Traité élémentaire de la peinture/165

Traduction par Roland Fréart de Chambray.
Texte établi par Jean-François DetervilleDeterville, Libraire (p. 140-142).


CHAPITRE CLXV.

De la perspective aérienne.

Il y a une espèce de perspective, qu’on nomme aérienne, qui par les divers degrés des teintes de l’air, peut faire connoître la différence des éloignemens de divers objets,

3.

quoiqu’ils soient tous sur une même ligne ; par exemple, si on voit au delà de quelque mur plusieurs édifices, qui paroissent tous d’une pareille grandeur au-delà du mur sur une même ligne, et que vous ayez dessein de les peindre, ensorte qu’il semble à l’œil que l’un est plus loin que l’autre, il faudra représenter un air un peu plus épais qu’il n’est ordinairement ; car on sait bien que dans cette disposition d’air les choses les plus éloignées paroissent azurées, à cause de la grande quantité d’air qui est entre l’œil et l’objet ; cela se remarque sur-tout aux montagnes. Ceci une fois supposé, vous ferez l’édifice qui paroîtra le premier au-delà de ce mur, de sa couleur naturelle ; celui d’après, qui sera un peu plus éloigné, il le faudra profiler plus légèrement, et lui donner une teinte un peu plus azurée ; et à l’autre ensuite, que vous feindrez être encore plus loin, donnez-lui à proportion une teinte encore plus azurée que celle des autres ; et si vous voulez qu’un autre paroisse cinq fois plus loin, faites qu’il ait cinq degrés de plus de la même teinte azurée, et par cette règle, vous ferez que les édifices qui sont sur la même ligne paroîtront égaux en grandeur, et néanmoins on connoîtra fort bien la grandeur et l’éloignement de chacun en particulier.