement la signature, que le mot signum, qui désignait en latin celle-ci, fut entendu alors de la seule croix. Tandis que les rois mérovingiens avaient eux-mêmes signé leurs actes, les Carlovingiens s’en dispensèrent. Pépin le Bref et Carloman traçaient simplement une croix à laquelle le chancelier ajoutait la formule attestant la signature royale, et Charlemagne, qui écrivait difficilement, remit en usage le monogramme, dont l’emploi est constant pendant toute la durée de la seconde race. Sous les premiers Capétiens, les signatures autographes sont très rares, et elles cessent au XIIe siècle. On a des preuves nombreuses de la complète ignorance des seigneurs aux XIIIe et XIVe siècles. Vers le milieu de ce dernier, les gens du conseil du roi qui ne savaient pas écrire devaient mettre leur signet ou cachet en guise de souscription aux lettres passées au conseil, et l’on voit à la même époque une foule de seigneurs, de chevaliers, ne sachant pas signer et traçant sur les chartes, au lieu de leurs noms, une grossière figure comme un casque, une tête d’animal ou bien le dessin fort imparfait de leurs armoiries. Sur une charte actuellement exposée au musée des Archives nationales, et qui date du XIVe siècle, Guy, comte de Forez, annonce sans façon que, ne sachant pas écrire, il emprunte la main d’un clerc, et à la suite de la souscription il met simplement sa croix. Les Carlovingiens et les premiers Capétiens se contentaient souvent pour toute confirmation d’anciennes chartes d’y apposer leur sceau ; les seigneurs les imitaient.

L’usage de sceller devint ainsi général, et ce qu’avaient d’abord simplement pratiqué les souverains, les grands feudataires, les papes, les prélats, fut adopté par toutes les personnes de quelque importance, par les établissemens religieux et les diverses corporations et communautés. La présence du sceau fut jugée nécessaire pour valider un acte. Les seigneurs cessèrent de passer des contrats sans y apposer leur sceau, ce qu’ils avaient fait antérieurement ; les contestations qui s’élevaient déjà au XIIe siècle touchant les chartes rédigées sans cette formalité eurent plus que jamais leur raison d’être. Il fallait qu’une pièce dont le sceau avait, disparu présentât de bien grands caractères d’authenticité pour que les parties l’acceptassent, et l’on pouvait toujours la mettre en doute. Aussi Joinville cite-t-il comme un exemple de la grande générosité de saint Louis la conduite que le pieux monarque tint à l’égard de Renaud de Trie. Il laissa à celui-ci le comté de Dammartin, quoique la charte de donation que l’on produisait n’offrît plus qu’un mince fragment de sceau, ce dont s’armaient les conseillers du roi pour l’engager à reprendre la donation. Les sceaux, devenus de véritables signatures, n’en continuaient pas moins de servir à cacheter les lettres missives. Les brefs du pape par exemple étaient souvent entourés d’une bandelette de parchemin qui empêchait de les déplier et sur laquelle on imprimait l’anneau du pêcheur.

Là où existaient des notaires publics, comme dans le midi de la France, qui vit dès le XIIe siècle ces officiers institués dans les domaines de certains grands seigneurs, les actes passés devant eux n’étaient pas signés de leur main. Les parties se contentaient d’y apposer leur sceau, et mention en était faite dans l’acte avec celle des témoins. De même les actes passés par les baillis, les sénéchaux, les prévôts, etc., furent revêtus du sceau de ces magistrats et de ceux des parties contractantes. L’usage de sceller les actes sans les signer se continua en Angleterre, en Écosse, en Irlande, pendant le XIVe siècle, et il était encore, à la fin du XVIe pratiqué dans toute l’Allemagne et la Suisse. Jean Bouteiller, conseiller au parlement sous Charles VI, dit dans son Grand Coutumier général que les lettres écrites de la main d’une personne faisaient foi comme le sceau, et il ajoute qu’on pouvait s’obliger soit par lettres scellées, soit par chirographes. Non-seulement le sceau suppléait à la signature, mais il tenait lieu de l’intervention du témoin, ainsi que le démontre la formule teste sigillo ou tesmoing mon scel ci mis, employée dans plusieurs vieux actes. Le sceau, fait observer M. G. Demay, « était même plus qu’un témoin, et le mot sigillum appliqué souvent, au XIIe siècle et antérieurement, et à l’acte et au sceau dont il était muni, prouve que le sceau devenait la représentation de la personne qui en faisait usage. » À partir du XIVe siècle, l’habitude se répandit de faire constater par une juridiction l’authenticité ou plutôt la personnalité des sceaux, ce qui équivalait à l’usage plus moderne de faire légaliser les signatures. Dans la suite, des garanties plus réelles furent exigées pour la validité des contrats, et une ordonnance de Louis XII défendit à tout notaire de recevoir aucun contrat sans être assisté de deux témoins. L’apposition du sceau lui-même dut être entourée de garanties. On avait eu d’abord recours à des moyens dont la grossièreté dénote la simplicité des mœurs. Tantôt on insérait dans la cire des cheveux ou des poils de la barbe, ce qui paraît aussi avoir eu pour objet d’empêcher que le sceau ne se réduisît en fragmens ; tantôt on faisait au revers de celui-ci des trous avec le pouce ou autrement. On y attachait parfois un symbole d’investiture, tel qu’un fétu de paille ou un gant. Des formalités d’une nature plus sérieuse furent imposées. Les diplômes royaux importans, les privilèges, devaient être scellés dans des cours plénières ou dans l’assemblée des grands-officiers de la couronne. Pour les chartes particulières, la formalité s’accomplissait en public, devant des ecclésiastiques ou des seigneurs.

Le sceau prenant autant et plus d’importance que la signature, tout dut être mis en œuvre pour assurer la garde et la conservation de la matrice. Chez nos rois, la matrice du sceau royal fut d’abord confiée au comte du palais. Plus tard, le prince la déposa aux mains du chancelier, qui scellait par son ordre, comme le montre une formule inscrite dans un diplôme de Hugues Capet. Cependant le roi conservait son sceau privé ou secret, sceau qu’en Angleterre on appelait griffon, et dont le chambellan avait généralement la garde. Le roi portait en outre sur lui un cachet particulier ou sceau manuel, souvent identique au sceau secret, et qu’il apposait en certaines circonstances à côté du grand sceau, comme on peut s’en assurer par un diplôme du roi de France Philippe Ier. Dès le commencement du XIe siècle il y a eu des sceaux secrets ou privés du roi, dont l’empreinte pouvait être apposée au-dessous du grand sceau, ou, comme on disait aussi, du gros sceau : c’est ce qui constituait le sous-sceau (subsigillum). Le sceau secret servait de plus au monarque à sceller en l’absence du grand sceau ; mais l’ordonnance du h mai 1358 ne permit de sceller du sceau secret que les lettres closes, qui sont devenues depuis si célèbres sous le nom de lettres de cachet. Louis XI réserva aux lettres de finance l’emploi du sceau privé. La plupart des ducs, des anciens comtes, des chevaliers de la haute noblesse, avaient, aux XIIIe et XIVe siècles, de petits sceaux ou signets pour les expéditions des affaires ordinaires. Le plus ancien sceau secret des rois de France que conservent les Archives nationales est celui de Philippe le Bel ; il porte la date de 1312, et représente un lion dans un trilobé avec les lettres initiales du mot signet. Au XIVe siècle, le roi de France envoyait au chancelier, dans une enveloppe scellée de son sceau secret, les pièces qui devaient être scellées du grand sceau. Outre ce dernier, véritable sceau de l’état, on fit aussi usage, à partir de Philippe de Valois, d’un sceau destiné à le remplacer, et qui était qualifié pour ce motif de sceau ordonné en l’absence du grand sceau, ou encore de sceau commun ; on s’en servait pour des affaires particulières, pour des expéditions de moindre importance. Il y eut de la sorte plusieurs sceaux royaux, et le chancelier fut le garde, non pas seulement du sceau, mais des sceaux. Divers rois capétiens ont eu deux grands sceaux ; on possède deux sceaux secrets de Philippe de Valois, quatre de son fils le roi Jean, six sceaux différens de Charles VII. Quand un prince réunissait sous son autorité plusieurs royaumes ou des provinces ayant chacune une complète autonomie, il y avait parfois des sceaux différens pour chacun d’eux. C’est ainsi que Charles VIII eut un sceau spécial pour le royaume de Sicile, François Ier des sceaux distincts pour le Dauphiné et le Milanais.

Les grands feudataires confiaient, comme les rois, la garde de leur sceau à leur chancelier. Les chapitres, les abbayes, les universités, donnaient aussi à garder leur sceau à celui de leurs dignitaires qui portait pareil titre. Dans chaque juridiction, il y eut un garde-scel. Les maires tenaient le sceau de la commune. Le sceau royal spécial que Philippe-Auguste avait institué dans les villes principales de ses états pour valider les transactions passées avec les Juifs était déposé entre les mains de deux prudhommes, qui veillaient à ce que les contrats par eux enregistrés et scellés ne fussent pas usuraires.

C’était, on le comprend par ce qui vient d’être dit, une fonction très sérieuse que la garde d’un sceau, une charge tout à fait effective. Les chanceliers ne se séparaient jamais des clés du coffre où les matrices des sceaux de leur souverain étaient renfermées. Maître Roger, vice-chancelier du roi d’Angleterre Richard Ier, ayant péri dans un naufrage près de l’île de Rhodes, on trouva le sceau royal suspendu à son cou. Les chevaliers, les bourgeois, portaient de même le moule de leur sceau avec eux. Les maires suspendaient quelquefois celui de leur ville à leur ceinture. On observe encore des usages analogues en Orient. Les hommes de loi, les gens riches, déposent dans leur bourse la pierre qui leur sert à sceller ou la suspendent sur leur poitrine ; les gens du peuple l’ont simplement à leur anneau.

La solennité dont on entoura l’apposition du sceau sur les actes ne suffisait pas pour prévenir l’emploi frauduleux de l’empreinte en cire, car on la pouvait détacher de la charte en chauffant avec précaution le revers de cette empreinte et l’appliquer ensuite à un acte faux. Afin de parer à ce danger, on fit usage du contre-sceau, c’est-à-dire d’un sceau fixé à la face inférieure du sceau, lui servant comme de revers, et ordinairement de la même cire. L’idée du contre-sceau semble avoir été suggérée par le revers des monnaies ; ce second type permettait au propriétaire du sceau de se faire représenter avec des titres et des attributs qui n’avaient pu trouver place sur le premier ou qui ne lui appartenaient que depuis la gravure de celui-ci. Les contre-sceaux se montrent en France au XIIe siècle, sous le règne de Louis VII, le premier de nos rois qui s’en soit servi. Peut-être son mariage avec Éléonore d’Aquitaine en fut-il l’occasion ; le fils de Louis le Gros aura voulu paraître au revers de son sceau avec les insignes du duché que sa volage épouse lui avait apporté. Au reste, déjà en Angleterre Edouard le Confesseur et Guillaume le Conquérant avaient eu recours à l’emploi du sceau appliqué en dessous d’un autre comme pour témoigner de l’authenticité de celui de dessus, destination que rappellent les qualifications de gardien du secret (custos secreti), de témoin (testis), de foi (fides), etc., données au contre-sceau. Toutefois au XIe et XIIe siècles, ce n’est guère qu’au sceau pendant qu’on voit le contre-sceau, dont l’usage est général au XIIIe ; il se rencontre rarement avec les sceaux plaqués, ce dont les sceaux des rois lombards nous fournissent des exemples. Le type du contre-sceau n’est pas toujours le complément de celui du sceau ; il en est parfois indépendant. Les princes en effet faisaient appliquer souvent leur sceau secret ou privé en guise de contre-sceau, et en certain cas on voit le sceau de la femme servir de contre-sceau au sceau du mari. Quant aux bulles ou sceaux métalliques, elles avaient toujours présenté des revers.

