Trois petits poèmes érotiques/La Foutromanie/06

Trois petits poèmes érotiquesImprimé exclusivement pour les membres de la Société des bibliophiles, les amis des lettres et des arts galants (p. 113-122).

CHANT QUATRIÈME



De l’Opéra j’ai chanté les prêtresses,
Les déités, les Vénus de Paris,
Ces doux objets, dont les badauds épris
Vont chèrement acheter les tendresses,
Aux plus vils cons mettant le plus haut prix.
J’ai célébré mesdames les duchesses,
De leurs amours les grossiers appétits,
Leurs grands talents, leurs prudentes largesses,
Et de tous temps leur goût pour les gros vits.
Ami lecteur, il faut changer la scène,
Dans les bordels transporter mes tréteaux,
Te crayonner les lubriques tableaux
Des bords heureux où serpente la Seine,
Des verts fouteurs les assidus travaux,
Les doux exploits de plus d’une sirène,
Qui dans ses bras épuisa maints ribauds.
Pâris, Carlier, maquerelles insignes,
Vous, Bokingston, Montigny, d’Héricourt,
Gourdan célèbre, où les gens les plus dignes
Vont déposer le rang, le manteau court,
Et sans contrainte immoler à l’amour,
Vous méritez qu’on vous immortalise.
Des préjugés méprisant la sottise,

Des inspecteurs bravant les yeux d’aspic,
Avec ardeur utiles au public,
Dans vos sérails vous sûtes rassembler
Le militaire, et la robe, et l’église,
L’épais bourgeois, le hautain financier,
Avec honneur vous fîtes le métier.
C’est de notre âge une des sept merveilles,
Que ces réduits où l’on peut, sans façons,
En un instant, se procurer des cons,
Pour peu d’argent, sans bayer aux corneilles
Sans soupirer, sans craindre les rigueurs
De ces beautés qui n’en veulent qu’aux cœurs !
Las, ennuyé d’avoir perdu mes veilles,
A des écrits ingrats et rebutants,
D’avoir ouï rabattre mes oreilles,
De cent propos tristes ou médisants.
Que faire, hélas ! en grande compagnie ?
Entendre encor gronder la calomnie ;
Voir une prude étendre ses filets,
Me rabâcher les sentiments parfaits
Et me conter la sotte litanie
Des froids amours, des plaisirs du Marais !
Dans les panneaux des paillardes dévotes,
Bien sot qui va secouer ses culottes !
Moi, je prétends m’amuser sans languir,
Et sans ennui me livrer au plaisir.
J’entre à mon aise à l’école publique,
Où le talent de foutre est en pratique,
Où, sans prélude, on peut soudain jouir.
Trente putains, de cette république
Forment l’ensemble, et d’un air de gaîté,

D’un ton riant, m’offrent la volupté.
Leur art exquis réveille la nature,
Leurs yeux lascifs distillent la luxure,
Leurs mouvements, leurs discours, leurs chansons
Du tendre amour sont autant de leçons.
Heureux sultan, promenant mes caprices,
Pressant des mains les tétons et les cuisses,
Sondant à nu des dédales d’appas,
Je fais mon choix, sans craindre que la belle
A mes désirs ne se montre rebelle,
Qu’elle soit lente ou froide en ses ébats.
Suis-je bientôt dégoûté de la blonde ?
Son travail mou produit-il la langueur ?
La brune accourt, ranime mon ardeur,
A coups de cul, de foutre elle m’inonde,
Et de mes os soutire la liqueur.
Son poil fourni, sa chair solide et bise
Dans tous mes sens portent la paillardise.
Après six coups, m’accusant de froideur,
De forts bouillons, un vin vieux et robuste,
La poule au riz me rendent la vigueur,
Et derechef, dans ce con presque juste,
Le nerf tendu, le port brillant, auguste,
Mon vit mutin entre et fout en vainqueur.
Or, à présent, vantez-moi ces princesses,
Dans le coït affectant les déesses,
Prenant des airs, des ébats langoureux,
Et tristement faisant des sots heureux !
Des dignités suivant le mécanisme,
Aller au cul leur semble putanisme ;
C’est déroger que de foutre à grands coups,

