Théologie portative, ou Dictionnaire abrégé de la religion chrétienne/I-J

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I

Janſéniſtes. Catholiques bâtards, qui en dépit du très-Saint Pere, du Clergé & de la Cour, veulent à toute force paſſer pour très-orthodoxes. La grace efficace n’a pu encore juſqu’ici ſe faire goûter à la Cour ; en récompenſe elle a pour elle la rue S. Honoré, le Marais & les Halles, ſans compter pluſieurs de Noſſeigneurs du Parlement. Les Janſéniſtes ſont aſſez doux quand ils ne ſont point les plus forts ; leur charité s’aigrit un peu quand ils ont la force en main. Malgré l’auſtérité de leurs mœurs, leurs fronts ſe dérident quelquefois à la vue des miracles éclatans que Dieu opere chaque jour à la ſourdine en leur faveur : c’eſt ſur-tout en Carême que leur gayeté ſe déploie ; pour l’édification des gens de bien Sœur Françoiſe donnoit ci-devant un bal prié, le jour du Vendredi-Saint, rue Saint Denis, dans une allée vis-à-vis de St. Leu & St. Gilles. On dit qu’elle eſt morte à force d’y faire les beaux bras. V. Convulſionnaires & Secours. Cet Article eſt de Mr. Abraham Chaumeix.

Idées innées C’eſt ainſi que l’on nomme des notions que les nourrices & les Prêtres ont inſpirées de ſi bonne heure, & qu’ils ont ſi ſouvent répétées, que, devenu grand, l’on croit les avoir eu toujours, ou les avoir reçues dès le ventre de ſa mere. Toutes les idées du Catéchiſme ſont évidemment des idées innées.

Idolâtrie. Culte Religieux que l’on rend à des objets matériels & inanimés ; il n’eſt dû qu’au vrai Dieu & ne peut ſans crime ſe transférer aux créatures, à moins qu’il ne prît fantaiſie au vrai Dieu de ſe changer en gauffre, ou de changer la gauffre en lui, ce qui change la Thèſe.

Jéruſalem. Il y a deux villes de ce nom, l’une ſituéé en Judée, & l’autre au cinquantieme dégré des eſpaces imaginaires. Cette derniere eſt, ſelon St. Jean, une belle ville toute de diamans, d’émeraudes & de rubis ; les Chrétiens, qui ſe ſeront bien macérés ici-bas, iront y faire bombance un jour.

Jésuites. Moines très-noirs & très-guerriers, qui depuis deux ſiecles ſont venus ranimer la foi mourante. Ce ſont les Janiſſaires du Pape, à qui ſouvent ils font d’aſſez méchantes affaires. Ils ſont les dépoſitaires du Coutelet de l’Egliſe, dont le manche eſt à Rome chez l’Aga des Janiſſaires : depuis peu le P. Malagrida en a perdu la lame en Portugal, & ſes confreres en ont été dangereuſement bleſſés. Cet Article eſt du R. P. Crouſte.

Jéſus-Chriſt. Nom que prit autreſois la Divinité, lorsqu’elle vint incognito faire un tour en Judée, où, faute de décliner ſon vrai nom, elle fut pendue comme un eſpion. Sans cet heureux quiproquo le genre humain étoit perdu ; il n’auroit eu ni Théologie ni Clergé, & la France n’eût jamais entendu parler de la Bulle Unigenitus.

Jeûne. Abſtinence de nourriture. C’eſt une pratique très-agréable à la Divinité, qui ne nous donne des eſtomacs & des alimens que pour nous inviter à nous laiſſer périr d’inanition. Quand on ne peut jeûner ſoi-même il eſt bon de faire jeûner ſes gens. Un des grands avantages du jeûne c’eſt de nous diſpoſer à voir ce que les Prêtres veulent nous montrer ; quand l’eſtomac eſt vuide la tête eſt diſpoſée à battre la campagne. S. Bernard nous apprend que quand le corps jeûne notre ame fait bonne chere & devient graſſe à lard.

