Un Précepte de Pythagore - L’Examen de conscience chez les anciens

Un Précepte de Pythagore - L’Examen de conscience chez les anciens
Revue des Deux Mondes, 3e périodetome 9 (p. 377-397).
UN
PRECEPTE DE PYTHAGORE

L'EXAMEN DE CONSCIENCE CHEZ LES ANCIENS

Pythagore et la philosophie pythagoricienne, par M. Chaignet, 2 vol., Paris 1873.


Si la critique contemporaine, par une discussion sévère des textes, et grâce à des méthodes et à des habitudes de précision nouvelles, a fait mieux connaître les doctrines philosophiques de l’antiquité, elle se montre de moins en moins curieuse du détail moral, qui pourtant donne à ces doctrines leur véritable caractère et leur prix. Dans les deux derniers siècles au contraire, c’étaient précisément les maximes, les préceptes qu’on cherchait dans les livres des vieux sages. On leur demandait, non une théorie abstraite et générale, mais, disait-on alors, une nourriture spirituelle. On lisait naïvement Sénèque comme on lisait Nicole. En cela, nos pères, sans être aussi exactement instruits que nous, entraient mieux peut-être dans l’esprit des anciens, dont la philosophie morale prétend surtout servir à la conduite de la vie et remplir le rôle que, dans les temps modernes, s’est réservé la religion. On était tout préparé au XVIIe siècle à lire ainsi les philosophes païens par les habitudes de la méditation pieuse ; même les lecteurs les plus profanes se plaisaient aux belles sentences, ne fût-ce que pour avoir l’occasion de rentrer en eux-mêmes et de se mieux connaître, ce qui était alors le suprême plaisir des délicats.

Aujourd’hui nous sommes loin de ces coutumes, qui nous paraîtraient non-seulement trop graves, mais trop simples. Une certaine ambition d’esprit, mêlée de beaucoup d’indifférence, ne nous laisse de goût que pour les vastes théories où sont résolus les plus grands problèmes de la nature et de l’homme. Les préceptes surtout nous importunent et nous trouvent rebelles. Je ne sais quel esprit de révolte, que nous portons en tout, se met en garde contre la plus insinuante persuasion. Nous sommes tentés de regarder le philosophe qui moralise comme un indiscret qui entreprend sur notre liberté ombrageuse, ou comme un pédagogue qui semble vouloir nous traiter en enfans. Avons-nous d’ailleurs le temps de goûter les jouissances si lentes de nos pères, et de nous replier sur nous-mêmes au milieu de la vie moderne si active et si dissipée ? Tout nous attire au dehors, non-seulement les plaisirs et les affaires, mais aussi les curiosités érudites et les nouveaux devoirs de la science. Notre âme est sans cesse absente de chez elle, et ne ressemble pas mal à la dame de la comédie qui est toujours sortie.

Aussi les historiens de la philosophie ne font-ils aujourd’hui que glisser sur la partie morale des doctrines antiques, peut-être parce que le sujet leur semble ou trop clair ou trop usé. Ce dédain pour les préceptes paraît dans le récent ouvrage de M. Chaignet sur Pythagore et la philosophie pythagoricienne, ouvrage du reste très savant, qui fut d’abord un mémoire fort remarqué et couronné par l’Académie des sciences morales et politiques, et qui renferme tout ce que la science a entassé de renseignemens certains ou vraisemblables sur une école entre toutes célèbre, mais mal connue. Des explications nouvelles, des vues originales ajoutent encore à l’intérêt de cette forte étude, qui n’a que le tort de ne pas faire assez de place aux belles prescriptions de Pythagore ; elles méritent pourtant une attention d’autant plus délicate qu’elles ont été souvent mal comprises par les anciens eux-mêmes. Nous voudrions donner ici un seul exemple de ces fausses interprétations antiques, et montrer par là que la critique, si elle voulait en prendre la peine, trouverait encore à s’exercer dans le champ un peu délaissé de la philosophie morale. Il s’agit d’une prescription pythagoricienne sur l’examen de conscience, que le christianisme a plus tard adoptée pour en faire une règle de pratique commune, prescription qui paraît aujourd’hui si simple que les femmes et les enfans la comprennent, et dont le sens, pourtant si manifeste, a échappé dans l’antiquité à de fort bons esprits, même à de grands esprits, et jusqu’à des biographes de Pythagore, qui se croyaient plus ou moins dépositaires de sa doctrine. Sur la foi des anciens qui se sont mépris et ont donné de ce précepte des interprétations erronées, des historiens modernes de la philosophie en France, en Allemagne et ailleurs se sont trompés à leur tour, si bien que l’erreur, de plus en plus accréditée, court encore de livre en livre. Quoiqu’il ne s’agisse que d’un point particulier de la morale, il n’est pas inutile de signaler cette erreur singulière, qui n’a jamais été redressée, et d’épargner ainsi aux futurs historiens de la philosophie une insipide et peu raisonnable redite.


I

Tout le monde connaît le petit poème gnomique intitulé les Vers d’or, qui devait être le manuel, le bréviaire du pythagoricien, et qui renferme la plus pure substance de la morale, la fleur choisie des préceptes de l’école, non sans parfum poétique. Ce poème, attribué par les uns à Pythagore lui-même, par d’autres à Lysis, son disciple, par d’autres encore ou à Philolaüs ou à Empédocle, ne remonte pas sans doute à une si haute antiquité, mais il est certainement antérieur au christianisme, puisque des écrivains qui ont vécu avant notre ère, entre autres le stoïcien Chrysippe, y ont fait quelquefois allusion. Que nous ignorions le nom de l’auteur, que les anciens eux-mêmes l’aient ignoré, il ne faut pas s’en étonner. Souvent des doctrines, des doctrines religieuses surtout, ont produit des livres de pieuse morale écrits par une main inconnue, livres d’autant plus respectés qu’ils sont anonymes, dont le charme et le crédit tiennent au mystère qui les couvre, qui paraissent écrits pour tout le monde précisément parce qu’ils ne portent le nom de personne, et dont les adeptes enfin font leurs plus chères délices, la vérité morale n’étant jamais plus touchante que si elle se présente comme d’elle-même, sans intermédiaire, dans sa simplicité en quelque sorte divine.

Le poème des Vers d’or, après avoir tracé en une suite de maximes détachées nos principaux devoirs envers les dieux, envers les hommes, envers nous-mêmes, termine cette série de préceptes par une recommandation entre toutes précise et détaillée, par laquelle il est enjoint de ne pas terminer sa journée sans repasser sur toutes ses actions, sans les juger :

« Ne laisse jamais tes paupières céder au sommeil avant d’avoir soumis à ta raison toutes tes actions de la journée.

« En quoi ai-je manqué ? Qu’ai-je fait ? Qu’ai-je omis de faire de ce qui est ordonné ?

« Ayant jugé la première de tes actions, prends-les toutes ainsi l’une après l’autre.

