Théologie portative, ou Dictionnaire abrégé de la religion chrétienne/S

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S

Sacerdoce. Nom générique ſous lequel on déſigne un ordre d’hommes, qui après s’être rendus ſacrés, ſe ſont répandus dans toutes les nations pour le bien de leurs ames. Leur fonction en ce monde eſt de nous parler de l’autre monde, d’anéantir par-tout la raiſon, d’inventer & débiter de belles hiſtoires, de faire bien enrager ceux qui refuſent de les croire, & de ſe faire bien payer de ces ſervices importans. Les religions ſont très-variées en ce monde, mais le Sacerdoce eſt par-tout le même, ce qui prouve évidemment qu’il eſt d’inſtitution divine.

Sacré. C’eſt ce qui n’eſt point profane. L’on nomme Sacré tout ce qu’il convient aux Prêtres de faire reſpecter aux laïques. La perſonne des Prêtres, leurs biens, leurs droits, leurs Oracles & leurs déciſions ſont évidemment des choſes ſacrées ; Dieu punit inmanquablement quiconque oſe y toucher.

Sacremens. Signes & cérémonies ſacrées, à l’aide desquels les Miniſtres du Seigneur font à volonté deſcendre de là-haut une ample cargaiſon de graces ſpirituelles ſur les ames des fideles, & font que l’argent des laïques paſſe de leurs poches profanes dans celle du Clergé. Suivant quelques Chrétiens il y a ſept Sacremens, d’autres n’en veulent pas tant : ils ont tort, ſans doute : en fait de graces divines on n’en ſauroit trop prendre.

Sacrifices. Autrefois Dieu faiſoit aſſez bonne chere ; on le régaloit d’hommes, d’enfans, de bœufs, de moutons & d’agneaux ; aujourd’hui ſa femme l’a mis au régime ; on ne lui ſert plus que ſon fils, encore ſont-ce les Prêtres qui le mangent. Pour lui il périroit d’inanition ſi l’inquiſition ne lui faiſoit des grillades, & ſi les Princes dévots & zêlés ne garniſſoient de tems en tems le garde-manger céleſte, quand le Clergé leur fait entendre que Dieu s’ennuye de la diette & qu’il ſe fâchera ſi on ne lui donne à manger. Voyez maſſacres, perſécutions, Guerres &c.

Sacrilege. Mot terrible inventé par les Prêtres pour déſigner le crime affreux que commettent ceux qui touchent aux objets qu’ils ont nommés Sacrés. Tout ce qui nuit aux Prêtres nuit à Dieu, qui n’entend point raillerie. D’où l’on voit que voler Dieu, qui n’a beſoin de rien, eſt un crime bien plus noir que de voler un pauvre. Plus celui qu’on vole eſt riche, plus le voleur eſt criminel. En conſéquence celui qui vole Dieu ou ſes Prêtres eſt brûlé, celui qui vole un homme riche eſt pendu ; celui qui vole les pauvres n’a communément rien à craindre. Voyez hôpitaux.

Saints. Ce ſont des héros très-utiles aux nations, qui pour avoir bien prié, bien jeûné, s’être bien feſſés, avoir bien clabaudé, avoir été bien rebelles & bien turbulens, ſe ſont immortaliſés dans la mémoire des fideles & ſont placés en rang d’oignons dans le Martyrologe Romain. Pour devenir un ſaint il faut être bien inutile ou bien incommode à ſoi même & aux autres.

Salomon. Il fut le plus ſage des Rois : Dieu lui accorda lui-même la ſageſſe ; en conſéquence il fut encore plus paillard que Monſieur ſon cher Pere, qui ne l’étoit pourtant pas mal : au milieu de cinq cens femmes ce ſage Roi s’écrioit très-ſagement, que tout eſt vanité.

Samüel. Prophête hargneux & Juif ; qui n’avoit pas trop étudié le droit des gens dans Grotius ou Puffendorf : il mettoit en hachis les Rois des autres pays ; il faiſoit & défaiſoit les Rois du ſien. Au demeurant il étoit bon homme quand on étoit de ſon avis.

Sang. L’Egliſe abhorre le ſang ; elle a le cœur ſi tendre qu’elle tomberoit en pâmoiſon ſi elle en voyoit répandre ; conſéquemment elle ne fait point ſes opérations par elle-même ; ſemblables aux Médecins, les Prêtres ordonnent la ſaignée, elle ſe fait par les Princes, les Magiſtrats & les bourreaux qui ſont les Chirurgiens ordinaires de Monſeigneur le Clergé.

