Théorie analytique de la chaleur/Chapitre 9

Firmin Didot (p. Ch. IX.-601).

CHAPITRE IX.
DE LA DIFFUSION DE LA CHALEUR.
Séparateur

SECTION PREMIÈRE.

Du mouvement libre de la chaleur dans une ligne infinie.

342.

On considère ici le mouvement de la chaleur dans une masse solide homogène, dont toutes les dimensions sont infinies. On divise ce solide par des plans infiniment voisins et perpendiculaires à un axe commun, et l’on supposé d’abord qu’on a échauffé une seule partie de la masse, savoir, celle qui est comprise entre deux plans A et B parallèles, dont la distance est  ; toutes les autres parties ont la température initiale 0 : mais chacun des plans compris entre A et B a une température initiale donnée, que l’on regarde comme arbitraire, et qui est commune à tous ses points : cette température est différente pour les différents plans. L’état initial de la masse étant ainsi défini, il s’agit de déterminer par le calcul tous les états successifs. Le mouvement dont il s’agit, est seulement linéaire, et dans le sens de l’axe des plans ; car il est évident qu’il ne peut y avoir aucun transport de chaleur dans un plan quelconque perpendiculaire à cet axe, puisque la chaleur initiale de tous ses points est la même.

On peut supposer, au lieu du solide infini, un prisme d’une très-petite épaisseur, et dont la surface convexe est totalement impénétrable à la chaleur. On ne considère donc le mouvement que dans une ligne infinie, qui est l’axe commun de tous les plans.

La question est plus générale, lorsqu’on attribue des températures entièrement arbitraires à tous les points de la partie de la masse qui a été échauffée, tous les autres points du solide ayant la température initiale 0. Les lois de la distribution de la chaleur dans une masse solide infinie, doivent avoir un caractère simple et remarquable ; parce que le mouvement n’est point troublé par l’obstacle des surfaces et par l’action du milieu.

343.

La position de chaque point étant rapportée à trois axes rectangulaires, sur lesquels on mesure les coordonnées la température cherchée est une fonction des variables et du temps Cette fonction ou satisfait à l'équation générale . De plus, il est nécessaire qu’elle représente l’état initial qui est arbitraire ; ainsi, en désignant par la valeur donnée de la température d’un point quelconque, prise lorsque le temps est nul, c’est-à-dire, au moment où la diffusion commence ; on doit avoir Il faut trouver une fonction des quatre variables qui satisfasse à l’équation différentielle et à l’équation déterminée

Dans les questions que nous avons traitées précédemment, l’intégrale est assujettie à une troisième condition qui dépend de l’ëtat de la surface. C’est pour cette raison que l’analyse en est plus composée, et que la solution exige l’emploi des termes exponentiels. La forme de l’intégrale est beaucoup plus simple, lorsqu’elle doit seulement satisfaire à l’état initial ; et il serait facile de déterminer immédiatement le mouvement de la chaleur selon les trois dimensions. Mais pour exposer cette partie de la théorie, et faire bien connaître suivant quelle loi la diffusion s’opère, il est préférable de considérer d’abord le mouvement linéaire, en résolvant les deux questions suivantes ; on verra par la suite comment elles s’appliquent au cas des trois dimensions.

344.

1ère question : une partie ab d’une ligne infinie est élevée dans tous ses points à la température 1 ; les autres parties de la ligne ont la température actuelle 0 ; on suppose que la chaleur ne peut se dissiper dans le milieu environnant ; il faut déterminer quel est l’état de la ligne après un temps donné. On peut rendre cette question plus générale, en supposant, 1o que les températures initiales des points compris entre a et b sont inégales et représentées par les ordonnées d’une ligne quelconque, que nous regarderons d’abord comme composée de deux parties symétriques (voyez fig. 16) ; 2o qu’une partie de la chaleur se dissipe par la surface du solide, qui est un prisme d’une très-petite épaisseur et d’une longueur infinie.

