Théologie portative, ou Dictionnaire abrégé de la religion chrétienne/D

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D

Damnation. Nous devons croire, ſous peine d’être damnés, que le Dieu des miſéricordes pour apprendre à vivre aux pécheurs après leur mort, & pour corriger les vivans qui n’en pourront rien voir, damne éternellement le plus grand nombre des hommes pour des fautes paſſageres ; par un miracle éclatant de ſa bonté divine il les fera durer toujours, afin d’avoir le plaiſir de les brûler toujours. L’Egliſe a, comme Dieu, le droit de damner ; il y a même des gens qui croyent que ſans elle Dieu ne damneroit perſonne, il ne le fait jamais que pour égayer ſa femme.

Daterie. Nom que l’on donne à Rome à un bureau ſacré, où, moyennant des eſpeces, on diſtribue des bénéfices, des diſpenſes, des graces du Saint Eſprit & même le droit de commettre des péchés.

David. C’eſt l’un des plus grands ſaints du Paradis, le vrai modele des Rois. Il fut rebelle, paillard, adultere, aſſaſſin &c. Il couchoit avec les femmes & faiſoit tuer les maris, mais il fut bien dévôt & bien ſoumis aux Prêtres, ce qui lui valut d’être appellé homme ſelon le cœur de Dieu ; Dieu même juſqu’à ce jour n’eſt jamais de plus belle humeur que lorſqu’on lui répete les vaudevilles que ce ſaint homme a compoſés.

Débrouilleur. Saint homme dont la fonction auprès des femmes riches & dévotes eſt de les aider à débrouiller leur petite conſcience, à éclaircir leurs petits doutes, à calmer leurs petits ſcrupules, à évaluer leurs petits péchés, afin de les mettre en état de faire une bonne petite confeſſion ; le débrouilleur ſe charge auſſi quelquefois du ſoin de brouiller le ménage.

Déicide. Crime commis par les Juifs en faiſant mourir un Dieu, qu’ils n’eurent point l’eſprit de démêler dans un Juif à cheveux roux, qui les attrapa pour les punir enſuite d’avoir été attrapés.

Déiſme. Syſtême impie, vû qu’il ſuppoſe un Dieu trop raiſonnable, qui n’exige rien des hommes que d’être bons & honnêtes, & qui ne leur demande ni foi, ni culte, ni cérémonies. On ſent que ce Syſtême eſt abſurde & ne convient nullement au Clergé ; une telle Religion n’auroit pas beſoin de Prêtres ; ce qui ſeroit fâcheux pour la Théologie.

Délations. La Religion Chrétienne eſt, comme on ſait, l’appui de la Société & le ſoutien des mœurs. Voilà pourquoi ſur-tout dans les pays où la ſainte inquiſition eſt établie, l’Egliſe a des eſpions & force à la délation les parens, les amis, les valets ; ce qui rend la Société très-ſûre, les mœurs très-honnêtes, & le commerce de la vie infiniment agréable.

Déluge. Correction paternelle, infligée au genre humain par la providence divine, qui, faute d’avoir prévu la malice des hommes, ſe repentit de les avoir faits ſi malins, & les noya une bonne fois pour les rendre meilleurs ; ce qui eut, comme on ſait, un merveilleux ſuccès.

Dépoſition. Les Evêques ſeuls ont droit de juger & de dépoſer un Evêque ; les Souverains, ſans ſacrilége, ne peuvent exercer ce droit ; depuis que Samuël dépoſa le Roi Saül, les Evêques ont acquis le droit de dépoſer les Rois ; d’où l’on voit que c’eſt très-légitimement que Louis le Débonnaire fut dépoſé par des Evêques au Concile de Soiſſons, & que le Pape a le droit inconteſtable de dépoſer les Rois.

Devoirs. Dans la Religion ce ſont ceux qui ſont fondés ſur les rapports qui ſubſiſtent entre les hommes & leurs Prêtres. D’où l’on voit que c’eſt aux Prêtres ſeuls à fixer les devoirs d’un bon chrétien. Ils conſiſtent à bien prier, à bien écouter ce qu’ils n’entendent point, & ſur-tout à bien payer les Miniſtres du Seigneur.

Dévotion. C’eſt un ſaint dévouement aux Prêtres, ou une pieuſe exactitude à remplir les pratiques qu’ils recommandent. Les dévots, c’eſt-à-dire, les Chrétiens, duement pénétrés de ces grands ſentimens, ont l’avantage d’être plats, ennuyeux, inſociables & par conſéquent très-dignes d’aller bien vîte en Paradis. Les dévotes ſont de ſaintes Bégueules qui travaillent efficacement au ſalut de tous ceux qui les approchent, en leur donnant un ſaint dégoût pour les choſes de ce monde ; le mari d’une dévote doit être au moins ſouvent tenté de ſe ſauver de chez lui.