De remuer lorsque l’on est dessous !
Foin du métier, tandis que je m’épuise,
Si, câlinant, par air ou par bêtise,
Dans nos travaux, une froide beauté,
Pompant les sucs de ma couille fertile,
Fout sans ardeur, comme par charité.
J’aime en amour le train de la canaille,
Et point les tons des gens de qualité.
Lorsque je fous, il faut qu’un con travaille,
Qu’il me seconde, et qu’avec volupté,
Dans son allure il soit leste et facile.
Car de lasser ses jarrets et ses reins,
A dérouiller le con d’une robine,
Qui ne demande à Dieu tous les matins
Que le bonheur de presser des engins,
Et cependant contrefait l’enfantine,
Quand on la fout à triple carillon,
C’est se plonger dans l’abîme d’un con.
Vous la verriez défendre son téton,
Comme à quinze ans une jeune pucelle,
Vous rebuter pour une bagatelle,
Pour un baiser, pour un mot polisson,
En minaudant, trancher de la cruelle.
Mais offrez-lui quelque gros saucisson,
Un vit de bronze, elle aime ce lardon :
Elle vous va livrer sa citadelle,
Les deux battants pour vous seront ouverts,
Et vous pourrez sur la froide haridelle
Faire expirer vos caprices divers.
A dire vrai, vous aurez à combattre
Tous les valets, qui la foutent par quatre,

Et qui, depuis environ dix-neuf ans,
Tous les neuf mois lui flanquent des enfants.
Encore, avant de vous ouvrir son gîte,
Son large con, écoutez l’hypocrite
Vous raconter ses grands traits de vertu,
Les noms sans fin d’amants mis au rebut
Qui vainement ont soupiré près d’elle.
A son époux, dans tous les temps fidèle,
C’est pour vous seul qu’elle ose le tromper.
Guettez deux jours la prude tourterelle,
En d’autres bras vous saurez l’attraper.
C’est l’aumônier, le cocher ou le suisse,
Dont elle exige un fatigant service,
Des coups sans nombre, un lourd emploi du temps,
Que, tour à tour, elle met sur les dents.
Si, par destin, on doit avec la femme
Être trompé dans la plus vive flamme,
J’aime encor mieux en courir le hasard
Dans un bordel, où je compte sur l’art,
Sur le talent d’une jeune héroïne,
Qui, m’amusant et calmant mon désir,
A du moins l’air de goûter du plaisir.
Au sentiment mon âme libertine
Prétend très-peu, quand je fous la putain,
Et, de son bord, la lubrique drôlesse
N’ignore pas que mon transport est feint,
Que dans l’essor de ma fausse tendresse
A décharger vise toute l’adresse.
Aussi, bornant ses souples mouvements
A procurer du plaisir à mes sens,
Par la vitesse, en amour décisive,

Dans nos ébats elle se montre active,
Forge cent tours, s’agite du croupion,
Me fait goûter tous les plaisirs du con ;
Sur mon coccyx appuyant ses deux jambes,
Étroitement sur son sein me pressant,
Tirant parti d’attitudes ingambes,
Suivant le feu de son tempérament,
A gros bouillons dix fois son foutre coule ;
Son œil mourant exprime ses plaisirs.
Ainsi, passant de désirs en désirs,
Dans nos exploits bientôt la nuit s’écoule,
Et le soleil rend à peine le jour,
Qu’outre-passant les colonnes d’Hercule,
Mon vit monté de plus belle éjacule,
Prêt à mourir dans le temple d’amour.
A mes ardeurs, la nature commande,
Dans leur excès elle arrête mes feux,
Mon arc fléchit, il mollit, je débande,
Un doux sommeil vient me fermer les yeux.
Entre les bras de ma nymphe pâmée,
Entortillé d’un air voluptueux,
Je goûte en paix les présents de Morphée :
Mon corps refait n’est que plus vigoureux.
Au point du jour, la prudente matrone
Donne ses soins à notre déjeuné,
Et de l’amour nous ne quittons le trône
Qu’après avoir derechef engaîné.
Dieux ! quels plaisirs ! que la vie est aimable,
Lorsque l’on fout, lorsque l’on tient un con !
Lorsque du lit on se rend à la table,
Et qu’on y vide un précieux flacon !

Près du bon vin et de la bonne chère,
Coulez vos jours, foutromanes prudents,
Bacchus, d’amour est le soutien, le père,
Son jus divin peut beaucoup sur les sens ;
Retracez-vous ces aimables bacchantes,
Pleines de vin, de luxure et d’ardeurs,
Cours calmer leurs passions brûlantes,
La coupe en main, avec de bons fouteurs.
Tous les héros, tous les dieux de la Fable
Furent amis du lit et de la table ;
Jupin lui-même, avant de prendre un con,
Court s’enivrer du nectar d’ambroisie :
Des dieux le maître à la pauvre Junon
Gratterait mal les sources de la vie,
Le ventre à jeun, raterait sa guenon.
Dans ses travaux, le valeureux Alcide,
L’estomac plein, cent monstres combattit ;
Le beau Pâris, berger faible et timide,
Après soupé, son Hélène ravit.
Au nez des dieux en héros la foutit ;
Et dans les bras de Vénus exigeante,
Le vit pendant, Adonis n’expira
Que pour avoir raté sa pauvre amante,
Faute d’avoir déjeuné ce jour-là.
De cet affront la déesse en colère,
Branlant son con, sur ses grands dieux jura
De ne jamais recevoir à Cythère
Aucun amant trop faible d’estomac.
Dans son dépit elle quitta la Grèce,
Ces lieux flétris, dignes de ses froideurs :
Dans l’Allemagne apportant sa tendresse,