La seconde question consiste à déterminer les états successifs d’une barre prismatique, dont une extrémité est assujettie à une température constante, et qui est infiniment prolongée. La résolution de ces deux questions dépend de l’intégration de l’équation


(article 105), qui exprime le mouvement linéaire de la chaleur. est la température que le point placé à la distance de l’origine doit avoir après le temps écoulé  ; désignent la conducibilité propre, la conducibilité extérieure, la capacité spécifique de chaleur, la densité, le contour de la section perpendiculaire, et l’aire de cette section.

345.

Nous considérons d’abord le premier cas, qui est celui où la chaleur se propage librement dans la ligne infinie dont une partie ab a reçu des températures initiales quelconques ; tous les autres points ayant la température initiale 0. Si l’on élève en chaque point de la barre l’ordonnée d’une courbe plane qui représente la température actuelle de ce point, on voit qu’après une certaine valeur du temps l’état du solide est exprimé par la figure de la courbe. Nous désignerons par l’équation donnée qui correspond à l’état initial, et nous supposons d’abord pour rendre le calcul plus simple que la figure initiale de la courbe, est composée de deux parties symétriques, en sorte que l’on a la condition . Soit

dans l’équation


on fera et l’on aura On prendra pour la valeur particulière  ; et sont des constantes arbitraires. Soient etc. une suite de valeurs quelconques, et etc., une suite de valeurs correspondantes du coëfficient on aura


Supposons 1o que les valeurs etc., croissent par degrés infiniment petits, comme les abscisses d’une certaine courbe ; en sorte qu’elles deviennent égales à etc. ; étant la différentielle constante de l’abscisse ; 2o que les valeurs etc. sont proportionnelles aux ordonnées de la même courbe, et qu’elles deviennent égales à etc. étant une certaine fonction de Il en résulte que la valeur de pourra être exprimée ainsi :


est une fonction arbitraire , et l’intégrale peut être prise de à La difficulté se réduit à déterminer convenablement la fonction

346.

Pour y parvenir, il faut supposer t dans l’expression de et l’égaler à On a ainsi l’équation de condition


Si l’on mettait au lieu de une fonction quelconque de et que l’on achevât l’intégration depuis jusqu’à on trouverait une fonction de  ; il s’agit de résoudre la question inverse, c’est-à-dire, de connaître quelle est la fonction de qui, étant mise au lieu de donnera pour résultat la fonction problème singulier dont la solution exige un examen attentif.

En développant le signe de l’intégrale, on écrira comme il suit l’équation dont il faut déduire la valeur de  :


Pour faire disparaître tous les termes du second membre, excepté un seul, on multipliera de part et d’autre par et l’on intégrera ensuite par rapport à depuis jusqu’à étant un nombre infini ; représente une grandeur quelconque égale à l’une des suivantes : etc., ou ce qui est la même chose etc. Soit une valeur quelconque de la variable , et une autre valeur qui est celle que l’on a prise pour  ; on aura et . On considérera ensuite le nombre infini comme exprimant combien l’unité de longueur contient de fois l’élément en sorte que l’on aura En procédant à l’intégration, on reconnaîtra que la valeur de l’intégrale est nulle, toutes les fois que et sont des grandeurs différentes ; mais cette même valeur de l’intégrale est lorsque Il suit de là que l’intégration élimine dans le second membre tous les termes, excepté un seul : savoir, celui qui contient ou . La fonction qui affecte ce même terme est on aura donc


et mettant pour sa valeur 1, on a


on trouve donc en général Ainsi, pour déterminer la fonction qui satisfait à la condition proposée, il faut multiplier la fonction donnée par et intégrer de nulle à infinie, en multipliant le résultat par  ; c’est-à-dire, que de l’équation


on déduit celle-ci, la fonction représentant les températures initiales d’un prisme infini dont une partie intermédiaire seulement est échauffée. En substituant la valeur de dans l’expression de on obtient l’équation générale

347.