Diable. C’eſt le Panurge de la cour céleſte ; la cheville ouvriere de l’Egliſe. Dieu pourroit d’un ſeul mot le replonger dans le néant, mais il s’en garde bien, il en a trop beſoin, pour mettre ſur ſon compte toutes les ſotiſes dont on pourroit l’accuſer ; il le laiſſe donc faire & ſupporte patiemment les tours de page qu’il joue ſans ceſſe à ſa femme, à ſes enfans, à lui-même. Dieu ne peut ſe paſſer du Diable ; la crainte de Dieu n’eſt ſouvent que la crainte du Diable ; c’eſt la Religion de beaucoup de bons dévots, qui ſans le Diable pourroient bien ne pas trop ſonger ni à Dieu ni à ſes Prêtres.

Dieu. Mot ſynonyme de Prêtres ; ou, ſi l’on veut, c’eſt le factotum des Théologiens, le premier agent du Clergé ; le chargé d’affaires, le pourvoyeur, l’intendant de l’Armée divine. La parole de Dieu c’eſt la parole des Prêtres ; la gloire de Dieu c’eſt la morgue des Prêtres ; la volonté de Dieu c’eſt la volonté des Prêtres. Offenſer Dieu c’eſt offenſer les Prêtres. Croire en Dieu c’eſt croire ce qu’en diſent les Prêtres. Quand on dit que Dieu eſt en colere, cela ſignifie que les Prêtres ont de l’humeur. En ſubſtituant le mot Prêtres à celui de Dieu la Théologie devient la plus ſimple des ſciences. Cela poſé, l’on doit conclure qu’il n’exiſte point de vrais Athées, vû qu’à moins d’être imbécille, on ne peut nier l’exiſtence du Clergé, qui ſe fait très-bien ſentir. Il y auroit bien un autre Dieu, mais les Prêtres ne s’en ſoucient point ; c’eſt au leur qu’il faut s’en tenir, ſi l’on ne veut ſe faire griller. Voyez Déiſme.

Dignités. Ce ſont des diſtinctions mondaines que dans la Religion d’un Dieu humble l’on accorde à ſes humbles miniſtres, à qui il ne convient plus d’être auſſi miſérables qu’il l’étoit lui-même pendant ſon ſéjour en ce monde.

Dimanche. Jour conſacré au Seigneur, c’eſt-à-dire deſtiné à rendre hommage à ſes Prêtres, en écoutant leurs beaux ſermons, en aſſiſtant à leurs cérémonies, en ſe joignant à leurs divins concerts, & en s’enyvrant enſuite à la Courtille.

Directeur. C’eſt un ſaint homme à col tors, communément très-friand ; dont la fonction eſt de venir dans les familles faire naître des ſcrupules, brouiller les Epoux, faire gronder les enfans & les gens, mettre à l’envers les cervelles des dévotes pour les guider plus ſûrement dans le chemin du ſalut.

Diſcipline. Ce ſont les arrangemens ou réglemens ſalutaires que les Miniſtres du Seigneur jugent convenables à leurs intérêts, & qu’ils changent, à volonté, pour ſe conformer aux intentions immuables de la Divinité.

Ce mot déſigne encore un inſtrument de corde ou de fil de fer, qui fait grand bien à l’ame quand on l’applique ſur le corps.

Diſpenſes. Permiſſions de mal faire que le Pape ou les Evêques accordent moyennant finance ; en vertu de ces diſpenſes ce qui étoit illicite & criminel devient légitime & permis, vû que le produit des diſpenſes augmente les fonds de la caiſſe du pere éternel & compagnie.

Diſputes. Débats édifians & intéreſſans que l’on voit aſſez ſouvent s’élever entre les interpretes infaillibles de la parole de Dieu, qui, pour le plus grand bien de ſon Egliſe, n’a point voulu parler trop clairement, de peur que ſes chers Prêtres n’euſſent point à ſe chamailler.

Divorce. Il eſt abſolument interdit aux Chrétiens, chez qui le mariage eſt indiſſoluble. Il en réſulte, ſans doute, les plus grands biens pour les Epoux, qui très-ſouvent ne peuvent s’accorder, car alors ils ſe tourmentent efficacement pendant toute leur vie, ce qui ne peut manquer de les conduire tout droit en Paradis. Le divorce n’eſt permis qu’aux Evêques, qui peuvent, quand ils veulent, troquer une femme pauvre pour en prendre une plus riche & plus coſſue.