On ne devait pas seulement se précautionner contre la fraude ; la cire est une matière fragile, il fallait la mettre à l’abri de la destruction. On protégea d’abord le sceau par un épais rebord ou collet ; puis on le recouvrit d’un vernis. Lorsque la mode des cires vermeilles se fut introduite, on plaça le sceau au fond d’une solide cuvette faite en cire rouge ou verte. Plus tard, le sceau fut enveloppé dans une chemise, dans un sachet d’étoffe ou de parchemin, après avoir été entouré d’étoupe ou de papier. Les sceaux plaqués furent cerclés de torsades de parchemin cousues à la pièce ou de tresses en paille, en jonc, en cordelettes, ce qui se pratiqua surtout au XVe siècle. À cette époque, des établissemens religieux, des universités, encastraient même leurs sceaux dans des boîtes de diverses matières, moyen au reste peu efficace.

Un danger non moins sérieux était la perte du sceau. Le propriétaire pouvait ainsi se trouver engagé malgré lui, si celui qui l’avait dérobé ou trouvé en faisait usage. De la nécessité d’informer solennellement le public de la perte de la matrice ; acte en était dressé à la requête de l’intéressé à la chancellerie ou devant quelque juridiction. Un sûr moyen de se mettre en défense contre le faussaire consistait à déposer un double de la pièce scellée dans quelque abbaye ; la confrontation des duplicatas servait ainsi à vérifier la validité de l’acte. Il importait également que, le propriétaire du sceau mort, on ne pût faire usage de ce sceau et créer ainsi des obligations antidatées pour ses héritiers. Voilà pourquoi au décès de la personne son sceau était brisé ; on le déposait quelquefois aussi dans son tombeau. C’est ce qui explique la découverte de sceaux dans des sépultures. J’ai déjà parlé du sceau de Childéric, qui avait été placé dans son tombeau à Tournay. Lorsque les tombes royales furent violées à Saint-Denis, on découvrit dans celle de la reine Constance de Castille, femme de Louis VII, le sceau de cette princesse. La précaution de détruire le sceau était surtout nécessaire pour les sceaux des souverains. Ne lit-on pas dans les mémoires de Sully qu’après la mort de Henri IV le chancelier conserva le sceau royal et s’en servit pendant plus de cinq années pour sceller de fausses lettres patentes ? On mettait conséquemment hors d’usage les sceaux qui ne devaient plus servir, et déclaration en était dressée devant une juridiction qui procédait publiquement à la rupture, à la cancellation du sceau. Aux funérailles du pape, on rompait le côté de son sceau où son nom était inscrit. En France, le prieuré de La Saussaye, près Villejuif, jouissait du privilège, à la mort du roi, de recevoir les sceaux qui avaient été brisés.

L’usage de sceller devint graduellement au moyen âge si universel que chaque individu libre voulut avoir son sceau, les bourgeois comme les seigneurs et même les paysans. Chaque établissement civil ou religieux s’en fit aussi graver. Quand par hasard on n’en possédait pas ou qu’on ne l’avait pas sur soi au moment où il importait de s’en servir, on empruntait le sceau d’un parent, d’un ami, d’un des co-témoins ; mais alors l’acte devait en faire mention. Quelquefois on se servait dans la même occasion du sceau d’une juridiction ou de celui d’un établissement religieux voisin. Trouvait-on que son sceau n’avait pas assez d’autorité, on faisait apposer de plus celui d’un grand feudataire, d’un seigneur dont on était vassal, d’une abbaye ou d’une commune à laquelle on appartenait. Cependant la faculté de prendre un sceau n’était pas toujours jugée de droit commun, et au XIVe siècle on voit le roi en France concéder comme un privilège à certains établissemens le droit de sceller avec un sceau particulier. Ce droit devint pour ceux qui en jouissaient une source de revenus par la perception d’une taxe ou, comme l’on disait, par les émolumens du sceau ; cette fiscalité se perpétua au profit de l’état jusqu’à la révolution, et le droit de petit scel faisait partie des impôts prélevés par l’administration générale des domaines. Chaque juridiction eut son sceau particulier. Il y avait par exemple jadis le sceau des petites chancelleries ou des parlemens, le sceau des présidiaux, le sceau de justice, dont faisaient usage les juges royaux inférieurs, etc.

Le sceau était devenu comme la marque de la personnalité. Quand une personne changeait d’état, elle devait adopter un nouveau sceau ; elle se servait toutefois de l’ancien tant que le nouveau n’avait point été gravé. Par exemple un écuyer, un damoiseau changeait de sceau quand il avait été armé chevalier ; un évêque en changeait pareillement quand il passait à un autre siège ou était élevé au cardinalat. Ainsi s’explique la multiplicité des types de sceaux que nous possédons. Ce qui a encore contribué à les multiplier, c’est que souvent à une même charte étaient attachés un grand nombre de sceaux. Quand la longueur de la marge inférieure de l’acte ne suffisait pas pour qu’on les suspendît en une seule ligne, on les disposait sur plusieurs rangées ou on les fixait aux autres bords du parchemin ; en sorte qu’il y a des chartes qui en présentent aux quatre côtés. Ces sceaux multipliés se rencontrent surtout à partir des premières années du XIIIe siècle. Le chiffre s’en augmenta tellement qu’il est des actes auxquels plus de cent sceaux sont attachés. Le traité d’acquisition de la seigneurie de Malines, conservé aux archives du département du Nord, est en six expéditions contenant chacune cent sceaux, tous placés au bas de l’acte sur quatre rangées parallèles. Lorsque Jacqueline de Bavière quitta son deuxième mari pour épouser le duc de Glocester, Philippe le Bon provoqua sa déchéance et se fit déclarer héritier et gouverneur du Hainaut par deux chartes solennelles, l’une scellée de cent soixante-douze sceaux, disposés en onze rangées, et l’autre de cent dix sceaux. Une plainte que les Tchèques présentèrent au concile de Constance le 30 décembre 1415 était, au dire de Heineccius, munie de trois cent cinquante sceaux. Lorsque plusieurs sceaux étaient appendus de la sorte à une charte, on suivait dans leur disposition un ordre réglé par les préséances ; la place d’honneur était le milieu ou l’extrême gauche.

Pour se reconnaître dans nos collections en face d’une telle variété de sceaux d’origines diverses, il faut nécessairement adopter un classement méthodique et rigoureux. Les principes de cette classification sont tout naturellement fournis par la condition et le caractère de ceux dont les sceaux portent la légende et la marque. Une première division, conforme à la distinction si tranchée qui existait au moyen âge entre l’ordre civil et l’ordre religieux, nous est fournie par les sceaux laïques et par les sceaux ecclésiastiques. Entre les premiers, on considère comme formant autant de séries distinctes les sceaux royaux, les sceaux des grands dignitaires, ceux des grands feudataires, des seigneurs, des bourgeois et hommes de fief, des paysans, des cours et tribunaux, des villes, etc. Dans la seconde catégorie se placent, outre les sceaux des papes et des cardinaux, ceux des archevêques et évêques, des chapitres, des paroisses, des universités, des abbayes.

Les sceaux ne varient pas seulement de types, ils varient encore de formes et de dimensions. Entre les formes qu’ils affectent, il en est deux principales, la ronde et l’ogivale ; puis viennent les formes accessoires, l’ovale, le triangle, le losange, le polygone, la forme en étoile, en trèfle, en poire, etc. Tous les sceaux mérovingiens sont ronds, forme abandonnée sous les Carlovingiens et reprise par les Capétiens, à l’exception du roi Robert dont le sceau est ogival. Cette forme ronde ne tarda pas à être généralement adoptée, comme on le voit, par les sceaux des papes, des grands feudataires, des chevaliers, des villes ; mais à partir du XIIe siècle les cardinaux, les évêques, les monastères, préférèrent la forme ogivale, et c’est seulement au XVIe que les sceaux ecclésiastiques passent à la forme ovale. La configuration ogivale prévalut pour les sceaux de femme figurée debout, tandis qu’on gardait la forme ronde, si la femme était représentée à cheval. Suivant la remarque de M. G. Demay, auquel j’emprunte ces détails, plus l’ogive que dessine le sceau est surbaissée, plus ce sceau est de date reculée. À mesure qu’on descend le cours des âges, l’ogive tend à s’effiler. Les contre-sceaux offrent la même diversité de formes que les sceaux, mais la configuration n’en coïncide pas toujours avec celle du sceau auquel ils sont appliqués. En Orient, la forme des sceaux diffère pareillement selon les pays et le caractère de celui qui les emploie. Le sceau du grand-vizir en Turquie est habituellement de figure ovale. En Perse, les fonctionnaires ont des cachets de formes différentes selon le genre d’affaires qu’ils expédient. Les dimensions des sceaux varient d’une époque à l’autre. Le diamètre alla généralement en augmentant. Celui des sceaux mérovingiens n’excède pas 0m, 03, tandis que le sceau de Henri II atteint la longueur de 0m, 115. Les sceaux des rois d’Angleterre dépassent en dimensions ceux de nos rois, et l’on voit le sceau de la reine Anne arriver à 0m, 177. Les contre-sceaux sont ordinairement inférieurs pour les dimensions aux sceaux dont ils occupent le revers.


II.

