Thresor de la langue françoise/Abbandonner

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Abbandonner, act. acut. Est un verbe faict de Abbandon, et signifie mettre à bandon, c’est à dire, au plaisir et liberté d’un chascun pour en faire ce qu’il voudra, Cuiusuis arbitrio ac libidini permittere. Rem pro derelicta emittere. Ainsi dit-on, Il a abbandonné ses pastis, ses prez, Pascua seu prata depascenda cuique permisit. Et se prend pour delaisser : d’autant que celuy qui met ou quitte une chose à qui premier en voudra, il la laisse et s’en desempare et devest. Et par reciprocation dudit verbe actif, qui se fait par le pronom soy, ou se, signifie se rendre captif et esclave à quelque chose vitieuse, comme, s’abbandonner à plaisirs, Se voluptatibus dare, addicere, honesta se ingenuitate exuere, vt voluptatum seruus fiat. S’abbandonner à paillardise, Veneri sese dedere, eiusque sæuæ dominæ mancipium fieri. Selon laquelle signification, respondit un Poëte Grec, hôspér élsuthérôthéis apo tês agrias déspoinas, à celuy qui luy avoit demandé, pôs ékhéis apo tês Aphroditês, Ou non vitieuse, comme, S’abbandonner à pleurs, à dueil, Totum sese lacrymis dolorique permittere, Nullatenus non gemitibus ac lamentationi inseruire. S’abbandonner à ieux, Lusibus incumbere.

S’abbandonner au danger d’estre outragé, Offerre se contumeliæ.

Abbandonner sa liberté, et se rendre serf, Projicere libertatem suam alicuius potentiæ.

Abbandonner ses œufs, Incubationem deserere.

Abbandonner femme et enfans, Deserere vxorem ac liberos, Pignora sua pro derelictis habere. B.

Qui m’ont abbandonné quand il estoit question de ma vie et honneur, Desertores salutis meæ.

Les medecins l’ont abbandonné, si malade il est, Omnes medici diffidunt, adeo grauiter æger est.

Celuy qui abbandonne la vie d’aucun au premier qui le pourra tuer, Proscriptor. Mais cela ne se peut dire, Si n’est de celuy qui est Souverain Seigneur de celuy dont la vie est abbandonnée à qui tollir la luy pourra : car abbandon presuppose tousjours Seigneurie et puissance, voire aussi droict de correction capitale par haute justice en la personne de celuy qui abbandonne sur la personne abbandonnée, Aussi telles proscriptions ne se font, si n’est par Princes souverains, ou Republiques tenans de Dieu et de l’espée, et sont impunissables, horsmis de Dieu Souverain des Souverains. Mais si quelqu’un suscite des assassins et meurtriers d’autruy, cela ne se peut dire abbandonnement de la vie de celuy-la, ne proscription. Car tel abbandonneur n’a nul droict de seigneurie ne correction capitale par Justice sur l’abbandonné, ains sera appelé subornation et attitrement d’assassins et meurtriers, et sera capitalement puni par son souverain, et plus que capitalement par Dieu.