Théologie portative, ou Dictionnaire abrégé de la religion chrétienne/E

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E

Eau bénite. On l’appelloit Eau luſtrale chez les payens, mais nos Prêtres la rendent très-ſainte & très-Chrétienne, & très-efficace, à l’aide de quelques enchantemens, que l’on trouve dans les grimoires ſacrés que l’on nomme rituels.

Eccléſiaſtiques. Ou gens d’Egliſe. Nom générique ſous lequel on déſigne tous ceux qui compoſent l’Armée que la Divinité, pour le bien de nos ames, fait vivre à diſcrétion ici-bas.

Ecole. C’eſt l’arêne ou deſcendent nos gladiateurs ſacrés, pour s’eſcrimer & diſputer ſans fin ſur les vérités évidentes que Dieu lui-même a révélées. Ce ſont ordinairement les peuples qui ſont bleſſés des puiſſans coups que les Théologiens ſe portent ce qui eſt, ſans doute, un miracle étonnant.

Ecriture Sainte. C’eſt la même choſe que la Bible. C’eſt un Recueil deſcendu du Ciel tout exprès pour que les Prêtres y trouvaſſent tout ce qu’ils avoient beſoin d’y trouver. L’Ecriture Sainte renferme tout ce qu’un Chrétien doit faire & croire, pour peu qu’il y joigne ſeulement un million de volumes de Commentaires, de Syllogiſmes, de Caſuiſtes & de Théologiens.

Edification. Edifier quelqu’un c’eſt fortifier en lui par ſa conduite & ſon exemple le ſaint reſpect qu’il doit avoir pour la Religion ou pour les volontés des Prêtres ; quant aux Prêtres ils ſont toujours édifians, ſur-tout en Eſpagne & en Italie, auſſi voit-on qu’ils y ſont fort conſidérés.

Education Chrétienne. Elle conſiſte à faire contracter dès l’enfance aux petits Chrétiens l’habitude ſalutaire de déraiſonner, de croire tout ce qu’on leur dit, de haïr tous ceux qui ne croient pas ce qu’ils croyent ; le tout pour former à l’Etat des citoyens bien ſenſés, bien raiſonnables, bien tranquiles & ſur-tout bien ſoumis au Clergé.

Egliſe. C’eſt comme qui diroit le Clergé : or ce Clergé c’eſt la femme de Jéſus-Chriſt ; c’eſt elle qui porte les culottes ; ſon mari eſt un bon homme qui ne ſe mêle de rien & qui ne la contredit jamais pour avoir la paix chez lui. En effet la bonne Dame n’eſt point aiſée ; quelquefois elle traite ſes enfans qui regimbent avec une dureté que leur Papa n’approuveroit point s’il oſoit ſe mêler du ménage.

Elus. Ce ſont ceux que Dieu dans ſa miſéricorde choiſit pour leur donner les petites entrées chez lui ; il y aura bien dans chaque ſiecle une demi-douzaine d’Elus, qui auront le plaiſir ineffable de voir griller le reſte du genre humain.

Encenſoir. Caſſolette ſacrée dans laquelle on fait brûler des parfums pour régaler les narines de la Divinité ; les Prêtres ſont ſes parfumeurs privilégiés ; mettre la main à l’encenſoir ſe dit donc par métaphore pour déſigner le crime déteſtable de tout Prince ou Magiſtrat qui auroient l’impertinence de mettre le nez dans les affaires des Prêtres, ſans en être priés.

Enfance. Etat de foibleſſe, d’ignorance & d’imbécillité, dans lequel il eſt néceſſaire d’entretenir & de plonger les Chrétiens, afin que les Prêtres puiſſent les conduire plus aiſément en Paradis, dont ils ſeroient exclus s’ils devenaient aſſez grands pour ſe conduire eux-mêmes, ou pour marcher ſans lizieres.

Enfer. C’eſt le foyer de la cuiſine qui fait bouillir en ce monde la marmite Sacerdotale. Elle fut fondée en faveur de nos Prêtres ; c’eſt pour qu’ils faſſent bonne chere, que le Pere éternel, qui eſt leur premier cuiſinier, met en broche ceux de ſes enfans qui n’auront point eu pour leurs leçons la déférence qui leur eſt due. Au feſtin de l’agneau les Elus mangeront des incrédules grillés, des riches en fricaſſée, des financiers à la ſauce Robert, &c. &c. &c.