« Si tu as commis des fautes, sois-en mortifié ; si tu as bien fait, réjouis-toi. »

Voilà bien l’examen de conscience dans toute sa clarté. Rien n’y manque, ni la surveillance attentive sur soi-même, ni le scrupule moral qui va jusqu’à s’imputer à faute le bien qu’on n’a pas fait, ni le repentir du mal, ni la joie permise du bien. Il n’est personne aujourd’hui qui, lisant ce passage, n’en comprenne aussitôt le sens. Peut-on même imaginer que ces vers renferment autre chose qu’un précepte sur ce que nous appelons l’examen de conscience ? Eh bien ! un certain nombre d’anciens sont tombés dans la plus étrange méprise. Ils ont cru qu’il s’agissait ici d’un exercice de mémoire. Ils ont pensé, avec une naïveté qui nous étonne, que Pythagore recommandait à ses disciples de se rappeler tout ce qu’ils avaient fait, vu, dit, entendu, même les choses les plus indifférentes, et qu’il avait eu pour but de leur fortifier l’esprit et d’affermir ainsi leur mémoire, précisément parce qu’il est difficile de ressaisir et de retenir la futile succession des petits événemens journaliers. Ils n’ont pas soupçonné qu’il était parlé ici d’un exercice moral, et s’ils ne l’ont point vu, c’est que la rare délicatesse du précepte ne pouvait être saisie dans sa nouveauté par des hommes actifs qui n’avaient guère le temps de se replier sur eux-mêmes, et qui comprenaient mieux les grands principes de la morale applicable au gouvernement des sociétés que cette morale privée et intérieure.

Aussi le plus grand des philosophes romains, l’auteur du plus beau traité de morale pratique que nous ait laissé l’antiquité, qui connaissait bien tous les systèmes de la Grèce, à qui ne manquait pas la finesse dans l’interprétation des textes, Cicéron, rencontrant la prescription de Pythagore, l’interprète comme pourrait le faire le moins subtil écolier. Dans son traité de la Vieillesse, où il vante l’infatigable activité de Caton l’Ancien, il fait dire au vieux censeur par une allusion visible au précepte des Vers d’or : « A la manière des pythagoriciens, je rappelle le soir tout ce que j’ai fait, dit ou entendu dans la journée, pour exercer ma mémoire ; Pythagoreorum more, memoriœ exercendœ gratia[1]. » Or sur quoi pouvait porter ici l’examen de Caton ? Sur ses récoltes, sur son bétail, sur les esclaves, sur les gronderies qu’il avait faites, sur les profits et les pertes. C’est un exercice de propriétaire attentif qui tient à tout enregistrer dans son esprit, et dont la rigide économie est d’avis que tout est bon à garder, même les souvenirs. Voilà ce que le peu rêveur Caton appelle un examen à la pythagoricienne, et Cicéron ne l’entend pas autrement.

Cicéron du moins ne se pique pas d’en savoir bien long sur ce point de la doctrine pythagoricienne ; il n’en parle qu’en passant, avec légèreté sans doute, mais sa phrase échappe au ridicule par sa brièveté. Il n’en est pas ainsi de Diodore de Sicile, qui se croit plus instruit, et qui va nous dire avec une docte puérilité comment il faut entendre le précepte. Pour bien comprendre le passage de Diodore, il faut savoir que dans l’antiquité certaines copies des Vers d’or, comme en témoigne la leçon de quelques manuscrits, portaient qu’il fallait faire l’examen de conscience chaque jour trois fois. On sait que dans l’école de Pythagore les nombres jouaient un grand rôle, et qu’on leur accordait certaines vertus. Du reste le précepte semble avoir été modifié et compliqué avec le temps. Le texte des Vers d’or le plus accrédité ne prescrit qu’un examen, celui du soir ; mais Porphyre cite deux vers appartenant à une autre rédaction où il est recommandé de faire aussi cet examen le matin. Diodore et Jamblique vont plus loin, et veulent que cette récapitulation des actes remonte jusqu’au quatrième jour. Il y a là bien des incertitudes dans l’interprétation d’un précepte si simple. Peut-être ne faut-il voir dans toute cette confusion qu’une suite d’erreurs greffées les unes sur les autres ; peut-être aussi l’école elle-même avait-elle peu à peu surchargé la prescription. C’est l’ordinaire tendance des doctrines morales et religieuses dans la pratique. On est naturellement amené à se dire que, s’il est bon de faire une chose, il sera mieux encore de la faire souvent. Ces détails nécessaires étant fournis, on pourra maintenant mieux comprendre et savourer l’inintelligente explication de l’examen de conscience que donne Diodore de Sicile avec une si plaisante assurance.

« Les pythagoriciens exerçaient leur mémoire avec le plus grand soin, et voici comment ils s’y prenaient. Ils ne sortaient jamais du lit sans avoir repassé dans leur esprit tout ce qu’ils avaient fait la veille, du matin au soir. S’il leur arrivait d’avoir plus de loisir que d’habitude, ils poussaient cet examen commémoratif jusqu’au troisième et quatrième jour précédent, et même au-delà. Ils considéraient cet exercice comme très propre à fortifier la mémoire et à pourvoir l’esprit de beaucoup de connaissances[2]. »

Ohl les belles connaissances que devait procurer un pareil examen ! Se demander par quel lieu on a passé, qui on a rencontré, ce qu’on a dit à tel ou tel, ce qu’il a répondu, à quelle heure on a mangé, graver dans son esprit cette biographie journalière, la faire remonter jusqu’au quatrième jour, voilà une bien utile occupation, et c’eût été bien la peine de recommander cela en vers et en vers d’or ! Le plus plaisant, c’est que ce précepte s’adresse non pas au premier venu, mais aux adeptes ; c’est de l’enseignement ésotérique qui n’est fait que pour les initiés. Les pythagoriciens, s’ils avaient voulu exercer leur mémoire, n’avaient pas besoin de recourir à ces laborieuses vétilles. Cette école savante, livrée à l’étude de la nature, de Dieu, de l’homme, particulièrement occupée de mathématiques, cherchant des mystères de toute sorte dans les nombres, avait sous la main bien assez de sujets d’études et d’exercices, et il eût été superflu assurément d’ajouter à de sérieuses et difficiles contemplations ces fugitives inanités.

Il se peut que Cicéron et Diodore aient été trompés par les pythagoriciens eux-mêmes, qui à la longue ne comprirent plus la doctrine du maître. Il faut se rappeler que dans leur école on n’écrivait pas, qu’il était même interdit d’écrire, comme il était défendu de révéler la doctrine. Il fallait être initié, et ceux du dehors ne pouvaient guère être instruits des préceptes que par des indiscrétions qui n’étaient pas toujours intelligentes et complètes. De plus, si l’enseignement oral a ses avantages, il a aussi ses inévitables défaillances. Sans doute il est plus touchant, il peut être plus vivant et plus enthousiaste, si le maître a gardé le feu sacré de l’école ; mais, si celui-ci est tiède ou faible, la doctrine languit, l’esprit se perd et risque de s’évaporer dans une perpétuelle transmission. La paresse ou l’ignorance d’un seul peut gâter à jamais l’enseignement ; une interprétation fausse à les conséquences les plus lointaines. Il est surtout à craindre que les vérités les plus précieuses ne deviennent d’inertes maximes d’où s’est retirée la vie, et que la grâce morale enfermée et pressée dans une formule ne soit comme la fleur de l’herbier, qui garde encore sa fibre extérieure sans suc et sans vertu. Que de fois cela n’est-il pas arrivé dans les doctrines ou religieuses ou profanes ! Cet accident devait être assez fréquent dans l’école pythagoricienne, à la fois savante et mystique, dont les prescriptions risquaient dans la suite des temps d’être religieusement répétées sans être comprises. Épictète, citant les vers dont nous nous occupons et recommandant de les mettre en pratique, fait la remarque que des ignorans, des pythagoriciens sans doute, récitaient ce précepte à haute voix, comme on débite le Pœan Apollon[3]. Bien des philosophes de cette école devaient ressembler à ce pythagoricien, le maître d’Apollonius de Tyane, à un certain Euxène, qui, selon Philostrate, « savait quelques sentences de Pythagore, comme les oiseaux savent quelques mots qu’ils ont appris, car il y a des oiseaux qui disent : Bonjour ! sois heureux ! Dieu te garde ! mais ils ne savent pas ce qu’ils disent et ils ne souhaitent aucun bien aux hommes, ne pouvant que remuer la langue d’une certaine manière[4]. » Ce témoignage finement satirique de Philostrate nous permet de penser que cet Euxène n’était pas seul de son espèce, et qu’il y avait par le monde bon nombre de ces légers rediseurs, plus ou moins bien appris, qui n’avaient plus de la doctrine que le caquet.