Elle y chercha des ribauds bons buveurs.
Ah ! je vous tiens, mesdames les Germaines !
De votre amour pour les énormes vits,
Pour les fouteurs, je fus témoin jadis :
Point parmi vous n’existent d’inhumaines !
Aux vits bandants livrant soudain vos cons,
Vous vous rendez à de bonnes raisons.
Languir n’est pas dans votre caractère :
Vous ignorez l’art fâcheux de déplaire
Par des refus, ennemis des plaisirs,
De consumer le temps en vains soupirs,
Allant au fait, vous voulez qu’on enconne ;
Car, patiner est un jeu de niais,
Pour les trembleurs et pour les vits mollets.
J’aimais à voir une jeune baronne
A ses fouteurs, tous nobles et choisis,
Abandonner sa gentille personne,
Et froidement fatiguer tous leurs vits.
Aux grands honneurs voilà d’excellents titres,
Ce n’est point là dégrader ses quartiers ;
On peut après entrer dans tous chapitres,
Même en celui des braves cordeliers,
Et s’y couvrir de superbes lauriers.
Rien de meilleur, pour un gros vit qui bande,
Pour un ribaud, qu’une saine Allemande.
Dans son pertuis, qu’il entre sans frayeur,
Et s’il parvient à la mettre en humeur,
A l’échauffer, à la rendre friande,
La belle enfin, déposant sa hauteur
Et déployant ses solides attraits,
Lui fournira des plaisirs sans regrets.

Des bords fatals de la chaude Italie,
Des cons latins ne me parlez jamais.
Lieux empestés, séjour de perfidie,
De vos dangers j’éprouvai tous les traits.
Le vit bandant, la bourse bien garnie,
J’étais venu parcourir vos guérets ;
Sans deux écus, et la couille pourrie,
Je suis sorti de vos adroits filets.
Serrant le cul, en passant à Florence,
J’avais fraudé les taxes du pays :
Ingrat dans Rome à plus d’une éminence,
J’avais bravé les Priapes bénis
Et méprisé la facile assistance
De ces vieux cons, aux étrangers permis,
Qu’à trois ou quatre on fout par convenance.
Naples restait[1] : ce fut là mon écueil :
J’y fus pincé par un con de princesse.
Elle était belle, et du premier coup d’œil
Dans tout mon corps elle porta l’ivresse,
Le feu brûlant qu’on appelle tendresse.
Je l’adorais, elle s’en prévalut,
Mit à profit mon extrême faiblesse,
Tira de moi tout ce qu’elle voulut,
Prit mon argent, me donna la vérole ;
Mais d’un tel coin, si complet, si cossu,
Que dans trois mois la vaine casserole
Ne put me rendre un embonpoint perdu.
Mal circoncis par la pierre infernale,
On eut recours au tranchant bistouri,

Et, sous les murs de la maison papale,
On m’enleva la moitié de mon vit.
Ainsi, jadis les funestes Latines,
Sales beautés, infectes libertines,
Aux Africains, aux soldats d’Annibal,
Pour seul cadeau donnèrent le gros mal,
Dont il advint que le vainqueur de Rome
Fut hors d’état de combattre en grand homme.
Çà ! mes amis, puisqu’un grand général
N’en put sortir sans quelque condylome,
Sans noir virus, fuyez l’endroit fatal
Où la vérole autrefois prit sa source.
Napolitains, desséchez-moi la bourse ;
Mais, en m’offrant la douce volupté,
N’infectez pas ma robuste santé
De tous les maux que procure Cythère.
Vivent, ma foi ! la France, l’Angleterre
Et la Hollande ! Aux bagnaux, aux bordels,
Aux musicos, on peut foutre en tonnerre,
Sans y gagner les maux longs et cruels,
Tant redoutés des lubriques mortels,
Fatal fléau qui désole la terre !

  1. Le proverbe italien dit ; Veder Napoli, poi morir.