Si l’on substitue dans l’expression de la valeur que l’on a trouvée pour la fonction on a l’intégrale suivante, qui contient la solution complète de la question proposée


L’intégrale, par rapport à étant prise de nulle à infinie, il en résulte une fonction de et prenant ensuite l’intégrale par rapport à de à on obtient pour la fonction de et qui représente les états successifs du solide. Puisque l’intégration, par rapport à fait disparaître cette variable, on peut la remplacer dans l’expression de par une variable quelconque , en prenant l’intégrale entre les mêmes limites, savoir depuis jusqu’à On a donc


L’intégration, par rapport à donnera une fonction de et et en prenant l’intégrale par rapport à on trouve une fonction de et seulement. Il serait facile d’effectuer dans la dernière équation l’intégration par rapport à et l’on changerait ainsi l’expression de On peut en général donner diverses formes à l’intégrale de l’équation


elles représentent toutes une même fonction de et .

348.

Supposons en premier lieu que toutes les températures initiales des points compris entre a et b, depuis jusqu’à aient pour valeur commune 1, et que les températures de tous les autres points soient nulles, la fonction sera donnée par cette condition. Il faudra donc intégrer, par rapport à depuis jusqu’à car le reste de l’intégrale est nulle d’après l’hypothèse. On trouvera ainsi :


Le second membre peut être facilement converti en série convergente, comme on le verra par la suite ; il représente exactement l’état du solide en un instant donné, et si l’on y fait on exprime l’état initial.

Ainsi la fonction équivaut à l’unité, si l’on donne à une valeur quelconque comprise entre et  : mais cette fonction est nulle si l’on donne à toute autre valeur non comprise entre et . On voit par-là que les fonctions discontinues peuvent aussi être exprimées en intégrales définies.

349.

Pour donner une seconde application de la formule précédente, nous supposerons que la barre a été échauffée en un de ses points par l’action constante d’un même foyer, et qu’elle est parvenue à l’état permanent que l’on sait être représenté par une courbe logarithmique.

Il s’agit de connaître suivant quelle loi s’opérera la diffusion de la chaleur après qu’on aura retiré le foyer. En désignant par la valeur initiale de la température, on aura  ; est la température initiale du point le plus échauffé. On fera, pour simplifier le calcul,


On a donc on en déduit et prenant l’intégrale de nulle à infinie Ainsi la valeur de en et est donnée par l’équation suivante :

350.

Si l’on fait on aura ce qui correspond à l’état initial. Donc l’expression équivaut à . Il faut remarquer que la fonction qui représente l’état initial ne change point de valeur d’après l’hypothèse lorsque devient négative. La chaleur communiquée par le foyer avant que l’état initial ne fût formé, s’est propagée également à la droite et à la gauche du point 0, qui la reçoit immédiatement, il s’ensuit que la ligne dont l’équation serait est composée de deux branches symétriques que l’on forme en répétant à droite et à gauche de l’axe de la partie de la logarithmique qui est à la droite de l’axe des et a pour équation On voit ici un second exemple d’une fonction discontinue exprimée par une intégrale définie. Cette fonction équivaut à lorsque est positive, mais elle est lorsque est négative,

351.

La question de la propagation de la chaleur dans une barre infinie, dont l’extrémité est assujettie à une température constante, se réduit, comme on le verra dans la suite, à celle de la diffusion de la chaleur clans une ligne infinie ; mais il faut supposer que la chaleur initiale, au lieu d’affecter également les deux moitiés contiguës du solide y est distribuée d’une manière contraire ; c’est-à-dire qu’en représentant par la température d’un point dont la distance au milieu de la ligne est la température initiale du point opposé pour lequel la distance est a pour valeur Cette seconde question diffère très-peu de la précédente et pourrait être résolue par une méthode semblable : mais on peut aussi déduire la solution de l’analyse qui nous a servi à déterminer le mouvement de la chaleur dans les solides de dimensions finies.

Supposons qu’une partie ab de la barre prismatique infinie soit échauffée d’une manière quelconque, voy. fig. (16) et que la partie opposée aβ soit dans un état pareil, mais de signe contraire ; tout le reste du solide ayant la température initiale 0. On suppose aussi que le milieu environnant est entretenu à la température constante 0, et qu’il reçoit de la barre ou leur communique la chaleur par la surface extérieure. Il s’agit de trouver quelle sera, après un temps donné la température d’un point dont la distance à l’origine est

On considérera d’abord la barre échauffée comme ayant une longueur finie , et comme étant soumise à une cause extérieure quelconque qui retient ses deux extrémités à la température constante 0 ; on fera ensuite

352.