Il est difficile et il importe peu d’ailleurs de décider si ce sont les pythagoriciens qui, pour n’avoir plus compris la prescription du maître, ont répandu une erreur sur l’examen de conscience, ou si ce sont des philosophes étrangers à la doctrine qui n’ont pas démêlé la pratique pythagoricienne. Notre dessein est de montrer seulement que, pour une cause ou une autre, l’erreur a été assez générale et fort durable dans l’antiquité. Nous en trouvons encore la preuve dans les compilations étendues sur la vie et la philosophie de Pythagore que nous ont laissées Porphyre et Jamblique comme ces deux platoniciens ne font que résumer des ouvrages antérieurs, on peut en inférer avec vraisemblance qu’ils se sont mépris après plusieurs autres historiens de la philosophie. Nous savons en effet par eux-mêmes qu’ils s’appuient sur des autorités éminentes, entre autres sur les livres de deux péripatéticiens illustres, dont les ouvrages sont perdus, dont l’un ; Aristoxène, avait mérité cet honneur qu’Aristote en mourant hésitât s’il lui laisserait la conduite du Lycée ou s’il la donnerait à Théophraste, et dont l’autre, Dicéarque, a été fort vanté par Cicéron. Si donc Porphyre et Jamblique se sont trompés au IIIe et au IVe siècle, eux qui n’ont fait que résumer des écrits anciens, il faut supposer qu’un ou plusieurs de leurs devanciers s’étaient trompés avant eux, et l’erreur dès lors prend plus d’importance non-seulement parce qu’elle est partagée par un plus grand nombre, mais encore parce qu’elle est probablement imputable à de grands philosophes élevés à la sévère école d’Aristote.

Porphyre, ayant à parler de la prescription pythagoricienne, paraît ne pas savoir au juste de quoi il s’agit ; il la reproduit en l’expliquant avec une vague sécheresse. Voici sa phrase : « il recommandait surtout deux momens de la journée, l’heure où on se couche, l’heure où on se lève. D’une part, il faut examiner ce qu’on a fait, de l’autre ce qu’on fera ; chacun doit se rendre compte des actions faites et bien réfléchir à celles qu’il va faire, et pour cela se réciter à soi-même ces vers[5]. » Là-dessus Porphyre cite le texte des Vers d’or, mais il passe précisément le vers sur la joie de la conscience et sur le repentir. Cette omission assez étrange, puisqu’il oublie le vers le plus important, semble prouver qu’il n’a point saisi le vrai sens de la prescription, et qu’il n’y voyait qu’un acte de prudence et non un exercice moral. Il est permis de penser que Porphyre, malgré son apparente précision, n’a point pénétré plus avant que Cicéron et Diodore.

Si on peut à la rigueur discuter sur le passage de Porphyre, dont la concision peu nette se prête à des jugemens divers, il n’en est pas ainsi du texte de Jamblique, qui est explicite, et qui, pour être plus clair, va jusqu’à être prolixe. Il semble même que Jamblique, résumant les mêmes auteurs que Porphyre, a été sur ce point d’autant plus long que Porphyre avait été plus court, et qu’il se soit piqué de bien faire connaître la prescription pythagoricienne. « Un pythagoricien, dit-il, ne sortait jamais de son lit avant d’avoir repassé dans son esprit tout ce qu’il avait fait la veille. Voici comment il faisait cette récapitulation. Il tâchait de ressaisir d’abord ce que dans sa maison il avait dit, ce qu’il avait entendu, ce qu’il avait ordonné à ses gens en premier, en second, en troisième lieu. Même méthode pour ce qu’il se proposait de faire. Puis, pensant à ce qu’il avait fait hors de sa maison, il se rappelait quelles personnes il avait rencontrées, quelle avait été la première, la seconde, la troisième, quels discours il avait échangés avec celui-ci, celui-là, ce troisième, et ainsi de suite. Il s’efforçait ainsi de se remettre en mémoire tout ce qui s’était passé dans toute la journée, en observant bien l’ordre et la succession des faits et des discours. Si le matin il avait un peu plus de loisir, il poussait cet examen jusqu’au troisième jour. Les pythagoriciens tâchaient d’exercer ainsi leur mémoire, pensant que pour acquérir la science, la prudence et une complète expérience, il n’est rien de tel que la fermeté des souvenirs[6]. » Le texte cette fois ne laisse rien à désirer pour la clarté. Si grande est la prétention à l’exactitude dans le détail qu’elle devient comique. Cette longue et déraisonnable explication donnée par un savant philosophe montre suffisamment quel sens inepte les anciens attribuaient souvent au simple et beau précepte de Pythagore.

Il est probable que l’erreur qui faisait de l’examen de conscience un exercice de mémoire doit être imputée au célèbre péripatéticien Aristoxène, qui avait beaucoup écrit sur Pythagore ; nous ne prétendons pas que Jamblique a ici directement puisé dans les livres d’Aristoxène, mais il résumait des auteurs qui eux-mêmes avaient beaucoup emprunté au péripatéticien. La méprise de celui-ci a fait fortune sous la recommandation d’un grand nom. Tous ceux qu’eurent à écrire sur l’école pythagoricienne, si difficile à bien connaître dans la suite des temps, parce qu’elle était à la fois mystérieuse et dégénérée, durent naturellement s’en référer à un ancien historien de la philosophie qui par le temps où il vécut avait été plus près des sources de la doctrine. Son livre fut sans cesse consulté et résumé. Pendant six siècles, d’Aristoxène à Jamblique, Terreur courut de livre en livre sans être arrêtée au passage. D’ailleurs la formule était assez exacte, l’interprétation seule était fausse. C’était bien la lettre du précepte, mais sans lumière. S’il est vrai, selon la célèbre comparaison de Lucrèce, que la vérité voltige de main en main comme le flambeau des jeux antiques, il peut arriver qu’elle s’éteigne en chemin tout en poursuivant sa course. C’est ainsi que les anciens se sont transmis le lumineux précepte sans s’apercevoir que dès la seconde main le flambeau n’était plus allumé.