Ignorance. C’eſt le contraire de la ſcience, & la premiere diſpoſition à la foi. On en ſent toute l’importance pour l’Egliſe. Depuis que les Laïques ne ſont plus duement ignorans, la foi diminue, la charité ſe refroidit, & les actions du Clergé ſont bien tombées ſur la place.

Imitation. La Religion Chrétienne nous ordonne d’imiter le Dieu que nous adorons. D’où l’on voit que nous devons tendre des piéges aux hommes, les punir d’y avoir donné, exterminer les infideles, noyer ou brûler les pécheurs, enfin nous faire prendre afin de reſſembler à notre divin modele.

Immatériel. C’eſt ce qui n’eſt point matériel, ou ce qui eſt ſpirituel. Si vous voulez quelque choſe de plus, adreſſez-vous à votre Curé, qui vous prouvera que Dieu eſt immatériel, que votre ame eſt immatérielle, qu’un ange eſt immatériel, que l’argent de l’Egliſe eſt immatériel : ſi votre eſprit trop matériel n’y comprend rien, attendez que la foi vous vienne, ou craignez que votre eſprit bouché ne ſoit un jour matériellement ou ſpirituellement grillé pour avoir été trop matériel.

Immenſe. Dieu eſt immenſe, il eſt par-tout, il remplit tout. Il eſt donc dans moi quand je fais une ſotiſe ? Eh ! point du tout, grand Nigaud ! Il eſt par-tout, ſans néanmoins être dans vous ; ah ! j’entends, c’eſt un myſtere.

Immortalité. Qualité propre à notre ame, qui, comme on ſait, eſt un eſprit ; or un eſprit eſt une ſubſtance que nous ne connoiſſons pas ; donc il eſt démontré qu’elle ne peut ſe détruire comme les ſubſtances que nous connoiſſons. Il eſt eſſentiel pour l’Egliſe que nos ames ſoient immortelles, ſans cela nous pourrions bien n’avoir pas beſoin des Miniſtres de l’Egliſe, ce qui forceroit le Clergé de faire banqueroute.

Immuable. Dieu eſt immuable, c’eſt-à-dire n’eſt point ſuſceptible de changer ; cependant nous trouvons dans ſes papiers que ſouvent il a changé de projets, d’amis & même de Religion : mais tous ces changemens ne peuvent nuire à ſon immutabilité, ni à celle de ſes Prêtres immuables, qui jamais ne changent d’avis ſur le deſſein de mener les laïques par le nez.

Immunités. Privilèges très-prudemment accordes par les Princes ou plutôt par la Divinité même à ſes valets-de-pied ; en vertu des immunités ils peuvent être très-inſolens ici-bas, & ſont exemts de contribuer comme les autres aux beſoins de la Société. Dieu n’eſt jamais de plus méchante humeur que quand on touche aux immunités de ſes gens ; il s’en venge communément ſoit de vive force ſoit en traître.

Impénitence. C’eſt un endurciſſement dans le péché ; quand on perſévère juſqu’à la mort dans ſa rebellion à l’Egliſe, l’impénitence s’appelle finale, c’eſt le plus horrible des péchés, aux yeux du clergé qui ne peut conſentir que jamais Dieu le pardonne.

Impies. Ce ſont des gens qui ne ſont pas pieux, ou qui manquant de foi ont l’impertinence de rire des choſes que les dévots & les prêtres ſont convenus de regarder comme ſérieuſes & ſaintes. Une femme impie eſt celle qui n’eſt pas une pie comme ſa commere la dévote, ou ſa voiſine la Janſéniſte, ou ſa Tante la bégueule.

Impiété. C’eſt tout ce qui porte atteinte à l’honneur de Dieu, c’eſt-à-dire du Clergé.