Les sujets gravés sur les matrices, ou, comme l’on dit en sigillographie, les types, affectent plus de diversité encore que les formes et les dimensions des sceaux ; ils offrent aussi plus d’intérêt. C’est dans ces types, qui ont été répartis en un certain nombre de catégories, que l’archéologue découvre les rapprochemens les plus inattendus, les indications les plus précieuses. Le style des figures permet en outre de suivre les vicissitudes de la glyptique et des arts du dessin. On a dans les collections de sceaux un ensemble de monumens figurés, parfois les seuls que l’on connaisse pour la fixation de telle date, la biographie de tel personnage, la constatation de tel détail de la vie de nos ancêtres. Je ne parle pas des inscriptions qui fournissent la matière d’une épigraphie spéciale et contribuent à éclairer la paléographie, pourvu qu’on fasse la part du caprice du graveur et des exigences de la forme du sceau. La légende sigillographique est de plus en soi un document historique important ; elle ajoute souvent des renseignemens à ceux qui sont consignés dans l’acte auquel le sceau est attaché. La date qu’on y lit peut éclaircir la chronologie des familles nobiliaires, l’histoire de la fondation de divers établissemens et une foule de faits historiques. Les formules employées dans les inscriptions concourent à fixer l’époque où ces mêmes formules apparaissent dans les chartes. C’est ainsi que nous lisons pour la première fois sur le sceau de Charles le Simple la formule gratia Dei, qui a depuis constamment figuré en France sur les sceaux royaux. À côté des légendes en latin, qui sont de beaucoup les plus nombreuses, il y a quelques légendes curieuses en langue vulgaire[3].

Les sceaux comme les médailles nous ont conservé avec plus ou moins de fidélité les traits de personnages célèbres. C’est sur les sceaux par exemple qu’il faut aller chercher les portraits de nos premiers rois. Les sceaux des Mérovingiens présentent la tête de ces princes vue de face avec la longue chevelure, qui était chez les Francs le signe distinctif de la dignité royale. On reconnaît bien là les reges criniti de Grégoire de Tours et de Prosper d’Aquitaine. La barbe est assez courte, elle recouvre les lèvres et le menton. Childéric Ier était toutefois représenté imberbe sur son anneau et la tête nue. Ses yeux étaient saillans, ses lèvres épaisses, son nez était large et fort. Son abondante chevelure, séparée au milieu du front, retombait en flocons sur ses épaules. Les sceaux ne nous offrent malheureusement pas les images des Carlovingiens ; mais à partir du XIIe siècle nous rencontrons une foule de figures qu’il est difficile de ne pas prendre pour des portraits. « L’artiste qui exécutait le sceau, écrit M. G. Demay, après s’être attaché à la reproduction exacte des ornemens et du costume, s’essaie ensuite peu à peu à rendre la physionomie des personnages, et l’on peut croire qu’il a fini souvent par y réussir, en sorte que tel sceau pourrait bien être le portrait du souverain ou du seigneur lui-même. C’est ainsi qu’en contemplant la sombre figure de Charles le Téméraire on retrouve là le guerrier farouche dont les loups disputeront le cadavre aux marais glacés de Nancy. » Un passage de l’inventaire des joyaux de Jean, duc de Berry, prouve qu’il devait souvent en être ainsi, car voici comment s’exprime le garde de ces joyaux, qui les décrit en 1413 : « Item un signet d’or où est le visaige de monseigneur contrefaict au vif, » c’est-à-dire exécuté d’après nature. Les sceaux sont donc à tout prendre des simulacres plus authentiques que bien des statues ou des images en creux placées sur les tombes, exécutées ordinairement d’après un type uniforme ou à une époque fort postérieure à celle à laquelle vivait le défunt. Il faut classer les portraits sigillographiques à côté de ceux que nous offrent certaines peintures des manuscrits, par exemple de cette image de saint Louis formant l’une des enluminures du Registre des ordonnances de l’hôtel de ce roi et de ses successeurs, ou encore de cette figure de Charles V que le chapitre de Rouen faisait mettre sur l’acte consacrant la fondation de messes à l’intention du sage monarque. Et, comme l’a fait observer le marquis L. de Laborde, Du Tillet aurait bien fait d’adopter les sceaux, de préférence à tout autre modèle, pour ses portraits des rois de France. Sur les sceaux, ce ne sont pas seulement les traits, c’est encore le vêtement de nos anciens rois que nous retrouvons. Childéric Ier a porté sous sa cuirasse une tunique ; le roi Robert, fils de Hugues Capet, a sa tunique recouverte d’un manteau attaché sur l’épaule gauche et retombant en pointe sur la poitrine ; sa couronne est surmontée de trois fleurons triangulaires qui se rapprochent de la fleur de lis. Le manteau de Louis VI, le Gros, est garni de galons ou orfrois. Sur la tunique de Philippe le Hardi est passée une robe moins longue et dont les manches sont retroussées. Un des côtés du manteau de Philippe le Bel est bordé d’un large galon brodé de fleurs de lis.

Les types sigillographiques, qui nous fournissent tant de représentations intéressantes, ont été, comme je l’ai dit, répartis par les antiquaires en un certain nombre de catégories servant à les grouper sous le rapport iconographique. C’est ainsi que M. Douët d’Arcq, dans son savant ouvrage, distingue le type de majesté, le type équestre, le type armoriai, le type personnel aux femmes, le type ecclésiastique, le type légendaire, le type topographique et le type arbitraire. Chacun de ces types nous apporte une nature particulière d’indications dont je dois maintenant parler. Je viens de rappeler les images de nos rois gravées sur les sceaux ; elles apparaissent dans toute leur ampleur et leur dignité sur les sceaux dits de majesté, suivant une expression inscrite sur certains sceaux royaux (sigillum majestatis) et qu’on voit déjà employée de bonne heure. Les sceaux de majesté commencent en France avec Henri Ier, en Allemagne avec l’empereur Henri II, en Angleterre avec Edouard le Confesseur, en Écosse avec Edgard. Le monarque est figuré sur son trône avec les attributs de la souveraineté, et la légende donne son titre et son nom. Le sceau équestre, où le personnage, ainsi que le mot l’indique, est représenté à cheval, est le sceau solennel de la plupart des ducs, des anciens comtes et des chevaliers de haute naissance. Aucune catégorie de types n’est plus instructive pour l’histoire de l’armement, et l’on peut, en rapprochant ces figures des indications que nous fournissent les textes et les autres monumens, reconstruire entièrement la série des transformations que l’armure a subies, car sur le sceau équestre, qui apparaît dès le XIe siècle, le noble se montre avec ses armes de combat ou de chasse. Le plus ancien habillement de guerre que nous rencontrons sur les sceaux est le même qu’on observe sur la célèbre tapisserie de la reine Mathilde à Bayeux. Le chevalier était vêtu au XIe siècle d’une casaque descendant au-dessous du genou. Un capuchon destiné à se rabattre sur la tête la surmontait ; les manches s’arrêtaient aux poignets. Cette tunique, faite de peau ou d’étoffe, était renforcée de plaques ou d’anneaux de métal qui y étaient cousues, ou de bandes ferrées formant treillis. Un tel vêtement s’appelait la broigne. Bientôt on le recouvrit de mailles entrelacées, et c’est ce qui constitua le haubert. La jupe ou jaquette dont il était pourvu s’ouvrait devant et derrière jusqu’au haut des cuisses ; une ceinture la retenait à la taille. Sous le haubert, on mit une tunique plus ample et d’une étoffe plus légère, fendue de la même façon. Tel est le costume que les sceaux donnent aux seigneurs du XIe siècle. Moins usité d’abord que la broigne, parce qu’il était d’une fabrique plus difficile, le haubert ne fut porté que par de grands personnages qui ne regardaient pas à la dépense quand il s’agissait de se protéger au combat ; mais les avantages que l’on reconnut à cette casaque ferrée firent abandonner la broigne vers le milieu du XIIe siècle. Le haubert subit des perfectionnemens graduels et demeura en usage jusqu’au milieu du XIVe siècle. C’est le haubert que portent sur leur sceau Guillaume le Conquérant (1069), Bouchard de Montmorency (1177) et Pierre de Courtenay, comte de Nevers (1184). Dans certaines figures du type équestre, la jupe de dessous descend jusqu’à mi-jambe et même jusqu’aux pieds, qu’elle dépasse quelquefois, en sorte que ce vêtement finit par devenir une véritable robe comparable à la robe des femmes dont on lui donna même les manches, alors d’une longueur démesurée. Les manches flottantes ne tardèrent pas à être abandonnées, mais on conserva la jupe longue. À la fin du XIIe siècle, l’armure de maille, sans doublure, forme le seul vêtement de guerre extérieur. Les manches du haubert, au lieu de s’arrêter au poignet, s’allongent en gantelet et enveloppent la main jusqu’au bout des doigts, qui se trouvent ainsi emprisonnés comme dans une poche.

La coiffe est également de maille. Tantôt elle recouvre une calotte de fer, tantôt elle en est recouverte. La jupe fendue s’arrête aux genoux ; les cuisses, les jambes, les pieds, sont aussi chargés de maille. Un tel vêtement donne quelque peu au chevalier l’apparence d’un pangolin dont la carapace serait de fer, et ce grand haubert qu’il porte mériterait bien le nom d’armadillo, sous lequel les Espagnols connaissent l’édenté. Le grand haubert se mettait par-dessus une sorte de maillot nommé gamboison, habit rembourré et matelassé. On peut voir sur les sceaux nombre de seigneurs ainsi vêtus, par exemple Mathieu de Montmorency (1193), Thibaud III, comte de Champagne (1198), Arthur Ier, duc de Bretagne (1202). À peine a-t-on inventé cette armure de pied en cap, qu’on la recouvre d’une cotte sans manches descendant plus bas qu’elle, retenue à la taille par une ceinture et quelquefois flottante, surtout au XIVe siècle. La jupe de cette cotte ordinairement unie, parfois, à partir de l’an 1225, ornée des armoiries du chevalier, ce qui lui a valu le nom de cotte d’armes, est une sorte de blouse fendue en avant et en arrière. Quand, au commencement du XIVe siècle, l’usage s’introduisit d’attacher l’épée à l’armure, on pratiqua à ce vêtement une ouverture pour le passage de la chaîne. La cotte d’armes fait place au pourpoint, vêtement rembourré, matelassé, qui s’endosse par-dessus la maille du haubert, laquelle devient plus fine et plus serrée pour constituer le haubergeon. C’est l’époque où prévaut l’emploi de la ceinture attachée sur les hanches, dite ceinture de chevalerie. Alors l’armure de corps subit de nouveaux changemens : des rondelles sont appliquées aux genoux ; des plaques de métal protègent le devant de la jambe, et plus tard le dessus du bras, car il importe surtout de mettre à l’abri les membres qui ont besoin d’agir, le bras, pour manier l’épée et la bride, la jambe, pour diriger et éperonner le cheval. D’autre part, le pourpoint gagne graduellement en richesse et en élégance. Les ducs de Bourgogne, Jean sans Peur, Philippe le Bon, y mirent de grandes manches fendues, à bords découpés en dents de scie. Ils adaptèrent au pourpoint une longue jupe flottante bordée comme les-manches, jupe que d’autres seigneurs préfèrent avoir courte et même collante. Le haubert finit par disparaître pour faire place à l’armure en fer plat, à l’armure de plates, comme on disait jadis. La plaque de métal fut d’abord appliquée aux membres inférieurs, puis aux bras et aux épaules. Dès l’année 1390, on voit sur son sceau Charles le Hardi, duc de Lorraine, ayant l’armure complète des membres : défense d’épaules, brassards, coudières, canons[4], gantelets à lames articulées, cuissots, genouillères, grèves[5] et solerets[6] à longue pointe, dits à la poulaine. Il n’y avait plus qu’un pas à faire pour constituer l’armure complète, renfermant le corps entier de la même façon que les membres étaient déjà emprisonnés. L’Allemagne nous l’apporte[7] à la fin du XVe siècle ; c’est ainsi tout bardé de fer que se montre l’empereur Maximilien Ier, et sur les sceaux de cette époque on commence à rencontrer la cuirasse formée de deux pièces enveloppant la poitrine et le dos. Le fer a pris la place du pourpoint. La chemise de maille fut conservée ; ses larges manches recouvrirent l’arrière-bras jusqu’au coude ; sa jupe dépassa le bord de la cuirasse, garnie devant chaque cuisse d’une pièce défensive appelée tassette. La braconnière ou jupe de plates n’apparaît que sur les derniers sceaux équestres (1515).

