Un jour (recueil, Jammes)/Le soleil faisait luire…

Pour les autres éditions de ce texte, voir Le soleil faisait luire….

Un jourMercure de France (p. 78-79).

Le soleil faisait luire…


à Charles de Bordeu.


Le soleil faisait luire l’eau du puits dans le verre.
Les pierres de la ferme étaient cassées et vieilles
et les montagnes bleues avaient des lignes douces
comme l’humidité qui luisait dans la mousse.
La rivière était noire et les racines d’arbres
étaient noires et tordues sur les bords qu’elle rape.
On fauchait au soleil où les herbes bougeaient,
et le chien, timide et pauvre, par devoir aboyait.
La vie existait. Un paysan disait de gros mots
à une mendiante volant des haricots.
Les morceaux de forêt étaient des pierres noires.
Il sortait des jardins l’odeur tiède des poires

La terre était pareille aux faucheuses de foin.
La cloche de l’église toussait au loin.
Et le ciel était bleu et blanc, et dans la paille
on entendait se taire le vol lourd des cailles.