Implicite. C’eſt le caractère que doit avoir la foi quand elle eſt bien conditionnée ; cette foi eſt la même choſe que la foi du charbonnier ; elle conſiſte à ne jamais douter de ce que dit M. le Curé, quand on eſt Catholique ; de ce que dit le Profeſſeur Vernet quand on eſt Genevois ; de ce que dit le Muphti, quand on eſt un Bourgeois de Conſtantinople.

Important. Il n’y a rien de plus important au monde que ce qu’il importe aux Prêtres de faire regarder comme important. Le monde Chrétien a eu depuis pluſieurs ſiecles le bonheur d’être troublé pour des mots importans, des argumens importans, des époques importantes, des Cérémonies importantes, des Capuchons importans, des Bulles très-importantes &c.

Impoſition des mains. Cérémonie ſacrée requiſe pour faire des Prêtres, et non des impoſteurs comme ſon nom ſembleroit l’indiquer. Par cette ſainte magie, qui s’appelle chirotonie, le Saint-Eſprit deſcend ſur le crâne d’un Prêtre, qui dès lors ne peut plus dire que des vérités, pourvû néanmoins que ce qu’il dit ſoit approuvé de ſon Evêque ; qui tient toujours, comme on ſait, la foi de la première main.

Imprimerie. Invention diabolique & digne de l’Ante-Chriſt ; elle devroit être proſcrite de tout pays Chrétien. Les fideles n’ont pas beſoin de livres, un chapelet leur ſuffit. Pour bien faire on ne devroit imprimer que le bréviaire & le Pédagogue Chrétien.

Incarnation. Tout Chrétien eſt obligé de croire que l’eſprit, qui remplit l’univers de ſon immenſité, s’eſt autrefois rapetiſſé de maniere à tenir dans la peau d’un Juif ; mais il ne s’eſt pas bien trouvé de la métamorphoſe, on aſſûre qu’il n’y reviendra plus. Ceux qui voudront ſe faire une idée claire de ce myſtere ineffable, trouveront de quoi ſe ſatisfaire dans ce cantique de M. Simon Le-Franc.

CANTIQUE.

Le péché de notre premier Pere
Le perdit & tous ſes deſcendans :
Mais le courroux d’un Dieu tout débonnaire
Loin d’être éternel, ne dura guere
Que quatre mille ans.

***

Quand il eut donné ce peu d’années
Aux tranſports d’un premier mouvement,
La grace vint changer les deſtinées
Des ames qui ſe trouvoient damnées
Sans ſavoir comment.

* * *

Pour réparer le mal de la Pomme
Voici donc ce qu’à ſon fils il dit :
Allez vous faire, courez vous faire homme ;
Souffrez, mourez : à cela voici comme
Le fils répondit.

* * *

J’obéis, mais je ne puis vous taire
Un fait que vous ne pouvez nier ;
Je ſuis Dieu comme vous, mon cher Pere,
Devenir homme, n’eſt-ce pas me faire
D’Evêque meûnier ?

* * *

Alte-là, mon fils, c’eſt un Myſtere
Qu’il faut croire avec ſoumiſſion.
Vous naîtrez d’une vierge Mere,
J’ai mon Saint-Eſprit prêt à lui faire
L’opération.

* * *

N’ai-je pas là, pourſuit-il, quelque Ange
Prêt à faire une commiſſion ?
Où ſont-ils donc ? Il faudra que j’en change.
Hé, Gabriel, ſur ce plan qu’on m’arrange
L’incarnation.

* * *

L’Ange part, vole ſur l’Hémiſphere,
Va chez la femme d’un charpentier,
C’eſt un drôle, on n’a qu’à le laiſſer faire,
Nul n’entend mieux à nouer une affaire,
C’eſt-là ſon métier.

***

Il fait ſon compliment dès qu’il entre,
Et comme un ange il a de l’eſprit ;
Des grâces, dit-il, vous êtes le centre,
Bénit-ſoit le fruit de votre ventre :
Le compliment prit.