Les collections d’armes, les arsenaux, ne nous offrent pas à beaucoup près un ensemble aussi complet d’armures que la série des monumens sigillographiques que je viens de rappeler. On n’y trouve guère que des pièces de la fin du XVe et du XVIe siècle. C’est donc à la sigillographie et aux figures tumulaires qu’il faut presque exclusivement s’adresser quand on recherche les plus anciens modèles ; mais, pour la fin du XVe et pour le XVIe siècle, nous avons mieux que des sceaux, nous pouvons contempler les armures elles-mêmes, les étudier, guidés par les travaux d’Allou, de Penguilly-l’Haridon, de M. E. Viollet-Le-Duc, surtout dans ce beau musée des armes, aujourd’hui établi à l’Hôtel des Invalides et qu’a disposé avec tant d’art et d’intelligence le lieutenant-colonel Lucien Leclerc.

La succession que les sceaux nous fournissent pour le vêtement de guerre du chevalier, elle nous est aussi présentée pour les armes qu’il porte, le casque, le bouclier ou écu, la lance, l’épée, etc. Le casque passe au moyen âge par trois phases assez tranchées. Aux XIe et XIIe siècles, il est de forme conique, droite ou ovoïde et à nasal (garniture du front et du nez) ; puis il devient cylindrique, à timbre[8] rond d’abord, plat ensuite, sans que le nasal ait reçu plus de mobilité. Aux XIIIe et XIVe siècles, seconde phase : la défense du visage se complète ; c’est l’époque du heaume à visière fixe. Au XVe siècle et au siècle suivant apparaît la visière susceptible d’être relevée et le grand bacinet[9], qui ouvre la série des casques à visière que nous suivons sur les sceaux, puis dans les collections d’armes, et entre lesquels se placent la salade[10], ensuite l’armet, celui de tous les casques qui protège le mieux la tête et qui fut en usage pendant tout le XVIe siècle. Ces transformations de la coiffure de guerre s’opèrent au reste graduellement. Les choses se passent de même pour l’écu, dont les modifications accompagnent celles de l’armure de corps, mais qui suit une marche inverse, car il s’amincit à mesure que celle-ci prend plus de puissance. En effet, plus l’armure avait été imparfaite, plus le combattant avait cherché à s’abriter derrière le bouclier. L’écu, qui commença par être d’une forme allongée, arrondie par le haut, pointue par le bas, tel qu’on le voit aux XIe et XIIe siècles, et qui recouvrait l’homme de la tête aux pieds, finit par n’être plus qu’une arme de cérémonie, qu’un objet d’apparat. L’armure de corps, en devenant complète, l’a fait abandonner. Au XVe siècle le bouclier ne se porte plus que dans les tournois et les fêtes. Plus tard, on ne le rencontrera plus que dans les armoiries, car c’est sur l’écu qu’on les blasonne, quand dès la seconde moitié du XIIe siècle la pointe ou ombilic dont il était muni eut disparu. Cet écu finit par devenir plat et triangulaire lorsqu’il fut plus destiné à montrer les armoiries qu’à protéger la personne. Le chevalier, ainsi qu’en témoignent les sceaux, le présentait non plus de face, mais de trois quarts, comme cela s’observe à la fin du XIVe siècle. Chaque progrès dans la solidité de l’armure amène l’invention d’une épée plus forte et plus capable de l’entamer. La lance, que l’homme libre avait seul le droit de porter et qu’orne souvent la bannière triangulaire, quadrangulaire, le gonfanon[11], offre pareillement, suivant les époques, des variantes de forme.

Après l’invention du grand haubert, le chevalier armé était devenu presque invulnérable. On ne pouvait le tuer que s’il était à terre ; aussi cherchait-on surtout à atteindre son cheval. Voilà pourquoi, dès le commencement du XIIIe siècle, on couvrit l’animal de mailles de fer ou d’une épaisse draperie. Sur les sceaux équestres, on distingue toutes les pièces du harnachement : selle, mors, bride, étrier, poitrail ; mais c’est principalement la housse, qui cache d’ordinaire ce dernier harnais et qu’on appelait couverture pourpointe, qui a été figurée. Dès son apparition, au commencement du XIIIe siècle, elle porte le blason du chevalier et prend d’énormes proportions. Quand l’usage des cimiers, c’est-à-dire des panaches et ornemens surmontant le heaume, fut adopté, le cheval reçut le sien. À partir de l’année 1267, on voit sa tête décorée d’aigrettes, de bois de cerf, de figures d’animaux ; à la fin du XIIe siècle, la monture avait déjà son armure de tête, où les seigneurs aimaient à déployer la plus grande magnificence ; le chanfrein fut habituellement armé d’une crête et d’une pointe.

Les modifications auxquelles les monumens sigillographiques nous font assister pour l’armure, nous les pouvons constater également dans le costume civil ; mais la série qu’ils nous offrent est ici moins complète, car les seigneurs ont préféré se montrer sur leurs sceaux dans l’appareil militaire, et ce n’est guère qu’à la fin du XIVe et au XVe siècle qu’ils se font parfois représenter dans un costume qui est plutôt celui de cérémonie et de tournoi que des batailles.

L’habillement civil que nous rencontrons çà et là sur les empreintes est surtout un costume d’apparat, comme celui que l’artiste donnait sur leurs sceaux aux rois de France, non le vêtement ordinaire du personnage. Nous n’observons qu’accidentellement celui-ci sur les monumens sigillographiques, et, pour connaître les modes de chaque époque, il faut principalement recourir à la sculpture, à la peinture sur verre ou sur manuscrit, aux indications tirées des chroniques et des chartes. C’est ce qu’a fait M. Jules Quicherat dans le curieux et piquant ouvrage qu’il imprime en ce moment sur l’Histoire du costume, et où le public retrouvera toute l’originalité et l’érudition qui recommandent les leçons de l’éminent archéologue à l’École des chartes. L’histoire du costume est un sujet plus sérieux qu’il ne le paraît de prime abord. Les changemens dans la façon de s’habiller et la manière de disposer les vêtemens ont été sans doute souvent l’effet de la fantaisie, le résultat d’une imitation capricieuse ; mais ils ont été dus aussi à certaines influences générales dont la connaissance se lie à celle des conditions morales et physiques de la société. Le vêtement est, sinon dans ses détails, au moins dans ses formes principales, le reflet des habitudes et du genre de vie. Ce n’est pas seulement sous le rapport de l’élégance et du goût qu’on en doit étudier les transformations, comme l’intéressante exposition de l’Union centrale des arts, installée actuellement au Palais de l’Industrie, nous permet de le faire, c’est aussi pour mieux connaître les mœurs d’une époque. D’ailleurs, la date des différentes modes une fois rigoureusement assignée, on possède pour bien des monumens d’une époque discutée des élémens chronologiques précis.

Si les sceaux peuvent être accusés de quelque i3énurie en ce qui touche au costume civil, ils suffisent cependant pour en établir les principales phases au moyen âge. S’agit-il de l’habit de corps, ils nous montrent le sayon (sagum) remplacé par une sorte de chlamyde, de manteau s’attachant sur l’épaule, à laquelle succède la chape, qui s’agrafe par-devant, et qui demeurera en usage jusqu’à l’introduction de l’habit court. S’agit-il de la coiffure, ils nous présentent d’abord le chaperon, puis le béguin, ensuite le bonnet, enfin le chapeau. Il y a de plus certains chapitres de l’histoire du costume civil dont les sceaux nous apportent presque tous les matériaux. Tel est le cas pour le vêtement de chasse, fréquemment figuré sur les monumens, car les seigneurs, quand ils ne se font pas représenter armés de pied en cap, aiment à se faire voir dans leur passe-temps favori ; ils sont encore à cheval, mais ils portent une robe descendant jusqu’à mi-jambe, soit flottante, soit retenue par une ceinture. Ils ont généralement la tête nue. Tantôt ils sonnent du cor, tantôt ils tiennent en arrêt un épieu ou une lance. Parfois, ils ont sur le poing l’oiseau de vol, que porte volontiers sur son sceau la noble dame. Un chien est près d’eux, courant ou tenu en laisse. Un autre genre de costume sur lequel nous renseignent les monumens de la sigillographie est celui qu’avaient les maires ou mayeurs et les échevins dans le nord de la France. Ces magistrats sont en effet plusieurs fois représentés sur les sceaux des communes, le plus souvent en costume civil, avec la longue cotte fendue devant et derrière, le manteau attaché sur l’épaule ; ils sont à cheval, généralement nu-tête, tenant à la main une verge, un bâton ou une gaule, ainsi qu’on peut le voir par les sceaux de Corbie, de Roye et de Hesdin. Sur un sceau de 1413, appartenant à Frévent en Artois, le maire est coiffé du chaperon, tandis que celui de Chauny, qui est plus ancien (1302), nous offre le même magistrat portant simplement le béguin. Le sceau de Doullens en Picardie, qui date du XIIe siècle, représente les douze échevins de la ville placés sur trois lignes ou zones ; à celle d’en haut, trois échevins se montrent armés de crocs ; à celle du milieu, cinq portent des haches ; à celle d’en bas, quatre sont armés de fauchards ou hallebardes. Tels étaient les insignes de leur charge, ces magistrats municipaux ayant entre autres missions celle de procéder aux exécutions.

