Théologie portative, ou Dictionnaire abrégé de la religion chrétienne/R

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Rabbi. Mot Hébreu qui ſignifie maître. Jéſus Chriſt défendit à ſes Apôtres de ſe faire appeller maîtres ; voilà pourquoi leurs Succeſſeurs ſe font appeller Monſeigneur, votre grandeur, votre éminence, votre ſainteté ; il n’y a pas le mot à dire.

Raca. Il eſt défendu dans l’Evangile d’appeler ſon frere Raca ; mais le Clergé nous conſeille de le tuer quand il n’a pas raiſon, c’eſt-à-dire, quand il n’eſt point de notre avis, quand nous avons un avis ; ou de celui du Clergé, quand nous n’en avons point un nous-mêmes.

Raiſon. C’eſt de toutes les choſes de ce monde la plus nuiſible à un être raiſonnable : Dieu ne laiſſe la raiſon qu’à tous ceux qu’il veut damner, il l’ôte dans ſa bonté à ceux qu’il veut ſauver ou rendre utiles à ſon Egliſe. Point de raiſon, voilà la baſe de la Religion ; ſi elle étoit raiſonnable il n’y auroit plus de mérite à la croire, & alors que deviendroit la foi ? Cependant il eſt bon d’écouter la raiſon, toutes les fois que par hazard elle s’accorde avec les intérêts du Clergé.

Rédemption. Tout Chrétien eſt obligé de croire que le Dieu de l’univers, en conſentant à mourir, a racheté les hommes de l’eſclavage du péché ; cependant ils vont toujours péchant, comme ſi de rien n’étoit. L’on ſent d’après cela que la rédemption eſt un myſtere très-utile au genre humain.

Réforme. Depuis la fondation du Chriſtianiſme, qui, comme on ſait, eſt le chef d’œuvre de la ſageſſe divine : ſes Prêtres ont été perpétuellement occupés à le réformer. Le Diable eſt ſans ceſſe aux trouſſes de l’Egliſe, & dérange la belle machine inventée par Jéſus-Chriſt ; l’on ne voit pas que juſqu’ici le Saint-Eſprit ſoit parvenu à raccommoder ſolidement l’ouvrage merveilleux de la Divinité.

Réfugiés. Hérétiques dont la France s’eſt ſagement débaraſſée & qu’elle a forcés de chercher un azile chez ſes voiſins. Il n’y a pas de mal à tout cela ; la foi pure lui reſte ; cette foi ſuffira toujours pour la garantir des efforts des nations hérétiques que Dieu, qui eſt orthodoxe, ſe gardera bien de favoriſer.

Refus de Sacremens. Comme le chien de Jean De Nivelle les Prêtres ne vont point toujours où ils ſont appellés ; vers le 48e. dégré de latitude ſeptentrionale on refuſe, ſouvent aſſez durement, les graces ſpirituelles à ceux qui les demandent avec ardeur en mourant ; en récompenſe on tâche de les entonner de vive force à ceux qui ne ſe ſentent point d’appétit pour ces ragoûts ſpirituels ; conduite, ſans doute, dictée par la ſageſſe profonde qui caractériſera toujours les Paſteurs de l’Egliſe.

Régicides. Corrections maternelles que l’Egliſe fait donner quelquefois aux Princes, qui n’ont point pour ſes Miniſtres la déférence qui leur eſt due. Ahod, Saint Thomas & le Pere Buſenbaum ont prouvé que rien n’étoit plus légitime que de tuer les Tyrans. Voyez Tyrans. Les profanes ſe récrient contre les régicides ordonnés par l’Egliſe ; les ignorans ne ſavent-ils point que chez les anciens Romains les parens avoient droit de faire mourir leurs enfans ?

Religieuſes. Saintes filles deſtinées aux ſerrails que Jéſus-Chriſt tient dans ce bas monde ; chacune d’elles à force de petits ſoins eſpere un jour mériter le mouchoir. En attendant elles ſont gardées par des Moines & des Prêtres, qui n’étant point des Eunuques, font quelquefois le Sultan cocu, pour ſe faire trop attendre.

