Une Enfant (Fernand Séverin)

Parnasse de la Jeune BelgiqueLéon Vanier, éditeur (p. 246-247).


Une Enfant


Les pauvres qui mourront d’avoir vécu d’amour,
Rare et lointaine sœur, t’ont cherchée et rêvée,
Et mes pénibles yeux de l’âme t’ont trouvée
Allant par des chemins de mon triste alentour.

Si quelquefois ta voix module jusqu’à nous
Une de tes chansons pleines de roses blanches,
C’est si doux qu’on s’arrête, éperdu, sous les branches,
Et que les sens ravis n’osent choir à genoux !

Tu ne sais rien du mal où s’en vont mes pareils
Pris aux malins filets de tes sœurs inégales,
Tes jours sont sans désirs et tes nuits sont frugales ;
Et rien que de très pur n’accueille tes réveils.

Le linon de ta jupe est moins immaculé
Que les lys de pudeur de ton adolescence,
Et tel est ton écrin de céleste innocence
Qu’il ne te souvient pas d’un désir formulé !


Tout ce qui rêve au ciel de timide et de blanc,
Tuniques d’anges, fleurs du parterre des vierges,
Blancheur du pain sacré, des surplis et des cierges,
Auprès de tes candeurs est pauvre et chancelant.

Ton âme est ce jardin souhaité des pervers
Où les boutons de fleurs ne doivent point éclore,
Un jardin blanc baigné d’une éternelle aurore,
Avec des arbrisseaux frêles, à peine verts !

Tout au plus, quelquefois, des soupçons de parfums
Avec les seuls échos d’une lointaine lyre,
Et rien qui chante un peu les charmes du délire
Ou dont l’arome fasse appel aux sens défunts !

Ô toute l’âme enfant recluse en tous ces lys !
Reste blanche malgré nos mâles mains tendues,
Ton linon est au prix des choses défendues,
Et le seul mot d’aimer dérangerait ses plis !