Le vêtement féminin peut être bien plus complètement suivi dans ses modifications sur les sceaux que celui des hommes, car toutes les femmes au moyen âge n’étaient pas des Jeanne d’Arc ou des Jeanne Hachette endossant au besoin la brigantine[12] ; elles préféraient se montrer sur leur sceau avec le costume qu’affectait l’élégance du temps. On peut d’ailleurs ici se fier à l’exactitude des détails. La coquetterie du beau sexe qui saisit d’un seul coup d’œil la moindre erreur, la moindre incorrection d’ajustement, n’aurait pas souffert que le graveur s’écartât des prescriptions de la mode, impérieuses à toutes les époques et plus docilement obéies que celles de la loi. Les sceaux de femme apparaissent au XIIe siècle, à peu près à la même date que les sceaux équestres. Le plus ancien de la collection des Archives nationales est celui de Sibile, seconde femme de Thierri d’Alsace, comte de Flandres ; il porte le millésime de 1157. Les femmes sont figurées sur leur sceau tantôt à cheval, tantôt debout, rarement assises. Grâce à ces images, nous pouvons durant près de trois siècles suivre les changemens, je dirai volontiers les révolutions, tant la chose était grave pour les femmes, des diverses parties de leur toilette. Nous voyons d’abord en 1140 la tunique de dessus à longues manches pendantes serrant étroitement tout le corps et accusant les formes ; elle disparaît aux environs de l’année 1230, et est remplacée par le surcot, tunique sans manches, qui n’a pas de ceinture, et est fendue pour donner passage aux bras. Une jupe courte laisse amplement voir la tunique de dessous à manches étroites. Ce dernier vêtement, moins apparent naturellement, trahit cependant aussi sur les sceaux ses variations. Le surcot est dépossédé à son tour dès 1233 par une robe plus étoffée du corsage et de la jupe, et qui subit des modifications aux périodes suivantes. En 1290, la robe, tout en continuant d’être ajustée aux épaules, devient large et flottante du bas. La jupe tombe librement sans ceinture et traîne jusqu’à terre ; les manches amples ne dépassent pas le coude, et l’avant-bras est recouvert par la manche étroite de dessous. C’est là ce qu’on appelait la cotte hardie, qui s’élargit davantage au milieu du XIVe siècle. La coiffure n’éprouve pas de moindres modifications. Au XIIe siècle, les cheveux des femmes sont séparés sur le milieu du front et tombent souvent en longues tresses. Au XIIIe siècle (1214) apparaît la petite toque ou mortier, garnie de rubans, noués parfois sous le menton et dont les formes se diversifient singulièrement ; puis viennent les chignons, les tresses, la coiffure en voile, qui date de 1244 et se modifie de mille manières. Considérez les sceaux et vous y distinguerez la veuve et la femme mariée, rien qu’à l’ajustement. La veuve est, au XIIIe siècle, coiffée de la guimpe, pièce de linge qui couvre le cou, encadre le visage et enveloppe la tête. La femme mariée a des coiffures moins sévères. Au XVe siècle, nous la voyons par exemple porter ce qu’on appelle le chapeau de fleurs ou d’orfèvrerie, sorte de diadème orné de fleurs et de bijoux. Placé d’abord par-dessus le voile, quand, à la fin du XVe siècle, la mode prévaut chez les dames de natter les cheveux sur les joues en les relevant derrière les oreilles, le chapeau d’orfèvrerie se pose sur la coiffure en cheveux. Manteau souvent doublé de fourrure, ceinture, bijoux et surtout agrafe ou fermail, chaussure, on peut tout observer sur les sceaux des femmes, on saisit les moindres modifications de leur toilette au moyen âge.

Le costume ecclésiastique a subi à la même époque des changemens, moins prononcés, il est vrai, parce que dans l’église les traditions persistent longtemps : les sceaux se prêtent merveilleusement à les étudier, car nous possédons une multitude d’empreintes représentant des évêques, des abbés, des moines, ou dont le sujet est purement religieux. On pourra donc suivre sur les monumens sigillographiques les diverses formes de l’aube, de l’étole, de la chasuble, de la dalmatique, de la mitre, de la crosse. À côté de ces diverses parties du vêtement sacerdotal se placent tous les objets se rapportant au culte et dont les sceaux nous fournissent de nombreux spécimens : calices, encensoirs, lampes d’église, cloches, etc. On rencontre notamment une curieuse variété de croix qui nous en font bien saisir les diverses espèces. Signalons aussi les différentes formes de crucifix, images qui se rattachent à l’iconologie chrétienne, à ces représentations du Christ et de la Vierge, fréquentes sur les sceaux et qu’il est intéressant de comparer avec les représentations de la sculpture et de la peinture. Il n’est pas jusqu’à des reliquaires qui n’aient été figurés sur la cire, et nous citerons particulièrement le sceau de la Sainte-Chapelle de Paris de 1386, où se voient les instrumens de la Passion. De chaque côté du meuble sacré paraissent dans deux niches un roi et une reine agenouillés.

Après l’histoire du costume, c’est sans contredit celle de nos anciens monumens que les types sigillographiques éclairent davantage. Les sceaux rapportes à ce qu’on nomme le type topographique nous offrent l’aspect extérieur d’édifices aujourd’hui pour la plupart détruits ; ils ajoutent conséquemment à l’histoire architectonique des documens importans et des confirmations parfois décisives. Et ce ne sont pas seulement des édifices isolés que les sceaux nous mettent sous les yeux, ce sont des villes entières, dont la cire reproduit l’aspect général, la vue perspective. Sans doute l’artiste a été contraint, pour tout faire tenir dans le champ exigu du sceau, de rapprocher des monumens éloignés, de n’en point reproduire fidèlement l’orientation, de supprimer bien des détails, mais l’ensemble ne nous en donne pas moins une idée complète de la ville telle qu’elle existait jadis. Ainsi sur le revers du grand sceau de Humbert II, dauphin de Viennois, appendu à une charte de l’an 1343, on a figuré la ville de Vienne en Dauphiné. Des maisons, des châteaux, des églises s’élèvent dans l’enceinte de murailles crénelées, flanquées de hautes tours. Comme dans tous les sceaux représentant un sujet analogue, la porte principale de la ville fait face aux regards. Cette porte, sur le sceau en question, est pourvue d’une herse, comme celle qui se voit sur le sceau de Tournay, et est défendue par deux tours, qui l’encadrent. À gauche est le pont jeté sur le Rhône ; en exergue, on lit le mot Viena. La vue de Lyon, que nous offrent deux autres sceaux, n’est pas moins curieuse. Sur l’un, qui est de 1271, un pont à six arches, visiblement le pont du Rhône, est représenté avec une croix s’élevant à son milieu, et au cœur de laquelle est une fleur de lis. Des groupes de maisons et divers édifices sont disposés en amphithéâtre de chaque côté du pont. Les deux quartiers principaux de la ville sont bien indiqués ; Saint-Nizier d’une part et de l’autre Fourvières, dont la montagne domine le tableau. À droite se voit l’une des portes de la vieille cité archiépiscopale, et, du même côté, dans le corps de maçonnerie rattachant le pont à la berge, est figurée une porte plus petite donnant sur un escalier qui descend au fleuve. Le second sceau, daté de 1320, présente la même ordonnance ; mais le pont n’a plus que trois arches, ce qui pourrait faire supposer que l’on a là le pont de la Saône, si toutefois ce pont n’est pas un pur symbole destiné à rappeler l’existence d’un pont quelconque, et comme le sont manifestement la fleur de lis et le lion rampant, dont ce même pont est accosté. Il existe une foule d’autres sceaux fournissant des vues pittoresques analogues. Arles est représenté sur un sceau vraisemblablement du XIIIe siècle, mais dans son dessin l’artiste a sacrifié tous les détails pour ne s’attacher qu’au monument principal, qu’il a placé au centre de l’enceinte crénelée et flanquée de tours ; c’est un édifice de forme octogonale, à trois étages de colonnes et ter- miné par un toit aigu. Il appartient aux antiquaires provençaux d’en déterminer le caractère et le nom. Les vagues, qui baignent l’enceinte, figurent le Rhône, sur les bords duquel se trouve l’antique cité. Deux sceaux de la même époque nous offrent une ville voisine, Avignon, représenté avec son pont et son enceinte percée de trois portes. C’est aussi avec son enceinte qu’apparaît Cahors sur un sceau de l’année 1309. Ces enceintes fortifiées sont ce que les sceaux donnant des vues de villes s’attachent surtout à reproduire. Je pourrais signaler leur présence sur un grand nombre d’empreintes sigillographiques. C’est entourée d’une enceinte que se montre Murcie sur un sceau de 1493, où figure un palmier à côté d’un monument fort élevé et au voisinage d’un moulin placé sur un cours d’eau. L’enceinte de Mons sur un sceau de 1245 affecte la forme d’une galère. Quelquefois les détails de la fortification sont fort multipliés, comme sur le sceau représentant une autre ville du Hainaut, Beaumont.