On emploiera d’abord l’équation

ou


et faisant

on aura


on exprimera comme il suit la valeur générale de


faisant ensuite ce qui doit rendre nulle la valeur de , on aura, pour déterminer la série des exposants , la condition ou étant un nombre entier. Donc


Il ne reste plus qu’à trouver la série des constantes etc. Faisant on a


soit , et désignons ou par  ; on aura


Or, on a trouvé précédemment l’intégrale étant prise de à Donc


L’intégrale devait être prise de à  ; donc elle doit être prise par rapport à depuis jusqu’à En faisant ces substitutions, on forme l’équation

353.

Telle serait la solution, si le prisme avait une longueur finie représentée par Elle est une conséquence évidente des principes que nous avons posés jusqu’ici ; il ne reste plus qu’à supposer la dimension infinie. Soit étant un nombre infini ; soit aussi une variable dont les accroissements infiniment petits sont tous égaux ; on écrira au lieu de Le terme général de la série qui entre dans l’équation étant


On représentera par le nombre , qui est variable et qui devient infini. Ainsi l’on aura


En faisant ces substitutions dans le terme dont il s’agit, on trouvera Chacun de ces termes doit être divisé par ou il devient par-là une quantité infiniment petite, et la somme de la série n’est autre chose qu’une intégrale, qui doit être prise par rapport à de à Donc


l’intégrale, par rapport à doit être prise de à ce qui donne une fonction de  ; et la seconde intégrale doit être prise par rapport à de à On peut aussi écrire


L’équation contient la solution générale de la question ; et, en substituant pour une fonction quelconque, assujettie ou non à une loi continue, on pourra toujours exprimer en et la valeur de la température : il faut seulement remarquer que la fonction correspond à une ligne formée de deux parties égales et alternes.

354.

Si la chaleur initiale est distribuée dans le prisme de telle manière que la ligne FFFF (fig. 17) qui représente cet état initial soit formée de deux arcs égaux placés à droite et à gauche du point fixe O, le mouvement variable de la chaleur est exprimé par l’équation

Si la ligne (fig. 18) qui représente l’état initial est formée de deux arcs pareils et alternes, l’intégrale qui donne la valeur de température est


Lorsqu’on supposera la chaleur initiale distribuée d’une manière quelconque, il sera facile de conclure des deux solutions précédentes l’expression de . En effet, quelle que soit la fonction qui représente la température initiale et donnée, elle se décompose toujours en deux autres dont l’une correspond à la ligne FFFF, et l’autre à la ligne en sorte que l’on a ces trois conditions :


On a déjà fait usage de cette remarque dans les art. 233 et 234. On sait aussi que chaque état initial donne lieu à un état variable partiel qui se forme comme s’il était seul. La composition de ces divers états n’apporte aucun changement dans les températures qui auraient lieu séparément pour chacun d’eux. Il suit de là qu’en désignant par la température variable produite par l’état initial que représente la fonction totale on doit avoir

Si l’on prenait entre les limites et les intégrales par rapport à il est évident que l’on doublerait les résultats. On peut donc, dans l’équation précédente, omettre au premier membre le dénominateur 2, et prendre dans le second les intégrales pour depuis jusqu’à . On voit facilement aussi que l’on pourrait écrire au lieu de  ; car il résulte de la condition à laquelle est assujettie la fonction que l’on doit avoir


On peut encore écrire


car on a évidemment


On en conclut

355.

La solution de cette seconde question fait connaître distinctement quel rapport il y a entre les intégrales définies que nous venons d’employer, et les résultats de l’analyse que nous avons appliquée aux solides d’une figure déterminée. Lorsque, dans les séries convergentes que cette analyse fournit, on donne aux quantités qui désignent les dimensions, une valeur infinie ; chacun des termes devient infiniment petit, et la somme de la série n’est autre chose qu’une intégrale. On pourrait passer directement de la même manière et sans aucune considération physique des diverses séries trigonométriques que nous avons employées dans le chapitre III aux intégrales définies ; il nous suffira de donner quelques exemples de ces transformations dont les résultats sont remarquables.

356.