FIN :

Inceſte. Crime contre nature qui étoit permis du tems d’Adam & que ſouvent le pape permet encore quand il eſt bien payé. C’eſt un péché impardonnable que de coucher avec ſa maraine, l’on commet alors un inceſte ſpirituel, ce qui eſt auſſi terrible qu’un inceſte corporel.

Incompréhenſible. Dieu eſt incompréhenſible ainſi que les myſtères de la religion : il n’y a que les Prêtres qui y comprennent quelque choſe, ce qui fait voir la profondeur de leur caboche ſacrée.

Incrédules. Ce ſont des coquins qui ne ſont point crédules ; ils ont l’impertinence de ſuppoſer que Dieu pourroit bien n’avoir pas dit tout ce qu’on lui fait dire, & que ſes Prêtres pourroient bien vouloir en donner à garder. On voit évidemment que des gens de cette trempe ſont inutiles au Clergé & par conſéquent à la Société, qui ne peut ſe paſſer du Clergé. D’ailleurs S. Auguſtin, qui y avoit bien rêvé, nous aſſure que l’incrédulité eſt le péché des péchés.

Indéfectibilité. Dieu lui-même a promis à ſon Egliſe qu’elle ſeroit toujours aimable, qu’elle ne vieilliroit point, qu’elle ne radoteroit jamais, que les portes de l’enfer ne prévaudroient point contre elle. Malgré ces aſſurances elle fait le diable à quatre auſſitôt qu’on lui dit un mot de travers, ce qui ne vient pas de ce qu’elle manque de foi, mais de ce qu’elle craint de manquer d’argent & de crédit, qui lui ſont très-néceſſaires pour alimenter ſa foi.

Indulgences. Grâces ſpirituelles que l’Egliſe ou le Pape accordent aux fideles, dont l’effet eſt de remettre les péchés paſſés, préſens & futurs. Ces indulgences ne doivent point ſe confondre avec ce que les profanes nomment de l’indulgence, c’eſt une diſpoſition dont le Clergé ne doit jamais ſe piquer.

Ineffable. Toutes les qualités divines ſont ineffables, c’eſt-à-dire au deſſus de toute expreſſion, au deſſus de l’intelligence humaine. Mais comme les Prêtres en raiſonnent ſans ceſſe, les bons Chrétiens doivent pieuſement ſuppoſer qu’ils ſavent très bien ce qu’ils diſent, lorſqu’ils parlent de choſes ineffables auxquelles le vulgaire ne comprend rien.

Infaillibilité. Privilège excluſif accordé à l’Egliſe par la Divinité même. Ses Evêques aſſemblés en corps ne peuvent errer ſur la foi, toutes les fois qu’ils ne décident rien, ou toutes les fois qu’ils ſont aſſez forts pour faire paſſer leurs déciſions. Suivant quelques Chrétiens le pape eſt infaillible, mais beaucoup d’autres ont le courage de douter de cette vérité. En général on peut dire que tout Prêtre, tout Curé, tout Prédicant, tout Rabbin, tout Iman, &c. jouiſſent de l’infaillibilité toutes les fois qu’il y a du danger à les contredire ; tout Prêtre qui a du pouvoir eſt évidemment infaillible.

Infini. C’eſt ce qui n’eſt point fini ou ce dont on ne connoît point le terme. Dieu eſt infini, c’eſt-à-dire que les Théologiens ne ſavent point au juſte juſqu’où ſes qualités s’étendent. Le Clergé partage avec Dieu l’infinité ; comme lui il eſt infiniment ſage, infiniment puiſſant, infiniment reſpecté par les Chrétiens qui ſont d’une infinie ſimplicité.

Ingratitude. Diſpoſition odieuſe dans les laïques, qui ne doivent jamais perdre de vue les obligations infinies qu’ils ont à leur Clergé ; celui-ci peut être ingrat, c’eſt-à-dire il ne doit avoir obligation à perſonne ici-bas des revenus, des privileges, des bénéfices qu’on leur donne ; ceux qui les leur donnent ne ſont jamais que des inſtrumens dont Dieu ſe ſert pour obliger ſes amis du Clergé. Les Prêtres ſont en conſcience obligés d’être ingrats, ne fût-ce que pour accomplir la Prophétie de Michée qui dit d’eux que ſi on leur donne quelque choſe à manger, auſſitôt ils vous déclarent la guerre. Nos Prêtres ſont trop polis pour démentir un Prophête.