L’un des sceaux topographiques les plus intéressans que l’on puisse citer est assurément celui de Bruges, cette cité si florissante au XIIIe siècle. La ville flamande est figurée par un château crénelé, surmonté d’un toit dont on distingue nettement le mode de construction et auquel on accède par une charpente très élevée. Derrière se voit un autre édifice offrant une toiture analogue. On peut croire qu’on a ici sous les yeux la chapelle du Saint-Sang et l’hôtel de ville de Bruges, près duquel la chapelle actuelle s’élève aujourd’hui. L’escalier qui y mène, et qu’on a naguère restauré, date de 1533. Le sceau est de 1199 ; il y a donc lieu de supposer qu’il nous représente les édifices qu’ont remplacés des constructions plus modernes ; l’escalier en pierre aura pris la place de cette vieille charpente en bois. Les portes de différentes villes gravées sur les sceaux peuvent donner lieu à une étude intéressante du système de construction au moyen âge. Je viens de mentionner l’image d’anciens ponts ; ce ne sont pas les seuls que nous fournissent les sceaux. Ces représentations sont d’autant plus intéressantes que les ponts existant aux XIIIe et XIVe siècles ont presque partout disparu. Sur le sceau qui représente Cahors en 1309, on voit un pont à six arches. Celui de Tudèle en Navarre en a quatre, et le sceau où il apparaît nous le montre avec tous ses détails, son tablier, ses éperons surmontés de trois tours couronnées, comme le pont lui-même, d’ornemens ressemblant à des fers de lance. Le pont qui a valu son nom à une autre ville de Navarre, Puente de la Reyna, est à dos d’âne, comme celui qu’on observe sur le sceau de Stirling en Écosse ; les arches sont en ogive ; il porte trois tours et repose sur des piliers très minces et d’une construction assez originale. Les châteaux-forts, les manoirs féodaux, se rencontrent plus souvent encore que les vues générales de villes sur les monumens sigillographiques, et l’énumération en serait longue. Ici c’est le château de Valenciennes figuré au revers d’un sceau de 1296 dont le droit représente en abrégé la ville. Il est surmonté de la bannière au lion entre un soleil et un croissant. Les détails de la fortification sont des plus curieux. Là, sur un sceau de 1374, c’est celui de Dordrecht, reconnaissable à son donjon. Sur un autre, c’est le fameux château d’Édimbourg, tel qu’il était avant la réforme, quand la ville avait encore saint Gilles pour patron. Les châteaux de Stirling, de Beaumont-sur-Oise, de Saint-Sébastien et de Santander en Espagne, de Périgueux, de Pamiers, de Castelsarrasin, etc., tous figurés sur des sceaux, ne sont ni moins intéressans ni moins instructifs par leur disposition architecturale. Dans presque toutes ces représentations, le donjon joue le rôle principal, comme on le voit sur le curieux sceau de Delft en Hollande, où le graveur n’a pas oublié d’indiquer le canal caractéristique des villes néerlandaises. Le plus célèbre de tous ces châteaux est assurément celui de Vincennes, qui se montre sur un sceau de 1406 à côté de la sainte-chapelle que Charles V avait fait construire. La place a manqué pour figurer la forêt, mais elle est symbolisée par deux arbres. Bien d’autres édifices ont fourni des types aux sceaux. Les villes aimaient à y représenter leurs plus célèbres monumens. Sur un sceau d’Ypres, se voit son magnifique beffroi. Sur un sceau de Nîmes daté de 1303, ce sont les arènes, dont on distingue quatre arcades, sous chacune desquelles est un cavalier armé de toute pièce. Les templiers mettaient sur leur sceau l’image de la mosquée d’Omar, qui passe pour avoir pris la place du temple de Salomon ; mais de tous ces édifices représentés sur les sceaux, il n’en est pas de plus ordinaire que les églises. Nous retrouvons avec intérêt sur les empreintes quelques-unes de celles que nous admirons encore, comme la cathédrale de Burgos, dont la façade est figurée sur un sceau de 1492, Saint-Trophime d’Arles, dont un sceau du chapitre de cette ville de 1214 nous offre la partie antérieure, ou encore l’église de Saint-Sernin de Toulouse gravée sur des sceaux du XIIIe et du XIVe siècle avec le château narbonnais ; mais ce qui nous importe davantage, c’est de rencontrer sur les monumens sigillographiques des vues d’églises qui ont disparu. Ces représentations ont en quelque sorte sauvé de la destruction nombre d’entre elles. Ainsi un sceau de 1269 nous donne la façade de l’abbaye de Saint-Amand en Pévèle (Nord) avec son clocher et ses deux tourelles. C’est l’église qui avait précédé celle qui fut construite au XVIe siècle, laquelle est elle-même actuellement en ruines. Nous connaissons plusieurs sceaux de l’officialité de Reims. L’un d’eux, qui est de 1244, nous offre une petite église à trois clochers pointus, où il est impossible de reconnaître la cathédrale actuelle qui, à cette date, venait d’être achevée. Il y a donc tout lieu de croire que nous avons là l’image de la cathédrale primitive. En effet, les monumens que nous représentent les sceaux ne sont pas toujours d’une construction contemporaine des sceaux eux-mêmes. Plusieurs églises de style roman se voient sur des sceaux du XIVe siècle, c’est-à-dire à une date où ce style était abandonné ; mais la comparaison des sceaux représentant. des églises permet aussi de fixer l’époque de la construction de quelques-unes ; de même qu’en comparant la vue d’une même ville fournie par des sceaux d’époques différentes, on peut suivre chronologiquement les changemens qui se sont produits dans son aspect. C’est ce que l’on fera par exemple à l’aide des trois sceaux de la ville d’Arras qui s’échelonnent du commencement du XIIIe siècle au XVIe. Comparons les deux sceaux de l’officialité de Cambrai ; ils représentent l’un et l’autre la cathédrale de cette ville ; mais sur l’un, qui date de 1211, le style de l’édifice est roman, sur l’autre, qui date de 1324, il est gothique. Le rapprochement de ces deux sceaux prouve donc que, durant le laps de temps qui sépare la première date de la seconde, la cathédrale avait été reconstruite suivant le nouveau goût.

À la différence des monnaies antiques, des médailles et médaillons exécutés depuis la renaissance, les sceaux n’offrent guère de représentations d’événemens proprement historiques, d’images plus ou moins abrégées, de ces grands faits qui jalonnent l’histoire : batailles, conférences diplomatiques, réunions d’assemblées politiques, proclamations de souverains, solennités publiques, mort de tel ou tel grand personnage. Les sceaux de quelques conciles nous présentent seuls la vue d’assemblées sinon politiques, du moins ecclésiastiques. On y voit les pères du concile assis et réunis pour décider quelque question de foi ou de discipline, sous l’inspiration du Saint-Esprit, dont l’image plane au-dessus de leurs têtes, ainsi que nous l’observons sur des sceaux des conciles de Constance et de Bâle. Cette colombe, emblème de l’Esprit-Saint, nous la retrouvons sur le sceau d’Henri VIII, roi d’Angleterre, qui prétendait à l’infaillibilité des conciles. Elle surmonte la tête du monarque anglais, figuré assis sur son trône, entre les images de la justice et de la vérité, images moins fidèles assurément que celles qui se voient au bas du même sceau, et qui nous montrent des prélats et des seigneurs prosternés aux pieds d’Henri VIII. Le sceau de la république d’Angleterre de 1651, qui porte au droit la carte des îles britanniques, représente à son revers une séance du parlement. C’est bien là le sceau dont la chambre des communes votait l’exécution le 8 février 1649 ; il nous fournit la seule image sigillographique d’une assemblée politique que nous connaissions. Sur le large champ du sceau, l’artiste a représenté les membres du parlement à leurs places, le chapeau sur la tête, assis à droite et à gauche du président qui siège sur une chaise élevée. Devant lui et un peu au-dessous se voient les deux secrétaires écrivant à une table ; du côté droit, un orateur parle debout en gesticulant. Au nombre des représentations historiques, on pourrait encore citer le meurtre de Thomas Becket qui figure sur un sceau du chapitre de Cantorbery ; mais c’est là un événement qui appartient autant à l’hagiographie qu’à l’histoire ; c’est un martyr qu’on a entendu représenter, et ce sceau doit rentrer dans la catégorie de ceux du type légendaire. Or, si l’histoire politique n’a que bien peu à glaner dans la sigillographie, l’iconologie sacrée y puise, en revanche, d’abondans matériaux. « L’iconologie, écrit le marquis L. de Laborde, peut demander aux sceaux de précieuses notions, même après avoir épuisé les ressources offertes par les vitraux et les sculptures des monumens religieux. Presque tous les saints, portant leurs attributs, figurent sur les sceaux à titre de patrons d’églises, d’abbayes, de villes, de corporations et de personnes ; ils s’y présentent avec l’exactitude minutieuse exigée par celui qui, placé sous leur protection, connaissait mieux leur légende. La critique historique réclame depuis longtemps un fil conducteur qui permette de distinguer entre elles les légendes, leurs branches et leurs variétés, de déterminer à quelle date et dans quel pays tel attribut est particulier à tel saint. Les sceaux ont seuls cette autorité, cette universalité, et leur rapprochement, facilité par une collection d’empreintes, permettra enfin de sortir du dédale dans lequel l’archéologie s’égare. » Toutefois, si la sigillographie éclaire la chronologie et la géographie des légendes pieuses, elle a besoin, pour comprendre les sujets qu’elle recueille sur les monumens, de l’étude des textes. Sans les actes des martyrs, sans les vies de saints, elle ne saurait expliquer tant de scènes hagiographiques, sur lesquelles l’inscription garde le silence, et ici le monument ne parle pas de soi-même. Je ne citerai aucun de ces sceaux dont les types sont fournis par l’Écriture sainte, par l’histoire des apôtres, des martyrs et des confesseurs, par des représentations du Christ, de la Vierge et des anges. Quelques mots seraient insuffisans pour faire apprécier ces richesses iconographiques. Je serais embarrassé de choisir entre ces innombrables miracles dont la piété naïve du moyen âge remplissait la biographie du saint patron, du fondateur d’ordre, du prélat vénéré, et qu’elle se plaisait à reproduire sur les sceaux. La vue des monumens eux-mêmes peut seule donner une idée d’un si abondant répertoire iconologique.

Les scènes de la vie privée sont moins rares sur les monumens sigillographiques que la représentation des événemens de l’histoire. Il était naturel à des seigneurs, à des bourgeois, de prendre pour emblèmes les occupations qui remplissaient leur existence : pour les premiers, la guerre et la chasse, pour les seconds tout ce qui avait trait au commerce et à l’industrie. J’ai déjà parlé des sceaux où apparaissent des personnages en costume de chasse. Les Lusignan par exemple aimaient à se faire ainsi représenter. L’on voit fréquemment sur les sceaux la poursuite d’un cerf ou d’un sanglier. Dans les scènes de la vie roturière, la pêche occupe une grande place ; il est des villes qui l’ont adoptée pour emblème. Un sceau de Biarritz par exemple, qui porte la date de 1351, nous offre une scène de la pêche à la baleine. On voit sur le bâtiment deux hommes qui rament, un autre est au gouvernail, un quatrième lance au monstrueux cétacé le harpon. Sur un sceau de Fontarabie, presque de la même époque (1335), se retrouve le semblable sujet avec quelques variantes. Le navire est monté par quatre hommes ; la baleine est figurée déjà percée de deux harpons, et l’on voit l’un des pêcheurs laisser filer la corde qui les retient afin de donner à l’animal l’espace pour se débattre avant de mourir et de ne point exposer la frêle barque à être chavirée. On peut voir là une preuve de la présence fréquente au XIVe siècle dans le golfe de Gascogne du gigantesque cétacé qu’on n’y rencontre plus guère aujourd’hui. La configuration donnée aux embarcations sur ces deux sceaux est intéressante, et, réunis aux représentations de vaisseaux que nous offrent d’autres monumens sigillographiques, les navires gravés sur les sceaux de Biarritz et de Fontarabie nous permettent de nous faire une idée exacte de la forme et du gréement des nefs au moyen âge. Le vaisseau a été fréquemment adopté comme emblème sur les sceaux des villes maritimes ; on le voit notamment sur des sceaux de Flandre et de Hollande. Sur un sceau de Nieuport de l’année 1307 est figuré un vaisseau avec son château d’avant et son château d’arrière, maté d’un mât avec hune et voile repliées. Le sceau de la ville de Damme, datant de 1309, nous offre un navire d’une forme analogue ; il a aussi le mât de hune et les cordages. À chaque extrémité du bâtiment est un petit château en galerie monté sur piliers où se tient un homme portant une bannière au lion de Flandre. Un matelot grimpe aux cordages, et le capitaine, debout sur le pont, commande la manœuvre ; on distingue fort bien le gouvernail et les sabords. La ville d’Amsterdam avait fait graver sur son sceau une scène de la vie de mer. Même sujet sur le contre-sceau du sceau de Saint-Sébastien, où le vaisseau a aussi un château d’arrière ; deux matelots montés sur la vergue carguent les voiles.

