Traité élémentaire de la peinture/327

Traduction par Roland Fréart de Chambray.
Texte établi par Jean-François DetervilleDeterville, Libraire (p. 268-270).


CHAPITRE CCCXXVII.

Des ombres qui se remarquent dans les corps qu’on voit de loin.

Le col dans l’homme, ou tel autre corps que l’on voudra, qui sera élevé à-plomb, et aura sur soi quelque partie en saillie, paroîtra plus obscur que la face perpendiculaire de la partie qui est en saillie, et ce corps saillant sera plus éclairé lorsqu’il recevra une plus grande quantité de lumière. Par exemple, dans la figure suivante le point A n’est éclairé d’aucun endroit du ciel F K, le point B est éclairé de la partie H K du ciel, le point C est éclairé de la partie G K, et le point D est éclairé de la partie F K toute entière ; c’est-à-dire, de presque la moitié du ciel qui éclaire notre hémisphère. Ainsi


dans cette figure l’estomac tout seul est autant éclairé que le front, le nez et le menton ensemble. Il faut aussi remarquer que les visages reçoivent autant d’ombres différentes, que les distances dans lesquelles on les voit sont différentes ; il n’y a que les ombres des orbites des yeux, et celles de quelques autres parties semblables, qui sont toujours fortes ; et dans une grande distance le visage prend une demi-teinte d’ombre, et paroît obscur, parce que les lumières et les ombres qu’il a, quoiqu’elles ne soient pas les mêmes dans ses différentes parties, elles s’affoiblissent toutes dans un grand éloignement, et se confondent pour ne faire qu’une demi-teinte d’ombre : c’est aussi l’éloignement qui fait que les arbres et les autres corps paroissent plus obscurs qu’ils ne sont en effet ; et cette obscurité les rend plus marqués et plus sensibles à l’œil, en leur donnant une couleur qui tire sur l’azur, sur-tout dans les parties ombrées ; car dans celles qui sont éclairées, la variété des couleurs se conserve davantage dans l’éloignement.