Injures. Expreſſions polies & charitables, dont les Théologiens ſe ſervent entre eux, ou contre leurs adverſaires, quand ils veulent concilier les choſes, ou bien quand il s’agit de répondre aux difficultés qu’on leur propoſe ; les injures ſont des argumens très-convainquans, cependant il eſt encore plus ſûr de répondre par des fagots.

Inquiſition. Tribunal ſacré, c’eſt-àdire, compoſé de Prêtres & de Moines, indépendans de la puiſſance civile, qui ont, comme de raiſon, reçu le droit de juger ſans appel dans leur propre cauſe & de faire brûler ceux qui plaident contre eux. A l’aide de ce ſaint Tribunal les Princes qui l’autoriſent ont l’avantage d’avoir des ſujets bien orthodoxes, bien dévots, bien gueux & toujours bien diſpoſés à prendre parti pour le Clergé contre la puiſſance temporelle. C’eſt bien dommage que juſqu’ici l’on n’ait point encore ſenti en France l’utilité d’un ſi ſaint Tribunal.

Inſpirations. Ce ſont des vents ſpirituels partis ſoit du croupion ſoit du bec du Saint-Eſprit, qui ſoufflent dans les oreilles de quelques hommes choiſis, dont Dieu ſe ſert comme d’une ſarbacane pour faire connoître ſes volontés au vulgaire étonné des belles choſes qu’on lui annonce.

Inſtructions Chrétiennes. Elles conſiſtent à conter des fables ſacrées & à combattre la raiſon des fideles qu’on veut inſtruire. Ces fonctions ſublimes appartiennent excluſivement au Clergé, qui jouit du droit divin de rendre les peuples auſſi imbéciles & auſſi fous que leurs intérêts le demandent.

Interdit. Châtiment épouvantable que les chefs de l’Egliſe infligent quelquefois aux ſujets des Princes qu’ils veulent mettre à la raiſon. Il conſiſte à priver les peuples du culte, des cérémonies & des graces ſpirituelles ſans leſquelles les bleds ne leveroient point & les vignes ſeroient infailliblement gelées. Les Papes employoient autrefois ce remede avec ſuccès contre l’indocilité des Souverains, ils en ſont plus chiches depuis que la foi s’eſt morfondue ſur la terre.

Intérêt. Les Miniſtres de l’Egliſe ſont de tous les hommes les plus déſintéreſſés pour eux-mêmes ; ils n’ont jamais en vue que les intérêts de Dieu, qui, comme on ſait, eſt très-intéréſſé, ainſi que ſon Epouſe qui ne l’eſt pas moins que lui ; l’Egliſe a beſoin d’argent pour faire aller le ménage. On ſait que les Prêtres prennent un grand intérêt aux ames, quand ces ames ſur-tout s’intéreſſent au Clergé.

Interpretes. Ce ſont de ſaints chicanneurs que l’Egliſe charge de ſes affaires lorſqu’elles ſont bien embrouillées ; à force de rêver ils parviennent communément à faire perdre le procès au bon ſens.

Jonas. Prophête hargneux & colere ; il fut trois jours dans le ventre d’une baleine, qui fut à la fin obligée de le vomir, tant un Prophête eſt un morceau difficile à digérer. Dieu le chargea de mentir de ſa part aux Ninivites, ce qui lui donna de l’humeur ; un Prophête communément ne cherche que playe & boſſe.

Jongleurs. Faiſeurs de tours de gibeciere, qui par leurs tours merveilleux en impoſent au vulgaire dans toutes les nations. Les Prêtres des religions fauſſes ſont de faux jongleurs ou des fripons ; les Prêtres de la vraye religion ſont les jongleurs véritables que l’on doit reſpecter, ſur-tout quand ils ſont à portée de jouer de mauvais tours.