Je ne parlerai pas du vaisseau qui forme les armoiries de la ville de Paris, et qu’on voit figurer sur un joli sceau de 1412, car il appartient plus au blason qu’à la réalité. La pêche devait être au moyen âge d’autant plus en honneur que le poisson jouait un grand rôle dans l’alimentation ; il figurait sans cesse sur la table des nombreux moines auxquels leur règle imposait l’abstinence de viande, sur celle des nobles et des bourgeois, alors rigides observateurs des jours maigres et du carême. Un sceau de l’abbaye de Saint-Germain-des-Prés, de 1339, nous rappelle l’importance du poisson dans l’ordinaire des moines. Le pitancier, qui avait la cuisine dans ses attributions, y est figuré un couteau d’une main et un poisson de l’autre. Ce n’est point au reste la seule scène de la vie monastique que nous fournissent les monumens sigillographiques. Par exemple, un sceau du prieur de l’abbaye de Saint-Sever au diocèse de Coutances, de l’an 1282, nous représente ce dignitaire ecclésiastique tenant le balai, emblème d’une de ses attributions, le nettoyage de l’église. Sur un sceau de l’abbaye Saint-Germain-des-Prés (année 1253), on voit le chambrier ayant à la main la paire de ciseaux, qui rappelle qu’il était chargé d’habiller les moines. Un joli sceau de 1269 représente le trésorier de l’église de Nevers, debout, un trousseau de clés à la main, et s’apprêtant à ouvrir l’armoire aux reliques de son église. Pour en revenir à ce que j’ai dit du commerce du poisson, je rappellerai le sujet que présente, en 1467, le sceau de la corporation des poissonniers de la ville de Bruges. On trouve là, dans toute sa simplicité, l’existence du modeste marchand ; il est figuré portant, suspendu à une courroie qui lui passe sur les épaules, son éventaire qui est à pieds et peut ainsi, quand il s’arrête, lui servir d’état. Un large poisson déposé dessus montre quel est son commerce. Je ne veux point en finir avec ces scènes de la vie de tous les jours sans signaler un autre sceau qui nous rappelle un de ces faits malheureusement aussi journaliers alors. Un chevalier moleste un vilain ; on voit le noble à cheval saisir par les cheveux le pauvre diable qui n’en peut mais. Le fait curieux, c’est que cette scène constitue des armes parlantes. Le sceau, qui est de 1257, porte pour légende : Ce est le scel Jehan Poilevilan, et nous apprenons ainsi qu’il appartenait à un chevalier qui devait aux habitudes auxquelles le sujet fait allusion le surnom qui lui avait été donné. Jehan dit Poilevilain avait appendu ce sceau à l’une de ses quittances.

Les outils, les ustensiles fréquemment figurés sur les sceaux, sur ceux des corporations marchandes, nous reportent également aux occupations ordinaires de la vie et sont intéressans à étudier pour l’histoire de l’industrie. On les rapprochera de ceux qu’on voit gravés sur les pièces en plomb servant de jetons ou de médailles au moyen âge, des méreaux sur lesquels de pareils emblèmes s’observent fréquemment, associés plus d’une fois à l’image du saint patron de la corporation. On a retiré du lit de la Seine un grand nombre de ces plombs, dont un zélé antiquaire, M. Forgeais, a publié une intéressante description. Ces représentations d’outils et d’ustensiles, qui apportent, comme celles de meubles, par exemple de chaises ou chaières à dossier et coussin, de tables, de bahuts, des élémens utiles pour l’histoire de l’ameublement et des métiers au moyen âge, peuvent n’être pas toujours des représentations rigoureusement exactes des formes alors en usage. Elles ne nous offrent parfois que des formes surannées conservées par la tradition. C’est là, il faut le dire, le danger des représentations sigillographiques. Plus d’une est empreinte d’archaïsme et peut égarer sur les dates. Toutefois l’influence des types anciens a été, on le constate, moins grande qu’il y avait lieu de le craindre, et la comparaison montre clairement que les formes traditionnelles ne se sont guère perpétuées que pour les représentations purement symboliques. C’est dans cette classe qu’il faut généralement placer les images de plantes et d’animaux qu’on rencontre en grand nombre sur les sceaux. On n’y doit point chercher une représentation rigoureuse et fidèle, bien que plusieurs des animaux qui figurent dans les scènes de chasse ou isolément, tels que l’ours, le loup, le cerf, les oiseaux de proie, même plusieurs des arbres dessinés sur le sceau, soient souvent pleins de naturel et de vérité, et n’affectent pas, comme sur l’écu, des formes purement conventionnelles. Aussi, quant au XVIe siècle le sceau ne représente plus guère que des armoiries, la sigillographie perd une grande partie de son importance, mais elle la garde tout entière, elle l’accroît même pour le blason. L’art héraldique n’est pas, ainsi que bien des gens seraient tentés de le croire, d’une étude désormais inutile ; ce n’est point un art qui a perdu toute valeur, comme la fauconnerie, le tir de l’arbalète ou la composition des thèmes astrologiques, pouvant servir tout au plus de passe-temps à l’orgueil de caste qui va chercher des alimens dans le passé. La connaissance du blason est un auxiliaire indispensable de l’histoire des familles nobles, des maisons princières, liée elle-même à l’histoire politique ; elle fournit les moyens de dater des monumens dont on ignorerait autrement l’époque et d’en préciser la provenance ; elle permet de reconnaître les filiations par ce qu’on appelle les brisures, les alliances par ce qu’on nomme les partitions, les mariages lorsqu’elle constate sur le sceau de la femme la présence, près des armoiries de celle-ci, des armoiries de son mari, fait qui s’observe fréquemment à la fin du XIIIe siècle. Ainsi, alors même que les sceaux ne nous présentent plus que des écus blasonnés, ils nous instruisent encore à un haut degré pour une foule de circonstances dont l’histoire tire profit.


III.

Au XVIe et au XVIIe siècle, l’emploi des sceaux se perd, la sigillographie est en décadence, les monumens empreints sur la cire ou sur le métal deviennent de moins en moins communs. On dirait qu’ils s’en vont avec le monde féodal. L’imprimerie leur a porté un coup de mort. La nouvelle législation sur les actes a enlevé à leur témoignage une grande partie de son importance. Non-seulement les sujets figurés n’ont plus autant d’intérêt et de variété, mais l’art même de les exécuter a faibli. Les matrices ne sont plus gravées avec le même talent, avec la même délicatesse. On n’y apporte pas cette recherche de détails qui fait l’intérêt des sceaux des XIIe, XIIIe et XIVe siècles. L’art tourne ailleurs son activité et ses préférences. On a sans doute encore de bons graveurs sur métal, mais la race des orfèvres du moyen âge s’est éteinte. Ces orfèvres, comme le remarque M. G. Demay, montrent en germe dans leurs œuvres les qualités que nous admirons chez les orfèvres italiens venus après eux. Ils étaient maîtres de toutes les branches de leur art ; ils dessinaient, composaient, étaient fondeurs, ciseleurs, repousseurs ; ils gravaient avec un rare talent les sceaux, dépourvus pourtant de toutes les ressources que nous possédons aujourd’hui, ignorant l’emploi du balancier, ne taillant pas leur modèle en relief d’après une maquette sculptée, mais étant réduits à graver en creux d’après un dessin de leur invention, ou que leur avait fourni quelque enlumineur en renom. Les orfèvres du moyen âge qui s’intitulaient modestement tailleurs de sceaux, c’est à peine si nous pouvons retrouver leurs noms, car ils n’ont pas songé à signer leurs ouvrages, que nous allons chercher au fond de ces coffres ou layettes renfermant les chartes, et dont les cartons prennent actuellement la place, sur les rayons des greffes des tribunaux, dans les études des notaires où le temps les a rongés. Tandis que la glyptique sigillaire périclitait, l’usage de l’écriture chassait peu à peu l’emploi de ces images empreintes sur le métal ou la cire. On n’exigeait plus l’attestation ou le concours d’une foule de témoins qui venaient suspendre à l’acte leur cachet. Aux XVIe et XVIIe siècles, les sceaux pendans ne sont plus d’un emploi aussi général ; on en revient aux sceaux plaqués. La matrice est appliquée sur un papier sous lequel on a préalablement glissé un gâteau de cire, afin de soutenir l’empreinte et de le rendre adhérent à l’acte. Le sceau n’est plus que du papier, car c’est ce papier qui reçoit directement l’empreinte. À partir du XVIe siècle le papier se substitue d’ailleurs de plus en plus au parchemin. À côté des actes, des traités et des diplômes encore écrits sur cette dernière matière, apparaissent déjà des édits écrits sur papier, reliés en cahier au dos ou à la dernière page duquel on suspend le sceau par des fils. Ce sceau n’est plus lui-même qu’un accessoire de la signature, comme la cire n’est plus que l’accessoire du papier. Tout homme de quelque éducation va bientôt savoir écrire.

Au XVe siècle, une foule de personnes laïques, même dans une condition médiocre, sont en état de signer leur nom, d’y ajouter au besoin quelque formule consacrée ou quelque terme de politesse, bien que ceux qui peuvent écrire de longues lettres soient encore assez rares. La confection des actes n’en demandait pas davantage ; les notaires, les secrétaires du roi, les greffiers, les scribes de profession, se chargent des longues rédactions ; désormais intéressés et témoins sauront tous signer ou à peu près. Cela suffisait pour diminuer l’importance du sceau, mais cela ne le faisait pas absolument disparaître. Ce qui en amène la désuétude, c’est l’emploi du timbre, de l’estampille, de ces en-tête imprimés qui disent déjà sur le papier une partie de ce que le sceau pourrait exprimer. Sans doute le grand sceau royal subsiste en France jusqu’au XVIIIe siècle, et on le retrouve alors à peu près tel qu’il était sous les derniers Valois avec le type de majesté. La légende, encore écrite en latin pendant le règne de Henri IV, est rédigée en français à partir de Louis XIII ; mais la cire n’offre plus une consistance qui en assure la durée ; elle est si molle que les emblèmes représentés à la fin du XVIIIe siècle ne nous sont arrivés que déformés, et l’on peut à peine signaler un type de cette époque dont les reliefs soient demeurés intacts. Les particuliers n’ont plus guère que des cachets sur lesquels les nobles et soi-disant nobles font figurer leurs armoiries. La façon même dont on appose ces cachets se prête moins à la conservation de l’empreinte. Dès la première moitié du XVIIe siècle, le fil de soie qui fermait la lettre disparaît, et le cachet est appliqué directement sur le repli. Les sceaux de l’assemblée nationale et de la république n’ont plus de contre-sceaux. Si parfois on empreint encore les sceaux sur la cire ardente, plus ordinairement ils sont appliqués en timbres humides ; autrement dit, ce ne sont plus les sceaux véritables tels que les entend la sigillographie. Le sceau qui porte l’inscription : la nation, la loi et le roi, sur un écusson surmonté d’un bonnet phrygien, et que l’assemblée nationale fit graver par Mauriset, fut simplement apposé sur les actes au moyen d’un pain à cacheter recouvert d’une languette de papier sur laquelle on obtenait l’empreinte en usant d’une forte pression. Le sceau de la convention est simplement imprimé sur le papier, comme celui de l’assemblée législative. Les pièces émanées du conseil des anciens, des cinq-cents, du tribunat, du corps législatif, du sénat et des corps judiciaires, ne reçoivent plus que l’empreinte d’un timbre. Le sceau en réalité n’existe plus. La vieille iconographie sigillographique a fait place, d’un autre côté, avec son épigraphie, à tout un ensemble d’emblèmes, de devises, de vignettes, dont le caractère dénote un changement complet d’idées, symbolique révolutionnaire dont l’histoire aurait son intérêt, à en juger par ce que nous en dit M. Ed. Dupont dans la notice qui précède la description des pièces postérieures à 1780 exposées au musée des Archives[13]. Les emblèmes politiques et philosophiques tendent eux-mêmes de nos jours à disparaître. L’image, dans nos mœurs administratives, fait de plus en plus place au simple énoncé, au titre officiel écrit à la main ou imprimé ; l’estampille ne porte plus guère que des mots et des numéros, à peine quelques restes d’armoiries.