Dans l’équation


on écrira au lieu de la quantité  ; est une autre variable, et est un nombre infini égal à  ; est une quantité formée successivement par l’addition de ses parties infiniment petites égales à On représentera le nombre variable par Si dans le terme général on met pour et leurs valeurs ; ce terme deviendra Donc la somme de la série sera l’intégrale étant prise de à  ; on a donc l’équation qui a toujours lieu, quelle que soit la valeur positive de Soit étant une nouvelle variable, on aura et cette valeur de l’intégrale définie est connue depuis long-temps. Si en supposant négatif on prenait la même intégrale de à on aurait évidemment un résultat de signe contraire

357.

La remarque que nous venons de faire sur la valeur de l’intégrale qui est ou peut servir à taire connaître la nature de l’expression


dont nous avons trouvé précédemment (article 348) la valeur égale à 1 ou à 0, selon que est ou n’est pas comprise entre et . En effet, on a


le premier terme vaut ou selon que est une quantité positive ou négative ; le second vaut ou selon que est une quantité positive ou négative. Donc l’intégrale totale est nulle si et ont le même signe ; car, dans ce cas, les deux termes se détruisent. Mais si ces quantités sont de signe différent, c’est-à-dire si l’on a en même temps


les deux termes s’ajoutent et la valeur de l’intégrale est Donc l’intégrale définie est une fonction de égale à si la variable a une valeur quelconque comprise entre et  ; et cette même fonction est nulle pour toute autre valeur de non comprise entre les limites et

358.

On pourrait déduire aussi de la transformation des séries en intégrales les propriétés des deux expressions


la première (art. 350) équivaut à lorsque est positive, et à lorsque est négative. La seconde équivaut à si est positive, et à si est négative, en sorte que ces deux intégrales ont la même valeur, lorsque est positive, et ont des valeurs de signe contraire lorsque est négative. L’une est représentée par la ligne (fig. 19) l’autre par la ligne εεεε, (fig. 20).

L’équation


que nous avons rapportée (art. 226), donne immédiatement l’intégrale cette dernière expression équivaut à , si est comprise entre 0 et , et sa valeur est nulle toutes les fois que surpasse

359.

La même transformation s’applique à l’équation générale


faisant on désignera ou par  ; on introduira dans le calcul une quantité qui reçoit des accroissements infiniment petits, égaux à sera égal à et à  ; substituant ces valeurs dans le terme général


on trouvera L’intégrale par rapport à est prise de à donc l’intégration par rapport à doit avoir lieu de à ou de nulle à infinie.

On obtient ainsi un résultat général exprimé par cette équation


c’est pourquoi, en désignant par une fonction de telle que l’on ait équation dans laquelle est une fonction donnée, on aura l'intégrale étant prise de nulle à infinie. Nous avons déjà résolu une question semblable (art. 346), et démontré l’équation générale


qui est analogue à la précédente.

360.

Pour donner une application de ces théorèmes, nous supposerons le second membre de l’équation deviendra par cette substitution L’intégrale


équivaut à l’intégrale étant prise de nulle à infinie. Soit cette intégrale totale


il reste à prendre l’intégrale


désignant par cette dernière intégrale, prise de nulle à infinie, on aura pour résultat des deux intégrations successives le terme On doit donc avoir, selon la condition exprimée par l’équation


ainsi le produit des deux transcendantes


Par exemple, si on trouve pour sa valeur connue on trouve de la même manière


Et de ces deux équations on pourrait aussi conclure la suivante : qui est employée depuis long-temps.

361.

On peut résoudre, au moyen des équations et le problème suivant, qui appartient aussi à l’analyse des différences partielles : Quelle est la fonction de la variable qui doit être placée sous le signe intégral pour que l’expression soit égale à une fonction donnée, l’intégrale étant prise de nulle à infinie ; mais sans s’arrêter à ces diverses conséquences dont l’examen nous éloignerait de notre objet principal, on se bornera au résultat suivant, que l’on obtient en combinant les deux équations et Elles peuvent être mises sous cette forme :


Si l’on prenait les intégrales par rapport à , depuis jusqu’à le résultat de chaque intégration serait doublé, ce qui est une conséquence nécessaire des deux conditions


on a donc les deux équations


On a remarqué précédemment qu’une fonction quelconque se décompose toujours en deux autres, dont l’une, satisfait à la condition et dont l’autre satisfait à la condition On a aussi les deux équations


on en conclut


L’intégration par rapport à donne une fonction de et et la seconde intégration ferait disparaître la variable Ainsi la fonction représentée par l’intégrale définie a cette singulière propriété, que si on la multiplie par une fonction quelconque et par et si l’on intègre par rapport à entre des limites infinies, le résultat est égal à en sorte que l’effet de l’intégration est de changer en et de multiplier par le nombre

362.