Quel que soit le premier auteur de cette erreur si légèrement transmise, encore faut-il se demander comment elle a pu être commise, ne fût-ce qu’une fois, et comment elle a pu être répétée si souvent par des écrivains qui connaissaient le texte si clair des Vers d’or, qui y font allusion et vont jusqu’à le citer. Ici il faut se rappeler que les anciens, au temps où il y avait encore une certaine activité politique, où la morale réglait surtout les devoirs du citoyen, n’étaient point faits pour comprendre une prescription qui recommandait une si exacte surveillance de soi-même. Sans doute ils faisaient honneur sans cesse à la fameuse inscription de Delphes : « connais-toi toi-même ; » ils l’attribuaient à un dieu, tant le précepte leur paraissait sublime, mais ils l’entendaient dans un sens général, scientifique, ils y voyaient un encouragement à l’étude de l’homme opposée à l’étude de la nature. Il ne pouvait venir à la pensée de ces citoyens actifs qu’une école de philosophie eût imaginé une pratique où l’on devait descendre tous les soirs en soi-même, considérer une à une toutes ses actions, les juger avec scrupule, en jouir, en souffrir, selon qu’elles étaient bonnes ou mauvaises, plus ou moins conformes à la loi morale de la doctrine. Ces sortes de délicatesses intérieures, qui nous paraissent très simples à nous qui les connaissons, pouvaient n’être pas devinées même par des esprits pénétrans qui n’en avaient jamais entendu parler. Ils étaient ainsi naturellement amenés, en présence d’un texte pour eux un peu bizarre, à rapprocher la coutume pythagoricienne d’une coutume qui leur était déjà familière, à prendre le recueillement d’une âme qui se juge pour l’attention d’un disciple qui s’exerce l’esprit. Ne voyons-nous pas autour de nous de pareilles illusions ? Chacun rapporte une chose qu’il ne connaît pas à une chose qu’il connaît. Le paysan qui ne voit guère écrire que chez les officiers publics, s’il entre par hasard chez un homme de lettres en train de composer un livre, s’imagine que celui-ci fait un acte notarié ou apure des comptes. Qu’on me permette un souvenir personnel. Un jour que dans les montagnes je lisais un roman sur le bord d’un sentier, les naïves femmes qui passaient ne manquaient pas de me dire : « Vous priez donc toujours ? » Pour elles, un livre ne pouvait être qu’un livre de prières. Si, par une pieuse prévention, on voit dans une occupation profane un acte de piété, il peut arriver aussi qu’on voie dans une coutume pieuse un acte profane et ordinaire, et on comprend dès lors que des historiens de la philosophie, en rencontrant pour la première fois un précepte aussi nouveau que celui de Pythagore, n’en aient pas même soupçonné le sens et la portée, et que, sans y plus penser, ils l’aient assimilé à ce qu’ils voyaient faire autour d’eux, à un exercice de mémoire en usage dans les écoles ou à un acte de prudence familier dans l’économie domestique.

Si on veut être tout à fait équitable pour les anciens, il faut convenir que le texte des Vers d’or pouvait prêter à l’illusion. Qu’on se figure en présence de ce texte un homme étranger à la coutume pythagoricienne et le lisant pour la première fois, on comprendra comment il a pu commettre sa méprise, car les mots qui composent le précepte, bien qu’ils soient pour nous d’une parfaite clarté, se plient à une interprétation légère[7]. Ainsi les mots : En quoi ai-je transgressé (la loi) ? peuvent se traduire littéralement : Par où ai-je passé en me promenant ? — Qu’ai-je fait ? peut s’appliquer non-seulement à des fautes, mais aux choses les plus indifférentes ; — qu’ai-je omis de ce que je devais faire ? peut être pris dans le sens d’une occasion manquée aussi bien que dans le sens d’un devoir non rempli. Le vers sur le repentir et la joie morale pouvait exprimer un vulgaire regret ou un banal contentement pour une démarche plus ou moins utile ; mais comme dès lors le précepte ne valait guère la peine d’être donné, comme il semblait un peu bizarre que Pythagore y eût insisté au point de recommander un pareil examen deux ou trois fois par jour, il a bien fallu prêter à un si grand philosophe une intention raisonnable et précise, et l’on a conclu que ces futiles questions intérieures cachaient un précepte ingénieux sur l’art de fortifier la mémoire.

Cette puérile erreur commise d’abord, à ce qu’il semble, par d’illustres disciples d’Aristote, répétée par de célèbres platoniciens, devenue à la longue assez commune dans l’antiquité, a dû faire fortune dans les temps modernes parmi les traducteurs, les commentateurs, les historiens de la philosophie, qui, sans y regarder de près, se sont naturellement laissé égarer à la suite de ces antiques et respectables autorités. Dans la science, il en est de la succession des témoignages comme d’un convoi sur une grande route ; quand l’attelage qui est en tête se détourne du bon chemin, tout le reste se détourne à la file. Déjà au ive siècle le poète latin Ausone, trompé par la fausse interprétation des Grecs et substituant à l’examen de conscience je ne sais quel exercice qui n’a plus un caractère moral, traduit ainsi le précepte :

Qua prætergressus ? quid gestum in tempore ? quid non ? Depuis, les traductions latines des Vers d’or, à peu d’exceptions près, sont à côté du sens. Nous croyons pouvoir affirmer, pour avoir fait sur ce point de fastidieuses recherches, qu’à part les traducteurs de Hiéroclès, lesquels ne pouvaient pas se tromper, éclairés qu’ils étaient dans le moment par le commentaire si détaillé et si lumineux de Hiéroclès lui-même, tous les autres, rencontrant le précepte et le vers cité dans divers ouvrages antiques, se sont mépris, — et ces traducteurs ne sont pas les premiers venus, c’est Grotius, c’est juste Lipse, c’est Ménage et toute une suite de véritables savans. On peut s’étonner que M. Westermann en 1862, dans son édition de Porphyre, qui fait partie de la bibliothèque grecque-latine de M. Firmin Didot, ait encore laissé échapper l’erreur consacrée par le temps. Le grand helléniste M. Gobet, dans son Diogène de Laerte publié dans la même collection, est le seul qui, sans toutefois relever l’erreur, n’ait pas versé dans l’ornière, et c’est pour nous un plaisir de le constater. Vit-on jamais un contre-sens à la fois si tenace, si fâcheux, si facile à reconnaître et à éviter ? D’autre part, depuis le XVIe siècle, des historiens qui ont touché à l’école de Pythagore, entre autres Brucker, l’auteur si connu d’une Histoire critique de la philosophie[8], ne voient pas qu’il s’agit dans les Vers d’or d’un examen de conscience ; d’autres, se trompant à demi, tout en attribuant un exercice moral à l’école, reconnaissent encore à côté un exercice de mémoire. Ainsi un célèbre critique allemand, mort au commencement de ce siècle, Meiners, en son Histoire des sciences dans la Grèce, où il consacre une longue étude à Pythagore, ne craint pas de dire : « Pythagore, en prescrivant à ses disciples de se rappeler ce qu’ils avaient fait,… n’avait pas seulement en vue de leur apprendre à se connaître eux-mêmes et de former les cœurs à la vertu ; il voulait encore par là, comme nous l’assurent plusieurs historiens, leur prescrire un excellent exercice pour la mémoire, et voilà pourquoi ces exercices sont regardés aussi comme l’art de la mémoire, selon les pythagoriciens[9]. » Meiners vante fort longuement et avec beaucoup de chaleur ce prétendu exercice de mémoire, et, parlant de cette insipide biographie journalière, telle que l’entendent Diodore et Jamblique, il s’écrie avec admiration : « La mémoire des pythagoriciens devait ressembler à une galerie de tableaux. » Chose plus surprenante, Fénelon lui-même, qui aurait dû mieux qu’un autre, comme esprit délicat et comme prêtre, démêler le vrai sens du précepte, Fénelon, dans son Abrégé des vies des anciens philosophes, traduit ainsi le passage des Vers d’or  : « Où as-tu été ? Qu’as-tu fait à propos ? Qu’as-tu fait à contre-temps ? » Fénelon suivait la voie battue par ses devanciers. Peut-être même le pieux archevêque n’a-t-il pas ouvert les yeux, parce qu’il lui répugnait d’admettre que dans une école de philosophie antique et profane on eût déjà trouvé une prescription qui lui paraissait exclusivement chrétienne. Quoi qu’il en soit, personne n’a encore, que nous sachions, mis le doigt sur cette extraordinaire bévue plus de vingt fois séculaire, et c’est pour en faire une bonne fois justice que nous croyons devoir la signaler, avec l’espoir qu’elle n’osera plus reparaître et qu’ainsi ne sera plus défiguré un des plus admirables préceptes de la morale pythagoricienne.


