Traité élémentaire de la peinture/045

Traduction par Roland Fréart de Chambray.
Texte établi par Jean-François DetervilleDeterville, Libraire (p. 31-32).


CHAPITRE XLV.

Ce qu’un Peintre doit faire pour ne se point tromper dans le choix qu’il fait d’un modèle.

Il faut premièrement qu’un Peintre dessine sa figure sur le modèle d’un corps naturel, dont la proportion soit généralement reconnue pour belle ; ensuite il se fera mesurer lui-même, pour voir en quelle partie de sa personne il se trouvera différent de son modèle, et combien cette différence est grande ; et quand il l’aura une fois observé, il doit éviter avec soin dans ses figures, les défauts qu’il aura remarqués en sa personne. Un Peintre ne sauroit faire trop d’attention à ce que je dis ; car, comme il n’y a point d’objet qui nous soit plus présent ni plus uni que notre corps, les défauts qui s’y rencontrent ne nous paroissent pas être des défauts, parce que nous sommes accoutumés à les voir, souvent même ils nous plaisent, et notre ame prend plaisir à voir des choses qui ressemblent au corps qu’elle anime. C’est peut-être pour cette raison qu’il n’y a point de femme, quelque mal faite qu’elle soit, qui ne trouve quelqu’un qui la recherche.