On pourrait déduire directement l’équation (E) du théorème rapporté dans l’art. 234, p. 256 et 257, qui donne le développement d’une fonction quelconque en série de sinus et de cosinus d’arcs multiples. On passe de cette dernière proposition à celles que nous venons de démontrer en donnant une valeur infinie aux dimensions. Chaque terme de la série devient dans ce cas une quantité différentielle. Ces transformations des fonctions en suites trigonométriques sont des éléments de la théorie analytique de la chaleur ; il est indispensable d’en faire usage pour résoudre les questions qui dépendent de cette théorie.

La réduction des fonctions arbitraires en intégrales définies, telles que l’expriment l’équation (E), et les deux équations élémentaires dont elle dérive donne lieu à diverses conséquences que l’on omettra ici parce qu’elles ont un rapport moins direct avec la question physique. On fera seulement remarquer que ces mêmes équations se présentent quelquefois dans le calcul sous d’autres formes. On obtient par exemple ce résultat :


qui diffère de l’équation (E), en ce que les limites de l’intégrale prises par rapport à sont 0 et au lieu d’être et Il faut considérer dans ce cas que les deux équations (E) et (E’) donnent pour le second membre des valeurs égales lorsque la variable est positive. Si cette variable est négative, l’équation (E’) donne toujours pour le second membre une valeur nulle. Il n’en est pas de même de l’équation (E), dont le second membre équivaut soit que l’on donne à une valeur positive ou une valeur négative. Quant à l’équation (E’) elle résoud le problème suivant. Trouver une fonction de telle que si est positive, la valeur de la fonction soit et que si est négative, la valeur de la fonction soit toujours nulle.

363.

La question de la propagation de la chaleur dans une ligne infinie peut encore être résolue en donnant à l’intégrale de l’équation aux différences partielles une forme différente que nous ferons connaître dans l’article suivant. Nous examinerons auparavant le cas où la source de la chaleur est constante.

Supposons que la chaleur initiale étant répartie d’une manière quelconque dans la barre infinie, on entretienne la tranche A à une température constante, tandis qu’une partie de la chaleur communiquée se dissipe par la surface extérieure. Il s’agit de déterminer l’état du prisme après un temps donné, ce qui est l’objet de la seconde question que nous nous sommes proposée. En désignant par 1 la température constante de l’extrémité A, par 0 celle du milieu, on aura pour l’expression de la température finale du point situé à la distance de cette extrémité, ou seulement en supposant, pour simplifier le calcul, que la quantité soit égale à l’unité. Désignant par la température variable du même point après le temps écoulé on a, pour déterminer cette équation


soit maintenant


on aura


en remplaçant par et par Si l’on fait


la valeur de ou en celle de la différence entre la température actuelle et la température finale ; cette différence qui tend de plus en plus à s’évanouir, et dont la dernière valeur est nulle équivaut d’abord à