II

Cependant le précepte pythagoricien, si longtemps méconnu et si mesquinement interprété, n’avait point perdu pour tout le monde son sens véritable, et semble avoir fait obscurément son chemin dans de mystérieuses écoles, puisque nous le voyons reparaître à la lumière, au commencement de l’empire romain, sous Auguste et Tibère. C’était le moment où le despotisme, en arrêtant tout à coup les occupations civiques, éveillait dans les cœurs des ambitions morales d’un genre nouveau. L’âme antique, arrêtée dans son cours naturel, reflua sur elle-même. Ne pouvant plus être citoyen, on voulut être plus homme, et ce fut avec une sorte d’enthousiasme et de sombre ferveur qu’on se resserra dans le domaine de la conscience, sur lequel le pouvoir n’avait point de prise. La philosophie attacha plus de prix à la culture morale et devint presque exclusivement pratique. Par découragement ou pour courir au plus pressé, elle renonça aux hautes spéculations et aux problèmes savans pour ne s’occuper que de l’âme et de la perfection intérieure. Alors tous les philosophes mirent en honneur des exercices moraux inconnus ou oubliés. Pythagoriciens, platoniciens, cyniques, stoïciens, s’empruntèrent mutuellement tout ce qui pouvait servir au règlement de l’âme, et, malgré la diversité de leurs principes, se rencontrèrent facilement dans la morale pratique, où d’ordinaire les dissentimens s’effacent. Le stoïcisme, qui était la doctrine dominante, adopta et recueillit toutes ces prescriptions d’origine diverse ; il les célébra par la bouche de ses grands écrivains et les fit siennes, car, dans le monde moral comme dans le monde physique, il y a pour ainsi dire une loi de gravitation qui fait que les doctrines les plus puissantes attirent à elles et retiennent les élémens épars et flottans des doctrines moins consistantes. C’est ainsi que le vieux précepte de Pythagore, sans perdre la marque de son origine, devint avec le temps un précepte stoïcien. C’est dans un traité de Sénèque qu’on le voit tout à coup paraître, et nous savons par l’auteur lui-même à qui il en est redevable. Il le doit à son maître Sextius, un de ces pythagoriciens nouveaux qui, pour donner à leur doctrine une force romaine, étaient devenus à leur insu, sans le vouloir, et bien qu’ils s’en défendissent, des sages stoïques. On surprend ainsi sur le fait le passage de la prescription pythagoricienne dans la doctrine de Zénon. Pour Sénèque, le précepte est nouveau, et, tout en le célébrant avec une grâce précise, il laisse voir cependant que cette nouveauté salutaire n’est pas encore bien répandue, du moins dans son école. Bien que le tableau que Sénèque a tracé de l’examen de conscience soit fort connu, il faut ici le remettre sous les yeux pour montrer comment sous le despotisme accablant de l’empire on se plaisait à se réfugier en soi-même, à se surveiller, à s’assurer en silence des vertus intérieures, puisque la carrière était fermée aux vertus civiques.

« Nous devons tous les jours appeler notre âme à rendre ses comptes. Ainsi faisait Sextius. La journée terminée, avant de se livrer au repos de la nuit, il interrogeait, son âme : « de quel défaut t’es-tu aujourd’hui guérie ? quelle passion as-tu combattue ? En quoi es-tu devenu meilleur ? .. Quoi de plus beau que cette habitude de repasser ainsi toute sa journée ! Quel sommeil que celui qui succède à cette revue de soi-même ! Qu’il est calme, profond et libre, lorsque l’âme a reçu ce qui lui revient d’éloge ou de blâme, et que, soumise à sa propre surveillance, à sa propre censure, elle informe secrètement contre elle-même ! Ainsi fais-je, et, remplissant envers moi les fonctions de juge, je me cite à mon tribunal. Quand on a emporté la lumière de ma chambre, que ma femme, par égard pour ma coutume, a fait silence, je commence une enquête sur toute ma journée, je reviens sur toutes mes actions et mes paroles. Je ne me dissimule rien, je ne me passe rien. Eh ! pourquoi craindrais-je d’envisager une seule de mes fautes, quand je puis me dire : Prends garde de recommencer, pour aujourd’hui je te pardonne[10]. » Dans cette charmante confidence, on voit que Sénèque avait reçu directement cette coutume d’un maître pythagoricien, et la complaisance qu’il met à décrire dans le détail l’examen de conscience semble prouver que cet exercice n’était pas encore bien connu, que c’était une occupation d’élite à la portée seulement des philosophes et des sages les plus scrupuleux ; mais cet usage, rare d’abord, va se répandre et devenir assez commun parmi les simples amateurs de la philosophie.

En effet, un demi-siècle après Sénèque, un autre stoïcien, le sage pratique par excellence, Épictète, dans ses Entretiens, recommande souvent l’examen de conscience, et en insistant sur la nécessité de le bien faire, en se moquant de ceux qui le font mal, il laisse voir que le précepte était fort connu, s’il n’était pas toujours bien pratiqué. Plus d’une fois il cite le passage des Vers d’or ou bien il se contente d’y faire allusion comme à une prescription dont il suffit de donner les premiers mots pour la faire aussitôt reconnaître. Ces vers, dit-il, il faut les retenir pour les mettre en pratique et non pour les débiter comme une formule consacrée dont on ignore le sens. Bien plus, dans une spirituelle parodie, il nous fait assister à l’examen de conscience du courtisan qui s’est proposé un idéal de bassesse comme un honnête homme se propose un idéal de vertu, qui s’interroge et se gourmande lui-même en voyant que son âme n’est point parfaite encore, c’est-à-dire entièrement conforme aux lois de la servilité. « C’est à cela, dit Épictète, à cela que notre homme applique le précepte de Pythagore. Qu’ai-je omis, se dit-il, en fait de flatterie ? Aurais-je par hasard agi en homme indépendant, en homme de cœur ? Et s’il se trouve qu’il s’est conduit de la sorte, il se le reproche, il s’en accuse. Qu’avais-tu besoin de parler ainsi ? se dit-il, ne pouvais-tu pas mentir ? » Cet examen est d’autant plus risible que notre homme emploie dévotement les expressions mêmes des Vers d’or : parodie bien piquante, mais qui n’eût pas été comprise, si cette peinture d’un examen de conscience fait à rebours n’avait été une allusion à un usage très connu.

