Traité élémentaire de la peinture/279

Traduction par Roland Fréart de Chambray.
Texte établi par Jean-François DetervilleDeterville, Libraire (p. 225-226).


CHAPITRE CCLXXIX.

Comme on doit donner le jour aux figures.

Le jour doit être donné d’une manière convenable au lieu naturel où vous feignez qu’est votre figure, c’est-à-dire, que si le soleil l’éclaire, il lui faut donner des ombres fortes et des lumières très-étendues, et que l’ombre de tous les corps d’alentour soit marquée sur le terrein ; mais si la figure est dans un air sombre, mettez peu de différence entre la partie qui est éclairée et celle qui est dans l’ombre, et qu’il n’y ait aucune ombre aux pieds de la figure. Si la figure est dans un logis, les lumières et les ombres seront fort tranchées, et la projection de son ombre sera marquée sur le plan ; mais si vous feignez que la fenêtre ait un chassis, et que les murailles soient blanches, il faudra mettre peu de différence entre les ombres et les lumières, et si elle prend sa lumière du feu, faites les lumières rougeâtres et vives, et les ombres fort obscures, et la projection des ombres contre les murs et sur le pavé fort terminée, et que les ombres croissent à proportion qu’elles s’éloignent du corps. Et si un côté de la figure étoit éclairé de l’air et l’autre côté du feu, faites le côté de l’air plus clair, et celui du feu tirant sur le rouge presque de couleur de feu : faites, en général, que les figures que vous peignez soient éclairées d’un grand jour qui vienne d’en haut, principalement lorsque vous ferez quelque portrait ; parce que les personnes que vous voyez dans les rues reçoivent toutes leur jour d’en haut ; et sachez qu’il n’y a point d’homme dont vous connoissiez si bien les traits et le visage, que vous n’eussiez peine à le reconnoître si on lui donnoit la lumière par-dessous.