en désignant par la température initiale d’un point situé à la distance Soit l’excès de cette température initiale sur la température finale, il faudra trouver pour une fonction qui satisfasse à l’équation et qui ait pour valeur initiale et pour valeur finale 0. Au point A, ou la quantité a, par hypothèse, une valeur constante égale à 0. On voit par-là que représente une chaleur excédente qui est d’abord accumulée dans le prisme, et qui ensuite s’évanouit, soit en se propageant à l’infini, soit en se dissipant dans le milieu. Ainsi pour représenter l’effet qui résulte de réchauffement uniforme de l’extrémité A d’une ligne infiniment prolongée, il faut concevoir 1o que cette ligne est aussi prolongée à la gauche du point A, et que chaque point situé à droite est présentement affecté de la température initiale excédente ; 2o que l’autre moitié de la ligne à la gauche du point A est dans un état contraire ; en sorte qu’un point placé à la distance du point A a pour température initiale ensuite la chaleur commence à se mouvoir librement dans l’intérieur de la barre, et à se dissiper à la surface. Le point A conserve la température 0, et tous les autres points parviennent insensiblement au même état. C’est ainsi que l’on peut ramener le cas où le foyer extérieur communique incessamment une nouvelle chaleur, à celui où la chaleur primitive se propage dans l’intérieur du solide. On pourrait donc résoudre la question proposée de la même manière que celle de la diffusion de la chaleur, articles (347) et (353) ; mais afin de multiplier les moyens de résolution dans une matière aussi nouvelle, on employera l’intégrale sous une forme différente de celle que nous avons considérée jusqu’ici.

364.

On satisfait à l’équation en supposant égale à Or cette dernière fonction de et peut être mise sous la forme d’intégrale définie, ce qui se déduit très-facilement de la valeur connue de On a en effet lorsque l’intégrale est prise de à On aura donc aussi étant une constante quelconque et les limites de l’intégrale étant les mêmes qu’auparavant. De l’équation


on conclut, en faisant


donc la valeur précédente de ou équivaut à


on pourrait aussi supposer égale à la fonction


et étant deux constantes quelconques ; et l’on trouvera de même que cette fonction équivaut à


On peut donc prendre en général pour valeur de la somme d’une infinité de valeurs semblables, et l’on aura



Les constantes etc., et etc. étant indéterminées, la série représente une fonction quelconque de


L’intégrale doit être prise de à , et la valeur de satisfera nécessairement a l’équation Cette intégrale, qui contient une fonction arbitraire, n’était point connue lorsque nous avons entrepris nos recherches sur la théorie de la chaleur, qui ont été remises à l’Institut de France dans le mois de décembre 1807 : elle a été donnée par M. Laplace, dans un ouvrage qui fait partie du tome VI des Mémoires de l’école polytechnique ; nous ne faisons que l’appliquer à la détermination du mouvement linéaire de la chaleur. On en conclut


lorsque la valeur de est ou donc et Ainsi la fonction arbitraire qui entre dans l’intégrale, est déterminée au moyen de la fonction donnée et l’on a l’équation suivante, qui contient la solution de la question


il est facile de représenter ce résultat par une construction.

365.

Nous appliquerons la solution précédente au cas où tous les points de la ligne AB ayant la température initiale 0, on échauffe l’extrémité A pour la retenir continuellement à la température 1. Il en résulte que a une valeur nulle lorsque diffère de 0. Ainsi équivaut à toutes les fois que diffère de 0, et à 0, lorsque est nulle. D’un autre côté il est nécessaire qu’en faisant négative, la valeur de change de signe, en sorte que l’on a la condition On connaît ainsi la nature de la fonction discontinue elle est lorsque surpasse 0, et lorsque est moindre que 0. Il faut maintenant écrire au lieu de la quantité Pour trouver ou on prendra d’abord l’intégrale depuis

jusqu’à


et ensuite depuis jusqu’à Pour la première partie on a


et remplaçant par sa valeur on a

ou
ou


En désignant par la quantité l’expression précédente est cette intégrale doit être prise par hypothèse depuis

jusqu’à


ou depuis

jusqu’à
ou de jusqu’à


la seconde partie de l’intégrale est


en désignant par la quantité L’intégrale doit être prise d’après l’hypothèse depuis

ou de à c’est-à-dire, depuis
jusqu’à


Ces deux premières limites peuvent, d’après la nature de la fonction , être remplacées par celles-ci :

et


Il suit de là que la valeur de est exprimée ainsi :


la première intégrale doit être prise depuis


et la seconde depuis


Représentons maintenant par l’intégrale depuis jusqu’à et l’on aura


donc qui équivaut à a pour expression


La fonction désignée par est connue depuis long-temps et l’on peut calculer facilement, soit au moyen des séries convergentes, soit par les fractions continues, les différentes valeurs que reçoit cette fonction, lorsqu’on met au milieu de des quantités données ; ainsi l’application numérique de la solution n’est sujette à aucune difficulté.

