Trois semaines d’herborisations en Corse/19

Montagnes de Vénaco. — 25 mai.


En séjournant à Corté, nous pensions pouvoir prendre un aperçu de la végétation des montagnes. Mais, fort peu au courant des mille difficultés que l’on éprouve à voyager en Corse, faute de services organisés et bien souvent même de routes commodes, nous nous trouvâmes obligés de renoncer à toute tentative pour aborder la région des hauts sommets.

La moindre excursion eût demandé beaucoup plus de temps que n’en comportait notre programme et au surplus on nous affirma que la neige était encore trop abondante pour permettre une ascension quelconque.

Le moment était bien en effet un peu prématuré pour l’observation des espèces alpines ; cependant il nous serait resté un regret de quitter l’intérieur de l’île sans emporter quelques souvenirs de ses belles et riches montagnes. Nous nous rendîmes donc à Vénaco, qui est un village situé à une dizaine de kilomètres au sud de Corté sur la route d’Ajaccio.

Immédiatement au-dessus et à l’ouest de cette localité, dont l’altitude ne dépasse pas 600 mètres, s’élève un chaînon très abrupt, détaché du mont Cardo, où les cimes principales oscillent entre 1,200 mètres et 1,600 mètres et sur lequel nous avions projeté d’herboriser pendant la journée du 25 jusqu’à la plus grande hauteur possible.

Malheureusement la santé de l’un de nous laissait à désirer depuis plusieurs jours et autant par crainte d’une nouvelle indisposition que pour ménager ses forces, le départ fut retardé au second train. À Vénaco, le déjeuner se fit encore quelque peu attendre, de sorte que nous entrâmes en campagne vers midi seulement, contraints par suite de ne pas nous lancer à l’aventure et de limiter strictement notre terrain de recherches.

Nous abordâmes la montagne par un raccourci très raide qui part de la route à Campo-Vecchio et monte dans des châtaigneraies où l’on peut cueillir :

Helianthemum guttatum forma plantagineum var. viscosum Nob.
Myosotis hispida Sch.
Lotus Conimbricensis Brot.
Bellis sylvestris Cyr.
Euphorbia semiperfoliata Viv.
Carex præcox var. insularis Christ.
Serapias Lingua L.
Mœnchia trinervia Clair.
Linaria Pelisseriana DC.
Aira caryophyllea L.
Ornithopus compressus L.
Hypericum humifusum subsp. australe var. minus R. et F.
Isoetes Duriæi Bory.
Cerastium quaternellum β. octandrum R. et F.

Le sentier ne tarde pas à tourner dans un maquis accidenté, assez clair. Là, parmi les Cistus Monspeliensis se montrent :

Potentilla hirta var. pedata Loret.
Trifolium Ligusticum DC.
— Cherleri L.
Erythræa maritima Pers.
Antirrhinum Orontium L.
Echium plantagineum L.
Alchemilla arvensis Scop.
Plantago Bellardi All.
Urospermum Dalechampii Desf.
Trifolium hirtum All.

Trifolium glomeratum L.
— agrarium var. majus Koch.
Ranunculus muricatus L.
Nardurus Lachenalii ϐ. aristatus Bois.
Glyceria spicata Guss.
Veronica Anagallis L.
Carex punctata Gaud.
— microcarpa Salzm.
— panicea L.
— leporina L.

Nous montons toujours et maintenant le maquis s’appauvrit au bord de larges fissures, le long d’énormes blocs de rochers, au bout de nombreux promontoires issus des sommets qui nous dominent. Dans les interstices des pierres viennent :

Crucianella angustifolia L.
Aristolochia rotunda L.
Trifolium Molinerii Balb.
Sedum dasyphyllum L.
Cheilanthes odora Sw.
Asplénium Trichomanes L.
— septentrionale Sw.

Parfois, entre de larges espaces dénudés, la terre végétale s’est accumulée à certains endroits abrités, dans un pli du sol où l’on a tenté de la retenir et d’y cultiver à grand peine de maigres moissons de froment. Au pied des rocs environnants croissent les espèces suivantes :

Tunica prolifera forma velutina R. et F.
Tyrimnus leucographus Cass.
Vicia hybrida L.

Asterolinum stellatum Lin.
Orobanche minor Sutt. (sur Vicia Iutea).
Melandryum macrocarpum Willk.
Lagurus ovatus L.
Geranium lucidum L.
Tunica saxifraga var. bicolor R. et F.
Linaria æquitriloba Dub.
Eufragia latifolia Gris.
Fumaria speciosa var. atrosanguinea Broch. et Neyr.
Rumex bucephalophorus L.
Ferula nodiflora L.
Stachys glutinosa L.
Limodorum abortivum var. abbreviatum G. G.
Cheilanthes odora Sw.

Vers 900 mètres, nous arrivons au bord d’un cirque sauvage au fond duquel descend en cascades le ruisseau qui passe à Vénaco.

Ici l’exploration devient dangereuse, car il n’y a plus de sentier et les pentes du précipice semblent de gigantesques éboulis. Pendant que l’un de nous s’arrête pour prendre un peu de repos, l’autre escalade une haute terrasse qui donne sur l’abîme et rapporte des rochers supérieurs Osyris alba L., Saxifraga Pedemontana All. et Cerastium stenopetatum Fenzl.

Nous éprouvons beaucoup de peine pour arriver jusqu’au ruisseau, cueillant çà et là :

Aristolochia rotunda L.
Montia minor var. chondrosperma Fenzl.
Cardamine silvatica var. umbrosa G. G.
Barbarea rupicola Mor.

Diplotaxis tenuifolia DC.
Mœhringia pentandra Gay.
Sedum dasyphyllum L.
Carex depauperata Good.
— distans L.
Digitalis purpurea var. tomentosa Webb.
Silene pauciflora DC.
Polygala dubia Bellynck.
Mercurialis perennis L.
Carex glauca var. serrulata Bal.

et Acer Monspessulanum var. microphyllum Boiss. à rameaux noueux étalés sur les pierres, analogue comme port, au Rhamnus saxatilis L.

Mais une fois sur la rive, il est aisé de gagner une belle châtaigneraie qui couvre tout le bas de la montagne et s’étend jusqu’aux maisons du village. On y trouve :

Polystichum Thelypteris Roth.
Circæa Lutetiana L.
Solanum Dulcamara var. tomentosa Koch.
Ornithopus perpusillus L.
— ebracteatus Brot
Orchis Provincialis Balb.
Carex remota L.
Cytinus Hypocistis L.
Astragalus glycyphyllos L.
Veronica officinalis L.

Nous avons vainement cherché parmi les parents l’hybride Ornithopus Martini Gir.

Il est à peine besoin de dire qu’après cette rude soirée de gymnastique ascensionnelle, le plus grand honneur fut fait au souper, dont le plat original était la traditionnelle « polenta », tout fraîchement préparé à notre intention. Toutefois, oserons-nous l’ajouter,

Veniam petimus…

ce produit de la Castagniccia ne nous a point paru un régal de gourmets, à l’encontre du savoureux « broccio » national.

La nuit tombait quand l’heure arriva de reprendre le chemin de la gare. Il fut pourtant possible encore de noter au passage :

Calepina Corvini Desv.
Juncus lampocarpus Ehrh.
Anthyllis Hermanniæ L.
Cardaria Draba Desv.
Anthemis arvensis var. incrassata Boiss.