Satisfaction. Jéſus-Chriſt en mourant a ſatisfait ſon Pere ; en faveur de ſa mort les hommes ſont libérés de leurs dettes ; cependant le cher Pere veut encore qu’on le paye. D’où l’on voit que la juſtice divine exige que l’on paye encore les dettes dont elle a donné quittance.

Scandale. C’eſt toute action qui eſt pour d’autres une occaſion de pécher ; les Miniſtres du Seigneur ne donnent jamais de ſcandale, & rien ne ſeroit plus ſcandaleux que de dire qu’ils ſcandaliſent : il n’y a que ceux qui n’ont point de foi qui ſoient ſcandaliſés de la conduite des Prêtres ſcandaleux. C’eſt quand nous voyons un Prêtre ſcandaleux qu’il eſt à propos de nous arracher les yeux, ſuivant le conſeil du fils de Dieu.

Schiſmatiques. Relativement aux Catholiques Romains, ce ſont des Chrétiens qui refuſent de reconnoître le Pape pour le chef de l’Egliſe ; les imbéciles ne voyent pas que Saint Pierre, qui étoit Pape, & qui depuis s’eſt fait le portier du Paradis, ne manquera pas de leur fermer la porte au nez quand ils s’y préſenteront ; il ne faut point ſe brouiller avec le portier ou le Suiſſe d’une maiſon où l’on veut entrer.

Science. Choſe très-pernicieuſe & qui devroit être bannie de tout pays Chrétien. La ſcience enfle, par conſéquent elle empêche qu’on ne ſoit aſſez mince pour entrer en Paradis. La ſcience du ſalut eſt la ſeule néceſſaire, elle n’eſt point difficile à acquérir, pour l’avoir il ſuffit de laiſſer faire le Clergé.

Scolaſtique. Partie très-importante de la Théologie ; c’eſt l’art d’argumenter ſur des mots, ſagement inventés pour obſcurcir les choſes, & pour nous empêcher de voir trop clair dans la ſcience du ſalut.

Scrupules. Saintes & petites inquiétudes d’eſprit, que pour occuper les dévots & les dévotes, leurs guides ſpirituels ont ſoin de jetter dans leurs grandes ames, afin d’avoir enſuite la ſatisfaction de les diſſiper. Les ſcrupules doivent avoir pour objet les pratiques ordonnées par le Clergé, ils ne doivent point tomber ſur les actions nuiſibles à la Société, qui n’intéreſſe jamais que faiblement les dévots.

Secours. Ce ſont des coups de bûche, des coups d’épée, des coups de bâton que les partiſans de la grace efficace donnent aux ſaintes femmes du parti, qui en ont une telle proviſion qu’elles en ſont étouffées ; le tout pour prouver l’efficacité de la grace & de la boëte à Perrette. Voyez Convulſionnaire & Janſéniſtes.

Sectes. Ce ſont les branches & les rameaux divers qui partent du tronc d’une même Religion. Le tronc s’appelle Religion dominante ; ce tronc eſt perpétuellement occupé à ſecouer ſes branches, ce qui fait que ſouvent il chancelle lui-même ; d’ailleurs il eſt planté ſur un terrein de ſable, ſi les Princes n’y mettoient la main il tomberoit infailliblement.

Séculariſation. Opération ſacrilege de la politique profane par laquelle les biens de l’Egliſe ſont enlevés au Clergé pour être livrés aux mains des Princes hérétiques ; ce qui déplaît très-fort à l’Egliſe Catholique ou à la politique ſacrée du Saint Pere.

Séculiers. Mot Synonime de profanes, de Laïques, de canailles ; ce ſont des hommes qui ne ſont bons à rien dans ce monde qu’à payer les Prêtres & leur ſervir de monture pour aller l’un portant l’autre en Paradis.

Séditieux. De droit divin il eſt permis aux Miniſtres du Seigneur d’être ſéditieux ; le Souverain eſt un Tyran dès qu’il veut les en empêcher ou dès qu’il a l’inſolence de vouloir les réprimer, les punir, &, ce qui eſt encore bien pis, les ramener à la raiſon, qui jamais ne fut faite pour le Clergé ; il a ſes raiſons pour nous dire qu’il faut mépriſer la raiſon.

Séminaires. Maiſons ſacrées, où, ſous les yeux d’un Evêque, l’on fait pulluler la race des Prêtres du Seigneur, & où ils apprennent de bonne heure à connoître le prix des marchandiſes céleſtes qu’ils auront un jour à débiter.