366.

Si l’on fait nulle, on a

Cette équation représente la propagation de la chaleur dans une barre infinie, dont tous les points étaient d’abord à la température 0, et dont l’extrémité est élevée et entretenue à la température constante 1. On suppose que la chaleur ne peut se dissiper par la surface extérieure de la barre ; ou, ce qui est la même chose, que cette barre a une épaisseur infiniment grande. Cette dernière valeur de fait donc connaître la loi suivant laquelle la chaleur se propage dans un solide terminé par un plan infini, en supposant que ce mur infiniment épais, a d’abord dans toutes ses parties une température constante initiale 0, et que l’on assujettit la surface à une température constante 1. Il ne sera point inutile de faire observer quelques résultats de cette solution.

En désignant par l’intégrale prise depuis jusqu’à  ; on a lorsque est une quantité positive,


donc


en développant l’intégrale on a


donc


1o Si l’on suppose nulle, on trouvera  ; 2o si n’étant point nulle, on suppose  ; la somme des termes qui contiennent représente l’intégrale prise depuis jusqu’à et par conséquent équivaut à donc est nulle ; 3o différents points du solide placés à des profondeurs différentes etc., parviennent à une même température après des temps différents etc., qui sont proportionnels aux quarrés des longueurs etc. ; 4o Pour comparer les quantités de chaleur qui traversent pendant un instant infiniment petit une section placée dans l’intérieur du solide à la distance du plan échauffé, on prendra la valeur de la quantité et l’on aura


ainsi l’expression de la quantité est entièrement dégagée du signe intégral. La valeur précédente à la surface du solide échauffé est ce qui fait connaître comment le flux de chaleur à la surface varie avec les quantités pour trouver combien le foyer communique de chaleur au solide pendant un temps écoulé on prendra l’intégrale


ainsi la chaleur acquise croît proportionnellement à la racine quarrée du temps écoulé.

367.

On peut traiter par une analyse semblable la question de la diffusion de la chaleur qui dépend aussi de l’intégration de l’équation On représentera par la température initiale d’un point de la ligne placée à la distance de l’origine, et l’on cherchera à déterminer quelle doit être la température de ce même point après un temps faisant on aura et par conséquent Lorsque on doit avoir

donc

Pour appliquer cette expression générale, au cas où une partie de la ligne depuis jusqu’à est uniformément échauffée, tout le reste du solide étant à la température 0, il faut considérer que le facteur qui multiplie a, selon l’hypothèse, une valeur constante 1, lorsque la quantité qui est sous le signe de la fonction est comprise entre et ,et que toutes les autres valeurs de ce facteur sont nulles. Donc l’intégrale doit être prise depuis jusqu’à ou depuis jusqu’à En désignant comme ci-dessus par l’intégrale prise depuis jusqu’à on aura

368.

Nous appliquerons encore l’équation générale



au cas où la barre infinie échauffée par un foyer d’une intensité constante 1 est parvenue à des températures fixes, et se refroidit ensuite librement dans un milieu entretenu à la température 0. Pour cela il suffit de remarquer que la fonction initiale désignée par équivaut à tant que la variable qui est sous le signe de fonction est positive, et que cette même fonction équivaut à lorsque la variable qui est affectée du signe est moindre que 0. Donc


la première intégrale doit être prise depuis


et la seconde depuis


La première partie de la valeur de est

ou
ou


en faisant L’intégrale doit être prise depuis

ou depuis


La seconde partie de la valeur de est


en faisant L’intégrale doit être prise de


on en conclut l’expression suivante :

369.

On a obtenu art. (367) l’équation


pour exprimer la loi de la diffusion de la chaleur dans une barre peu épaisse, échauffée uniformément à son milieu entre les limites données On avait précédemment résolu la même question en suivant une méthode différente, et l’on était parvenu, en supposant à l’équation


Pour comparer ces deux résultats, on supposera dans l’un et l’autre désignant encore par l’intégrale


prise depuis jusqu’à , on a


d’un autre côté on doit avoir