Enfin il nous reste de l’antiquité un admirable examen de conscience, c’est le livre des Pensées de Marc-Aurèle. En le lisant, on assiste aux gronderies que se fait l’empereur philosophe, aux encouragemens qu’il se donne à toute heure, le matin dans son lit, au spectacle, au milieu de sa cour, dans les camps en présence de l’ennemi. Il se redit sans cesse sous une forme ou sous une autre : « Regarde au dedans de toi ; c’est en toi qu’est la source du bien, une source intarissable, pourvu que tu fouilles toujours. — L’âme se voit elle-même, elle se façonne, elle se fait comme elle veut être. — Quel est l’usage que je fais aujourd’hui de mon âme ? Voilà la question que je dois m’adresser à moi-même en toute occasion. » C’est en pratiquant ces maximes sans relâche que Marc-Aurèle nous a laissé non-seulement la peinture de ses nobles scrupules d’homme et de souverain, mais encore la preuve la plus éclatante de l’importance que le précepte pythagoricien avait prise dans l’école stoïcienne.

Le précepte célébré et pratiqué, nous venons de le voir, par les philosophes du portique finit par passer dans l’école platonicienne, où il fut dogmatiquement expliqué avec un subtil enthousiasme. Au Ve siècle de notre ère, Hiéroclès, dans Alexandrie, prit pour sujet de son enseignement public les Vers d’or et les commenta avec une minutieuse exactitude et une ferveur nouvelle. En lisant ce commentaire, nous croyons découvrir la cause de l’erreur qui avait si longtemps fait attribuer à Pythagore un exercice de mémoire. En effet, Hiéroclès veut que les disciples, avant de faire l’examen de leurs actions, commencent par se remémorer et par se réciter un à un tous les vers d’or qui renferment la liste de nos devoirs, pour s’assurer de point en point que les prescriptions imposées n’ont pas été violées et pour mettre la conscience en état de juger à cette lumière doctrinale la conduite de la journée. C’est un conseil analogue à celui que pourrait donner un directeur chrétien recommandant de repasser d’abord les commandemens de Dieu et ceux de l’église, afin que l’examen soit précis et complet. « Rassemble, dit Hiéroclès, dans ta mémoire tous les préceptes déjà donnés, afin que dans le tribunal de ta conscience, les yeux fixés sur ces lois comme sur des lois divines, tu puisses juger, ce que tu as bien ou mal fait, car comment notre raison pourra-t-elle nous gronder sur nos manquemens, nous louer de nos bonnes actions, si elle ne se représente d’abord les lois sur lesquelles nous devons régler notre vie[11] ? » Ce conseil traditionnel sur la récitation préalable des Vers d’or a vrai-. semblablement donné lieu à l’erreur que nous combattons. Quand les non-initiés entendaient dire vaguement que le pythagoricien était astreint à repasser chaque jour dans son esprit toutes les prescriptions morales de la doctrine, et cela, comme dit Hiéroclès, « afin que l’assiduité du souvenir rende infaillible le jugement qu’on doit porter sur soi-même, » ils se figuraient aisément, d’après des renseignemens mal compris, que Pythagore n’avait eu en vue que de cultiver la mémoire de ses disciples. De plus, comme il s’agissait de se rappeler non-seulement les lois, mais aussi les actions qu’on avait faites, sans en oublier une et dans l’ordre même où elles s’étaient accomplies, les mots mémoire, souvenir et d’autres pareils revenaient souvent, comme on peut le voir dans le commentaire de Hiéroclès, et ces mots répétés pouvaient encore entretenir l’illusion de ceux qui n’étaient pas bien entrés dans la doctrine.

Le chapitre de Hiéroclès n’est pas le froid commentaire d’un érudit qui interprète un texte ancien, c’est l’édifiante explication d’une pratique encore usitée et vivante. On le voit au soin qu’il met à donner le sens moral de chaque mot, à exprimer toute la substance d’un précepte qui lui paraît entre tous salutaire et sacré ; on le voit aussi à son enthousiasme, qui se pare d’expressions poétiques. Il veut que l’examen de conscience « soit comme un cantique à Dieu avant notre coucher. » Il trouve des mots qui ne sont pas sans éloquence sur le repentir redonnant la santé, sur le bonheur d’une âme qui, se voyant conforme à la loi prescrite, « se couronne elle-même des fruits d’une joie divine. » On s’étonne de rencontrer dans le monde païen, à une si grande distance des sources de la doctrine, une si nette intelligence de la prescription pythagoricienne, une pareille ardeur à la propager, enfin cette délectation dans l’étude et la surveillance de soi-même. Ainsi au Ve siècle dans l’école platonicienne on avait retrouvé le sens des vers si platement interprétés par Porphyre et Jamblique, et l’antique précepte, après bien des éclipses, reparut encore une fois dans tout l’éclat de sa raisonnable simplicité et de sa grâce morale.

Le précepte de Pythagore, devenu à la longue stoïcien, puis platonicien, ne manqua pas d’être adopté par le christianisme primitif, qui recueillait volontiers et sans vain scrupule dans la sagesse antique les prescriptions salutaires capables d’assurer la pureté de l’âme. On peut ici se demander si le christianisme n’a fait qu’emprunter le précepte ou s’il l’a transformé en l’adoptant. Au premier abord, il semble qu’il n’y ait aucune différence sur ce point entre la pratique des philosophes et celle des chrétiens, et pourtant les différences sont notables. Selon le christianisme, l’examen de conscience et l’aveu des fautes impliquent une prière pour demander à Dieu la vertu qu’on n’a pas ou qu’on n’a plus. Une pareille demande eût paru aux anciens tout à fait superflue, et la prescription eût été pour eux incompréhensible. Ils pouvaient bien dire çà et là vaguement que la vertu est divine, qu’elle est une inspiration ; mais l’idée ne leur venait pas de la demander. Sur ce point, leur langage est souvent des plus explicites. Les anciens laissaient aux dieux le gouvernement du monde, mais ils tenaient à régner sur eux-mêmes et à régner sans partage. Leurs biens, leurs corps étaient livrés au caprice de la Divinité, mais leur âme n’était qu’à eux, et tout l’effort du stoïcisme consistait à s’appartenir. On connaît la prière d’Horace : « Demandons à Jupiter ce qu’il peut donner ou retirer, la vie, la richesse ; quant à la paix de l’âme, c’est affaire à moi de me la donner :

Det vitam, det opes, æquum mi animum ipse parabo[12]. »


Cicéron fait dire à un de ses personnages plus formellement encore : « Pour la vertu, personne n’a jamais cru la tenir d’un dieu, virtutem nemo unquam acceptam deo retulit. » Il ajoute : « Quel homme a jamais rendu grâce aux dieux de ce qu’il était homme de bien ? On les remercie de ce qu’on a des richesses, des honneurs, de la santé ; c’est pour en avoir que l’on invoque le très bon, le très grand Jupiter, mais on ne lui demande point la justice, la tempérance, la sagesse[13]. » C’est aussi le sentiment qui anime Hiéroclès dans son commentaire philosophique des Vers d’or. Il dit et répète avec une visible insistance que « nous sommes juges de nous-mêmes, ἀυτὸς ἑαυτόν (autos heauton)… notre raison, voilà le gouverneur que Dieu nous a donné, voilà notre précepteur. » Le christianisme a donc arraché l’âme humaine à l’autorité dont jusqu’alors elle avait relevé ; il ne l’a plus laissée sous sa propre garde, et en lui faisant sentir le besoin d’un appui divin, en la rendant plus modeste et plus humble, il a enlevé à la conscience les joies orgueilleusement paisibles que l’antiquité goûtait sans remords. Comme nous ne sommes ici qu’un historien des idées morales, nous opposons la coutume pythagoricienne à la coutume chrétienne avec le seul dessein de montrer, ce qui est souvent contesté aujourd’hui, que le christianisme ne s’est pas seulement approprié les prescriptions antiques, mais qu’il les a profondément modifiées, et qu’il a fait connaître à l’âme des besoins et des troubles que les anciens n’avaient point ressentis.