Enterremens. Cérémonies que les Prêtres du Seigneur rendent plus ou moins lugubres par leurs ſaints hurlemens, ſuivant qu’ils ſont payés plus ou moins graſſement.

Enthouſiaſme. Sainte yvreſſe qui grimpe au cerveau de ceux à qui Dieu fait la grace de boire en large doſe le bon vin que les Prêtres débitent dans leurs ſaints Cabarets. Voyez Fanatiſme & zêle.

Epreuves. Ce ſont des pièges ingénieux & ſubtils que pour s’amuſer la Divinité, qui ſait tout & qui lit dans les cœurs, tend aux hommes qu’elle favoriſe, afin de découvrir leurs diſpoſitions cachées, & pour ſavoir à quoi s’en tenir ſur leur compte.

Erreur. C’eſt toute façon de penſer en matiere de Religion qui differe de celle des Prêtres à qui nous devons notre confiance. Il n’eſt point chez les Chrétiens de crime plus impardonnable que de ſe tromper, c’eſt celui qu’avec raiſon l’on punit avec le plus de rigueur ; il n’y a gueres que le feu qui puiſſe éclairer efficacement & remettre dans le bon chemin celui qui eſt aſſez bête pour errer.

Eſpérance. Vertu Chrétienne qui conſiſte à mépriſer tout ce que nous connoiſſons de bon ici-bas, pour attendre dans un pays inconnu les biens inconnus que nos Prêtres, pour notre argent, nous apprennent que nous connoîtrons quelque jour.

Eſprit. Chacun ſait ce que c’eſt qu’un eſprit ; c’eſt ce qui n’eſt point matière. Toutes les fois que vous ne ſaurez pas comment une cauſe agit, vous n’aurez qu’à dire que cette cauſe eſt un eſprit, & vous ſerez très-pleinement éclairci.

Eſprit (Saint). C’eſt le troiſieme des Dieux qui compoſent le ſeul Dieu des Chrétiens. La fonction de celui-ci eſt d’inſpirer les Prêtres, & de ſe trouver au milieu d’eux toutes les fois qu’il en eſt requis. Aux yeux des hommes charnels le Saint-Eſprit ne montre point toujours infiniment d’eſprit.

Eſprits forts. Ce ſont ceux qui n’ont pas l’eſprit foible ; ou qui n’ont point reçu de Dieu une échine aſſez ſouple pour ſe laiſſer bâter par les Miniſtres du Seigneur.

Eternité. C’eſt ce qui n’a ni commencement ni fin. Comme la choſe eſt plus facile à dire qu’à comprendre, il eſt bon que tout Chrétien la médite à l’aide de ſon confeſſeur, qui ne manquera pas de lui en faciliter l’intelligence ; en attendant, ſous peine d’être éternellement rôtis, nous devons, en dépit du Prédicant Petit Pierre, nous tenir pour certains que les peines de l’enfer ſeront éternelles ; Jéſus-Chriſt avoit oublié de le dire, mais l’Egliſe, qui en ſait plus long que lui, l’a dit & le répete ſans ceſſe, pour la conſolation de ſes très-chers enfans, dont au moins les 99 centiemes ſeront damnés. Voyez Conſolations.

Etudes. Pour un Théologien profond, c’eſt travailler toute ſa vie à embrouiller ſes idées, & à remplir ſa caboche de ſaints mots, auxquels ni lui-même ni tous ceux qui n’auront point reçu des graces ſurnaturelles ne pourront jamais attacher aucun ſens raiſonnable. Les études pour les laïques conſiſtent à apprendre du Latin & ſur-tout la ſoumiſſion qui eſt due au Clergé.

Euchariſtie. Sacrement merveilleux dans lequel le Dieu de l’univers a la bonté de ſe donner lui-même à manger à ſes Prêtres, & aux Chrétiens dont l’eſtomac eſt aſſez fort pour pouvoir le digérer.

Eunuques. Il ſeroit à propos pour le bien de la Religion que tous les Chrétiens fuſſent eunuques & les femmes bouclées ; par ce moyen le monde finiroit plutôt, & Dieu par conſéquent n’y ſeroit plus offenſé.