Dixmes. Elles appartiennent de droit divin aux Miniſtres de l’Egliſe. Les Apôtres, comme chacun ſait, avoient les dixmes à Jéruſalem. La loi ancienne, abrogée par Jéſus-Chriſt, adjugeoit les dixmes aux Prêtres Juifs, d’où il ſuit que la dixme de tous les biens, doit, ſous la loi nouvelle, appartenir au Clergé. D’ailleurs rien n’eſt plus légitime que de faire travailler les laboureurs pour ce pauvre Clergé, qui fait de la Théologie pour eux, leurs femmes & leurs enfans.

Doctrine. C’eſt ce que tout bon Chrétien doit croire, ſous peine d’être brûlé, ſoit dans ce monde ſoit dans l’autre. Les dogmes de la Religion ſont des décrets immuables de Dieu qui ne peut changer d’avis que quand l’Egliſe en change.

Doigt de Dieu. Toutes les fois qu’un grand événement, ou une révolution, ou une calamité tournent au profit du Clergé, ces choſes indiquent le doigt de Dieu, qui a toujours en vue ſes bons amis les Prêtres, excepté quand la griffe de Satan donne au bon Dieu ſur les doigts.

Dominante. On appelle Religion dominante celle du Prince, qui à l’aide des ſabres, des bayonnettes & des mouſquets prouve invinciblement aux autres Religions de ſon pays qu’elles ont tort, que ſon confeſſeur a raiſon, & que c’eſt ſon Conſeil qui doit régler la croyance ou la foi.

Domination (eſprit de). L’ambition ou le deſir de dominer ſont des paſſions heureuſement inconnues des Miniſtres de l’Evangile ; leur Empire n’eſt point de ce monde, il eſt tout ſpirituel ; contens de dominer ſur les eſprits, ils ne craignent point que les corps, ou les étuis des eſprits, manquent jamais d’être ſouples à leurs ſaintes volontés.

Donations. Ce ſont les préſens que l’Egliſe, par bonté pour ſes enfans, conſent à recevoir de leurs mains profanes ; le Clergé reſſemble à Meſſer Aldobrandin qui homme à préſens étoit ; non qu’il en fît, mais il en recevoit. Tout ce qu’on donne à Dieu appartient au Clergé. Dabunt Domino & erit Sacerdotis. Voyez NOMBRES chap. v. ℣. 8.

Dons gratuits. De droit divin le Clergé ne doit rien à l’Etat ; s’il contribue à ſes beſoins c’eſt par condeſcendance pure ; il ne vit dans l’Etat que pour être protégé, reſpecté, payé ; il lui fait aſſez d’honneur en l’honorant de ſa préſence, en l’aidant de ſes prieres, en l’éclairant de ſes lumières, en le ſoulageant de ſes écus.

Douceur Evangélique. Elle conſiſte à inculquer la foi à force d’injures, de menaces & de ſupplices ; c’eſt à l’aide de ces bonbons que l’Egliſe fait avaler à ſes enfans la pillule de la foi.

Dragons. Miſſionnaires très-Orthodoxes que la Cour de Verſailles envoya aux Huguenots pour argumenter contre eux ſur la Transſubſtanciation, les ramener au giron de l’Egliſe, & leur prouver que le Pape & le Confeſſeur du Roi ne peuvent jamais ſe tromper.

Droit canonique. C’eſt le recueil des loix, des ordonnances, des conſtitutions, des déciſions, des Bulles &c. que les Miniſtres du Seigneur ont imaginé pour former la juriſprudence ſacrée qu’ils ſe ſont faite à eux-mêmes. Elle eſt quelquefois contraire à la raiſon, à la juriſprudence civile, aux droits des Souverains, & même au droit naturel, mais tous ces droits ſont faits pour céder à des droits divins.

Droits divins. Ce ſont les droits dont jouiſſent inconteſtablement tous ceux qui ſont aſſez forts pour empêcher les autres de conteſter leurs droits, ou qui ne ſont point curieux de les voir diſcuter. Dieu, comme on ſait, eſt la même choſe que ſes Prêtres, d’où il ſuit que les droits des Prêtres ſont toujours des droits divins. L’Egliſe jouit de droit divin du droit inconteſtable de ſe faire des droits divins, d’empêcher que jamais l’on ne doute de ſes droits divins.

Dureté. On reproche communément la dureté aux gens d’Egliſe ; c’eſt en eux un effet de la plus ſublime vertu ; un bon Chrétien doit être parfaitement inſenſible. Il eſt un parfait Prêtre quand Dieu lui fait la grace de joindre une tête de fer à un cœur d’airain ; lorſqu’il a bien dîné, le monde entier doit lui être indifférent. C’eſt près du lit des moribonds que l’on voit ſur-tout briller le Stoïciſme Sacerdotal. Voyez Mourans.