Tandis que l’âme païenne se rend compte à elle-même et demeure son propre juge, l’âme chrétienne se donne un juge qui n’est pas elle et se traduit au tribunal de Dieu. C’est comme un changement de juridiction qui produit en l’accusé des sentimens nouveaux. Le philosophe, si sévère qu’il fût, se traitait toujours en ami, en ami mécontent, si l’on veut, mais en ami, comme le prouvent les passages de Sénèque et de Hiéroclès. Il n’avait point de peine à rentrer en grâce avec lui-même, et quand il se condamnait, son arrêt n’avait rien de formidable. Le chrétien au contraire, devant son juge suprême doublement redoutable parce qu’il est son juge et qu’il est en même temps l’offensé, passe souvent par des inquiétudes inconnues à la sereine antiquité. Selon la gravité de ses fautes ou selon son caractère plus ou moins timoré, il peut parcourir tous les degrés de la crainte et en arriver jusqu’à la terreur et au tremblement. Son examen doit être plus plein d’anxiété, parce qu’à la crainte que lui cause le sentiment de ses crimes s’ajoute encore la crainte de ne pas les connaître tous et de n’avoir fait qu’un aveu incomplet. Quelle ne doit pas être la consternation d’une âme passionnément religieuse qui sent que ses manquemens à la loi sont des offenses, et qui comparaît devant la majesté divine présente et courroucée ! Que ce ne soit point là toujours le sentiment des âmes chrétiennes dans l’examen de conscience, on ne fait pas difficulté de le reconnaître ; mais qui ne sait, pour l’avoir vu dans l’histoire, que l’examen chrétien peut produire quelquefois des angoisses morales que les anciens ne pouvaient pas même soupçonner ?

Il suffit en effet de parcourir l’histoire ecclésiastique et la biographie des saints pour s’assurer que l’examen est devenu souvent un exercice tragique. On y voit des hommes d’une conscience si délicate et si douloureuse, qu’on ne sait s’il faut les admirer ou les plaindre, que le sentiment de leurs fautes les plus légères retient nuit et jour dans les larmes, — quelques-uns qui, se rappelant tous leurs péchés déjà effacés par le repentir et l’absolution, se sentent tout à coup accablés par le souvenir de leurs crimes accumulés, — d’autres, songeant par hasard à quelque circonstance qu’ils ont oubliée dans leur aveu, se regardent comme des coupables qui ont usurpé et frauduleusement surpris leur pardon. Il en est que ni prières, ni veilles, ni jeûnes, ni flagellations ne peuvent apaiser, qui répandent leur honte et leur douleur en soupirs, en cris de désespoir, qui se refusent même aux consolations de ceux qui ont le droit divin de les absoudre, infortunés volontaires qui gémissent sous une pointe autrefois inconnue, qu’on a depuis appelée le scrupule[14]. Entendu dans le sens religieux, le scrupule est un fait psychologique tout nouveau, une véritable maladie de l’âme qui, selon les temps, a exercé plus ou moins de ravages, qui résiste à tous les remèdes humains et divins, que les plus célèbres directeurs du XVIIe siècle ont en vain essayé de combattre, et dont l’obscure et fuyante malignité, comme on le voit dans les Lettres spirituelles, échappait même aux prises d’un Bossuet ou d’un Fénelon, ou renaissait sous leurs plus impérieuses objurgations.

Si l’examen de conscience a eu ses tragédies et ses terreurs condamnées sévèrement par la haute raison des plus grands docteurs de l’église, il a recouru aussi à des pratiques d’une naïveté qui paraîtrait plaisante, si les désirs, quels qu’ils soient, de perfection morale pouvaient faire sourire. Tels sont certains usages peu connus qui, dans les premiers siècles du christianisme, se sont introduits parmi les hommes voués à la vie solitaire ou réunis dans les cloîtres. C’est là qu’on poussa jusqu’à l’extrême la pratique du précepte pythagoricien. Saint Jean, surnommé Climaque, raconte qu’il fut fort étonné un jour que, visitant un monastère, il vit que le prieur portait attaché à son flanc et flottant au bout d’une courroie un objet dont l’usage lui était inconnu. Il apprit que c’était une tablette sur laquelle le prieur inscrivait ses fautes à mesure qu’il les commettait, et que tous les frères avaient un pareil instrument toujours sous la main. On n’attendait pas jusqu’au soir pour constater ses péchés et se les rappeler à l’heure du recueillement, on les saisissait au vol pour ne pas les laisser échapper. Le saint, revenu de son étonnement, finit par trouver cet usage fort judicieux, et dit qu’en effet un banquier ne peut pas bien constater tous les soirs ses profits et ses pertes, s’il ne les note pas de moment en moment à mesure qu’ils se produisent[15]. Il est même de ces moines qui, par humilité, faisaient collection de leurs tablettes, et à leur mort léguaient à leurs frères une bibliothèque de péchés. Cette pratique, qui consiste à marquer de moment en moment tous les manquemens à la règle a pourtant plus d’un inconvénient, et il est permis de ne pas l’admirer. L’examen de conscience n’est plus la surveillance de la vie ; il en devient la principale occupation. D’ailleurs ne risquait-on pas d’inscrire ses fautes avec l’impassibilité d’un greffier qui enregistre un renseignement dont il se servira plus tard, et, le soir venu, pouvait-on éprouver beaucoup de honte et de tristesse pour des crimes qu’on n’aurait pas retrouvés, si on ne les avait inscrits, et qui ne valaient pas la peine qu’on se les rappelât ? Ce sont là des procédés où l’on prend la minutie pour de la délicatesse morale, et qui dans tous les cas supposent autant de loisirs que de scrupules.