Joſeph (S.) C’eſt le Pere putatif de Dieu le fils ; le modele des bons maris, le Patron des Cocus. Il étoit ſujet à avoir des viſions cornues tandis que ſa chere moitié ſe divertiſſoit avec Dieu ou ſes Anges, ou bien avec Pantere.

Joug. Le Joug du Seigneur eſt doux, ſon fardeau eſt léger. Pour les porter plus leſtement il s’agit ſeulement d’avoir des épaules bien fortes, une échine bien ſouple, & de donner ſa bourſe à porter aux voituriers qui nous attelent.

Jubilé. Tems de récréation & de gayeté que le Pape accorde à ſes Brébis pour s’ébaudir dans le pré ſpirituel par mille pratiques amuſantes, qui contribuent toujours à fumer le terrein de l’Egliſe.

Judée. Pays pierreux & ſtérile, à peu près auſſi vaſte que le Royaume d’Ivetot, qui, par un miracle ſurprenant, produiſoit à ſes Rois autant de revenus que l’Europe entiere, les fraix de la tribu de Levi déduits.

Jugement dernier. Quand le Pere Eternel en aura aſſez des ſotiſes qu’il fait faire, qu’il laiſſe faire, ou qu’il permet de faire à ſes créatures, qu’il a fait ſi ſottes, il les raſſemblera toutes dans la petite vallée de Joſaphat, pour leur faire rendre compte de leurs ſotiſes, comme s’il n’en eût point connoiſſance ; après quoi l’on aſſure qu’il fermera boutique pour toujours, & l’univers n’aura plus ni Théologiens ni Théologie, pour le punir de n’en avoir pas mieux ſû profiter. Le jugement dernier ſera précédé d’un jugement particulier, dans lequel chaque homme après ſa mort rendra compte à Dieu, qui ſait tout, des actions qu’il pourroit ignorer.

Jugemens téméraires. Ils ſont défendus par l’Evangile, ſur-tout aux laïques qui ne doivent jamais juger la conduite de leurs guides ſpirituels. S’ils trouvoient un Evêque ou un Abbé en mauvais lieu, ils devroient préſumer que c’eſt pour le bien des ames, & pour la plus grande gloire de la Divinité, qui ne peut-être fâchée que ſes gens ſe réjouiſſent.

Juifs. Nation remplie d’aménité, compoſée de ladres, de galleux, de rogneux, d’uſuriers, de filoux, dont le Dieu de l’univers, épris de ſes belles qualités, eſt jadis tombé amoureux, ce qui lui a fait dire & faire bien des ſotiſes : il en eſt bien revenu aujourd’hui depuis que les Juifs lui ont pendu ſon fils, il ne veut plus que des Juifs grillés ; l’inquiſition eſt chargée d’en fournir ſa cuiſine.

Juſtes. Ce ſont ceux des Chrétiens qui ont l’avantage excluſif de plaire à la Divinité. La terre leur appartient de droit, ils peuvent s’en emparer quand ils ſont les plus forts.

Juſtice divine. Elle ne reſſemble aucunement à la juſtice humaine : cependant les Théologiens ſavent très-bien ce que c’eſt. C’eſt par un effet de la juſtice Théologique que Dieu fait porter à tous les hommes la peine d’une faute commiſe par un ſeul ; c’eſt par juſtice qu’il a fait mourir ſon cher fils innocent pour appaiſer ſa propre juſtice ; c’eſt par juſtice qu’il cuit éternellement tous ceux à qui il refuſe ſa grace ; c’eſt par juſtice que les Prêtres font brûler ceux qui n’ont pas reçu la grace de penſer tout comme eux. D’où l’on voit que la juſtice Théologique ou divine n’a rien de commun avec ce que les hommes ont appellé juſtice.