Traité élémentaire de la peinture/275

Traduction par Roland Fréart de Chambray.
Texte établi par Jean-François DetervilleDeterville, Libraire (p. 221-223).


CHAPITRE CCLXXV.

De l’usage qu’on doit faire d’un miroir en peignant.

Quand vous voulez voir si votre tableau pris tout ensemble ressemble aux choses que vous avez imitées d’après le naturel, prenez un miroir, et présentez-le à l’objet que vous avez imité, puis comparez à votre peinture l’image qui paroît dans le miroir, considérez-les attentivement, et comparez-les ensemble ; vous voyez sur un miroir plat des représentations qui paroissent avoir du relief : la peinture fait la même chose ; la peinture n’est qu’une simple superficie, et le miroir de même ; le miroir et la peinture font la même représentation des choses environnées d’ombres et de lumières, et l’une et l’autre paroît fort éloignée au-delà de sa superficie, du miroir et de la toile ; et puisque vous reconnoissez que le miroir, par le moyen des traits et des ombres, vous fait paroître les choses comme si elles avoient du relief, il est certain que si vous savez employer selon les règles de l’art les couleurs dont les lumières et les ombres ont plus de force que celle d’un miroir, votre peinture paroîtra aussi une chose naturelle, représentée dans un grand miroir : votre Maître (qui est ce miroir) vous montrera le clair et l’obscur de quelque objet que ce soit, et parmi vos couleurs il y en a de plus claires que les parties les plus éclairées de votre modèle, et pareillement il y en a d’autres plus obscures que les ombres les plus fortes du même modèle : enfin, parce que les deux yeux voient davantage de l’objet, et l’environnent, lorsqu’il est moindre que la distance d’un œil à l’autre, vous ferez vos peintures semblables aux représentations de ce miroir, lorsqu’on le regarde avec un œil seulement.