En franchissant un grand nombre de siècles et en revenant au monde profane, nous devons mentionner Franklin, qui usa d’un moyen analogue à celui de ces moines, mais avec plus de réserve et en ouvrier laborieux. Franklin a d’autant plus le droit de figurer ici que c’est conformément à la prescription des Vers d’or, comme il nous l’apprend lui-même, qu’il conçut la pensée de faire un examen journalier de sa conduite, et qu’il établit son tableau si connu avec colonnes verticales pour les jours, horizontales pour les vertus, formant ainsi de petits carrés où il marquait d’un point noir ses fautes à leur place. Après un certain temps, il en faisait le relevé, et, selon que la page était restée plus ou moins blanche, il voyait s’il avait fait plus ou moins de progrès. Son principe ressemble à celui d’Horace : « c’est déjà un commencement de sagesse que d’avoir échappé à la folie, sapientia prima stultitia caruisse. » Quant à la méthode de Franklin, elle est exactement celle qui a été recommandée par Épictète : « si tu ne veux pas être enclin à la colère, n’en entretiens pas en toi l’habitude, compte les jours où tu ne te seras pas emporté… Maintenant c’est un jour sur deux, puis ce sera un jour sur trois, et après cela un jour sur quatre[16]. » L’Américain, sans se livrer à la contemplation méditative d’un pythagoricien, sans avoir même la pieuse inquiétude d’un chrétien, plus sensible à l’utilité qu’à la perfection, tint registre de son âme comme fait un commerçant de ses affaires. Par cela qu’il était plus ennemi de la folie qu’épris de la sagesse, il acquit à la longue des vertus au moyen de petites économies de vices, et avec cette prudence peu ambitieuse il s’enrichit moralement, comme un pauvre se fait un pécule en retranchant sur ses fantaisies et en laissant tomber tous les soirs une pièce de monnaie dans sa tirelire.

Au vieux précepte de Pythagore était réservé un honneur plus surprenant. L’an V de la république française, la secte des théophilanthropes, voulant établir une religion à peu près sans cérémonies et sans pratiques, n’imposa guère d’autre devoir à ses adeptes que l’examen de conscience. On sait que ce nouveau culte ne manqua pas de dévots à Paris et en province, qu’il se célébrait dans les églises alors vacantes, notamment à Saint-Sulpice, appelé le temple de la Victoire, et se célébrait non sans appareil. Les autels étaient ornés de fleurs et des fruits de la saison, on chantait à l’unisson des hymnes, les psaumes classiques de Jean-Baptiste Rousseau. Le ministre du culte ou plutôt l’orateur, tout ennemi qu’il fût des ornemens sacerdotaux, se prêtait à revêtir un costume particulier, l’ancienne robe des docteurs, dont on avait seulement changé la couleur noire et triste pour ne pas affliger les yeux par un sombre aspect et pour donner à la morale un air plus séduisant. Ainsi que l’a écrit un fervent adepte, « ce costume est simple et grave, mais, offrant l’heureux mélange du blanc, du rose et du bleu, il repose l’œil plus agréablement et annonce un moraliste aimable. » Ce prédicateur si délicieusement tricolore ne recommandait aux fidèles que deux pratiques également pythagoriciennes, le matin une invocation à la Divinité, d’une prolixité, il est vrai, peu pythagorique, puisque la formule, la même pour tous, renfermait une trentaine de lignes, et le soir un examen de conscience où l’on devait, comme il était dit dans ce nouvel Évangile, « mettre ses vices à la question. » Cet examen était la principale pièce de cette religion peu compliquée et le plus important article de ce fort simple rituel. Ainsi, par une bizarre fortune, le précepte des Vers d’or, mal compris pendant des siècles, puis recueilli par les plus grandes doctrines philosophiques, enfin jugé digne de devenir chrétien, parut encore la dernière ressource des candides novateurs, et, dans la ruine universelle des cultes, fut regardé comme l’unique et solide soutien de la morale publique et privée.

Nous avons jugé utile de faire toute l’histoire de ce précepte parce qu’il est beau en lui-même, parce qu’il a été défiguré, et pour montrer surtout par un exemple comment beaucoup d’autres prescriptions de la même école ont pu être dans le cours des âges dénaturées par de fausses interprétations. De tous les grands systèmes antiques, si le plus mal connu est celui de Pythagore, ce n’est pas, comme on le répète, que les documens nous manquent. Il est peu d’écrivains graves dans l’antiquité qui n’aient eu l’occasion de toucher à une doctrine entre toutes célèbre, et dont l’enseignement était non-seulement scientifique et moral, mais encore religieux et politique. Malheureusement ces documens, quand on les examine et qu’on les compare, paraissent quelquefois ou peu judicieux ou contradictoires. Ce qui nous fait craindre que notre ignorance ne soit sur certains points irrémédiable, c’est que les anciens eux-mêmes semblent avoir beaucoup ignoré. La vie extraordinaire de Pythagore, ses voyages mystérieux, ont été de bonne heure entourés de fables et de légendes, auxquelles l’école elle-même peut-être prêtait les mains pour entretenir de vénérables illusions. De plus, le maître n’ayant rien écrit, sa doctrine a été livrée aux hasards de la tradition orale, confiée à des initiés à qui le silence était imposé comme par une loi. Les symboles du poétique philosophe sont devenus à la longue des énigmes ; enfin, l’école étant une sorte d’église fermée, les anciens n’ont pu recueillir que les bruits du dehors et de vagues rumeurs propagées par l’admiration ou par la raillerie, si bien que la critique moderne, déconcertée entre ces témoignages disparates, est quelquefois tentée de prendre un parti extrême, de tout rejeter ou de tout admettre, quand elle ne flotte pas incertaine sans rien décider. Il importe donc dans un pareil système, plus que dans tout autre, de signaler les erreurs et les interprétations inconsidérées, si peu importantes qu’elles puissent paraître, et de dissiper certaines illusions consacrées par le temps. Elles sont nombreuses, ces illusions et ces erreurs, et, pour ne citer que quelques exemples, n’a-t-on pas cru que Pythagore, en imposant la loi du silence, avait ordonné à ses disciples de ne point prononcer une seule parole pendant deux, trois et même cinq ans ? Que de fables aussi ont couru sur la communauté des biens dans cette école, sur les abstinences ! Si, sur ces points et d’autres encore, on faisait peu à peu ce que nous venons de tenter sur un seul précepte, si on purgeait de tout ce qui lui est étranger la morale de Pythagore, elle nous paraîtrait sans doute plus raisonnable, plus pratique, plus profonde, car il n’est qu’un moyen, qu’un espoir de clarifier une doctrine obscurcie, c’est d’en éliminer ce qui la trouble et de lui faire déposer sa lie.


CONSTANT MARTHA

  1. De Senectute, chap. 11.
  2. Diodore, Fragmens, l. X, traduction de M. Hœfer.
  3. Entretiens, l. III, ch. 10.
  4. Vie d’Apollonius, l. Ier, ch. 7.
  5. Vie de Pythagore, p. 40, édit. Didot.
  6. Vie de Pythagore, ch. XXIX, p. 165.
  7. Πᾗ παρέϐην ; τί δ’ ἔρεξα ; τί μοι δέον οὐϰ ἐτελέσθη ;
  8. T. Ier, p. 1033.
  9. T. II, p. 135.
  10. De ira, l. III, ch. XXXVI.
  11. Commentaire sur les Vers d’or, ch. XIX.
  12. Épîtres, I, 18, 112.
  13. De natura deorum, l. III, ch. XXXVI.
  14. Il y avait bien chez les païens certains scrupules, mais d’une tout autre nature et qui ne portaient jamais que sur un manquement dans les pratiques extérieures de la religion. Voyez le curieux portrait fait par Plutarque dans son traité de la Superstition, ch. VII.
  15. L’Échelle du ciel, de l’Obéissance, ch. 4, traduit par Arnauld d’Andilly.
  16. Entretiens, l. II, ch. 18.