Religion. Syſtême de doctrine et de conduite inventé par Dieu lui-même pour le bien de ſes Prêtres & le ſalut de nos ames. Il y a pluſieurs religions ſur la terre, mais la ſeule véritable eſt toujours celle de nos Peres, qui étoient trop ſenſés pour ſe laiſſer tromper ; toutes les autres religions ſont des ſuperſtitions ridicules qu’il faudroit abolir ſi l’on étoit aſſez fort. La vraye religion eſt celle que nous croyons vraye, à laquelle nous ſommes accoutumés, ou contre laquelle il ſeroit dangereux de diſputer. La religion du Prince porte toujours des caracteres indubitables de vérité.

Reliques. Les ames dévotes & Catholiques ſont pénétrées d’un ſaint reſpect pour les reſtes de quelques ſaintes charognes, qui, comme on ſait, ont le pouvoir d’opérer de très-grands miracles en faveur de ceux qui ont bien de la foi. La culotte de ſaint Pâris a plus guéri de maladies que toute la Faculté de Paris.

Réparations. On eſt obligé de réparer le mal que l’on a fait ; le moyen le plus court c’eſt de donner aux Prêtres ou à des hôpitaux l’argent qu’on a volé à ſes concitoyens ; tout eſt bien réparé quand l’Egliſe eſt contente.

Repentir. Pour obtenir la rémiſſion de ſes péchés un Chrétien doit éprouver un repentir très-ſincere d’avoir commis des actions qui lui ont fait un grand plaiſir : un acte de contrition ſuffit pour le remettre bien avec Dieu, ce qui eſt infiniment commode pour tous ceux qui n’ont point deſſein de changer de conduite.

Réponſes. Répondre en Théologie c’eſt répliquer des injures, c’eſt crier, c’eſt implorer le ſecours du bras ſéculier contre ceux qui combattent les ſentimens du Clergé. Ces réponſes ne ſont pas ſatisfaiſantes & ne réſolvent pas pleinement les difficultés, mais ceux qui ont de la foi les trouvent ſans réplique, & ceux qui n’en ont point ſont obligés de s’en contenter.

Réprouvés. Ce ſont tous ceux qu’un Dieu bon deſtine à l’amuſer éternellement par les grimaces & les hurlemens qu’ils feront dans l’éternelle chaudiere que ſa juſtice leur prépare. Un Dieu juſte, comme on ſait, ne doit rien à perſonne ; il fait trop d’honneur aux réprouvés de vouloir bien s’en amuſer, quand ce ne ſeroit que pour leur montrer qu’il eſt le maître, vérité dont, ſans cela, ils auroient peut-être douté.

Réſidence. Les Paſteurs de l’Egliſe ſont tenus de réſider au milieu de leurs moutons reſpectifs, afin de les mener paître. Il eſt pourtant des Evêques qui aiment mieux réſider à la cour ; les ouailles ne manquent de rien quand le Paſteur fait bonne chere ou obtient des Abbayes. Le ſalut des courtiſans & des dévotes en crédit eſt, ſans contredit, bien plus intéreſſant pour l’Egliſe que celui de la canaille Chrétienne qui demeure en Province.

Réſurrection. Jéſus-Chriſt eſt reſſuſcité, nous en avons pour garants quelques Apôtres éclairés & quelques ſaintes commères qui n’ont pas pû s’y tromper ; ſans compter tout Jéruſalem, qui n’en a jamais rien vu. Les Chrétiens croient fermement qu’ils reſſuſciteront un jour, c’eſt-à-dire que leurs ames ſpirituelles ſe rejoindront à leurs corps, & que dans le fouillis de la nature entiere chacun retrouvera les pieces qui appartenoient à ſon ancien individu.

Retraite. Il eſt utile aux bons Chrétiens de vivre dans la retraite ; la choſe eſt très-propre à les rendre hargneux, inſociables & ſur-tout à leur echauffer le cerveau. La Société nous gâte, elle nuit à notre ſalut, elle nous empêche de bien rêver aux vérités ſaintes, que jamais nous ne pourrons comprendre.