Evangile. Signifie bonne nouvelle. La bonne nouvelle que l’Evangile des Chrétiens eſt venu leur annoncer, c’eſt que leur Dieu eſt très-colere, qu’il deſtine le plus grand nombre d’entre eux à des flammes éternelles, que leur bonheur dépend de leur ſainte bêtiſe, de leur ſainte crédulité, de leur ſainte déraiſon, du mal qu’ils ſe feront, de leur haîne pour eux-mêmes, de leurs opinions inintelligibles, de leur zêle, de leur antipathie pour tous ceux qui ne penſeront ou qui ne feront pas comme eux. Telles ſont les nouvelles intéreſſantes que la Divinité, par une tendreſſe ſpéciale, eſt venue annoncer à la terre ; elles ont tellement égayé le genre humain que depuis l’arrivée du courrier qui eſt venu les apporter de là-haut, il n’a fait que trembler, que pleurer, que ſe quereller & ſe battre.

Evêque. Signifie inſpecteur. C’eſt un Prêtre qui, ſans femme, a, comme quelques inſectes, la faculté de ſe reproduire & de multiplier ſon eſpece. Voyez ordre. L’Epiſcopat eſt un fardeau ſi pénible que c’eſt toujours à ſon corps défendant qu’un Abbé de cour s’en charge ; on eſt obligé de vaincre par trois fois ſa répugnance ſincere pour un Evêché qu’il a ſollicité dix ans.

Examen. Quand on eſt bon Catholique, ce ſeroit un grand péché que de prétendre examiner ce que dit le Clergé, qui ſe dit infaillible ; quand on eſt Proteſtant il eſt légitime & permis d’examiner par ſoi-même ce que dit le Clergé, qui ne ſe dit point infaillible, pourvu néanmoins que l’on trouve par cet examen que le Clergé proteſtant ne ſe trompe jamais.

Excommunications. Ce ſont des peines ſpirituelles que les Paſteurs de l’Egliſe infligent à celles de leur Brébis qui ont la clavelée : autrefois elles faiſoient ſécher ſur pied, & quelquefois mourir les Princes d’apoplexie ; aujourd’hui les excommunications ne produiſent point des effets ſi marqués, ce qui vient de ce que la foi devient plus rare ſur la terre.

Exercices de piété. Ce ſont de petites occupations ſpirituelles imaginées par les Prêtres pour empêcher les ames dévotes de s’engourdir. Sans ces petits exercices les bonnes femmes & les gens déſœuvrés courroient riſque de s’ennuyer, ou ſeroient en danger de s’occuper de choſes utiles à leurs familles & au monde pervers.

Exorciſmes. Actes d’autorité ſur les Démons, excluſivement exercés par les Miniſtres de l’Egliſe Romaine. A force d’eau-bénite, de paroles & de cérémonies, on oblige l’eſprit malin de ſortir des corps où il n’étoit jamais entré, ou bien où il étoit entré pour de l’argent.

Expiations. Expier c’eſt éteindre des dettes contractées avec Dieu ; les expiations ſont des cérémonies inventées par les Prêtres qui ſont les gens d’affaire de la Divinité ; celle-ci en paſſe toujours par tout ce que ſes Prêtres veulent ; elle remet les dettes aux hommes toutes les fois que ſes gens d’affaire ont été bien payés.

Extaſes. Syncopes ſacrées, durant leſquelles les ſaints, & ſur-tout les ſaintes, ont le bonheur de rêver & de voir des bluettes. Les perſonnes ſujettes à avoir des extaſes ſont communément celles à qui la Providence fait la grace d’être bien folles ou bien frippones. Voyez viſions.

Extrême-Onction. Sacrement reſpectable de l’Egliſe Romaine ; il eſt trèsutile pour effrayer les mourans. Il conſiſte à graiſſer les bottes de ceux qui ſont prêts a entreprendre le voyage de l’autre monde.

Ezéchiel. Grand Prophête de Judée & ſur-tout homme à belles viſions. Il eſt fameux par ſes bons déjeunés, auxquels nos Prophêtes modernes ne portent point envie. Ezéchiel eſt aſſûrément, après le Jéſuite Sanchez & le portier des Chartreux, l’Eccléſiaſtique le plus ordurier que je connoiſſe.