Traité élémentaire de la peinture/287

Traduction par Roland Fréart de Chambray.
Texte établi par Jean-François DetervilleDeterville, Libraire (p. 232-233).


CHAPITRE CCLXXXVII.

Ce qu’il faut faire pour que les visages aient du relief et de la grâce.

Dans les rues qui sont tournées au couchant, le soleil étant à son midi, et les murailles des maisons élevées à telle hauteur, que celles qui sont tournées au soleil ne réfléchissent point la lumière sur les parties des corps, lesquelles sont dans l’ombre, si l’air n’est point trop éclairé, on trouve la disposition la plus avantageuse pour donner du relief et de la grâce aux figures : car on verra les deux côtés des visages participer à l’ombre des murs qui leur sont opposés ; et ainsi les carnes du nez et toute la face tournée à l’occident sera éclairée, et l’œil qu’on suppose au bout de la rue placé au milieu, verra ce visage bien éclairé dans toutes les parties qu’il a devant lui, et les côtés vers les murs couverts d’ombres ; et ce qui donnera de la grâce, c’est que ces ombres ne sont point tranchées d’une manière dure et sèche, mais noyées insensiblement. La raison de ceci est que la lumière répandue par-tout dans l’air, vient frapper le pavé de la rue, d’où étant réfléchie vers les parties

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de la tête qui sont dans l’ombre, elle les teint légèrement de quelque lumière, et la grande lumière qui est répandue sur le bord des toits et au bout de la rue, éclaire presque jusqu’à la naissance des ombres qui sont sous la face, et elle diminue les ombres par degrés, et augmente peu à peu la clarté, jusqu’à ce qu’elle soit arrivée sur le menton avec une ombre insensible de tous côtés. Par exemple, si cette lumière étoit A E, elle voit la ligne F E de la lumière qui éclaire jusques sous le nez, et la ligne C F éclaire seulement jusques sous la lèvre, et la ligne A H s’étend



sous le menton, et en ce lieu-là le nez est fort éclairé, parce qu’il est vu de toute la lumière A B C D E.