Traité élémentaire de chimie/Partie 3/Introduction

TROISIÈME PARTIE.


Description des appareils & des opérations manuelles de la Chimie.


INTRODUCTION.

Ce n’est pas sans dessein que je ne me suis pas étendu davantage dans les deux premières parties de cet Ouvrage, sur les opérations manuelles de la Chimie. J’ai reconnu, d’après ma propre expérience, que des descriptions minutieuses, des détails de procédés & des explications de planches, figuroient mal dans un ouvrage de raisonnement ; qu’elles interrompoient la marche des idées, & qu’elles rendoient la lecture de l’ouvrage fastidieuse & difficile.

D’un autre côté, si je m’en fusse tenu aux simples descriptions sommaires que j’ai données jusqu’ici, les commençans n’auroient pu prendredans cet Ouvrage que des idées très-vagues de la Chimie-pratique. Des opérations qu’il leur auroit été impossible de répéter, ne leur auroient inspiré ni confiance ni intérêt : ils n’auroient pas même eu la ressource de chercher dans d’autres ouvrages de quoi suppléer à ce qui auroit manqué à celui-ci. Indépendamment de ce qu’il n’en existe aucun où les expériences modernes se trouvent décrites avec assez d’étendue, il leur auroit été impossible de recourir à des traités où les idées n’auroient point été présentées dans le même ordre, où l'on auroit pas parlé le même langage ; en sorte que le but d’utilité que je me suis proposé n’auroit pas été rempli.

J’ai pris, d’après ces réflexions, la résolution de réserver pour une troisième partie la description sommaire de tous les appareils & de toutes les opérations manuelles qui ont rapport à la Chimie élémentaire. J’ai préféré de placer ce traité particulier à la fin plutôt qu’au commencement de cet Ouvrage, parce qu’il m’auroit été impossible de n’y pas supposer des connoissances que les commençans ne peuvent avoir, & qu’ils ne peuvent acquérir que par la lecture de l’Ouvrage même. Toute cette troisième partie doit être en quelque façon considérée comme l’explication des figures qu’on a coutume de rejetterà la fin des Mémoires, pour ne point en couper le texte par des descriptions trop étendues.

Quelque soin que j’aye pris pour mettre de la clarté & de la méthode dans cette partie de mon travail, & pour n’omettre la description d’aucun appareil essentiel, je suis loin de prétendre que ceux qui veulent prendre des connoissances exactes en Chimie, puissent se dispenser de suivre des cours, de fréquenter les laboratoires & de se familiariser avec les instrumens qu’on y emploie. Nihil est in intellectu quod non prius fuerit in sensu : grande & importante vérité que ne doivent jamais oublier ceux qui apprennent comme ceux qui enseignent, & que le célèbre Rouelle avoit fait tracer en gros caractères dans le lieu le plus apparent de son laboratoire.

Les opérations chimiques se divisent naturellement en plusieurs classes, suivant l’objet qu’elles se proposent de remplir : les unes peuvent être regardées comme purement mécaniques ; telle est la détermination du poids des corps, la mesure de leur volume, la trituration, la porphyrisation, le tamisage, le lavage, la filtration : les autres sont des opérations véritablement chimiques, parce qu’elles emploient des forces & des agens chimiques, telles que la dissolution, la fusion, &c. Enfin les unesont pour objet de séparer les principes des corps, les autres de les réunir ; souvent même elles ont ce double but, & il n’est pas rare que dans une même opération, comme dans la combustion, par exemple, il y ait à la fois décomposition & recomposition.

Sans adopter particulièrement aucune de ces divisions, auxquelles il seroit difficile de s’astreindre, du moins d’une manière rigoureuse, je vais présenter le détail des opérations chimiques, dans l’ordre qui m’a paru le plus propre à en faciliter l’intelligence. J’insisterai particulièrement sur les appareils relatifs à la Chimie moderne, parce qu’ils sont encore peu connus, même de ceux qui font une étude particulière de cette science, je pourrois presque dire, d’une partie de ceux qui la professent.