Cette révolution sigillographique est conforme à la marche que suit l’expression de la pensée humaine. À mesure que la société vieillit, que le langage s’assouplit et se perfectionne, notre esprit prend davantage l’habitude des termes abstraits ; il substitue de plus en plus le mot à l’image. Quand l’homme ne savait encore que balbutier quelques interjections, c’était l’image même de l’objet, non le mot qui l’exprime, qui s’offrait à l’œil intérieur de son intelligence, et qui, rapprochée d’autres images, faisait jaillir dans son cerveau l’idée. Les sons qui rappellent ces images ont été les élémens formateurs du langage, et celui-ci en conserve l’ineffaçable trace. La première écriture ne fut également qu’un assemblage de figures plus ou moins grossières des objets de la nature, qu’ont ensuite remplacées des signes qui ont perdu comme les mots leur physionomie représentative et ne sont plus que des abstractions. Quand notre intelligence se fut tellement exercée au maniement des mots, que la langue grammaticale lui devint plus familière et plus commode que les gestes, imitation rapide et fugitive des objets et des actions, que les images mêmes qui les peignent complètement aux yeux, l’usage du symbole, de l’emblème, disparut graduellement. Au lieu de rendre les choses physiques par un dessin plus ou moins succinct, une peinture plus ou moins abrégée, au lieu d’exprimer ce qui n’est de son essence ni tangible, ni optiquement visible, par des figures empruntées à l’ordre matériel, on recourut chaque jour davantage à des mots, à des locutions dont le sens rigoureux et défini se prêtait mieux à la traduction de l’idée. On put alors se passer du symbole, de l’allégorie, de cette métaphore plastique qui transporte une donnée physique à un fait intellectuel ou moral. L’emblème n’eut plus sa raison d’être, parce que les mots dans leur sens propre exprimaient plus fidèlement la réalité que l’image sculptée ou peinte. Ces considérations expliquent ce qu’a d’insolite aujourd’hui l’intervention des représentations figurées comme moyen de rendre la pensée. Sans doute l’art continue d’être cultivé, mais il n’est plus destiné à tenir lieu de l’écriture et même de la parole ; il n’est plus fait que pour charmer les yeux, récréer les sens, embellir nos demeures et nous rappeler les traits de ceux que nous aimons, que nous admirons, et dont nous regrettons la perte, ou ces scènes, ces grands événemens que le ciseau, le pinceau, immortalisent ; il aide au besoin la science en mettant à sa disposition les représentations exactes des êtres animés, des objets qu’il lui importe d’observer et de connaître. Quant aux figures uniquement tracées comme signes, comme expressions d’idées, on ne les demande plus guère à l’artiste.

Dans nos villes, les enseignes sculptées ou peintes des boutiques disparaissent pour faire place à une simple dénomination. Souvent même le marchand se contente d’inscrire à la devanture de son magasin le nom qu’il porte et l’énoncé de son commerce. Ces figures symboliques, jadis si usitées pour instruire ou pour amuser les enfans, sont remplacées par des images représentant les êtres, les objets de la nature, à la connaissance desquels on initie ainsi la jeune intelligence, et si l’on continue encore, par un effet de l’habitude, à se servir de quelques types emblématiques, tels que ceux des cartes à jouer, on n’y attache plus dans la pratique aucune signification. Ce qui arrive pour les représentations figurées se produit aussi pour ces actions, ces usages qui constituaient comme une mimique symbolique. Les cérémonies allégoriques, que la révolution française tenta vainement de ressusciter, n’ont plus chez nous ni chaleur ni vie ; ce sont tout au plus des occasions de déployer un luxe de vêtemens, d’exhiber d’antiques costumes ; en tant que cérémonies symboliques, ce ne sont que de froides parodies des habitudes du passé. Dans le culte même, dont les rites, symboles d’un autre genre, traduisaient originairement aux yeux la doctrine enseignée par l’église, le génie de ce langage tend à se perdre ; le peuple cesse de comprendre et de chercher même le sens des pratiques auxquelles il assiste, et la parole évangélique, que la réforme protestante substitua à la liturgie catholique, tend à prendre la grande place dans l’enseignement religieux. Ce n’est plus dans les sculptures qui décoraient les portiques des cathédrales, sur les vitraux qui en garnissaient les fenêtres, sur les chapiteaux qui en soutenaient les voûtes, tous semés de symboles et d’allégories, que les fidèles vont apprendre le catéchisme. Les attributs emblématiques de l’autorité souveraine, la couronne, le sceptre, la main de justice, le globe surmonté d’une croix, ne sont plus que d’inutiles joyaux dont le prince évite de se charger. De tous les vieux symboles nationaux, il ne nous reste à cette heure en France que le drapeau, que la décoration qui pare la poitrine du brave et sert de signe au mérite, et sur lesquels se concentre ce qui nous reste encore d’attachement et de foi aux emblèmes, car je ne veux pas mentionner le triangle égalitaire de certaines sectes socialistes, les emblèmes maçonniques, produits d’un archaïsme qui ne parviennent pas à pénétrer dans les mœurs. L’art lui-même, qui vit pourtant d’images, en devenant plus réaliste s’éloigne de ces anciens types, où la convention chassait la réalité, qui s’adressaient à l’âme et au cœur plutôt qu’ils ne charmaient les yeux, qui se proposaient moins de représenter la nature que de susciter une passion généreuse ou un sentiment pieux.

Assurément il y a dans tout cela, sous le rapport intellectuel, un progrès incontestable ; mais ce progrès a été, comme tous les progrès, acheté au prix de bien des pertes et des sacrifices. La pensée-image, le symbole, l’emblème, avaient je ne sais quoi de plus vif, de plus pittoresque, de plus attrayant que l’écriture, sèche expression de la parole raisonnée, analytique et précise ; elle saisissait davantage l’imagination, si elle satisfaisait moins l’intelligence ; elle avait à la fois plus de force et de naïveté. Quelque chaud que soit le discours, il paraît toujours languissant à côté de l’expression de la pensée par des formes et des couleurs. Sans doute les mots instruisent et fortifient plus l’entendement que la vue muette des images ; ils nous font pénétrer dans la constitution intime des choses, et sans eux nous n’en pourrions scruter les profondeurs ; ils nous apprennent à ne pas nous abandonner aux impressions instinctives qui naissent de la vue des objets, à ne pas supposer à ceux-ci des caractères qu’ils n’ont pas ; mais, si nous avons perdu la superstition des images, nous avons en revanche contracté celle des mots. Fréquemment nous les confondons avec les choses mêmes, et ce que les peuples enfans font pour les symboles divins qu’ils prennent pour des réalités vivantes et personnelles, nous le faisons parfois pour les mots, en sorte qu’en abandonnant l’adoration des symboles nous adoptons une religion qui n’est souvent pas moins mensongère ; nous imitons les anciens des temps de la décadence du polythéisme, alors qu’ils prêtaient à certains noms auparavant inconnus, à des formules réputées magiques, inscrits sur des amulettes, les vertus attribuées d’abord aux simulacres des dieux, représentés sous les plus beaux traits de l’humanité. Les gnostiques et les néoplatoniciens croyaient ainsi s’affranchir de l’idolâtrie : ils n’avaient fait qu’en changer.

Les représentations figurées, les emblèmes employés comme écriture, et qui constituaient un langage d’un ordre spécial, avaient donc leurs avantages et leur genre d’éloquence. Les sceaux, où ces images sont si multipliées, rendaient plus palpable et plus solennelle l’intervention de la personnalité humaine dans les actes et les contrats, dans les lettres missives et les traités ; ils nous disaient mille choses que ne dit plus aujourd’hui un nom griffonné ou un illisible paraphe. Faut-il donc en revenir à l’emploi des sceaux ? Non, certes : il n’est plus de notre âge, il ne rentre plus dans nos habitudes, il ne répond plus aux exigences de notre esprit ; mais il s’adaptait merveilleusement aux mœurs du moyen âge, il appartenait aux conditions de la société d’alors, et voilà pourquoi on doit étudier la sigillographie pour la bien connaître et la mieux apprécier.


ALFRED MAURY.

  1. Toutefois les mis mérovingiens souscrivaient ordinairement les actes de leur main en faisant précéder leur nom d’une invocation ou d’une croix. On conserve aux Archives nationales la signature de Dagobert Ier sur un acte de l’an 628 environ. Les référendaires contre-signaient les diplômes.
  2. Ce sceau fut volé au cabinet des médailles avec d’autres objets dans la nuit du 5 au 6 novembre 1831.
  3. Jusqu’à la fin du XIIIe siècle, on rencontre fréquemment dans une même légende des mots français et des mots latins. Le français est surtout employé pour les légendes des sceaux de femmes et de villes. Ces légendes en langue vulgaire apparaissent déjà, au commencement du XIIIe siècle, avant les premières chartes en français.
  4. Brassards d’avant-bras.
  5. Pièces destinées à la défense des jambes.
  6. Chaussure de l’homme d’armes.
  7. Suivant la remarque de M. E. Viollet-Le-Duc, les Allemands ont toujours précédé les Français dans les innovations destinées à fortifier la défense du corps.
  8. Le timbre est la partie bombée du casque, celle qui reçoit la tête.
  9. Il ne faut pas le confondre avec le petit bacinet ou bacinet simple, qui était la calotte de fer qui se portait avec le haubert.
  10. La salade, qui apparaît vers 1440, avait son timbre arrondi, presque sphérique ; elle était pourvue d’un grand couvre-nuque en queue. La visière très courte, généralement fixe, pouvait descendre un peu plus bas que le nez. On ne la rencontre pas sur les sceaux.
  11. Bannière carrée terminée par trois pointes ou queues. On la voit sur le sceau des dauphins d’Auvergne. Quelquefois cette bannière n’a que deux pointes ; en certains cas, on lui en donnait quatre.
  12. Cette armure, que portaient quelquefois les femmes, était une sorte de camisole à jupe, garnie de plaques ou d’un système de mailles ; on en peut voir une on velours à l’exposition de l’Union centrale.
  13. Voyez Musée des Archives nationales, documens originaux de l’histoire de France, Paris 1872, in-4o.