Révélation. Manifeſtation des volontés divines, faite par le Tout-Puiſſant en perſonne à des hommes incapables de nous en donner à garder. Révélation vient de rêver ; la Divinité s’eſt révélée dans chaque contrée de la terre, mais la véritable révélation ne peut être viſiblement que celle des rêveurs qui ont rêvé pour nous ; le plus ſûr eſt de les croire, ſur-tout quand on court riſque d’être pendu en doutant de la vérité de leurs ſaintes rêveries.

Revenans. Les eſprits-forts n’y croyent point, mais tout bon Chrétien eſt obligé d’y croire. Le Saint Eſprit y a cru dans l’Ancien Teſtament, c’eſt donc une héréſie de n’y point croire aujourd’hui. D’ailleurs les revenans font peur, & tout ce qui fait peur eſt toujours très-utile au Clergé.

Révoltes. Petites tracaſſeries que le Clergé fait quelquefois aux Princes. Il eſt très-légitime de ſe révolter contre ſon Souverain quand le Pape le conſeille ou quand la choſe eſt avantageuſe au Clergé ; c’eſt alors la faute du Souverain qui s’eſt révolté contre le Pape ou contre le Clergé, c’eſt-à-dire contre Dieu même.

Richeſſes. Elles ſont des obſtacles invincibles au ſalut. Un riche a communément le ventre trop gros pour enfiler la voye étroite qui conduit en Paradis ; s’il y prétend il doit jeûner ou ſe faire dégraiſſer par ſes Prêtres, qui le rendront aſſez mince pour ſe gliſſer par la lucarne du ſalut.

Rire. Un Chrétien bien dévot doit être ſérieux comme un âne qu’on étrille. Jéſus-Chriſt n’a jamais ri ; il s’agit bien de rire tandis qu’à chaque inſtant un Chrétien eſt en danger de tomber dans la chaudiere, que la Divinité prépare à ceux aux dépends de qui elle voudra rire éternellement. Il n’eſt permis qu’aux Prêtres de rire dans leurs barbes de ceux dont ils tiennent l’argent.

Rites. Uſages ſacrés & formules reſpectables obſervés par nos ſaints Jongleurs, & contenus dans de ſaints grimoires que l’on nomme Rituels. Les gens ſans foi mépriſent les rites, les pratiques & les cérémonies de l’Egliſe ; mais elle y tient, avec raiſon, vû que ces belles choſes font venir l’eau au moulin du Clergé qui, s’il ceſſoit de moudre, feroit que la Religion mourroit de faim.

Rois. Ce ſont les chefs des nations & les Serviteurs des Prêtres, qui dans un pays bien Chrétien ne doivent être ſoumis à perſonne & commander à tout le monde. Les Rois ne ſont faits que pour défendre le Clergé, pour faire valoir ſes argument & ſes droits et ſur-tout pour exterminer ſes ennemis.

Romains. Peuple fameux qui par droit de conquête s’eſt rendu maître du monde, & aux droits duquel a ſuccédé de droit divin un Prêtre, qui a conquis l’Europe à force d’argumens. Ceux des Chrétiens qui ſont ſoumis à ce Prêtre ſe nomment Catholiques Romains ; ſes légions ſont compoſées de Capucins, de Récolets, de Cordeliers, de Jacobins ; les Jéſuites forment la cohorte prétorienne ; les Evêques ſont leurs Tribuns militaires, & les Rois ſeront leurs pourvoyeurs tant qu’ils auront aſſez de foi.

Royaume de Dieu. Il n’eſt point de ce monde ; Jéſus-Chriſt l’a dit lui-même ; mais ce n’eſt point ce qu’il a dit de mieux. Les Prêtres, pour bien faire, devroient ſeuls commander ici-bas ; mais hélas ! Le peu de foi des Princes s’oppoſe ſouvent à leurs ſaintes entrepriſes. Si nous avions de la foi en doſe ſuffiſante les Rois ſeroient eux-mêmes aux ordres du Clergé.