Trois petits poèmes érotiques/La Foutriade/04

Trois petits poèmes érotiquesImprimé exclusivement pour les membres de la Société des bibliophiles, les amis des lettres et des arts galants (p. 16-20).

CHANT QUATRIÈME


SOMMAIRE
Réflexions de l’auteur. — La vérole est dans l’île. — Un chancre dévore la verge de Viferme. — Foussicoup et Bandalaise ont des bubons ou poulains. — La langue de Percecu est rongée par un chancre. — Vimollet a un ulcère au doigt. — La gonhorrée a grossi les couilles de Onzepouce. — Lamentations des hommes. — Peinture d’autres maux qu’ils souffrent.


O rigoureux destin ! un cuisant repentir
Doit donc suivre toujours un moment de plaisir.
Eh quoi ! l’homme ne peut goûter de jouissance
Sans qu’à des maux cruels l’homme donne naissance.
O Dieu, qui le formât, que n’as-tu donc permis
Que jamais aucun con n’infectât son pénis,
Qu’il ignorât ces maux qui d’une course agile
Traînent vers le tombeau son squelette mobile ! ! !
Malheureux habitants de ces bords empestés !
C’en est fait : jusqu’aux dents, tous, vous êtes gâtés.
Vous tombez de langueur ; et vos pines mollettes
Sous des amas de pus cachent leurs jaunes têtes.
Dix jours de jouissances et de plaisirs charnels
Ont changé ces plaisirs en des tourments cruels.
Vous pleurez maintenant. L’écho de vos rivages
Vous entend regretter vos défunts pucelages.

Mais ces tristes regrets, hélas ! sont superflus :
Qui perd ce chaste bien ne le retrouve plus !

Heureux ceux qui pour foutre une publique motte
Revêtent leurs engins d’une anglaise capotte !
Ceux-là, tout en goûtant des plaisirs enchanteurs,
Sont certains d’échapper aux maux de nos fouteurs.

Grands dieu ! comment décrire un spectacle semblable.
Puis-je, encor jeune et sain, puis-je en être capable ?…
Que dis-je ? Eh ! n’ai-je pas ma muse pour soutien.
Je puis donc peindre aussi le mal vénérien.
Oui, ma muse, déjà je cède à ton empire,
Déjà ton divin souffle et m’échauffe et m’inspire ;
Déjà même Esculape accourant à ma voix
M’explique et me décrit tous les maux que je vois.

Viferme, Roidengin, Foussicoup, Onzepouce,
Fierfouteur, Couilleaucu, Vibandant, Donnedousse,
Bandalaise, Longvit, enfin tous les humains
Dont les vits ont naguère enfoncé des vagins,

Tous ont extrait des cons un virus morbifique.
O ciel ! c’est le virus du mal syphilitique.
Il coule en globes verts, opaques et muqueux
Des vits qu’ont amollis des tourments trop affreux.
L’urine en jaillit-elle ? Aussitôt ces broquettes
D’une ardente cuisson sentent brûler leurs têtes.
Soudain, tous ces engins, tous ces tubes charneux
Qui lançaient autrefois le foutre jusqu’aux cieux,
Se courbent. Un cordon au même instant les serre,

Et les tient humblement prosternés vers la terre.
Le mal en est accru. C’est peu ; fornicateurs !
Avec la syphilis naissent mille douleurs :

Regardez votre roi se gratter la flamberge :
Un prurit violent a fait rougir sa verge.
Mais un chancre paraît. Il s’étale ; il blanchit ;
Il creuse un vaste trou sur la tête du vit.
Alors qu’il évacue une liqueur gluante,
Ou plutôt une humeur vireuse et purulente.
Le prépuce, ô terreur ! le prépuce doré
Vers la moitié du gland déjà s’est retiré,
Et serrant sans pitié la moitié qu’il renferme
Dans les plus grands tourments, précipite Viferme.

Non moins mal partagé, le pauvre Foussicoup
Voit deux bubons enfler et son aine et son cou.
De cuisantes douleurs chaque bubons l’accable,
Le virus s’en échappe en fleuve intarissable,
Et coulant sur son corps y pullule bientôt
Des boutons où le pus établit un dépôt.
C’est peu : croyant sans doute apaiser sa souffrance,
Il saisit le bubon né non loin de sa panse.
Il le presse, et le pus frappant ses cristallins
Aveugle pour jamais ce briseur de vagins.

Bandalaise l’a vu. Quelle crainte l’agite ?
Vingt fois il fait rouler son scintillant orbite.
Il regarde ; il distingue. Eh bien ! il doute encor
Si, grâce à ses poulains, il n’a pas un tel sort.

Le sale Percecu, ce lécheur de matrice,

Lui surtout, a gagné plus que la chaudepisse.
Oui, lorsqu’il s’abreuvait au fond d’un utérus,
L’imprudent s’enivrait d’un empesté virus.
Il en baignait sa langue, et sa langue puante
Boit maintenant le jus d’une tumeur rongeante :
Un chancre la dévore ?… Eh ! oui, voilà, cochon !
Le prix qu’a mérité celui qui lèche un con.

Et toi, toi Vimollet dont le doigt intrépide
A titillé vingt fois une vulve fétide,
Malheureux ! tu n’as point avec impunité
Éprouvé ce plaisir dans un con infecté :
Ton doigt s’est inondé d’une humeur virulente :
Un ulcère y nourrit sa tige dévorante…
Mais qu’entends-je ! quels cris répètent les échos ?
Onzepouce, c’est toi qui te plains de tes maux.
Hélas ! pauvre Onzepouce, une brûlante fièvre
Te mine et fait errer le trépas sur ta lèvre.
Ta verge est tout en sang, et pour comble d’horreur,
Tes couillons au quintuple ont doublé leur grosseur.
Tu marches. Tel jadis Denis porta sa tête,
Tu portes dans tes mains ces pendants de broquette ;
Et cet enfant qui prit sa culotte pour pot
Écarte moins que toi l’un et l’autre gigot.

Le peuple cependant étendu sur le sable,
Élève vers le ciel une voix lamentable.
C’est en vain. Tout est sourd aux cris de nos fouteurs.
Gervais[1] que n’es-tu là pour calmer leurs douleurs !

Les uns n’ont plus de poils, n’ont plus de chevelure.
Leurs os sont attaqués d’une carie impure.
Elle en ronge la moelle ; elle les ramollit,
Un sanieux liquide en globes en jaillit.
A ces tristes mortels vainement on s’adresse :
Ils ont perdu l’ouïe en perdant la sagesse.
D’autres sont tout couverts de pustuleux boutons,
Tels que crêtes de coqs, choux-fleurs et champignons.
D’autres sont attaqués de rongeantes fistules
Dans le nez, à la gorge, ainsi qu’aux testicules.
Enfin sur tous ces corps les yeux épouvantés
Ne voient jaillir que pus de cent trous infectés.
Funestes résultats de toute gonhorrée
Qui s’est, faute de soins, trop bien invétérée !



  1. Giraudeau de Saint-Gervais.