Traité élémentaire de la peinture/274

Traduction par Roland Fréart de Chambray.
Texte établi par Jean-François DetervilleDeterville, Libraire (p. 220-221).


CHAPITRE CCLXXIV.

Comment un Peintre doit examiner lui-même son propre ouvrage, et en porter son jugement.

Il est certain qu’on remarque mieux les fautes d’autrui que les siennes propres ; c’est pourquoi un Peintre doit commencer par se rendre habile dans la perspective, puis acquérir une connoissance parfaite des mesures du corps humain : il doit être encore bon architecte, pour le moins en ce qui concerne la régularité extérieure d’un édifice et de toutes ses parties. Pour ce qui est des choses dont il n’a pas la pratique, il ne faut point qu’il néglige d’aller voir et dessiner d’après le naturel, et qu’il ait soin en travaillant d’avoir toujours auprès de lui un miroir plat, et de considérer souvent son ouvrage dans ce miroir, qui le lui représentera tout à rebours, comme s’il étoit de la main d’un autre maître ; par ce moyen il pourra bien mieux remarquer ses fautes : encore il sera fort utile de quitter souvent son travail, et de s’aller divertir un peu, parce qu’au retour il aura l’esprit plus libre ; au contraire, une application trop grande et trop assidue appesantit l’esprit, et lui fait faire de grosses fautes.