Sens. Un bon Chrétien ne doit point s’en rapporter au témoignage de ſes propres ſens qui pourroient bien le tromper ; c’eſt aux ſens de ſes Prêtres qu’il doit uniquement s’en rapporter ; ils en ont de bien plus fins que les autres, ſur-tout dans les choſes ſpirituelles, auxquelles les Laïques n’entendront jamais rien.

Sens anagogique. Dans le langage de la Théologie c’eſt un ſens détourné, myſtérieux, inconcevable que l’on peut trouver à certains paſſages de l’Ecriture, qui paroiſſent totalement inintelligibles à tous ceux qui n’ont point aſſez de foi pour s’aliéner l’eſprit au point de s’élever juſqu’aux choſes divines.

Sens commun. C’eſt la choſe la plus rare & la plus inutile dans la Religion Chrétienne ; dictée par Dieu lui-même elle n’eſt point ſoumiſe aux régles humaines & vulgaires du bon ſens. Un bon Chrétien doit captiver ſon entendement pour le ſoumettre à la foi, & ſi ſon Curé lui dit que trois ne font qu’un, ou que Dieu eſt du pain, il eſt obligé de l’en croire en dépit du ſens commun.

Septante (les.). Ce ſont ſoixante-douze Juifs inſpirés qui ont fait parler le Saint Eſprit en Grec, d’une façon qui ne s’accorde point toujours avec le Saint Eſprit parlant Hébreu ou Latin : le tout pour exercer notre foi & la critique des Docteurs de l’Egliſe.

Serpent. Les Serpens parloient autrefois ; c’eſt un Serpent qui ſéduiſit la grande mere du genre humain. Ce ſont des Serpens qui tentent & ſéduiſent ſes petites filles, mais ceux-ci ne parlent point. Les Prêtres du Seigneur doivent être prudens comme des Serpens, mais les laïques doivent être à leur égard ſimples comme des colombes & doux comme des moutons.

Silence. C’eſt le plus grand des attentats dans un Souverain que d’impoſer ſilence aux Prêtres. L’Egliſe eſt une commere qui veut parler, qui doit parler, qui périroit infailliblement ſi on l’empêchoit de parler.

Simonie. Trafic illicite des dons du Saint Eſprit. Les Prêtres du Seigneur n’ont garde de les vendre, comme Mr. Jourdain ils les donnent pour de l’argent ; il n’y a dans l’Egliſe Romaine que des cendres & des fagots que l’on donne gratis.

Songes. La religion Chrétienne nous défend d’ajouter foi aux ſonges, qui cependant étoient d’un très-grand poids dans l’Ancien Teſtament ; en récompenſe elle nous permet d’ajouter foi aux rêves, & même la Sainte Egliſe ſe fâcheroit bien fort ſi l’on refuſoit d’ajouter foi aux rêves de ſes Prêtres.

Sorbonne. Manufacture royale de Docteurs de l’Egliſe, dont la France s’enrichit annuellement : ils en ſortent armés de toutes pieces, il ne leur faut tout au plus que dix ans pour être au fait des choſes néceſſaires au ſalut des peuples qu’ils doivent endoctriner.

Sorciers. L’Eſprit Saint y croyoit autrefois, comme on le voit dans la Bible ; nos Peres y ont cru fort longtems, on n’y croit plus maintenant, ſi cela continue on ne croira bientôt plus rien.

Sots. Voyez Chrétiens, Ignorance, Crédulité, Foi &c. Les incrédules, qui ſont des ſots, ne voient par leurs yeux profanes que des ſotiſes & des ſots dans notre ſainte religion. Ils y trouvent un ſot Dieu, qui ſe fait pendre ſottement, de ſots Apôtres, de ſots myſteres, de ſottes opinions, de ſottes querelles, de ſottes pratiques, qui occupent de ſottes gens & qui font vivre des Prêtres qui ne ſont point ſi ſots.

Soufflet. Quand quelqu’un vous appliquera un ſoufflet ſur une joue il faut bien vite lui tendre l’autre ; c’eſt un ſecret ſûr pour être admis en Paradis & pour être chaſſé de votre Régiment.

Souverains. Il y en a deux dans tout pays Chrétien. 1° Monſeigneur le Clergé, 2° le Prince, qui doit être, pour bien faire, le Serviteur de Monſeigneur.

Spiritualité. Qualité occulte, inventée par Platon, perfectionnée par Deſcartes & changée en Article de foi par les Théologiens. Elle convient évidemment à tous les êtres dont nous ne ſavons point la façon d’être & d’agir ; Dieu eſt ſpirituel, notre ame eſt ſpirituelle, la puiſſance de l’Egliſe eſt ſpirituelle, cela ſignifie, en bon François, que nous ne ſommes pas trop au fait ni de ce qu’ils ſont ni de leur façon d’agir.

