Traité élémentaire de la peinture/331

Traduction par Roland Fréart de Chambray.
Texte établi par Jean-François DetervilleDeterville, Libraire (p. 272-273).


CHAPITRE CCCXXXI.

De la fumée.

La fumée est plus transparente et d’une couleur moins forte aux extrémités de ses masses, qu’au centre et vers le milieu. La fumée s’élève avec d’autant plus de détours, et forme d’autant plus de tourbillons embarrassés les uns dans les autres, que le vent qui l’agite est plus fort et plus violent. La fumée prend autant de coloris différens, qu’il y a de causes différentes qui la produisent. La fumée ne fait jamais d’ombres terminées et tranchées, et ses extrémités s’affoiblissent peu à peu, et deviennent insensibles à mesure qu’elles s’éloignent de la cause qui l’a produite. Les objets qui sont derrière la fumée sont d’autant moins sensibles, que la fumée est plus épaisse. La fumée est plus blanche et plus épaisse quand elle est près de son principe, et elle paroît bleuâtre et azurée quand elle en est éloignée : le feu paroîtra d’autant plus obscur, qu’il se trouvera plus de fumée entre l’œil et lui. Dans les lieux où la fumée est plus éloignée, les corps paroissent moins offusqués ; elle fait que le paysage est tout confus, comme durant un brouillard, parmi lequel on voit en divers lieux des fumées mêlées de flammes, qui paroissent dans les masses les plus épaisses de la fumée. Quand il y a des fumées ainsi répandues dans la campagne, le pied des hautes montagnes paroît bien moins que la cime ; ce qui arrive aussi quand le brouillard est bas, et qu’il tombe.