Traité élémentaire de la peinture/098

Traduction par Roland Fréart de Chambray.
Texte établi par Jean-François DetervilleDeterville, Libraire (p. 83-84).


CHAPITRE XCVIII.

Qu’il faut, dans les histoires, éviter la ressemblance des visages, et diversifier les airs de tête.

C’est un défaut ordinaire aux Peintres Italiens, de mettre dans leurs tableaux des figures entières d’empereurs, imitées de plusieurs statues antiques, ou du moins de donner à leurs figures les airs de tête qu’on remarque dans les antiques. Pour éviter ce défaut, ne répétez jamais une même chose, et ne donnez point le même air de tête à deux figures dans un tableau, et en général, plus vous aurez soin de varier votre dessin, en plaçant ce qui est laid auprès de ce qui est beau, un vieillard auprès d’un jeune homme, un homme fort et robuste auprès d’un autre qui est foible, plus votre tableau sera agréable. Mais il arrive souvent qu’un Peintre qui aura dessiné quelque chose en fait servir jusqu’au moindre trait ; en quoi il se trompe, car la plupart du temps, les membres de l’animal qu’il a dessiné font des mouvemens peu conformes au sujet et à l’action qu’il représente dans un tableau : ainsi, après avoir contourné quelque partie avec beaucoup de justesse, et l’avoir fini avec plaisir, il a le chagrin de se voir contraint de l’effacer pour en mettre un autre à la place.