La Sirène (p. 35-36).


VII



QUELQUES coups frappés au volet éveillèrent Marthe. Trois coups légers, semblables au picotement du pic-vert sur un arbre, dans le lointain.

Dressée sur son séant, elle passa ses mains sur ses yeux, secoua ses cheveux épars, et s’aperçut qu’elle était nue. Elle caressa ses seins qui lui parurent plus lourds. La caresse l’abattit sur le lit moite. Elle ajusta le pyjama défait et ferma les yeux.

— C’est moi… il est l’heure, dit une voix. C’est la Lumière…

— Pas encore…

— Lève-toi… Les rêves du matin sont mauvais. Regarde… mes bras sont chargés de rayons dorés…

La Lumière, avenanle et fraîche, allait du lit obscur à la porte encadrée d’aurore. Sa chevelure phosphorescente laissait une poussière d’or sur son passage.

— Lève-toi… le soleil vient. On le voit poindre au bord du marécage.

— …

Marthe, le front sur l’oreiller, croyait dormir encore. Alors, la Lumière se pencha, souriante, et mêla ses cheveux à ceux de la jeune femme. Ce fut un rayonnement de feux blonds dans l’ombre.

D’un élan, Marthe prit à pleins bras la déesse, et la coucha sur les draps odorants.

Dans la chambre obscure, il n’y avait plus que ce corps nu et frémissant de femme blonde, irradiant sa lumière, éblouissant comme un brasier dans la nuit.

L’abri sous lequel Marthe prenait son bain matinal était masqué par un rideau de bananiers, au fond du jardin.

La jeune femme qui traversait en courant une allée encadrée d’hortensias, s’arrêta net, ramenant autour d’elle les pans éployés du peignoir.

L’Indien, venu on ne sait d’où, était devant elle et saluait en portant ses mains à son front.

— Encore… fit Marthe avec colère, va-t’en.

— …

— Que fais-tu ici ?

L’Indien balançait maladroitement ses bras énormes ; il expliquait la raison qui l’amenait.

Mais Marthe avait déjà disparu derrière les larges feuilles ovales des bananiers luisants qui reflétaient l’image verte du soleil.