Splendeur. Dans les tems malheureux où nous vivons l’Egliſe a beſoin de ſe montrer avec ſplendeur. Si ſes miniſtres étoient auſſi gueux que les Apôtres, les Cent-Suiſſes les chaſſeroient des appartemens de Verſailles. Les équipages, les bijoux, les livrées ſont aujourd’hui très-néceſſaires aux chefs de l’Egliſe, ſans cela la Religion d’un Dieu pauvre ſeroit infailliblement mépriſée.

Stercoraniſtes. Opinion abſurde de ceux qui ſuppoſeroient que le pain conſacré dans l’Euchariſtie, c’eſt-à-dire changé en Dieu, puiſſe être rendu par la ſelle. Les Théologiens ont longtems diſputé pour ſavoir ce que devenoit le Dieu que l’on a reçu dans l’Euchariſtie, maintenant il eſt enfin décidé qu’il n’y a que Dieu ſeul qui ſache ce qui arrive à l’Euchariſtie quand nous l’avons reçue.

Suicide. Il eſt bien défendu à tout Chrétien d’attenter à ſes jours ou de ſe tuer tout d’un coup, mais il lui eſt trèspermis de ſe tuer en détail ou peu-à-peu ; pour lors il n’y a rien à dire, ſa conduite devient même ſi édifiante & ſi méritoire, qu’il peut eſpérer de mourir en odeur de ſainteté, & d’être un jour placé dans l’Almanach pour peu qu’il faſſe une douzaine de miracles.

Suiſſe. Homme d’Egliſe aſſez bruſque, qui dans les cérémonies précede M. le Curé, lui fait faire place, écarte les importuns qui pourraient le troubler dans ſes fonctions ſacrées. Les Souverains ne ſont ſouvent que les Suiſſes du Clergé.

Superſtition. C’eſt toute Religion ou toute pratique Religieuſe auxquelles on n’eſt point accoutumé. Tout culte qui ne s’adreſſe point au vrai Dieu eſt faux & ſuperſtitieux ; le vrai Dieu eſt celui de nos Prêtres, le vrai culte eſt celui qui leur convient le mieux, & auquel ils nous ont de bonne heure accoutumés ; tout autre culte eſt évidemment ſuperſtitieux, faux & même ridicule.

Surnaturel. C’eſt ce qui eſt au-deſſus de la nature ; comme nous connoiſſons parfaitement la nature, ſes reſſources & ſes loix, dès qu’il ſe préſente quelque choſe que nous ne comprenons plus, nous devons crier au miracle & dire que la choſe eſt ſurnaturelle & divine ; en un mot le ſurnaturel eſt tout ce que nous n’entendons pas, ou à quoi nos yeux ne ſont point habitués : cela poſé, nous diſons que la révélation, que la Théologie, que les myſteres ſont des choſes ſurnaturelles, c’eſt comme ſi nous diſions que nous n’y comprenons rien. Les miracles ſont des œuvres ſurnaturelles, vû que nous ne ſavons pas comment ont fait des miracles. Ce qui eſt ſurnaturel pour les laïques eſt très-naturel pour les Prêtres, qui ſavent très-bien comment il faut s’y prendre pour faire des choſes ſurnaturelles, ſur-tout quand les laïques ont la ſimplicité requiſe pour croire ou pour voir des choſes ſurnaturelles.

Suſpendre. Quand un Prêtre de l’Egliſe Romaine a, par extraordinaire, commis un crime ou fait quelque ſotiſe éclatante, on ne le pend point comme un coquin de laïque, on le ſuſpend, c’eſt-à-dire, on le prive du droit d’exercer les fonctions pénibles du ſacré Miniſtere, ce qui eſt, ſans doute un châtiment bien rigoureux.

Symbole. C’eſt le Sommaire ou l’abrégé des choſes incroyables qu’un Chrétien eſt obligé de croire ſous peine d’être damné. Pour peu qu’il croye fermement ſon Symbole & les déciſions contenues dans les Conciles, les Peres & dans un million de commentateurs, il ne pourra manquer de ſavoir à quoi s’en tenir ſur ſa foi.

Synagogue. C’eſt la première femme du Pere éternel ; il l’avoit épouſée dans le tems qu’il étoit Juif, mais elle l’a tant fait enrager qu’il s’eſt fait Chrétien de dépit, & pour lui faire piece, il a épouſé l’Egliſe en ſecondes nôces : on aſſûre qu’il n’a pas trop gagné au changement.